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  • Rolls-Royce Phantom : le secret d’un siècle de luxe sans compromis

    Rolls-Royce Phantom : le secret d’un siècle de luxe sans compromis

    Que voit-on réellement en contemplant une lignée complète de Rolls-Royce Phantom, cette icône qui a célébré son centenaire ? Évidemment, l’opulence, la taille démesurée et le prix inabordable. Mais pour le chef du design de Rolls-Royce, Domagoj Dukec, la clé de la réussite du constructeur de Goodwood réside dans l’analyse non pas des similarités, mais des différences entre les huit générations.

    Le succès de la Phantom n’est pas le fruit d’une formule figée, mais d’une réinvention constante qui anticipe les désirs des ultra-riches.

    Ne jamais créer une icône : la philosophie du mieux

    Selon Dukec, l’erreur serait de tenter de créer une icône ou de s’accrocher à la légende. L’objectif unique doit être de concevoir une « grande voiture » qui dépasse les attentes de l’acheteur.

    La mission du design chez Rolls-Royce se résume à une lecture presque télépathique du client :

    « Vous devez comprendre ce que le client veut, ce qu’il ne peut obtenir nulle part ailleurs. Ne continuez pas à donner aux gens plus de la même chose, même si c’est ce qu’ils pensent vouloir. Donnez-leur mieux. Utilisez la technologie. Lisez dans l’esprit du client. Sachez ce qu’il aimera avant même qu’il n’y pense. »

    Le véritable luxe, pour ces clients, est une « expérience très authentique », où chaque élément est présenté « dans sa forme la plus pure ». Cette quête de perfection est un écho direct aux fondateurs, Charles Rolls et Henry Royce, qui poussaient constamment en avant, utilisant les idées les plus novatrices — du moteur V12 de la Mk3 à la connectivité avancée de la Mk8 actuelle.

    La Centenary Edition : quand la huitième génération devient une capsule temporelle

    Pour célébrer ses 100 ans, Rolls-Royce a dévoilé une édition limitée à 25 exemplaires de l’actuelle Phantom, tous déjà vendus. Si l’extérieur se distingue par une livrée noir et blanc saisissante et un design de jantes hypnotique, c’est l’intérieur qui illustre la fusion entre histoire et artisanat moderne.

    Le design intérieur, mené par le responsable du design sur mesure Matt Danton, est le résultat de trois ans et demi de recherche approfondie dans les archives :

    • L’Art du Récit : L’habitacle est une capsule temporelle brodée et gravée au laser, capturant cent ans d’histoire. Les sièges, les panneaux de porte et la garniture de toit présentent des représentations de lieux significatifs pour la Phantom. Les sièges arrière, par exemple, illustrent le siège social de Rolls-Royce à Conduit Street, Mayfair, en 1913.
    • Techniques Rares : Pour atteindre ce niveau d’exclusivité, l’équipe a eu recours à des techniques artisanales inédites, notamment la dorure à l’or 24 carats et la marqueterie 3D.

    L’intérieur n’est pas qu’une simple décoration ; c’est un « master artwork » conçu pour que les propriétaires y découvrent des détails cachés (Easter eggs) pendant des années. La Phantom Centenary est la preuve que chez Rolls-Royce, le luxe du futur se construit en maîtrisant l’artisanat du passé et en anticipant le désir inassouvi de l’unique.

  • Le pari Vegas : quand la Formule 1 embrasse le show business

    Le pari Vegas : quand la Formule 1 embrasse le show business

    Parier sur Las Vegas pour accueillir un Grand Prix de Formule 1 relevait presque de l’évidence. Et pourtant, le succès rencontré par l’épreuve disputée autour du Strip, en novembre 2023 puis en 2024, dépasse les prévisions les plus optimistes. Derrière l’exubérance typiquement américaine, l’événement s’impose comme une pierre angulaire de la stratégie d’expansion de la F1 aux États-Unis. Mais au-delà des paillettes, peut-il devenir un rendez-vous durable et crédible du calendrier ?

    Las Vegas 2.0 : le retour du mirage

    La première tentative d’implanter la Formule 1 à Las Vegas remonte aux années 1980. Le Caesars Palace Grand Prix (1981 et 1982) avait tout de l’expérience ratée : un tracé improvisé sur un parking, un sens antihoraire peu naturel, une chaleur accablante et une ambiance générale qui tenait plus du pensum que de la fête. Le projet avait été enterré aussi vite qu’il était apparu.

    Quarante ans plus tard, c’est un tout autre Vegas qui se présente. Reine incontestée du divertissement, la ville accueille chaque année près de 40 millions de visiteurs. Son économie touristique repose autant sur les spectacles que sur les événements sportifs. Dans un tel décor, la F1 version Liberty Media — qui se rêve autant plateforme de contenu global que championnat du monde — ne pouvait que trouver un terrain d’expression idéal.

    2023 : le jackpot inattendu

    Le Grand Prix inaugural, disputé en novembre 2023 sur un circuit urbain de 6,2 km longeant les grands hôtels-casinos, avait tout du pari à haut risque. Investissement initial de 500 millions de dollars, construction d’infrastructures temporaires, reconfiguration complète du Strip, critiques des riverains et une billetterie oscillant entre 1 000 et 13 000 dollars la place. Sans oublier les critiques des pilotes, à commencer par Max Verstappen, dénonçant un événement « 99 % show, 1 % sport ».

    Et pourtant, une fois les feux éteints, ce fut un coup de maître. 315 000 spectateurs cumulés sur le week-end, une course haletante ponctuée de 82 dépassements, une lutte à trois entre Verstappen, Leclerc et Pérez jusqu’au dernier tour, et des retombées économiques estimées à 1,5 milliard de dollars pour la ville — bien plus que le Super Bowl organisé trois mois plus tard. ESPN résumait ainsi : « La F1 a rompu avec la plus vieille tradition de Vegas : ici, le casino a perdu ».

    2024 : entre consolidation et rationalisation

    Pour la deuxième édition, les attentes étaient élevées. La ville espérait confirmer sa position de nouvel épicentre du sport automobile outre-Atlantique. Si l’impact économique a fléchi (934 millions de dollars), le spectacle est resté au rendez-vous. George Russell, dans une course tendue et tactique, s’est imposé face à Verstappen, Hamilton, Sainz et Leclerc, dans une ambiance moins tapageuse, mais tout aussi festive.

