Étiquette : Hypercar

  • Spyker : le retour éternel du phénix néerlandais

    Spyker : le retour éternel du phénix néerlandais

    Le cycle est à nouveau complet. Victor Muller, l’entrepreneur néerlandais à la poigne de fer et à la persistance troublante, a une fois de plus annoncé la renaissance imminente de Spyker, le constructeur d’hypercars au destin le plus tourmenté de l’industrie moderne. Si l’annonce réjouit toujours l’âme romantique des passionnés, elle soulève, pour les observateurs avertis, la question fatale : cette fois sera-t-elle la bonne, ou n’est-ce que le dernier acte d’un mythe condamné à se consumer ?

    Une histoire de faillites et de fierté

    L’histoire de Spyker est la négation même de la stabilité. Fondée en 1880 pour des carrosses, elle se lance dans l’automobile pionnière en 1899, mais subit sa première banqueroute dès 1907. Reconstituée, elle se tourne même vers l’aviation durant la Première Guerre mondiale, une inspiration qui nourrira plus tard le design de ses hypercars. Pourtant, après un nouveau sursaut, c’est l’arrêt de mort qui est prononcé en 1922.

    Le véritable mythe moderne prend forme en 1999, lorsque Victor Muller ressuscite la marque, récupérant son logo orné du phénix et sa devise latine : « Nulla tenaci invia est via » (Pour le tenace, aucune route n’est impraticable). C’est le début d’une nouvelle ère flamboyante.


    Le temps de la démesure : C8, F1 et Saab

    La seconde vie de Spyker fut celle de l’extravagance et de l’ambition sans limite :

    • Le Design Aéronautique : Les modèles de l’ère Muller — notamment la C8 et plus tard la C8 Preliator (2016) – ont captivé le monde par leur esthétique. Leur style est un hommage direct aux avions de combat de la Première Guerre, avec des intérieurs spectaculaires faits d’aluminium poli, de cuir matelassé et de manomètres complexes. L’intégration de la mécanique Audi (un V8 4.2L de 525 ch pour la Preliator) garantissait des performances respectables (322 km/h).
    • L’Escapade en F1 : En 2006-2007, Spyker s’offre une incursion éphémère et coûteuse en Formule 1, affirmant une ambition qui dépassait largement ses moyens.
    • L’Erreur Fatale : Le tournant désastreux intervient en 2010 avec l’achat de Saab. Cette opération, largement jugée démesurée, fut un bain de sang financier qui a drainé les ressources du petit constructeur d’hypercars.

    Les années qui ont suivi ont été une suite incessante de tentatives de sauvetage, d’accords avec les créanciers, de mise sous administration contrôlée, et de recours juridiques, aboutissant à une nouvelle banqueroute en 2021 et même à une plainte pour fraude contre Muller.

    Le phénix rechargé, les doutes persistants

    Aujourd’hui, Victor Muller annonce avoir trouvé un accord pour régler les litiges concernant les droits de propriété intellectuelle et les dettes, ouvrant la voie à une nouvelle relance.

    Le mythe du phénix n’a jamais été aussi pertinent. Spyker est condamné à renaître de ses cendres, non pas par nécessité industrielle, mais par la seule volonté de son fondateur, Victor Muller. Pour le spécialiste, l’enthousiasme du design unique (que l’on retrouve dans des détails comme l’inspiration des hélices pour les jantes) est contrebalancé par un historique d’instabilité chronique. Le retour de Spyker est un événement à suivre avec passion, mais surtout, avec une prudence extrême quant à sa viabilité à long terme.

  • Séisme en endurance : Porsche quitte le WEC, un adieu dorcé par la BoP ?

    Séisme en endurance : Porsche quitte le WEC, un adieu dorcé par la BoP ?

    Le sport automobile mondial vient d’encaisser un choc de taille : Porsche, le constructeur le plus titré aux 24 Heures du Mans, a annoncé son retrait de la catégorie Hypercar du Championnat du Monde d’Endurance (WEC) à l’issue de la saison. C’est plus qu’un départ ; c’est un signal d’alarme sur l’état du championnat, dicté par une combinaison de contraintes financières et, plus directement, de frustrations sportives non dissimulées.

    La priorité au marché nord-américain

    La décision de Porsche Motorsport, dirigée par Thomas Laudenbach, a été prise dans un contexte économique tendu, marqué par un recul des ventes et des bénéfices de la marque. Face à la nécessité de réduire les dépenses en compétition, l’un des trois programmes d’usine devait être sacrifié. La Formula E 2025-2026, nouveau défi électrique, n’était pas négociable.

