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  • La plus grande tricherie de l’histoire du sport automobile

    La plus grande tricherie de l’histoire du sport automobile

    Quelle est la plus grande tricherie de l’histoire du sport automobile ? Sans parler des manquements au règlement sportif, qui feront peut-être l’objet de futurs billets, quelques ingénieurs ont pensé à des solutions techniques visant à améliorer les performances des voitures, au mépris des lois.

    En F1, il y a eu les billes de plomb ajoutées lors des ravitaillements chez Tyrrell en 1984 pour maintenir un poids minimal en fin de course, le logiciel pirate (déjà !) de Benetton pour assurer une assistance électronique au pilotage en 1994, le double système d’amortisseurs de Brabham imaginé par Gordon Murray pour réinventer l’effet de sol en 1981, l’essence non conforme de Brabham (encore) en 1983 qui a coûté un premier titre à Renault (fraude démontrée, mais non jugée)… En rallye, un développement hors-norme a marqué l’histoire.

    Des performances trop remarquées en Australie

    Il y a vingt ans, à l’arrivée du Rallye de Catalogne 1995, les émissaires de la Fédération Internationale de l’Automobile (FIA) procèdent aux vérifications d’usage. En ligne de mire : le moteur des Toyota Celica GT-Four. Les soupçons sont rapidement transformés en accusation, la marque japonaise avait développé un système de bride capable de faire entrer davantage d’air qu’il n’était permis tout en ayant une apparence très normale lorsqu’il n’était plus en fonction.

    Au début de cette saison 1995, la FIA décide d’imposer des brides sur les turbos. Cette restriction sur l’entrée d’air prive les moteurs d’une partie de la puissance potentielle. Tous les blocs à combustion interne produisent de l’énergie en combinant un carburant et de l’oxygène. Une étincelle allume ce mélange qui repousse le piston pour transférer l’énergie vers les roues. La limitation de la quantité d’oxygène entrant dans le moteur limite effectivement la puissance produite autour de 300 chevaux. Cette bride (34 mm) se présente sous la forme d’une pièce métallique qui conduit l’air vers l’entrée du turbo.

    Dans un monde parfait, il suffit d’entrer un tube d’un diamètre défini pour contrôler la taille de la bride. Face à cette méthode, le dispositif inventé par Toyota passe tranquillement toutes les vérifications. Car le travail des ingénieurs est allé beaucoup plus loin !

    On peut imaginer qu’il a fallu une réelle campagne de développements, des dessins au bureau d’études, des passages au banc puis des séances d’essais afin de valider une pièce révolutionnaire.

    Toyota avait produit une bride équipée de ressorts et d’attaches capables de faire entrer de l’air par l’extérieur. Et quand cette bride était désengagée du turbo, le système se débrayait automatiquement et ne laissait plus rien apparaître.

    Lorsque l’affaire a été révélée, il était question de faire entrer 25 % d’air supplémentaire dans le turbo, soit un surcroît de puissance estimé à une trentaine de chevaux : un gain de 10 % sur la concurrence !

    Pourquoi un tel développement ?

    Bras armé de Toyota en Championnat du Monde des Rallyes, l’équipe Toyota Castrol Europe avait reçu l’instruction d’aligner une Celica en compétition à partir de 1989. Au cœur du team mené par Ove Andersson, cette décision du Japon n’avait rien d’un cadeau, car le dessin de la Celica n’était pas le plus adapté aux rallyes des années 1990.

    Le point fort du coupé Toyota était son moteur. Plus coupleux et plus puissant que la concurrence, il permettait à Carlos Sainz de décrocher deux titres Pilotes en 1990 et 1992, avant Juha Kankkunen (1993) et Didier Auriol (1994), tandis que Toyota s’adjugeait deux titres constructeurs en 1993 et 1994.

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    Mais l’arrivée des brides en 1995 annulait l’avantage des Celica. Sur les sept premières épreuves de la saison, seul Didier Auriol parvenait à s’imposer lors du Tour de Corse. Et pourtant, la régularité de l’équipe permettait à Toyota d’être en tête du classement des constructeurs devant Mitsubishi et Subaru et à Kankkunen de mener le classement des pilotes devant Colin McRae et son équipier Didier Auriol avant le départ du Rallye de Catalogne, septième et avant-dernière manche de la saison.

    Pour beaucoup, la FIA avait été renseignée au moment de choisir de contrôler la Toyota Celica GT-Four de Didier Auriol, arrivé quatrième en Espagne derrière trois Subaru Impreza.

    Seulement deux heures après l’arrivée, le 25 octobre 1995, la décision de mettre les Toyota hors course était prise. Et tout le monde était invité à Paris le 3 novembre pour statuer sur d’éventuelles autres sanctions.