    Les leçons de 2023 ont été retenues. Moins de gadgets, plus de sport. Les cérémonies d’ouverture ont gagné en sobriété, les problèmes logistiques — à commencer par les bouches d’égout mal fixées, à l’origine de l’accident de Carlos Sainz lors des premiers essais libres en 2023 — ont été corrigés. L’événement a trouvé son équilibre.

    Un futur à construire

    Derrière les chiffres et le glamour, l’avenir du Grand Prix de Las Vegas n’est pas totalement garanti. Si la ville a donné son feu vert jusqu’en 2032, le contrat initial ne porte que sur trois éditions (2023–2025), et Liberty Media a reconnu avoir « manqué ses attentes internes de revenus » pour 2024. Cela n’empêche pas son patron, Derek Chang, de considérer l’épreuve comme « clé dans notre stratégie d’expansion américaine ».

    Et pour cause : la F1 ne s’est jamais aussi bien portée sur le sol américain. Miami, Austin et Las Vegas forment un triptyque qui capte un nouveau public, jeune, urbain, peu initié à l’histoire du sport mais fasciné par l’esthétique, les rivalités et le storytelling. Le Grand Prix de Las Vegas, par sa capacité à faire converger célébrités, sponsors et médias, coche toutes les cases de cette nouvelle donne.

    Entre tradition et modernité

    Les puristes s’agacent — parfois à juste titre — de cette F1-spectacle, où la mise en scène semble parfois prendre le pas sur la compétition. Mais Vegas n’est ni Spa, ni Suzuka, ni Monza. C’est un autre monde, une autre philosophie. À sa manière, le Grand Prix du Nevada s’inscrit dans la lignée des rendez-vous atypiques qui ont ponctué l’histoire du championnat : Monaco pour l’élite, Interlagos pour la passion, Silverstone pour la tradition… et Las Vegas pour le show.

    En s’implantant durablement à Las Vegas, la Formule 1 joue gros, mais pas à la roulette. C’est un pari calculé, parfaitement aligné avec les ambitions globales de Liberty Media. Encore faut-il que le spectacle reste à la hauteur des attentes sportives. Car dans ce temple du faux-semblant, seule la vérité du chrono peut faire foi. À Vegas comme ailleurs, le roi reste celui qui passe le drapeau à damier en premier.

  • L’Elettrica : l’hyper-GT électrique de Ferrari, génie technique et doute stratégique

    L’Elettrica : l’hyper-GT électrique de Ferrari, génie technique et doute stratégique

    Maranello vient de jouer une partition à contretemps, mais d’une complexité fascinante. Lors de sa journée dédiée aux investisseurs, Ferrari a présenté les détails techniques de sa première voiture 100 % électrique, provisoirement baptisée l’Elettrica. Dans le même temps, la marque a révisé drastiquement ses prévisions de motorisation pour 2030, signalant un pivot stratégique majeur.

    Le résultat ? L’action Ferrari a connu sa pire chute quotidienne. L’Elettrica est acclamée comme l’une des voitures les plus sophistiquées jamais construites, mais la question demeure : qui achètera cette Ferrari sans moteur thermique ?


    Le grand virage stratégique

    En 2022, Ferrari prévoyait que les véhicules électriques (VE) représenteraient 40 % de ses ventes en 2030, à égalité avec les hybrides. Le PDG, Benedetto Vigna, a annoncé une révision totale de cette feuille de route, bien plus favorable au thermique :

    Prévision 2022 (Ventes 2030)Nouvelle Prévision 2030
    VE : 40 %VE : 20 %
    Hybrides : 40 %Hybrides : 40 %
    Therm. : 20 %Therm. : 40 %

    Ce retour en force du moteur à combustion (y compris le V12 et le V8 biturbo, qui seront développés au-delà de 2030 pour être compatibles avec les e-carburants) est une concession faite à la demande persistante des clients puristes. Il est révélateur que même Ferrari, pionnier de l’hybridation de performance, doive céder au désir de ses clients de maintenir le son et l’âme mécaniques.

    Cet épisode a d’ailleurs été souligné par le retour au bouton de démarrage physique sur le volant, remplaçant un capteur tactile décrié, prouvant que même à Maranello, le feedback client sur l’expérience analogique prévaut sur la technologie.

    L’Elettrica : une hyper-GT de rupture

    Si le marché peine encore à accepter l’idée d’une Ferrari électrique, la fiche technique de l’Elettrica est un manifeste d’ingénierie :

    • Format et Puissance : Le véhicule sera une GT quatre portes, et non une supercar allégée, car Ferrari estime que l’actuelle chimie des batteries ne peut compenser le surpoids nécessaire à une supercar électrique. La puissance totale dépasse les 1 000 ch (avec quatre moteurs électriques, deux par essieu) pour un 0 à 100 km/h en moins de 2,5 secondes.
    • Performance et Poids : Avec une batterie de 122 kWh (brut), l’Elettrica affiche un poids de 2 300 kg, soit environ 300 kg de moins qu’un Porsche Cayenne Electric Turbo de puissance similaire. La batterie est développée par Ferrari, les cellules étant fournies par le partenaire de longue date SK On.
    • Technologie des Moteurs : Pour la gestion thermique (le talon d’Achille de la performance électrique), Ferrari a écarté le refroidissement direct par huile (comme chez Porsche) au profit d’une résine à haute conductivité thermique, imprégnée sous vide dans le stator. Celle-ci permet d’évacuer efficacement la chaleur tout en augmentant la résistance mécanique des moteurs face aux forces centrifuges.

    Ce qui confère à l’Elettrica son titre de « voiture la plus sophistiquée jamais construite », c’est la marge de manœuvre dynamique offerte par les quatre moteurs, la suspension entièrement active et la direction indépendante des roues arrière. Les ingénieurs de Maranello disposent ainsi d’une « boîte à outils » numérique inédite pour défier les lois de la physique en matière de comportement routier.


