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  • Elon Musk à Washington : un crash-test grandeur nature de la gouvernance par l’ingénierie

    Elon Musk à Washington : un crash-test grandeur nature de la gouvernance par l’ingénierie

    La rumeur prétendait qu’il allait « hacker » l’administration fédérale comme il a bouleversé l’automobile et l’aérospatial. Elon Musk, promu « employé gouvernemental spécial » pour une mission de 130 jours à la tête d’un improbable « Department of Government Efficiency » (DOGE, comme la crypto qu’il chérit tant), a livré un spectacle à mi-chemin entre la farce technocratique et le drame bureaucratique.

    Dans le rôle de la promesse de rationalisation, Musk s’est engagé à sabrer 2 000 milliards de dollars de dépenses publiques. À l’arrivée, selon les chiffres même de son équipe (discutables, comme souvent), le gain serait de 175 milliards… mais les coupes brutales auraient coûté, net, 135 milliards en pertes économiques et sociales, d’après plusieurs analyses indépendantes.

    Parmi les victimes prioritaires de cette croisade : USAID, l’agence d’aide internationale, quasiment démantelée. 80 % de ses programmes supprimés, des conséquences directes sur les pays qui survivent grâce aux subventions des pays occidentaux, Etats-Unis en tête. Le tout pour satisfaire une vision froide de la performance étatique, où chaque dollar doit être justifié comme sur un tableur Excel. Une approche qui, transposée à Tesla, aurait sans doute condamné la Model S dès son lancement.

    L’homme qui voulait coder la politique

    Musk à Washington, c’est une sorte de crossover entre House of Cards et Silicon Valley. Sauf que cette fois, le héros autoproclamé s’est brûlé les ailes. Il faut dire que l’homme arrive avec une aura de démiurge industriel : Tesla, SpaceX, Neuralink… et cette capacité rare à tordre le réel par la volonté. Mais ce pouvoir se heurte ici à une matière plus rétive : la démocratie représentative, les contre-pouvoirs, les contraintes sociales.

    Les décisions furent expéditives, souvent chaotiques. Licenciements de fonctionnaires en masse, arrêt brutal de programmes sans évaluation d’impact, management sous MDMA – littéralement, selon des accusations non confirmées mais abondamment relayées. L’homme le plus riche du monde, entouré d’un cercle de fidèles souvent plus proches du culte que du cabinet ministériel, a confondu la Maison-Blanche avec un plateau de lancement SpaceX.

    Un échec programmé

    Pourquoi a-t-il échoué ? Pas faute d’ambition, mais plutôt à cause de son absence de modestie politique. Matt Bai, dans le Washington Post, résume crûment : « Il a échoué parce que ses idées étaient si désespérément petites. » La révolution qu’on attendait s’est résumée à une purge sans vision, à des slogans libertariens usés jusqu’à la corde. Les programmes de « marionnettes transgenres au Guatemala », moqués dans les médias conservateurs, sont devenus des cibles faciles – mais symboliques – d’un Musk en quête de totems à brûler.

    Sa plus grande réussite ? Avoir humilié le fonctionnement gouvernemental autant que lui-même. À coups de tweets absurdes, de provocations esthétiques (saluts douteux, tenues enfantines, chaînes en or), et d’une gestion RH qu’on croirait tirée d’un roman de Michel Houellebecq.

    Une leçon pour l’automobile

    Que retenir de ce détour politique pour le monde de l’automobile ? Peut-être ceci : la disruption n’est pas un système de gouvernement. Ce qui fonctionne pour forcer un secteur à évoluer – batteries, propulsion électrique, conquête spatiale – ne fonctionne pas nécessairement pour gérer la complexité humaine. Le Musk qui a fait rêver les amateurs de technologies en abaissant le coût des lancements orbitaux et en industrialisant l’électrique se révèle incapable de structurer une action publique cohérente.

    Le parallèle avec les difficultés actuelles de Tesla est tentant. Alors que ses ventes fléchissent, que la concurrence chinoise grignote ses parts de marché, que les promesses de conduite autonome s’éternisent, Musk semble de plus en plus tenté par la fuite en avant idéologique plutôt que la consolidation industrielle. Il lui sera sans doute plus difficile de convaincre les investisseurs, désormais que sa réputation de visionnaire s’est noyée dans les eaux troubles de la politique.

    Un retour à la réalité

    À l’heure du départ, Musk quitte Washington avec un goût amer. Dace Potas, dans USA Today, note qu’il a fait « un effort sincère » pour réduire la taille de l’État… mais qu’il a été utilisé comme paravent par des Républicains trop heureux de le laisser s’empoisonner avec un projet impossible. Le projet de loi budgétaire final, qu’il a lui-même appelé une « abomination répugnante », contient un déficit supplémentaire de 3 600 milliards de dollars.