    Dans les bureaux de la FIA, la décision était unanime auprès des 19 membres du Conseil Mondial : Toyota Castrol Europe perdait les points marqués durant la saison 1995 et était suspendu de licence durant 12 mois.

    « C’est une grosse tricherie, la plus grosse que j’ai vue dans ma vie », commentait alors Gabriele Cadringher, Directeur Technique de la FIA. « Nous avions des suspicions depuis le Rallye d’Australie. Les performances des Celica et leur décision de changer tout le système nous ont forcés à nous poser des questions. Le tuyau avait été modifié et l’extérieur de la bride également. En accord avec le Président de la Commission des Rallyes, nous avons donc décidé de faire des contrôles sur toutes les voitures durant le Rallye d’Espagne. »

    À l’époque, il s’est dit que des membres de l’équipe Toyota avaient eux-mêmes donné cette idée à la FIA, chose qui a toujours été démentie par la Fédération.

    Lors de la révélation de la tricherie, Max Mosley – alors président de la FIA – affichait un large sourire pour avoir attrapé le contrevenant : « Nous ne pouvions pas tirer d’autres conclusions. Un système très sophistiqué a été développé pour contourner le règlement, le plus sophistiqué que nous ayons pu voir. Toyota Castrol Europe est exclu du championnat 1995 et reçoit une suspension de licence pour une année. »

    Chez Toyota, le système mis en place a réclamé un réel développement. Plusieurs membres de l’équipe étaient donc à la manœuvre. La question de l’implication des pilotes s’est aussi posée. Avec l’arrivée des brides en 1995, chaque constructeur apportait des développements réguliers. Les pilotes devaient tester ces évolutions. Didier Auriol, qui s’est toujours défendu d’avoir été dans la confidence, a avoué avoir senti un surcroit de couple avant le Rallye d’Australie et une amélioration de la puissance moteur entre 6 000 et 7 000 tours / minute. « Nous l’avons pris comme une évolution et c’est tout à fait logique quand on travaille avec une équipe comme Toyota. Dans la voiture que j’ai conduite, il y a avait un petit peu plus de puissance, mais ce n’était phénoménal… De là à se douter qu’il y avait suspicion de tricherie ! »

    Interrogés à l’époque, Carlos Sainz et François Delecour, alors pilotes Subaru et Ford, avaient garanti qu’ils pouvaient sentir l’apport d’une trentaine de chevaux.

    « On peut très bien raconter des conneries, mais je crois qu’il y a des choses qui se passent », lâchait François Delecour. « La pièce passe dans la main d’ingénieurs, passe dans la main de mécaniciens… À partir du moment où il y a deux ou trois personnes qui le savent, ce n’est plus un secret. Avec un tel gain, alors que l’on nous répète qu’il n’y a pas de possibilité de surcroit de puissance avec cette bride, c’est qu’il y a réellement quelque chose. Il n’y a pas de miracle ! »

    Toyota Castrol Europe avait fait appel de la décision. Mais la FIA ne s’est pas déjugée. La sanction ne visait que l’équipe dirigée par Ove Andersson, pas Toyota en tant que marque. Des Celica ont continué de rouler en 1996, notamment pour Kankkunen, Grönholm ou Loix. Carlos Sainz, qui avait un contrat avec Toyota, a rebondi chez Ford et Auriol n’a été vu qu’à deux reprises. À mi-saison 1997, l’équipe (toujours) menée par Ove Andersson revenait en course avec une Toyota Corolla WRC. En 1998, Carlos Sainz et le Toyota Team Europe perdaient les titres mondiaux dans la dernière spéciale de la saison… La marque prendra sa revanche en 1999 avec le titre constructeur conquis par Auriol et Sainz.

    Cette affaire Toyota n’avait pas été le seul sujet du Rallye de Catalogne 1995. Après la sortie de route de Juha Kankkunen, avec l’une des Celica incriminées, Subaru récupérait les trois premières places du classement. David Richards, alors patron de l’équipe, figeait les positions pour donner la victoire à Carlos Sainz, devant Colin McRae et Piero Liatti. Cette décision, qui permettait à Subaru de passer en tête du championnat des constructeurs à égalité avec Mitsubishi, laissait Sainz et McRae s’affronter pour le titre lors de la huitième et dernière épreuve de la saison, avec un léger avantage pour Sainz, 70 points chacun et 3 victoires à une pour l’Espagnol.

    Mais Colin McRae n’a pas levé le pied. Il a continué d’attaquer pour terminer la dernière spéciale en tête, manquant de renverser David Richards qui s’était placé au milieu de la route, les bras en croix, en pleine spéciale, pour faire ralentir son pilote ! L’Écossais, forcé de suivre les ordres, prenait une pénalité en fin de course pour s’exécuter. Quatre semaines plus tard, il devançait Carlos Sainz de 36 secondes à l’arrivée du Rally GB et gagnait le titre mondial… Que l’on croyait être le premier d’une longue série.