    La question de l’âme : bruit et « boîte de vitesses »

    La plus grande hérésie pour un Ferrarista est l’absence de son et de boîte de vitesses. L’Elettrica propose des solutions pour combler ce vide :

    • Le « Bruit Authentique » : Le son ne sera pas une simple simulation. Un accéléromètre monté sur le carter du moteur arrière captera ses vibrations naturelles (variant en fonction de la vitesse et de la charge). Un système électronique annulera les fréquences désagréables et amplifiera les « belles » fréquences, créant un son authentique amplifié (comparé à une guitare électrique : la source est naturelle, mais l’amplification est électronique).
    • La « Boîte de Vitesses » : L’Elettrica sera équipée de palettes et d’une séquence de cinq niveaux de couple prédéterminés pour simuler le plaisir et l’engagement d’une boîte de vitesses conventionnelle.

    Alors que le PDG Vigna affirme ne pas vouloir forcer ses clients historiques à acheter l’Elettrica, les acheteurs potentiels se trouvent parmi les collectionneurs complétistes et les nouveaux clients désireux d’entrer dans le cercle fermé de la marque. Sans surprise, la Chine est un marché clé, où l’acceptation du VE est forte et où les véhicules importés à gros moteurs sont lourdement taxés, rendant l’Elettrica particulièrement compétitive.

    Malgré toute sa sophistication technique, l’Elettrica arrive dans un marché du luxe qui préfère freiner son électrification, la rendant, paradoxalement, le produit d’une vision futuriste datée de quelques années.

  • L’Alfa Revival Cup : rendre leurs hémicycles aux légendes d’Autodelta

    L’Alfa Revival Cup : rendre leurs hémicycles aux légendes d’Autodelta

    Dans le paysage foisonnant des courses historiques européennes, l’Alfa Revival Cup (ARC) s’est imposée comme une référence incontournable. Ce championnat monomarque, dédié aux GT et Tourisme Alfa Romeo de l’ère classique, est bien plus qu’une simple série de gentlemen drivers ; il est une véritable capsule temporelle redonnant vie à l’âge d’or de la compétition milanaise.

    La nécessité d’un championnat dédié

    Si les modèles Alfa Romeo de compétition – de la Giulietta SZ à la Giulia Sprint GTA – ont toujours été présents dans les grilles de départ des grands événements historiques (comme Le Mans Classic ou le Dix Mille Tours), il manquait, notamment en Italie, un championnat entièrement dédié à cette marque au patrimoine si riche.

    L’initiative, portée par des passionnés et structurée par l’organisation Canossa Events, est née de ce désir de centraliser l’héritage sportif d’Alfa Romeo. Le cahier des charges fut clair : créer un environnement compétitif où la pureté technique et l’authenticité des voitures seraient préservées, mais où la compétition serait farouche, à l’image des duels épiques des années 60 et 70. L’objectif n’était pas de voir des voitures parader, mais de les voir piloter à la limite sur des circuits exigeants.

    Une grille de départ légendaire

    L’attrait majeur de l’Alfa Revival Cup réside dans l’incroyable diversité et la qualité des voitures éligibles. Le règlement technique, strictement encadré (véhicules de 1947 à 1981), garantit un plateau qui est une véritable rétrospective technique :

    • L’ère GTA : Les reines incontestées sont souvent les Giulia Sprint GTA et GTAm, incarnations de l’œuvre du département course Autodelta, sous la houlette de Carlo Chiti. Ces voitures, taillées pour le Touring Car, offrent un spectacle sonore et visuel incomparable.
    • La robustesse tourisme : Les berlines bodybuildées comme la Giulia Super et la Alfetta GTV rappellent l’omniprésence d’Alfa Romeo dans les championnats nationaux et européens de Tourisme.
    • Les premières séries : Les puristes retrouvent également les Giulietta Sprint Veloce et SZ Coda Tronca, symboles de l’ingénierie légère d’avant-guerre et d’après-guerre.

    Ces voitures sont souvent réparties en classes selon la cylindrée et l’année d’homologation, assurant des batailles équilibrées à tous les niveaux du peloton.

    Le parcours d’un championnat d’endurance

    Le format de course de l’Alfa Revival Cup est lui aussi un clin d’œil à l’histoire. Il privilégie généralement des courses longues d’une heure avec un arrêt obligatoire pour le changement de pilote. Ce format favorise non seulement la stratégie d’équipe, mais permet surtout de rendre hommage aux courses d’endurance qui ont forgé la réputation d’Alfa Romeo.

    Au fil des saisons, l’ARC est devenue une série internationale. Bien que très ancrée en Italie (Mugello, Imola, Misano), elle s’est exportée vers des temples de la course comme Spa-Francorchamps et le Red Bull Ring, confirmant son statut de série de référence pour tous les Alfisti possédant une voiture de course historique. L’Alfa Revival Cup est, en substance, la preuve vivante que la compétition dans le respect du patrimoine peut générer un spectacle aussi pur qu’intense.

  • Le deal à mille milliards de dollars : Elon Musk vaut-il vraiment la fortune de Tesla ?

    Le deal à mille milliards de dollars : Elon Musk vaut-il vraiment la fortune de Tesla ?

    L’enjeu n’est plus seulement automobile, il est économique et culturel. Alors qu’Elon Musk menace ouvertement de réduire sa participation dans Tesla, voire de quitter l’entreprise, si sa part du capital n’atteint pas au moins 25 % – un seuil qu’il juge nécessaire pour contrer les tentatives d’OPA ou les actionnaires activistes – la Présidente du Conseil d’administration, Robyn Denholm, a répliqué avec une proposition de rémunération potentielle atteignant le vertigineux chiffre de mille milliards de dollars.

    Cette manœuvre n’est pas un simple ajustement salarial, mais une stratégie de verrouillage destinée à maintenir l’homme qui incarne la valeur boursière du groupe.

    L’effet Elon : quand le PDG est une bulle boursière

    Pour comprendre cette somme faramineuse, il faut analyser la valorisation actuelle de Tesla. L’indicateur clé est le ratio cours/bénéfice (P/E).

