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  • Le taxi au cinéma, ou quand la voiture devient théâtre de l’instant

    Le taxi au cinéma, ou quand la voiture devient théâtre de l’instant

    Il y a, au cinéma, un lieu sans murs, sans fenêtres, sans racines. Un espace en mouvement, né du trajet, de la transition d’un point à un autre. C’est le taxi. Comme tous les lieux de passage, il ne se définit que par ce qu’il relie. Il n’a pas de passé, pas d’avenir. Il ne possède que cet instant incertain où deux vies, croisées par hasard ou nécessité, partagent un même cap.

    Le taxi n’est pas qu’un moyen de transport. C’est un décor. Un microcosme narratif que les cinéastes exploitent avec une précision presque chirurgicale. Car tout y est comprimé : l’espace, le temps, les mots. Le récit devient plus dense, plus intime. Impossible de s’échapper ou de se distraire. Les paroles échangées dans cet habitacle étroit résonnent avec un poids qu’elles n’auraient pas ailleurs, étouffées dans le vacarme du quotidien. En taxi, on parle peu, mais on dit beaucoup.

    Le conducteur, lui, connaît la ville comme un livre qu’il relit chaque jour. Personnage paradoxal, il est omniprésent et pourtant en retrait. Il ne s’attarde nulle part. Satellite solitaire, il gravite autour d’une cité qui ne le reconnaît pas, mais qui se dévoile à lui, nuit après nuit, feu rouge après virage. Il observe tout, entend tout, parle peu. Dans son silence se concentre un savoir particulier : des bribes de vie, des confessions involontaires, des anecdotes inattendues.

    C’est pourquoi, au cinéma, le chauffeur de taxi devient une figure récurrente, à la fois discrète et puissante. Il est celui qui accompagne sans être accompagné, qui guide sans imposer, qui regarde sans juger. Un témoin sans voix, un spectateur sans scène – et, pour cela même, un formidable levier narratif.

    Dans un monde de plus en plus compartimenté, le taxi demeure l’un des derniers lieux de promiscuité obligée. Deux inconnus y partagent un espace clos, un temps défini, une direction imposée. Et c’est dans cette proximité non choisie que s’ouvrent des fissures. On y saisit parfois des vérités ténues, des répliques fugaces, aussitôt oubliées mais d’un poids équivalent à tout un film.

    Travis et les autres : les figures du chauffeur au cinéma

    L’un des portraits les plus iconiques de cette figure est sans doute celui de Travis Bickle dans Taxi Driver (1976). Sous la direction de Martin Scorsese, Robert De Niro campe un vétéran solitaire errant dans le New York des années 70, dévastée par la nuit, la violence et la corruption. Sa Checker Marathon devient une cellule de réclusion mobile, son habitacle un sanctuaire de paranoïa et de fureur purificatrice. Travis est le conducteur comme figure messianique, témoin muet qui, peu à peu, bascule dans la folie rédemptrice.

    À Rome, quelques années plus tard, Alberto Sordi propose un contrepoint tendre et désabusé avec Il tassinaro (1983). Il y campe un chauffeur romain, affable et goguenard, traversant une capitale en mutation, embarquant des passagers imaginaires ou bien réels – parmi lesquels un certain Federico Fellini. Une déclaration d’amour à l’Italie populaire, prise entre nostalgie et désenchantement.

    Le taxi, dans ces films, devient alors plus qu’un décor : un révélateur. Il projette sur ses vitres les mutations d’une société, les ombres d’une époque.

    Dans l’habitacle, un théâtre minimaliste

    Le langage du cinéma s’adapte à cet espace. Dans un taxi, la caméra est contrainte : elle observe de biais, se reflète dans un rétroviseur, capte des néons qui glissent sur la vitre. L’image est étroite, et c’est précisément cette contrainte qui crée de nouvelles possibilités narratives. Une posture, un soupir, une phrase suspendue suffisent à dire l’essentiel. Le taxi devient une scène d’écoute et d’attente. Un théâtre du non-événement, où pourtant tout peut arriver.

