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  • L’automobile européenne face à son plus grand défi

    L’automobile européenne face à son plus grand défi

    Alors que la révolution électrique s’accélère dans d’autres parties du monde, l’industrie automobile européenne semble engluée dans un entre-deux qui n’a plus lieu d’être. Pendant que les constructeurs asiatiques gagnent du terrain avec des modèles compétitifs et une avance technologique marquée, les marques européennes, longtemps dominantes, donnent l’impression d’avoir raté le virage. La crise actuelle ne relève plus du simple cycle économique : elle traduit une profonde remise en cause d’un modèle qui n’a pas su anticiper l’inévitable.

    Rentabilité d’abord, vision ensuite ?

    Les années post-COVID avaient été marquées par une embellie paradoxale. Moins de volumes, certes, mais des marges record grâce à la montée en gamme, à la rareté des produits et à une stratégie centrée sur les véhicules les plus rémunérateurs. Beaucoup d’acteurs se sont félicités d’une rentabilité inédite dans l’histoire du secteur. Mais ce succès apparent masquait une vulnérabilité croissante. En privilégiant les SUV thermiques à forte marge, les marques européennes ont reporté les investissements massifs qu’exigeait la transition électrique.

    Aujourd’hui, les signaux d’alerte s’accumulent. Les stocks invendus gonflent dans les réseaux, les remises reviennent en force, et les résultats financiers commencent à s’effriter. Renault, par exemple, a dû passer d’importantes dépréciations sur sa participation dans Nissan, pris lui aussi dans la tourmente. Ce ne sont plus des alertes conjoncturelles, mais les symptômes d’un dérèglement structurel.

    La transition ratée

    L’Union européenne a fixé le cap : l’interdiction des ventes de véhicules à cylindres neufs à partir de 2035. Si cette échéance est perçue par certains industriels comme une menace, il faut rappeler qu’elle a été connue de longue date. Quinze ans : c’était le temps laissé pour repenser toute la chaîne de valeur, de la R&D à la distribution. Ce délai, la Chine l’a mis à profit pour bâtir un écosystème électrique complet. En Europe, on a préféré temporiser.

    Plutôt que d’investir dans une électrification accessible, les constructeurs ont misé sur la rentabilité immédiate, s’enfermant dans une logique haut de gamme peu compatible avec les réalités économiques d’une grande partie des consommateurs. Résultat : des véhicules électriques encore trop chers, une gamme souvent incomplète, et des ventes poussives dans les segments où la croissance est pourtant la plus forte. Mais la plus grande réalité, c’est le manque d’éducation de la population qui ne voit pas l’intérêt de participer pleinement à la transition technologique.

    Pendant ce temps, les marques chinoises multiplient les offensives : produits bien équipés, prix imbattables, maîtrise de la technologie batterie et intégration logicielle de pointe. Tout ça grâce à un fait : leurs clients ont voulu ce changement. La menace n’est plus théorique — elle est sur les quais européens, dans les concessions, et bientôt sur les routes.

    Le faux procès fait à Bruxelles

    Face à ces bouleversements, une partie des industriels se tourne vers les institutions européennes pour dénoncer un cadre jugé trop rigide, trop rapide, trop politique. L’interdiction du thermique est présentée comme un diktat technocratique déconnecté des réalités de terrain. Ce discours trouve des relais puissants, au point que certaines réglementations sur les émissions de CO₂ ont été repoussées de 2025 à 2027, dans un effort pour donner de l’oxygène à un secteur essoufflé.

    Mais cette posture défensive est à double tranchant. Car dans les pays où des conditions favorables ont été mises en place — fiscalité incitative, bornes de recharge en nombre suffisant, électricité à prix maîtrisé — la progression des ventes de véhicules électriques dépasse largement les attentes. La France, notamment. C’est donc que la demande est là, à condition de lui offrir les bons produits au bon prix. C’est moins la réglementation que l’offre qui fait défaut.