    • Un constructeur automobile classique comme GM évolue autour de 6 fois ses bénéfices annuels attendus.
    • Même un géant technologique hyper-performant comme Nvidia, moteur de la révolution IA, se négocie autour de 30 fois ses bénéfices.
    • Tesla, lui, frôle l’incroyable ratio de 170 fois ses bénéfices.

    Cette valorisation stratosphérique n’est plus liée à la vente de voitures — dont les profits et les volumes ont même fléchi récemment. Elle est intégralement basée sur le futur : les Robotaxis, les robots humanoïdes (Optimus) et le potentiel de l’Intelligence Artificielle promus par Musk. En clair, le cours de Tesla est une mise sur les promesses d’Elon Musk. Son départ provoquerait, de l’avis général, un effondrement immédiat du cours.

    Un accord non-cash aux objectifs fous

    Si le montant des mille milliards de dollars fait les gros titres, il est important d’en décortiquer la structure, car aucune partie n’est versée en espèces (cash) :

    1. Rémunération 100 % en Actions : Musk ne reçoit ni salaire ni bonus en espèces. La somme est la valeur potentielle des 12 % d’actions supplémentaires qu’il recevrait.
    2. Objectifs Sensationnels : Pour que l’intégralité de la somme soit versée (en actions), Tesla devrait multiplier sa capitalisation boursière par huit, atteignant 8 500 milliards de dollars, et multiplier ses bénéfices ajustés par 24, atteignant 400 milliards de dollars.
    3. Déclencheurs progressifs : Les actions sont débloquées en douze tranches. La première n’est activée que lorsque Tesla double sa valeur pour atteindre 2 000 milliards de dollars.

    L’objectif réel de Musk n’est pas la richesse (il est déjà l’un des hommes les plus fortunés du monde), mais le contrôle. Ce deal lui permettrait d’atteindre entre 25 et 32 % du capital, lui conférant une influence quasi-dictatoriale et la capacité de bloquer les prises de contrôle hostiles.

    Le scénario de la rupture : Tesla sans Musk

    Malgré l’urgence des actionnaires à sécuriser Musk, des contestations judiciaires passées ont déjà annulé un deal similaire (de 56 milliards de dollars) et de nouvelles batailles légales sont probables. Que se passerait-il si Musk quittait vraiment ?

    Tesla serait immédiatement valorisée comme une entreprise automobile conventionnelle, ce qui signifierait un crash boursier majeur. Ironiquement, cela pourrait créer les conditions d’une Tesla plus saine et plus focalisée :

    • Retour au Noyau : Un nouveau PDG pourrait se désintéresser des robots Optimus pour se concentrer sur le cœur de métier : l’automobile.
    • Renouvellement de la Gamme : La gamme Tesla est vieillissante. Un nouveau leadership pourrait lancer des remplaçants et combler des lacunes évidentes, notamment le fameux modèle d’entrée de gamme à 25 000 dollars, le « Model 2 », qui a été mis de côté au profit de la vision Robotaxi.
    • Le Retour des Talents : Le départ de Musk pourrait inciter de nombreux cadres supérieurs qui ont récemment quitté Tesla (comme l’ex-CTO JB Straubel, ou des figures clés de la robotique et de la batterie) à revenir ou à cesser d’aider la concurrence. Des personnalités de haut vol, comme Doug Field (aujourd’hui chez Ford) ou Sterling Anderson (chez GM), pourraient même être tentées de reprendre les rênes.

    Sans le rêve de la Robot-nation de Musk, Tesla perdrait peut-être sa plus-value boursière spéculative, mais pourrait retrouver une efficacité opérationnelle face à la concurrence féroce des constructeurs chinois comme BYD. Le futur de Tesla est donc un dilemme : le génie dictatorial et risqué d’Elon, ou la gestion automobile et pragmatique d’un successeur.

    A moins que ce ne soit que du story-telling…

  • L’Eunos Cosmo : l’hyper-luxe oublié de Mazda, géniteur de la voiture connectée

    L’Eunos Cosmo : l’hyper-luxe oublié de Mazda, géniteur de la voiture connectée

    L’histoire de l’automobile regorge de modèles dont l’ambition technique a dépassé le succès commercial. L’un des exemples les plus frappants nous vient du Japon des années bulle : la Mazda Eunos Cosmo de génération JC (1990-1995). Au-delà de ses lignes intemporelles et de sa mécanique exotique, ce coupé de Grand Tourisme est un monument d’avant-gardisme technologique, l’ancêtre méconnu de la voiture connectée moderne.

    La tentation du luxe : l’ère des marques jumelles

    À la fin des années 80, l’industrie japonaise est au sommet de son art et de sa richesse. Toyota (Lexus), Nissan (Infiniti) et Honda (Acura) créent leurs divisions de luxe pour cibler les marchés occidentaux, notamment celui des États-Unis, où les restrictions sur le volume d’exportation rendaient plus lucratif l’envoi de véhicules à forte marge.

    Mazda, alors connu pour des voitures audacieuses (MX-5, RX-7), ne fait pas exception. Le constructeur planifiait le lancement d’une marque premium nommée Amati. Le vaisseau amiral de cette nouvelle entité devait être la berline Amati 1000 (finalement lancée comme Mazda Sentia), secondée par ce coupé exceptionnel. Le Eunos Cosmo (Eunos étant l’un des multiples réseaux de distribution de Mazda au Japon, spécialisé dans le luxe et la sportivité) était ainsi le laboratoire roulant de ce luxe japonais d’avant-garde.

    La crise économique japonaise du début des années 90 coupera court au projet Amati, mais le Cosmo fut bien commercialisé sur le marché intérieur, portant l’ADN technique de cette ambition déchue.

    Le Wankel à trois rotors : une signature mécanique unique

    Si le Eunos Cosmo s’est distingué, c’est d’abord par son cœur. Mazda, seul constructeur à s’être obstiné avec le moteur rotatif, a équipé son GT d’une motorisation exclusive : un moteur Wankel tri-rotor 20B-REW.

    Ce bloc, gavé par deux turbocompresseurs, développait 311 ch et 407 Nm de couple. C’était un exploit technique : le Cosmo était capable d’atteindre 100 km/h en seulement 5,3 secondes et une vitesse de pointe de 255 km/h. Ces chiffres lui permettaient de rivaliser directement avec les références allemandes de l’époque, comme la BMW 850i ou la Mercedes SL 500, tout en se contentant d’une cylindrée nettement inférieure. Le revers de cette prouesse fut une soif en carburant légendaire, caractéristique des rotatifs, exacerbée ici par l’architecture tri-rotor.