    C’est ce que sublime Jim Jarmusch dans Night on Earth (1991). Cinq villes, cinq chauffeurs, cinq passagers. Los Angeles, New York, Paris, Rome, Helsinki : cinq trajectoires nocturnes, saisies comme autant de petites tragédies ordinaires. Dans l’habitacle, les langues se délient, les regards se croisent, les histoires surgissent. Film d’atmosphère et d’instants suspendus, Night on Earth est un hommage au miracle fragile de l’interaction humaine.

    Quand le taxi devient métaphore

    Dans le cinéma d’Europe de l’Est, Taxi Blues (1990) de Pavel Lounguine offre une vision rude et poignante de la Russie post-soviétique. Un chauffeur bourru, un musicien bohème. Deux mondes inconciliables réunis par un trajet. Entre choc des cultures, tension sociale et utopie avortée, le taxi devient un champ de bataille miniature. Le film remporta le prix de la mise en scène à Cannes.

    Plus récemment, dans Collateral (2004), Michael Mann transforme le taxi en piège mental. Tom Cruise, tueur glacial, embarque Jamie Foxx, chauffeur ordinaire, dans une virée nocturne aux allures de cauchemar. La ville de Los Angeles se reflète sur les vitres, comme un mirage dangereux. À l’intérieur, le taxi devient cage, confessionnal, lieu de transformation brutale.

    Mais c’est peut-être Jafar Panahi qui, avec Taxi Téhéran (2015), pousse l’usage du taxi cinématographique à son paroxysme symbolique. Banni de faire du cinéma, le réalisateur iranien filme en cachette depuis l’habitacle de sa propre voiture. Chaque passager devient une voix du peuple, une parcelle de vérité. Le taxi se mue en manifeste politique, en geste de résistance, en éloge de l’humanité ordinaire.

    Le taxi, une figure menacée

    Aujourd’hui, le chauffeur de taxi persiste, dernier artisan d’un métier de proximité, ultime confident d’une ville qui change trop vite pour être comprise.

    Il n’est ni optimisé, ni efficient. Mais c’est précisément cela qui le rend précieux. Il peut encore surprendre. Il peut encore raconter. Il nous rappelle que le déplacement n’est pas qu’un besoin logistique, mais une expérience humaine, parfois existentielle.

    Le cinéma, inlassablement, revient à cette figure périphérique. Non pour ce qu’elle fait, mais pour ce qu’elle permet. Car le taxi, c’est le royaume du pendant. Ni le départ, ni l’arrivée. Juste ce moment suspendu, fragile et éphémère. Et c’est souvent là, dans cet interstice oublié, que le cinéma touche sa vérité la plus simple – et la plus profonde.

  • Le taxi parisien dans toute sa splendeur !

    Le taxi parisien dans toute sa splendeur !

    Tandis que les taxis s’amusent à filmer leurs prestations mafiesques auprès des UberPOP dans un conflit qui dépasse même le législateur, retour sur un scketch de Guy Pierauld qui nous a quittés cette semaine.

    Même en 1957, les chauffeurs de taxi pouvaient se targuer de cette belle image de service !

  • Taxis de la Marne : propagande gagnante

    Taxis de la Marne : propagande gagnante

    Dans chaque guerre, la propagande permet d’influer sur le résultat des batailles… Il y a un siècle, la communication faite autour des Taxis de la Marne a participé à faire reculer la première offensive allemande.

    L’Allemagne déclare la guerre à la France le 3 août 1914. Son armée envahit la Belgique et le Luxembourg. Le 8, les troupes françaises prennent Mulhouse. Mais la contre-attaque est pourtant décisive. Les soldats français reculent jusqu’au bassin parisien.

    La situation semble désespérée. Le Général Joffre et Alexandre Millerand, ministre de la Guerre, annoncent leur volonté de déclarer Paris « ville ouverte » pour éviter que les combats ne souillent la capitale.