  • Un constructeur sort ses griffes

    Un constructeur sort ses griffes

    Peugeot est une marque résolument sportive. Il n’y a qu’en France que le Lion a perdu de cette image malgré un engagement quasiment continu en rallye, rallye-raid, endurance, F1, encore rallye, encore endurance et j’en passe. Avec sa nouvelle définition R et l’annonce de son retour au Dakar, Peugeot ressort les griffes.

    18 janvier 2012… Annonce au cœur de l’usine Peugeot Sport de Vélizy. Dans quelques minutes, un communiqué va officialiser l’arrêt du programme 908 en endurance. Alors que la nouvelle voiture est prête, celle de la revanche, celle qui doit faire oublier 13,8 secondes… Tout s’arrête.

    PSA Peugeot Citroën traverse une grave crise. Moins de six mois plus tard, le groupe annonce la fin de la production sur le site d’Aulnay-sous-Bois. A Vélizy, on s’occupe avec les modèles de compétition-clients. On se concentre sur les développements de 208 Rally Cup et de la 208 T16 en rallye et sur la RCZ Peugeot Sport en circuit. Mais il faut se diversifier.

    L’absence de grand programme officiel permet de réfléchir à de nouvelles idées. Peugeot Sport s’empare du développement de la RCZ R, le modèle de série le plus puissant de la marque avec 270 chevaux sur les roues avant. Et on cherche à faire des coups à défaut de se relancer à la conquête de titres mondiaux.

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    Le projet idéal se dessine en 2013. Pour accompagner le lancement de la Peugeot 208 GTi, pourquoi ne pas concevoir une nouvelle voiture de course ? Avec un budget limité et des pièces de 908, Peugeot Sport conçoit une voiture pour Pikes Peak. Total, Red Bull, Michelin sont conquis. Un moteur de 875 chevaux est installé dans un châssis pour une masse total de 875 kilogrammes. Et surtout, logique de groupe, l’icône Sébastien Loeb est enrôlé.

    L’absence de rivalité dans le Colorado n’est pas un problème. Peugeot avait gagné Pikes Peak avec Ari Vatanen et Robby Unser en 1988 et 1989, Peugeot gagne à nouveau en 2013 avec Sébastien Loeb. Et l’extraordinaire 208 T16 Pikes Peak part faire une tournée des usines et des salons pour faire perdurer le rêve. Le coup marketing est un cas d’école.

    L’histoire ne dure que quelques semaines. Quelques semaines qui permettent de laisser passer la crise. Désormais, PSA Peugeot Citroën ne regarde plus vers le bas. PSA Peugeot Citroën accueille de nouveaux actionnaires, un nouveau patron-pilote. Il est temps d’avoir davantage d’ambitions.

    Ambition oui, mais victoire assurée

    Il n’existe pas une infinité de disciplines en sport automobile. Avec Pikes Peak, Peugeot avait déjà joué à la marge. F1, WRC, WEC, WTCC, les quatre championnats du monde actifs en 2013 n’étaient pas envisageables. Le retour sur investissement du nouveau calendrier de rallycross n’est pas quantifiable. Reste le Dakar.

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    Avec une gamme de plus en plus « crossover » et des marchés importants en Amérique du Sud, le Dakar est une épreuve incontournable pour Peugeot. Et une course sans constructeur officiellement engagé.

    Et si la marque lance tardivement son programme pour l’édition 2015, les moyens sont réels. Total, Red Bull et Michelin, les partenaires de Pikes Peak sont encore là. La 2008 DKR va profiter de toute l’expérience et de l’expertise des quatre fois vainqueurs du Dakar, des cinq fois Champions du Monde des Rallyes et des trois fois vainqueurs au Mans.

    Surtout, ce qu’il se fait de mieux en matière d’équipages est engagé. Deux pilotes sont déjà annoncés. Avec Carlos Sainz, Peugeot a la star hispanophone et le metteur au point. Cyril Despres est un pari. Mais avec cinq Dakar gagnés à moto, le Catalan d’adoption connaît parfaitement l’épreuve et se sent prêt à suivre les traces de Stéphane Peterhansel.

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    Un troisième, l’actuelle référence, devrait arriver le 1er juin, dès la fin de son contrat avec MINI. On le murmure, on l’attend.

    La voiture sera dévoilée lors du Salon de Pekin lorsque la 2008 de série entrera dans les concessions chinoises. Et elle sera en course en janvier en Argentine, en Bolivie et au Chili, quand les bons de commandes seront ouverts en Amérique Latine.

    Décidément, Peugeot joue parfaitement sa partition marketing et communication autour de ses projets sportifs. Reste à gagner en course. Mais ça, ce ne devrait être qu’une formalité.