    L’interface homme-machine : le CCS révolutionnaire

    L’héritage le plus durable du Cosmo réside dans son habitacle. Au centre du tableau de bord trônait le « Car Communication System » (CCS).

    Dès 1990, le CCS proposait :

    1. Un Écran Tactile Central : Pour la première fois de manière aussi complète, le Cosmo intégrait un grand écran tactile pour gérer une majorité des fonctions. Même la climatisation automatique était contrôlée via cet affichage.
    2. La Navigation GPS : L’élément de rupture. Bien que le système, fourni par Mitsubishi Electric, n’était précis qu’à environ 50 mètres (largement suffisant pour l’époque), il faisait du Eunos Cosmo l’une des premières voitures de production au monde à proposer un système de navigation GPS intégré à l’écran central. À titre de comparaison, le système précurseur de Honda, l’Electro Gyrocator (lancé en 1981 sur l’Accord, mais basé sur la navigation inertielle gyroscopique), était une boîte séparée, peu pratique et rapidement retirée du marché.
    3. Divertissement et Communication : L’écran tactile permettait même d’accéder à la télévision (via le tuner analogique de l’époque) et à des fonctions de téléphonie embarquée.

    Malgré son avance technique de dix ans sur certains constructeurs allemands et son style coupé d’une élégance rare, le Cosmo ne fut produit qu’à moins de 9 000 exemplaires jusqu’en 1995. Sa reconnaissance reste en deçà de son statut de véritable pionnier. Le Mazda Eunos Cosmo n’est pas seulement un vestige de l’âge d’or japonais, c’est l’un des premiers véhicules à avoir dessiné la plateforme numérique qui nous est aujourd’hui familière dans nos voitures.

  • Le sacre argenté : pourquoi cette Mercedes-Benz W196 R est la F1 la plus chère de l’histoire

    Le sacre argenté : pourquoi cette Mercedes-Benz W196 R est la F1 la plus chère de l’histoire

    L’histoire, le palmarès, et la rareté sont les trois piliers du culte automobile. Récemment, ces trois forces ont convergé lors d’une vente aux enchères historique, où une monoplace des années 50 est devenue la Formule 1 la plus chère jamais vendue. Il ne s’agit pas de n’importe quelle voiture, mais de la Mercedes-Benz W196 R, pilotée par l’Argentin mythique Juan Manuel Fangio, qui a atteint la somme colossale de 51,155 millions d’euros.

    Un prix digne d’un chef-d’oeuvre

    Cette vente, organisée par RM Sotheby’s à Stuttgart, n’était pas une vente classique ; c’était un événement en soi, la W196 R étant le seul lot proposé. Le prix final, 51,155 millions d’euros, pulvérise l’ancien record pour une Formule 1, établi en 2013 par une autre W196 (version sans carrosserie profilée) vendue à 19 millions de livres sterling. Elle se positionne désormais comme la deuxième voiture la plus chère jamais vendue aux enchères, juste derrière sa cousine : le coupé Mercedes 300 SLR ‘Uhlenhaut’ (135 millions d’euros en 2022).

    Mais qu’est-ce qui rend ce châssis si unique ? C’est le mélange d’une histoire courte, fulgurante et tragique.

    L’ère Fangio et la carrosserie oubliée

    La W196 R a marqué le retour triomphal des Flèches d’Argent en Grand Prix après la Seconde Guerre mondiale, débutant par un doublé au GP de France 1954 (Fangio devant Karl Kling).

    Le châssis vendu (portant le numéro 00009/54) est intimement lié à l’ascension de Fangio :

    • Victoire en 1955 : Elle est la monoplace avec laquelle Fangio a remporté le Grand Prix de Buenos Aires (hors-championnat) au début de la saison 1955.
    • Pilotes de Légende : Bien qu’il ait piloté une version non-streamliner pour ses titres de 1954 et 1955, c’est cette même voiture (châssis 54) qui a été utilisée par Stirling Moss à Monza en 1955, où le Britannique a établi le tour le plus rapide.

    Le fait qu’elle porte la rare carrosserie profilée streamliner (ou stromlinienwagen) ajoute à son mythe. Conçue pour les circuits rapides avec peu de virages (comme Reims), elle s’est rapidement avérée inadaptée aux tracés plus sinueux en raison d’une tendance au sous-virage. Sa courte carrière en Grand Prix (deux courses en 1954 et un retour en 1955) a rendu cette version profilée excessivement rare.

    La destinée du collector : IMS et la tragédie du Mans

    L’histoire de ce châssis est également fascinante par sa destinée après la compétition. Suite au désastre du Mans en 1955, où l’accident de Pierre Levegh causa la mort de 83 spectateurs, Mercedes-Benz se retira de toutes les activités de sport automobile.

    Ce châssis 54, toujours vêtu de sa carrosserie profilée, fut conservé à Stuttgart jusqu’en 1965, date à laquelle Mercedes en fit don au tout nouveau Indianapolis Motor Speedway (IMS) Museum. Il est resté une pièce maîtresse du musée pendant six décennies.

    La vente actuelle était motivée par le besoin du musée d’IMS de sécuriser son avenir financier et de se recentrer sur une collection plus orientée sur l’histoire américaine. Cette monoplace est la première d’une collection de onze véhicules mis en vente, visant à lever près de 100 millions de livres sterling pour la restauration et l’expansion du musée.

    Comme l’a résumé Gord Duff de RM Sotheby’s, la W196 n’est pas qu’une voiture, mais « simplement l’une des voitures de course les plus importantes de l’histoire ». Sa valeur record n’est que la reconnaissance moderne du culte qu’elle a fondé.