    Le choix s’est donc porté sur l’un des deux engagements du prototype hybride 963 LMDh, géré par Porsche Penske Motorsport (PPM) : le WEC ou l’IMSA SportsCar Championship aux États-Unis. La raison de la survie de ce dernier est simple et pragmatique : l’Amérique du Nord est le plus grand marché de Porsche. Maintenir la présence dominante en IMSA était stratégiquement vital pour l’image de la marque.

    L’ombre de la Balance of Performance (BoP)

    Si la raison financière a facilité la décision, la justification sportive en est le cœur. Porsche a été remarquablement transparent sur son sentiment de ne pas concourir à armes égales en WEC, contrairement à ce qui se passe en IMSA, où la 963 a été dominante.

    L’objectif initial de la réglementation Hypercar (LMDh/LMH) était de permettre à une même voiture de concourir dans les deux championnats sous une BoP (Balance of Performance) équitable. Or, selon Porsche, cet équilibre a été rompu dans le championnat mondial.

    Thomas Laudenbach, sans prononcer le terme maudit de BoP (dont les discussions publiques sont interdites par le WEC), a été limpide :

    « L’aspect financier est là, ainsi que l’aspect sportif. L’idée originale était de construire une seule voiture et de courir dans les deux championnats avec un terrain de jeu équitable. Cela n’a pas fonctionné partout de la même manière. Cela a eu une influence sur notre décision. »


    La blessure du Mans

    Le point de rupture émotionnel fut sans doute les 24 Heures du Mans de cette année. Malgré une course quasi parfaite de la voiture #6 de Kévin Estre, Laurens Vanthoor et Matt Campbell, la 963 a terminé seconde, derrière la Ferrari 499P. Porsche estime avoir excellé sur tous les critères de la compétition moderne (stratégie, fiabilité, performance des pilotes), mais que la BoP a empêché la victoire.

    Laudenbach a souligné que la #6 aurait dû gagner, estimant qu’il y a des « choses à améliorer » dans l’organisation du WEC. En dépit d’un titre Pilotes WEC remporté l’an dernier et d’une chance de le conserver jusqu’à la finale de 2025 à Bahreïn, le constructeur aux 19 victoires au Mans n’a jamais remporté l’épreuve reine avec la 963. Le signal envoyé est clair : si l’équité n’est pas garantie, même le mythe s’en va.

    Ce retrait est un coup dur pour le WEC, qui voit partir un pilier historique au moment même où il attire de nouveaux constructeurs (Genesis, Ford, McLaren). La crédibilité de la BoP, pilier de cette nouvelle ère de l’endurance, est désormais sur la sellette.

  • Porsche 911 GT1 : hypercar 90

    Porsche 911 GT1 : hypercar 90

    Au milieu des années 1990, le sport automobile vit une révolution. Les catégories d’endurance, en perte de vitesse face à l’essor de la Formule 1 et l’absence d’un véritable championnat du monde cohérent, trouvent un second souffle avec l’émergence des GT. La BPR Global GT Series attire les constructeurs et les médias : McLaren triomphe avec la F1 GTR, Ferrari aligne la F40 LM, Bugatti ose la EB110 et Mercedes se prépare à son tour à entrer dans la danse. Dans ce contexte, Porsche ne pouvait rester spectateur. À Zuffenhausen comme à Weissach, l’idée prend forme : créer une GT capable de dominer la catégorie reine, tout en respectant les nouvelles règles de la Gruppe GT1, apparue en 1994.

    Une Porsche qui regarde vers Le Mans

    La réglementation exigeait la production d’un modèle homologué pour la route. Porsche entreprend alors de dériver un prototype de course d’un 911 de série, comme elle l’avait déjà fait deux décennies plus tôt avec le spectaculaire 935 « Moby Dick ». L’opération donnera naissance à la 911 GT1, une machine hybride entre le coupé routier de Stuttgart et un pur-sang d’endurance.

    La première version, dévoilée en 1996, conserve la face avant et la cellule centrale d’une 911 type 993. Derrière la cloison, tout change : un châssis tubulaire reçoit une mécanique inédite et une carrosserie dessinée pour générer un appui maximal. Les phares et feux proviennent bien du 993, mais l’esprit est ailleurs : c’est une voiture de course, civilisée uniquement par obligation.

