Étiquette : McLaren F1

  • La collection McLaren de Mansour Ojjeh vendue à un unique acquéreur

    La collection McLaren de Mansour Ojjeh vendue à un unique acquéreur

    L’un des ensembles les plus exclusifs jamais constitués dans le monde de l’automobile vient de changer de mains. La famille de Mansour Ojjeh, disparu en 2021, a accepté la vente de sa collection de vingt McLaren réunies avec patience et exigence, toutes produites dans la plus pure tradition d’excellence de la marque britannique. Un seul acheteur, resté anonyme, a souhaité conserver l’intégrité de ce patrimoine unique.

    Une collection hors norme

    Cette collection réunit vingt McLaren, chacune correspondant au dernier châssis produit de son modèle. Pour les passionnés, c’est une démarche quasi muséale, presque impossible à reproduire. La plupart des exemplaires sont demeurés dans un état neuf, n’ayant jamais quitté leur configuration de sortie d’usine.

    Au centre de l’ensemble trône la dernière McLaren F1 jamais construite, spécifiée par Mansour Ojjeh dans une teinte inédite baptisée « Yquem » – devenue par la suite le fameux « Mansour Orange ». À ses côtés figurent des pièces emblématiques de l’histoire moderne de McLaren : la radicale P1 GTR, la futuriste Speedtail, plusieurs déclinaisons de la Senna, la Sabre, l’Elva… Un panorama complet de la production de Woking, condensé en vingt chefs-d’œuvre.

    Cette cohérence, associée à la rareté des modèles, confère à la collection une dimension historique inégalée dans le monde des supercars.

    La volonté de préserver un héritage

    Si plusieurs propositions record ont été formulées pour certaines pièces – notamment la McLaren F1 –, la famille Ojjeh a tenu à préserver l’intégrité de l’ensemble. La vente à un acquéreur unique était une condition essentielle. Elle permet de conserver cette réunion exceptionnelle de modèles comme un témoignage de l’histoire d’un homme autant que d’un constructeur.

    Le montant de la transaction n’a pas été communiqué. Mais l’importance symbolique dépasse sans doute la seule valeur financière : c’est la transmission d’un héritage personnel et d’une passion partagée entre un homme et une marque.

    Mansour Ojjeh, l’homme qui a façonné McLaren

    Né à Paris en 1952, fils d’Akram Ojjeh, Mansour fit ses études en Californie avant de reprendre la direction de Techniques d’Avant Garde (TAG). Son nom apparaît en Formule 1 dès 1979, avec le sponsoring de l’écurie Williams. Mais c’est en 1984 qu’il s’inscrit durablement dans l’histoire en prenant une participation dans McLaren et en finançant le développement du moteur TAG-Porsche turbo.

    Avec Ron Dennis et Gordon Murray, Mansour Ojjeh participe directement à la transformation de McLaren en référence mondiale, aussi bien sur la piste que sur la route. Sous son influence, l’équipe remporte sept titres constructeurs et dix couronnes pilotes. Plus encore, il ouvre la voie à McLaren Automotive, donnant vie à une gamme de supercars qui porte aujourd’hui haut les couleurs de l’ingénierie britannique.

    Son rêve de créer la voiture de route ultime aboutit à la McLaren F1, fruit d’une vision partagée avec Ron Dennis et Gordon Murray après le Grand Prix d’Italie 1988. Une automobile entrée au panthéon, considérée encore aujourd’hui comme l’une des plus grandes réalisations de l’histoire.

    Plus qu’une collection, un témoignage

    La collection rassemblée par Mansour Ojjeh ne se limite pas à une accumulation d’objets rares. Elle reflète une philosophie, une quête de perfection, un regard unique porté sur McLaren et ses créations. Elle raconte l’histoire d’un homme dont l’intuition et la passion ont façonné l’une des plus prestigieuses aventures du sport automobile et de l’automobile de luxe.

    En choisissant de céder cet ensemble en un seul bloc, la famille Ojjeh a assuré que ce témoignage ne soit pas fragmenté. Ce transfert n’est pas seulement une transaction, c’est la préservation d’une mémoire, celle d’un passionné qui a marqué à jamais McLaren et l’automobile contemporaine.

  • Nick Mason, la batterie dans le sang, l’huile dans les veines

    Nick Mason, la batterie dans le sang, l’huile dans les veines

    On le connaît comme le discret batteur de Pink Floyd. Mais Nick Mason est bien plus qu’un simple musicien de l’ombre. Depuis plus d’un demi-siècle, il conjugue deux passions avec une intensité rare : la musique psychédélique et la mécanique de compétition. À 80 ans passés, l’homme possède sans doute l’un des plus beaux garages privés d’Angleterre, où les Ferrari d’avant-guerre croisent des prototypes du Mans. Une collection à son image : exigeante, élégante et pétrie d’histoire.

    Un gentleman driver né à Birmingham

    Fils d’un réalisateur de documentaires automobiles — Bill Mason, caméraman régulier du RAC Tourist Trophy et du Grand Prix de Monaco dans les années 50 — Nick Mason baigne très jeune dans l’univers des circuits. Son père filme des épreuves, fréquente l’Auto Union de Neubauer et collectionne déjà des images de Type 35 ou de Bentley Blower à une époque où ces voitures ne sont pas encore considérées comme des trésors.