    René Viviani, Président du Conseil, refuse cette idée. Il charge le Général Gallieni de défendre la ville et s’enfuit à Bordeaux…

    Le 3 septembre, l’armée allemande modifie sa trajectoire. Les troupes venues de Belgique bifurquent vers le sud pour affronter directement le gros des forces françaises à l’est de Paris.

    Mais ce qui ressemblait à une déroute n’était qu’une large opération de repli. Et alors que les Allemands passent Château-Thierry et Epernay, la 5e armée française fait une large percée pour faire remonter le front à Soissons et Reims.

    taxis-de-la-marne-1914

    C’est durant cette percée que Gallieni met Paris aux abois. A partir du 6 septembre, il réquisitionne 600 taxis (en très grande partie des Renault Type AG1) pour mener 3 000 réservistes à Nanteuil-le-Haudouin, là où le front est le plus proche de la capitale.

    De retour à Paris après sa « course », chaque chauffeur est payé selon les indications portées au compteur pour un total de 70 102 francs.

    Les soldats transportés n’ont pas directement participé à la victoire de la 1ere Bataille de la Marne. Mais les Parisiens ont vu les taxis partir vers le front plein de combattants… Le gouvernement s’empare de cette image pour galvaniser le peuple et donner un nouvel élan aux alliés pour repousser l’Empire Allemand. Cette reconquête prendra encore près de quatre années.

  • Les taxis ont poussé le bouchon

    Les taxis ont poussé le bouchon

    Que les taxis veuillent défendre leur « corporation » ne me dérange pas plus que ça. Ils ont des syndicats et des représentants mandatés pour ces causes. Mais qu’ils bloquent les villes et tentent de nous faire avaler des couleuvres… Non !

    Voir une banderole avec les mots « Non à la mort programmée du taxi, ni Uber, ni Transdev remplaceront les successeurs des taxis de la Marne » m’a fait bondir.

    Petite leçon d’histoire. Les taxis ne sont pas montés au front pour repousser l’envahisseur. Gallieni a réquisitionné 600 taxis parisiens pour mener des soldats dans l’Oise (seulement 600 des 10 000 taxis disponibles avant le début de la guerre car 7 000 chauffeurs étaient déjà mobilisés).

    De retour à Paris après sa « course », chaque chauffeur a été payé selon les indications portées au compteur pour un total de 70 102 francs. Et les 3 000 soldats transportés étaient des troupes déjà épuisées avec une forte proportion de réservistes qui ont occupé des positions défensives et n’ont pas directement participé à la première Bataille de la Marne.

    Fin de parenthèse. J’imagine que vous êtes déjà tous monté dans un taxi. Que vous avez eu droit de découvrir des voitures mal entretenues, mal rangées et dont le conducteur… ne savait pas conduire ! Pour essayer des voitures depuis des années et des années, pour être montés avec des essayeurs reconnus, je ne qualifie pas la moitié des chauffeurs de taxis parisiens de « professionnels » au volant. Ni pour l’accueil, ni pour la conduite !

    Concernant leur histoire avec les VTC, la cohabitation a duré plus d’un siècle entre les taxis et les voitures de grande remise. Il n’y avait pas forcément de problèmes… Mais certains entrepreneurs se sont engouffrés dans une brèche ouverte par les taxis eux-mêmes.

    En 2011, la consultation annuelle de hotels.com montrait que les taxis parisiens étaient parmi les plus chers et les moins aimables du monde, là où Londres, New-York et Hong-Kong (trois continents différents) sont plébiscités.

    Il existait donc un marché à prendre face à l’insuffisance de services des taxis parisiens.

    Bonus en forme de rappel : la licence de taxi est gratuite !
    Oui, l’argument du prix de la licence est nul et non avenu. La réglementation française dit que la licence de taxi est gratuite. Seul le nombre est limité. Les taxis ont donc créé une bulle qui leur permet de revendre leur licence « gratuite ». Cette bulle fait atteindre des sommets à une licence parisienne. Aujourd’hui, cette plaque « vaut » 250 000 euros. Oui, cette plaque gratuite est vendue 250 000 euros !