    Une stratégie de repli dangereuse

    Les espoirs de prolongation des moteurs à cylindres, même habillés de technologies hybrides sophistiquées, ne résoudront rien à moyen terme. Le reste du monde n’attendra pas l’Europe pour innover. Le discours rétrograde sur la « technologie éprouvée » ou « l’absence de maturité de l’électrique » ne tient plus face à la réalité du marché mondial. Le risque, en cherchant à sauver à tout prix le modèle du passé, est de s’exclure des nouvelles chaînes de valeur, d’accélérer la désindustrialisation et de perdre définitivement le lien avec les jeunes générations d’automobilistes.

    L’Europe a encore des cartes à jouer

    La situation n’est pas irréversible. L’Europe dispose d’ingénieurs brillants, de savoir-faire industriels puissants, de marques à forte notoriété. Mais elle doit changer d’approche. Cela suppose de mettre fin aux demi-mesures, de penser des véhicules électriques pour le plus grand nombre, de repenser la relation entre produit, usage et service, et d’investir massivement dans les infrastructures et l’amont industriel, en particulier sur les batteries.

    Ce n’est pas une course contre la Chine ou contre les États-Unis. C’est une course contre la montre pour réinventer une industrie européenne crédible, résiliente, désirable. Tant que les décisions seront dictées par le seul impératif de rentabilité trimestrielle, les constructeurs européens continueront de perdre du terrain.

    Il est temps de regarder la réalité en face : le statu quo est devenu la plus grande menace pour l’avenir de l’automobile européenne. Et le moteur sera l’intelligence de la clientèle.

  • Essai Lancia Ypsilon HF : renaissance foudroyante

    Essai Lancia Ypsilon HF : renaissance foudroyante

    Parmi les vignes et les collines entre Milan et Turin, le centre d’essai de Balocco bruisse à nouveau de l’écho d’un nom mythique : HF. Cette fois-ci, c’est au tour de la Lancia Ypsilon HF, compacte électrique de 280 chevaux, d’écrire une nouvelle page de la légende.

    Nous avons eu le privilège de découvrir la plus radicale des Ypsilon au cœur même du complexe Stellantis à Balocco, sur le tout nouveau tracé baptisé « Pista Lancia HF », un circuit conçu spécifiquement pour mettre à l’épreuve les futures sportives de la marque. Loin d’être un simple exercice de style, cette version électrisée du badge HF propulse Lancia dans une ère nouvelle, tout en ravivant un glorieux passé.

    Un circuit pour un retour au sommet

    Pour son grand retour dans l’univers des sportives compactes, Lancia n’a pas lésiné sur les moyens. Balocco, site emblématique du développement des véhicules italiens depuis les années 60, a été le théâtre d’un développement intensif de la Ypsilon HF : 100 000 km de tests, 1 500 heures de roulage, et plus de 100 pneus sacrifiés. De quoi transformer une citadine élégante en une compacte affûtée comme une lame de rallye.

    Le circuit, avec ses virages serrés, ses courbes rapides, ses changements de dénivelé et ses zones à faible adhérence, est un terrain de jeu idéal pour juger du potentiel dynamique de cette nouvelle Lancia. Et le verdict est sans appel : cette Ypsilon HF, avec ses 280 chevaux, son couple de 345 Nm et son différentiel Torsen, est un concentré d’adrénaline à taille urbaine.

    Une fiche technique d’exception

    Première Ypsilon à mériter vraiment le badge HF depuis des décennies, cette version s’offre un arsenal technique impressionnant. La puissance provient d’un moteur électrique alimenté par une batterie lithium-ion de 54 kWh (400V), garantissant jusqu’à 370 km d’autonomie WLTP. Les performances sont dignes de GTI thermiques bien connues : 0 à 100 km/h en 5,6 s, 180 km/h en pointe.

    Mais c’est sur le comportement routier que cette HF impressionne : caisse abaissée de 20 mm, voies élargies de 30 mm, rigidification du châssis (+67 % à l’avant, +153 % à l’arrière), et un freinage Alcon à étriers 4 pistons et disques de 355 mm. Le tout est complété par une direction précise et naturelle, un grip remarquable et une motricité redoutable, même en relances musclées sur sol glissant.