  • Spyker : le retour éternel du phénix néerlandais

    Spyker : le retour éternel du phénix néerlandais

    Le cycle est à nouveau complet. Victor Muller, l’entrepreneur néerlandais à la poigne de fer et à la persistance troublante, a une fois de plus annoncé la renaissance imminente de Spyker, le constructeur d’hypercars au destin le plus tourmenté de l’industrie moderne. Si l’annonce réjouit toujours l’âme romantique des passionnés, elle soulève, pour les observateurs avertis, la question fatale : cette fois sera-t-elle la bonne, ou n’est-ce que le dernier acte d’un mythe condamné à se consumer ?

    Une histoire de faillites et de fierté

    L’histoire de Spyker est la négation même de la stabilité. Fondée en 1880 pour des carrosses, elle se lance dans l’automobile pionnière en 1899, mais subit sa première banqueroute dès 1907. Reconstituée, elle se tourne même vers l’aviation durant la Première Guerre mondiale, une inspiration qui nourrira plus tard le design de ses hypercars. Pourtant, après un nouveau sursaut, c’est l’arrêt de mort qui est prononcé en 1922.

    Le véritable mythe moderne prend forme en 1999, lorsque Victor Muller ressuscite la marque, récupérant son logo orné du phénix et sa devise latine : « Nulla tenaci invia est via » (Pour le tenace, aucune route n’est impraticable). C’est le début d’une nouvelle ère flamboyante.


    Le temps de la démesure : C8, F1 et Saab

    La seconde vie de Spyker fut celle de l’extravagance et de l’ambition sans limite :

    • Le Design Aéronautique : Les modèles de l’ère Muller — notamment la C8 et plus tard la C8 Preliator (2016) – ont captivé le monde par leur esthétique. Leur style est un hommage direct aux avions de combat de la Première Guerre, avec des intérieurs spectaculaires faits d’aluminium poli, de cuir matelassé et de manomètres complexes. L’intégration de la mécanique Audi (un V8 4.2L de 525 ch pour la Preliator) garantissait des performances respectables (322 km/h).
    • L’Escapade en F1 : En 2006-2007, Spyker s’offre une incursion éphémère et coûteuse en Formule 1, affirmant une ambition qui dépassait largement ses moyens.
    • L’Erreur Fatale : Le tournant désastreux intervient en 2010 avec l’achat de Saab. Cette opération, largement jugée démesurée, fut un bain de sang financier qui a drainé les ressources du petit constructeur d’hypercars.

    Les années qui ont suivi ont été une suite incessante de tentatives de sauvetage, d’accords avec les créanciers, de mise sous administration contrôlée, et de recours juridiques, aboutissant à une nouvelle banqueroute en 2021 et même à une plainte pour fraude contre Muller.

    Le phénix rechargé, les doutes persistants

    Aujourd’hui, Victor Muller annonce avoir trouvé un accord pour régler les litiges concernant les droits de propriété intellectuelle et les dettes, ouvrant la voie à une nouvelle relance.

    Le mythe du phénix n’a jamais été aussi pertinent. Spyker est condamné à renaître de ses cendres, non pas par nécessité industrielle, mais par la seule volonté de son fondateur, Victor Muller. Pour le spécialiste, l’enthousiasme du design unique (que l’on retrouve dans des détails comme l’inspiration des hélices pour les jantes) est contrebalancé par un historique d’instabilité chronique. Le retour de Spyker est un événement à suivre avec passion, mais surtout, avec une prudence extrême quant à sa viabilité à long terme.

  • Hoon is not dead : Subaru et Hoonigan relancent Gymkhana avec un BRAT de 670 chevaux

    Hoon is not dead : Subaru et Hoonigan relancent Gymkhana avec un BRAT de 670 chevaux

    Le SEMA Show de Las Vegas vient de lever le voile sur un événement que la communauté hoonigan attendait avec impatience : le retour de la série vidéo culte Gymkhana. Après la disparition tragique de son fondateur, le légendaire Ken Block, la pérennité de la franchise – qui cumule plus d’un demi-milliard de vues – était en suspens. L’annonce est sans équivoque : Hoonigan et Subaru Motorsports USA rechargent la machine à faire fumer le pneu, en confiant à Travis Pastrana une machine résolument nouvelle : le Subaru Brataroo 9500 Turbo.

    L’héritage Block, l’esprit Pastrana

    Depuis 2020, Travis Pastrana a repris le flambeau, mais cette nouvelle production marque un tournant, agissant comme un hommage vibrant et nécessaire à la tradition du Gymkhana : transformer la conduite de précision en spectacle chorégraphique et destructeur. Le choix de la Subaru BRAT (Bi-Drive Recreational All-Terrain Transporter) de 1978, un pick-up utilitaire déjà iconique pour sa rareté, est un clin d’œil parfait à l’histoire décalée et rallye de Subaru.

    Le tournage s’est déroulé en Australie, le pays qui a inventé le terme « hoon » (désignant la pratique du drift et des manœuvres agressives dans la rue). Le décor et le casting promettent de perpétuer les standards de la série : destructions massives de pneus, passages au ras du mur et, bien sûr, les sauts démesurés chers à Pastrana.


    Le Brataroo 9500 Turbo : la démesure technique

    Oubliez la mécanique utilitaire des années 70. Le Brataroo 9500 Turbo est une œuvre d’ingénierie extrême conçue par Vermont SportsCar (VSC).

    Sous la carrosserie en fibre de carbone, dont les lignes ont été réimaginées par l’artiste Khyzyl Saleem (The Kyza), se cache une bête de course :

    • Motorisation : Un moteur Boxer turbocompressé de 2,0 litres poussé à 670 ch et 920 Nm de couple. Le rupteur est fixé à plus de 9 500 tr/min, ce qui en fait la voiture Gymkhana la plus rageuse jamais construite.
    • Transmission : La puissance est gérée par la transmission intégrale classique Subaru, mais via une boîte séquentielle SADEV à six rapports et des différentiels de compétition.
    • Châssis : La structure repose sur un châssis VSC intégrant un arceau de sécurité aux dernières normes WRC.