    Sous son capot arrière, la GT1 embarque un flat-six 3,2 litres biturbo refroidi par eau, fort de 544 chevaux et 600 Nm de couple. Associé à une boîte manuelle à six rapports et à un différentiel autobloquant, il propulse la bête à 310 km/h et expédie le 0 à 100 km/h en 3,7 secondes. Avec seulement 1 120 kg sur la balance, grâce à l’emploi massif de fibre de carbone et de matériaux composites, le rapport poids/puissance en faisait l’un des monstres routiers les plus extrêmes de son époque.

    Pour la route, Porsche en construira… deux exemplaires seulement. Deux voitures-homologation, plus symboliques que pratiques, car leur utilisation hors circuit relevait presque de l’impossible. Mais elles suffisaient à offrir à Weissach le sésame pour engager la GT1 en compétition.

    Le redesign 1997 : vers le 996

    En 1997, Porsche révise son modèle pour l’adapter au style de la nouvelle génération 996. Les optiques changent, la carrosserie est profondément retravaillée et l’aérodynamique optimisée. Cette évolution, connue sous le nom de 911 GT1 Evo, bénéficie d’un soubassement inédit et d’une suspension améliorée, toujours réglable et pensée pour la compétition.

    Pour homologuer cette version, Porsche va un peu plus loin et fabrique cette fois 21 exemplaires routiers. Chacun est vendu 1,55 million de deutsche Mark – un tarif astronomique à l’époque, réservé à une poignée de collectionneurs.

    Le 7 mars 1997, la GT1 Evo effectue ses premiers tours de roues sur la piste d’essai de Weissach, pilotée par Bob Wollek. Comme sa devancière, elle développe 544 chevaux, mais avec des ajustements subtils pour répondre aux exigences de la FIA.

    L’apothéose : Le Mans 1998

    En compétition, la GT1 se confronte à une opposition féroce. La McLaren F1 GTR reste redoutable, mais c’est surtout l’arrivée du Mercedes-Benz CLK GTR qui change la donne : plus rapide, plus moderne, il relègue la Porsche à un rôle de challenger.

    Pour 1998, Stuttgart riposte avec une nouvelle évolution, la GT1-98, encore plus basse, plus radicale, mais bridée par les contraintes techniques imposées aux turbos. Dans le championnat FIA-GT, elle ne parvient pas à battre Mercedes, qui rafle toutes les victoires. Mais sur le terrain le plus symbolique, celui qui compte plus que tout pour Porsche – les 24 Heures du Mans – la fiabilité fait la différence.

    Dans la Sarthe, la GT1-98 renverse la hiérarchie : doublé triomphal en 1998, avec la victoire d’Allan McNish, Laurent Aiello et Stéphane Ortelli devant l’équipage Bob Wollek, Uwe Alzen et Jörg Müller. Porsche s’offre alors sa seizième victoire au classement général du Mans, et parachève la légende de la GT1. Toyota, malgré la vitesse de sa GT-One, doit se contenter de la deuxième marche du podium.

    Une légende parmi les hypercars

    La Porsche 911 GT1 occupe une place à part dans l’histoire de la marque. Rare – 23 exemplaires routiers en tout – et d’une valeur inestimable aujourd’hui, elle représente l’un des premiers véritables hypercars homologués. Bien avant la Bugatti Veyron, bien avant la Ferrari Enzo, elle a posé les bases de ce que deviendrait la supercar du XXIe siècle : une machine de course civilisée, construite avant tout pour la piste, mais tolérée sur la route.

    Pour les collectionneurs, elle reste un joyau quasi inaccessible, à la fois par sa rareté et par la fragilité inhérente à son concept. Les coûts d’entretien ou de réparation sont vertigineux, mais peu importe : posséder une GT1, c’est surtout détenir un morceau de l’ADN de Porsche.

    La Porsche 911 GT1 incarne une époque où les règlements imposaient aux constructeurs d’ancrer leurs prototypes dans la réalité. Elle est l’héritière directe d’une tradition Porsche qui remonte à la 917 et à la 935, tout en annonçant l’ère des hypercars modernes. Aujourd’hui, elle reste l’un des modèles les plus fascinants de l’histoire de Zuffenhausen : une 911 qui n’en était plus vraiment une, mais qui a écrit l’une des plus belles pages du Mans.

  • Glickenhaus 007s : une Hypercar de 1 000 ch pour la route, sans compromis

    Glickenhaus 007s : une Hypercar de 1 000 ch pour la route, sans compromis

    Si vous pensez qu’une voiture de route doit nécessairement être civilisée, confortable et discrète, passez votre chemin. Si en revanche, vous avez déjà songé à prendre l’apéro à Francorchamps après un détour par la supérette du coin, la Glickenhaus 007s est faite pour vous. Mi-prototype d’endurance, mi-fantasme d’ingénieur, cette Le Mans Hypercar homologuée pour la route redéfinit les contours de l’automobile extrême.