    Cette influence paternelle le marque à vie. Lorsque Mason fonde Pink Floyd avec Roger Waters et Syd Barrett à Londres au milieu des sixties, l’automobile n’est jamais bien loin. L’argent du succès ne tarde pas à tomber, et c’est vers Maranello que se tourne le premier gros achat du jeune batteur : une Ferrari 275 GTB. Elle deviendra la première d’une longue série.

    Une Ferrari 250 GTO dans le garage

    Nick Mason n’est pas un spéculateur, ni un conservateur de musée. C’est un pilote amateur au sens noble du terme. Il aime rouler. Fort. Il aime comprendre les mécaniques, sentir le mouvement des fluides, dompter les caprices des carburateurs. Il aime aussi partager.

    Au cœur de sa collection — qui regroupe une trentaine d’autos de compétition, toutes en état de marche — trône un joyau absolu : une Ferrari 250 GTO. Châssis n°3757GT. L’un des 36 exemplaires produits entre 1962 et 1964. Mason l’a achetée en 1977 pour 37 000 livres sterling, une somme déjà rondelette à l’époque mais qui ferait sourire aujourd’hui, tant la cote des GTO s’est envolée. Celle de Mason est estimée à plus de 50 millions d’euros. Elle est rouge, d’origine. Il l’a engagée à Goodwood, au Tour Auto, et même dans des courses historiques au Japon.

    Mais l’homme n’est pas dogmatique. Dans son garage, on trouve aussi une Bugatti Type 35B, une Maserati 250F, une McLaren F1 GTR à la livrée Gulf, ou encore une BRM V16, monstre sonore qu’il aime faire hurler devant des foules médusées.

    L’essence d’un style

    Ce qui distingue Nick Mason des autres collectionneurs, c’est sa fidélité à une certaine idée du style. Pas seulement esthétique, mais philosophique. Il entretient ses voitures, les fait rouler, les prête parfois. Il a monté sa propre structure, Ten Tenths (en référence à l’expression anglaise « to drive at ten-tenths », soit à 100 % de ses capacités), pour gérer et préparer ses autos. Il a aussi été fidèle pendant longtemps au même mécanicien, Neil Twyman, artisan londonien de la restauration haut de gamme.

    Sa passion ne s’est jamais limitée à l’Italie. Lorsqu’il parle de la Bentley Speed Six ou de l’Aston Martin Ulster, ses yeux brillent autant que lorsqu’il évoque sa Porsche 962. Il admire le génie des ingénieurs d’avant-guerre comme la brutalité raffinée des prototypes des années 80.

    Et surtout, Mason ne sépare jamais totalement sa passion automobile de son univers musical. Sa Ferrari 512 S a même servi dans le film Le Mans avec Steve McQueen. Le lien est organique.

    Le Mans, Silverstone et autres plaisirs

    Nick Mason n’a jamais visé la gloire en compétition, mais il a couru. Beaucoup. En endurance, essentiellement. Il a participé cinq fois aux 24 Heures du Mans entre 1979 et 1984, avec des Lola ou des Rondeau, toujours dans des équipes privées. Son meilleur résultat reste une 18e place au général, mais là n’était pas l’essentiel. Il voulait vivre l’expérience de l’intérieur, sentir le circuit au cœur de la nuit, dans les Hunaudières à fond, avec un V8 derrière l’épaule.

    Outre Le Mans, Mason s’est aligné à Silverstone, Brands Hatch, Spa, ou Daytona. Il est aussi l’un des fidèles du Goodwood Revival et du Festival of Speed, où il se plaît à monter dans ses autos pour des démonstrations plus ou moins sages, toujours élégantes.

    Un ambassadeur bienveillant

    En 2018, Nick Mason a franchi un nouveau pas dans le partage de sa passion en créant un groupe de rock revisitant les classiques de Pink Floyd, intitulé « Nick Mason’s Saucerful of Secrets ». Ce projet parallèle lui a permis de remonter sur scène tout en poursuivant ses activités automobiles.

    Il reste très présent dans la communauté des collectionneurs et pilotes historiques, intervenant dans des documentaires (notamment pour la BBC ou Channel 4), écrivant la préface de nombreux ouvrages ou apparaissant dans les paddocks avec un sourire franc et discret.

    Son livre Into the Red, publié en 1998 et réédité plusieurs fois depuis, est une déclaration d’amour aux voitures anciennes, coécrit avec Mark Hales. On y découvre l’histoire de chaque voiture de sa collection, mais aussi des impressions de conduite sincères, personnelles, sans fioritures.

    Un art de vivre britannique

    Nick Mason incarne une forme d’aristocratie informelle et bienveillante de l’automobile ancienne. Il n’est ni exubérant, ni austère. Juste passionné. Loin des clichés du collectionneur bling-bling ou du nostalgique crispé, il représente un art de vivre à l’anglaise, fait de tweed, de cuir patiné et de moteurs libérés.

    Et dans ce monde qui change, où la voiture ancienne est parfois perçue comme un anachronisme, il prouve que la passion automobile peut être intelligente, responsable et généreuse. Il ne roule pas pour épater, mais pour comprendre, pour ressentir, pour transmettre.

    Alors oui, entre deux reprises de Echoes, il peut bien démarrer une GTO à l’aube dans un paddock encore vide. Et ce son, profond et métallique, répond parfaitement à celui de sa caisse claire. Un écho. Une vibration. Une autre forme de rythme.