    L’aérodynamique active : voler avec précision

    L’innovation la plus spectaculaire réside dans l’intégration de l’aérodynamique active, indispensable pour les sauts emblématiques de Pastrana. Le Brataroo est conçu pour voler et atterrir avec contrôle :

    • Aubes de Garde-Boue : Les persiennes des ailes avant peuvent pivoter pour ajuster l’assiette de la voiture en l’air.
    • Ailerons Arrière Multiples : La voiture utilise deux ailerons interchangeables. Un grand aileron pour une portance et une stabilité maximales à haute vitesse, et un plus petit pour les manœuvres de destruction de pneus. Les deux ailerons peuvent s’actionner vers le haut pour contrôler le tangage et la rotation lors des phases aériennes.

    Même l’habitacle rend hommage au BRAT original, intégrant un tableau de bord en fibre de carbone avec des accents en grain de bois composite de lin, et un poste radio CB Uniden d’époque. Comme le dit Pastrana, cette voiture est « la plus folle jamais construite » pour cette série. Le Gymkhana, dans sa forme la plus extrême et la plus sophistiquée, est bel et bien de retour.

  • Séisme en endurance : Porsche quitte le WEC, un adieu dorcé par la BoP ?

    Séisme en endurance : Porsche quitte le WEC, un adieu dorcé par la BoP ?

    Le sport automobile mondial vient d’encaisser un choc de taille : Porsche, le constructeur le plus titré aux 24 Heures du Mans, a annoncé son retrait de la catégorie Hypercar du Championnat du Monde d’Endurance (WEC) à l’issue de la saison. C’est plus qu’un départ ; c’est un signal d’alarme sur l’état du championnat, dicté par une combinaison de contraintes financières et, plus directement, de frustrations sportives non dissimulées.

    La priorité au marché nord-américain

    La décision de Porsche Motorsport, dirigée par Thomas Laudenbach, a été prise dans un contexte économique tendu, marqué par un recul des ventes et des bénéfices de la marque. Face à la nécessité de réduire les dépenses en compétition, l’un des trois programmes d’usine devait être sacrifié. La Formula E 2025-2026, nouveau défi électrique, n’était pas négociable.

    Le choix s’est donc porté sur l’un des deux engagements du prototype hybride 963 LMDh, géré par Porsche Penske Motorsport (PPM) : le WEC ou l’IMSA SportsCar Championship aux États-Unis. La raison de la survie de ce dernier est simple et pragmatique : l’Amérique du Nord est le plus grand marché de Porsche. Maintenir la présence dominante en IMSA était stratégiquement vital pour l’image de la marque.

    L’ombre de la Balance of Performance (BoP)

    Si la raison financière a facilité la décision, la justification sportive en est le cœur. Porsche a été remarquablement transparent sur son sentiment de ne pas concourir à armes égales en WEC, contrairement à ce qui se passe en IMSA, où la 963 a été dominante.

    L’objectif initial de la réglementation Hypercar (LMDh/LMH) était de permettre à une même voiture de concourir dans les deux championnats sous une BoP (Balance of Performance) équitable. Or, selon Porsche, cet équilibre a été rompu dans le championnat mondial.

    Thomas Laudenbach, sans prononcer le terme maudit de BoP (dont les discussions publiques sont interdites par le WEC), a été limpide :

    « L’aspect financier est là, ainsi que l’aspect sportif. L’idée originale était de construire une seule voiture et de courir dans les deux championnats avec un terrain de jeu équitable. Cela n’a pas fonctionné partout de la même manière. Cela a eu une influence sur notre décision. »


    La blessure du Mans

    Le point de rupture émotionnel fut sans doute les 24 Heures du Mans de cette année. Malgré une course quasi parfaite de la voiture #6 de Kévin Estre, Laurens Vanthoor et Matt Campbell, la 963 a terminé seconde, derrière la Ferrari 499P. Porsche estime avoir excellé sur tous les critères de la compétition moderne (stratégie, fiabilité, performance des pilotes), mais que la BoP a empêché la victoire.

    Laudenbach a souligné que la #6 aurait dû gagner, estimant qu’il y a des « choses à améliorer » dans l’organisation du WEC. En dépit d’un titre Pilotes WEC remporté l’an dernier et d’une chance de le conserver jusqu’à la finale de 2025 à Bahreïn, le constructeur aux 19 victoires au Mans n’a jamais remporté l’épreuve reine avec la 963. Le signal envoyé est clair : si l’équité n’est pas garantie, même le mythe s’en va.

    Ce retrait est un coup dur pour le WEC, qui voit partir un pilier historique au moment même où il attire de nouveaux constructeurs (Genesis, Ford, McLaren). La crédibilité de la BoP, pilier de cette nouvelle ère de l’endurance, est désormais sur la sellette.

  • L’antidote au carré : au volant du Tonale, le SUV Alfa Romeo

    L’antidote au carré : au volant du Tonale, le SUV Alfa Romeo

    Alfa Romeo redonne un coup de fouet à son SUV compact, le Tonale. Mais si le marché européen continue de lui préférer l’efficacité géométrique de la concurrence allemande, c’est que l’on n’a pas compris la philosophie de ce SUV. Le Tonale n’est pas conçu pour maximiser le volume de coffre ou les pourcentages de vente ; il est taillé pour l’œil, le toucher, et surtout, le plaisir du conducteur. L’antidote italien au SUV premium clinique est là.

    Un design qui ne cède rien au marché

    Le Tonale n’a jamais cherché à ressembler aux autres. Tandis que la plupart des SUV premium adoptent des lignes rigides et fonctionnelles, Alfa Romeo a sculpté le sien avec la passion que l’on attend de la maison de Milan. Le restylage est subtil, confirmant que le design initial était le bon. Les voies légèrement élargies renforcent son assise, lui donnant cette posture athlétique indispensable à un véhicule portant le Biscione.

    Même la contrainte réglementaire est tournée à l’avantage du style. Si la plaque d’immatriculation migre désormais au centre (adieu la tradition déportée, pas merci aux normes européennes), le regard acéré, inspiré des phares de la mythique SZ et RZ Zagato, reste inchangé. L’ajout de nouvelles teintes, comme un ocre particulièrement saillant, et des jantes de 19 ou 20 pouces (existe en plus petit), rappelle que le premier critère d’achat d’une Alfa doit toujours être l’émotion visuelle.

    L’émotion avant le ratio : la magie du châssis

    C’est derrière le volant que le Tonale impose son culte. Face à une concurrence allemande souvent jugée un peu aseptisée en conduite quotidienne, le SUV transalpin délivre une personnalité immédiate.