    Une Le Mans sur plaques minéralogiques

    La Glickenhaus 007s n’est pas née d’un coup marketing ou d’un délire de designer : elle est directement dérivée de la SCG 007 LMH qui s’est illustrée aux 24 Heures du Mans, à Spa et à Monza. Jim Glickenhaus, son créateur, producteur de cinéma et passionné d’endurance, n’en est pas à son coup d’essai. Mais ici, il pousse le curseur encore plus loin : offrir une vraie voiture de course, capable d’aller chercher le pain… à condition que le dépôt soit au bout d’une route sinueuse et bien dégagée.

    Sous sa carrosserie aux proportions extrêmes et au traitement aérodynamique radical, la 007s cache un V8 6,2 litres atmosphérique en position centrale-arrière, délivrant 1 000 ch et 737 lb-ft (environ 1 000 Nm) de couple aux seules roues arrière, via une boîte manuelle robotisée à 7 rapports. Le poids ? 1 550 kg, soit à peine plus qu’une Ferrari SF90, mais avec une aérodynamique de prototype du Mans.

    Pas qu’un show car

    Contrairement à d’autres supercars « route-circuit », la Glickenhaus 007s a été pensée pour fonctionner au quotidien, ou presque. Testée dans le trafic urbain et en conditions estivales, elle conserve pourtant ses attributs de course : suspension avant à double triangulation, suspension arrière pushrod, barres anti-roulis réglables, freins de course, jantes monobloc forgées à fixation centrale, pneus slicks en option… et portes papillon à commande hydraulique, pour une touche de théâtre bien méritée.

    Elle est même capable de franchir les ralentisseurs, grâce à un système de nose lift. Et pour les plus pointilleux, sachez qu’elle dispose aussi d’un vrai système de climatisation, capable de lutter contre la chaleur d’un été texan.

    Un cockpit de course… sans concessions

    L’habitacle, entièrement en fibre de carbone, aligne deux écrans rouges pour la navigation et la télémétrie, un volant digne de la F1, des commodos en alu fraisé, et une position de conduite très « prototype ». Mais l’ergonomie n’a pas été sacrifiée : les commandes essentielles sont à portée de main, et la transformation en mode piste est un jeu d’enfant.

    Grâce aux vérins pneumatiques embarqués, on peut lever la voiture, retirer les roues de route, monter les slicks, ajuster les lois d’amortissement, la hauteur de caisse, la cartographie moteur et l’aéro. En quelques minutes, la 007s passe du bitume au vibreur sans broncher.

    Un nouveau paradigme du track day

    « Ce n’est pas juste une voiture pour arriver sur le circuit et scotcher des croix sur les phares », explique Jim Glickenhaus. « C’est une manière de redéfinir l’expérience du track day : plus accessible, plus exaltante, plus gratifiante. »

    Et il faut bien le reconnaître : dans un monde où les hypercars sont de plus en plus technologiques, numériques, voire électrifiées, la proposition Glickenhaus fait l’effet d’un uppercut. Un gros V8 atmosphérique, une boîte à l’ancienne, une aérodynamique active, et un rapport poids/puissance inférieur à 1,6 kg/ch. Sans assistance, sans simulateur onboard, sans IA de stabilisation.

    Le rêve américain, sauce endurance

    La Glickenhaus 007s n’est ni une Ferrari, ni une Bugatti, ni une Koenigsegg. C’est un OVNI. Un manifeste. La vision d’un passionné convaincu qu’une voiture de route peut être à la fois un monstre de performances et un objet de passion brute. Elle ne cherche pas la polyvalence, mais l’expérience. Et en cela, elle incarne peut-être mieux que toutes les autres ce que signifie vraiment conduire une voiture de course sur route ouverte.

    Quant à son prix ou sa production ? Aucune information officielle n’a encore filtré, mais l’on sait que SCG (Scuderia Cameron Glickenhaus) prévoit une fabrication très limitée. Les candidats devront être aussi fortunés que motivés – et probablement un peu fous.

    À l’heure où la réglementation environnementale, les aides à la conduite et les limites de bruit resserrent la bride autour des voitures sportives, la Glickenhaus 007s arrive comme une déflagration. Homologuée, délirante, authentique. Un baroud d’honneur ? Peut-être. Un chef-d’œuvre ? Sans doute. Une voiture que vous croiserez à la boulangerie ? Jamais.

    Et c’est justement pour ça qu’on l’aime.