    Peut-être qu’un jour, ses fusées atteindront Mars. Mais à Washington, Elon Musk a surtout prouvé qu’on ne gouverne pas un pays comme on assemble une Model Y.

    Et si Musk avait raison ?

    Sans chercher à s’enfermer dans une posture systématiquement anti-Musk, ne perçoit-on pas ici un symptôme révélateur de la politique occidentale contemporaine ? Aux États-Unis comme en Europe, les gouvernements semblent paralysés par un immobilisme entretenu à la fois par une classe politique installée et par les fameux « partenaires sociaux », souvent arc-boutés sur la défense d’un statu quo dans lequel ils trouvent leur équilibre, sinon leur intérêt.

    En tentant, à sa manière, de réécrire les règles de la politique américaine, Musk s’est heurté à un mur. Syndicats, gardiens de l’orthodoxie institutionnelle, forces médiatiques et mouvances idéologiques diverses – de ce qu’il qualifie lui-même de « bien-pensance » à une gauche américaine qu’il considère plus dogmatique que réformiste – ont rapidement transformé son projet en champ de bataille. Pris dans les contradictions de son propre discours et confronté à des résistances bien enracinées, il a été politiquement broyé.

    En France, la start-up nation a été sacrifiée de la même manière. L’immobilisme reste et restera roi.

  • Pas de politique !

    Pas de politique !

    Il y a quelques règles à suivre dans la communication… Dans beaucoup de domaines, il faut éviter de parler de religion ou de politique, des sujets trop clivant, parfois trop passionnés. Mais ce matin, la politique s’est encore emparée de la cause automobile. Et ce n’était pas glorieux.

    RMC Info, Ségolène Royal est l’invitée de Jean-Jacques Bourdin. Mise en scène habituelle, je ne vous refais pas le spectacle. 12e minute du podcast (il a fallu que je réécoute pour en croire mes oreilles) : Bourdin lance notre ministre sur Fessenheim. J’avoue que je n’ai pas d’avis sur l’avenir de nos centrales nucléaires. Je suis un passionné de l’atome, je défends ce mode d’énergie autant que je suis fasciné par 3-mile Island (dont l’anniversaire vient de passer), Tchernobyl ou Fukushima.

    Je ne vois pas trop comment on pourrait transformer une centrale nucléaire en usine automobile, mais si c’est possible, l’idée est presque géniale !

    Problème : quand on commence à échanger avec une personne aux tendances mégalomanes, il faut avoir un minimum de diplomatie. Disons que c’est peut-être la raison du raté de madame Royal qui briguait le Quai d’Orsay il y a quelques semaines…

    Car ce matin, notre ministre annonçait avec une voie fière :

    « L’idée m’est venue lorsque Elon Tusk, le patron de Tesla, est venu en France. Nous avons eu une réunion de travail. Au cours de la conversation, il m’a dit : ‘Vous savez que je me bats depuis longtemps pour la voiture électrique, c’est la voiture du futur, c’est le transport propre d’avenir. Je veux installer une usine en Europe. J’hésite entre la France et l’Allemagne.’ Je lui ai dit : ‘Pourquoi pas à la frontière franco-allemande sur le site du territoire au sens large de Fessenheim, pourquoi pas une usine franco-allemande. Les idées les plus créatives sont souvent celles qui se réalisent. »

    (Si vous n’êtes pas ministre, vous savez peut-être que le patron de Tesla s’appelle Elon Musk et que ce genre d’impairs peut avoir des conséquences)

    Pour rappel, Raymond Tusk est l’un des personnages principaux des deux premières saisons de House of Cards qui revient dans la saison 4 (c’était un spoil ?).

    Une heure plus tard, un débat anime l’antenne d’Europe 1 autour de Jean-Marc Morandini… Le thème n’est plus très clair (!), mais ça servait de défouloir contre la politique autophobe de la Mairie de Paris. Et là, Marie-Laure Harel, conseiller de Paris, nous annonce qu’une Renault ZOE coûte 23 000 euros, tandis qu’une Renault Clio diesel ne coûte que 11 000 euros. Je vous passe les échanges politiques des deux intervenants qui, semblent-ils, se connaissaient très bien et avaient rodé leurs échanges. Cette unique phrase, dans sa singularité, m’a attristé.

  • Citation : Bernard Bosson

    Citation : Bernard Bosson

    Citation de Bernard Bosson alors qu’il était Ministre de l’Equipement, des Transports et du Tourisme du gouvernement Balladur entre 1993 et 1995 : « Il faut éviter les limitations de vitesse excessives, pratiquement impossibles à respecter. »

    Amen.