    La grande force du Tonale réside dans sa direction : d’une rapidité déroutante et d’une précision chirurgicale, elle rend la conduite ludique et engageante, même sur les petites routes secondaires. C’est le genre de direction qui détonne dans le segment, rappelant que l’ADN d’Alfa Romeo est avant tout celui des sensations. Que l’on opte pour les trains roulants McPherson de base (déjà très efficaces) ou pour la suspension électronique Dual Stage Valve des finitions plus cossues, le maintien de caisse est au rendez-vous sans jamais dégrader le confort.

    Bien sûr, la version hybride rechargeable (270 chevaux cumulés) montre ses limites en pure vigueur face à la concurrence. On regrette l’absence en Europe du 2.0 essence de 284 chevaux réservé au marché américain – une mécanique qui collerait parfaitement à l’esprit sportif de ce châssis. Mais le Tonale PHEV se rachète avec un autre atout pour les puristes : sa transmission intégrale permanente, qui peut se révéler un avantage tactique, notamment pour les escapades en montagne. La concurrence peut être plus puissante, plus rapide, mais jamais aussi adorable à conduire.

    L’intérieur : chic, pas clinique

    À l’intérieur, le Tonale assume une ambiance chic et plaisante. Le restylage apporte des touches subtiles comme le nouveau sélecteur rotatif de boîte de vitesses et l’introduction de nouvelles garnitures en cuir rouge ou en Alcantara.

    Si certains puristes allemands pourront souligner un raffinement moins chirurgical des assemblages, l’atmosphère est incontestablement italienne. L’instrumentation numérique est parfaitement lisible, complétée par un écran tactile de 10 pouces. Surtout, les sièges baquets offrent un excellent compromis entre confort pour les longs trajets et maintien en conduite dynamique.

    Le Tonale prouve qu’une voiture peut être une offre premium crédible tout en privilégiant le plaisir de rouler différent. Dans la jungle des SUV compacts, il est l’échappatoire : une ligne séduisante, un intérieur chic, un châssis agile, et un positionnement tarifaire qui ne pénalise pas (notamment grâce à l’hybride rechargeable échappant au malus). En dépit des chiffres de vente, le Tonale est un véhicule qui fait honneur au culte de la conduite italienne.

  • Century : l’héritage d’Akio Toyoda et le luxe « One of One » érigé en marque

    Century : l’héritage d’Akio Toyoda et le luxe « One of One » érigé en marque

    Le Japan Mobility Show (JMS) 2025 n’aura pas seulement été le théâtre de concept-cars futuristes ; il a officialisé une mutation stratégique majeure au sein du Groupe Toyota. Dans une allocution particulièrement émouvante devant les médias, Akio Toyoda a exposé une vision qui dépasse la simple motorisation : celle d’une « entreprise visant à façonner les cent prochaines années depuis le Japon ».

    La légende fondatrice : l’automobile au service de la nation

    L’histoire de Century, lancée en 1967, n’est pas celle d’une simple limousine. Akio Toyoda la replace dans le contexte d’un Japon en pleine reconstruction post-guerre, se préparant aux Jeux Olympiques de Tokyo. Il cite les mots fondateurs de son grand-père, Kiichiro Toyoda : « Il ne s’agit pas seulement de fabriquer des automobiles. Avec des idées et des compétences japonaises, nous devons créer une industrie automobile pour le Japon. »

    Le développement de la première génération, mené par l’ingénieur en chef Kenya Nakamura et le jeune Shoichiro Toyoda (père d’Akio), était guidé par la volonté de concevoir une voiture que le Japon pouvait présenter fièrement sur la scène mondiale : un véhicule qui devait être « sans égal » (To be like no other). Face au scepticisme d’une industrie sans réelle tradition de luxe, Nakamura aurait répondu : « La tradition viendra naturellement. Créons un nouveau genre de voiture de luxe. » La Century est donc née de la fusion audacieuse entre la technologie de pointe d’après-guerre et l’intégration profonde des savoir-faire artisanaux japonais, comme la gravure sur métal Edo pour l’emblème du phénix ou le brocart Nishijin-ori pour le tissu des sièges.

    De l’héritage familial à la mission personnelle

    Pour Akio Toyoda, la Century représente bien plus qu’une lignée de modèles. Il y voit l’incarnation de la philosophie de Kiichiro : « Contribuer au rétablissement pacifique du Japon et à la culture mondiale ». Le nom Century, qui renvoie à la fois au centenaire de l’ère Meiji et à la naissance du fondateur Sakichi Toyoda, symbolise désormais pour Akio l’ambition de « créer les cent prochaines années ».

    Dans un Japon contemporain qui traverse « les trente années perdues », le Président estime que la Century est plus que jamais nécessaire pour raviver la fierté japonaise. En s’appuyant sur les compétences du monozukuri (l’art de la fabrication), la marque est conçue pour exporter « l’esprit du Japon » dans le monde. La marque Century est désormais élevée au statut de « One of One », une entité distincte qui se veut le porte-étendard du Spirit of Japan.

    Le phénix se déploie : la nouvelle offre

    La stratégie de marque se traduit immédiatement par une diversification de la gamme :

    1. La berline classique : l’interprétation classique de la limousine de prestige.
    2. Le SUV Business-Casual : l’ajout controversé mais stratégique pour le marché actuel, déjà lancé.
    3. Le coupé chauffeur : la nouveauté présentée au JMS, caractérisée par une élégance de carrosserie et des portes coulissantes (à l’avant et à l’arrière côté passager). Ce coupé n’est pas destiné au conducteur, mais reste un véhicule à chauffeur, offrant des places arrière spacieuses et entièrement inclinables, même si, comme l’a souligné Akio Toyoda, il est conçu pour être plaisant à conduire le week-end.

    Le phénix, emblème de la Century qui, selon la mythologie japonaise, n’apparaît qu’en période de paix mondiale, devient ainsi la figure de proue d’une ambition renouvelée : faire de la marque Century, par son niveau de finition, sa tradition et sa rareté, le symbole ultime du luxe automobile japonais sur la scène internationale.