    Lancia réinvente son style sportif

    La Ypsilon HF revendique son appartenance à la lignée des Delta et Fulvia HF avec un style affûté : jantes de 18 pouces, boucliers spécifiques, diffuseur arrière, passages de roue musclés. Les feux arrière ronds évoquent la Stratos, tandis que le profil tendu incarne le langage stylistique Pu+Ra de la marque.

    L’habitacle n’est pas en reste : sièges sport en Econyl à motif « cannelloni », volant en cuir perforé, interface S.A.L.A. aux teintes évolutives du bleu à l’orange, pédalier en aluminium, éclairage d’ambiance et technologies dernier cri — conduite semi-autonome de niveau 2, Apple CarPlay/Android Auto sans fil, recharge à induction, etc. Un vrai cocon technologique au service du plaisir de conduite.

    L’esprit HF pour tous ?

    Lancia ne s’arrête pas là. Pour accompagner cette renaissance, la marque propose également une version plus accessible baptisée Ypsilon HF Line, disponible en motorisation hybride à partir de 27 800 €. Elle reprend certains attributs esthétiques de sa grande sœur électrique et offre un compromis intéressant pour ceux qui cherchent un style affirmé sans basculer dans la radicalité.

    Le retour d’un emblème

    Ce renouveau s’accompagne d’un logo HF réinterprété, toujours orné de l’Elefantino Rosso, mais modernisé dans ses lignes et ses couleurs. Un clin d’œil appuyé à l’héritage de la Squadra Corse et à ces années où Lancia dominait les spéciales de rallye avec panache.

    Ce badge HF, né en 1960 pour distinguer les clients les plus fidèles de la marque, devient aujourd’hui le porte-étendard du retour à la performance. Un retour validé par un certain Miki Biasion, pilote double champion du monde avec Lancia, qui a suivi le développement de cette HF électrique de près.

    Un futur électrisant pour Lancia

    Avec cette Ypsilon HF, Lancia ne se contente pas d’un hommage nostalgique. Elle propose une vision contemporaine de la sportivité, où électrification rime avec sensations, efficacité et caractère. À 42 400 € (ou 325 euros / mois), la compacte transalpine vient bousculer le segment, en s’imposant comme la plus puissante et la plus expressive des petites voitures européennes.

    Sur la Pista HF de Balocco, c’est tout l’esprit Lancia qui est revenu vrombir, en silence mais avec éclat. La renaissance est en marche — et elle s’annonce diablement excitante.

  • La guerre des prix des voitures électriques éclate en Chine

    La guerre des prix des voitures électriques éclate en Chine

    Une guerre des prix acharnée a éclaté sur le plus grand marché automobile du monde : en mars, la coentreprise chinoise de Volkswagen a réduit de 18 % les prix de ses voitures électriques ID.3. Changan Automobile, l’un des constructeurs automobiles chinois appartenant à l’État, a offert des remises en espèces d’environ 3 000 euros, des crédits de recharge gratuits et d’autres incitations pour ses véhicules électriques. BYD, le plus grand fabricant de véhicules électriques du pays, a dévoilé une deuxième série de démarques en un mois pour certains de ses anciens modèles…

    Au milieu de la chute des ventes d’automobiles, les marques automobiles cherchent à rester compétitives, offrant des cadeaux aux concessionnaires et des remises importantes. Plus de 40 constructeurs automobiles ont offert cette année des réductions sur les véhicules électriques et à essence en Chine. Les remises se sont élevées à l’équivalent de plusieurs centaines d’euros pour les modèles les moins chers et à des dizaines de milliers d’euros pour les offres haut de gamme.

    « La sévérité de ce cycle de baisses de prix est quelque chose que je n’ai jamais vu », a déclaré Tu Le, directeur général du cabinet de conseil de Pékin Sino Auto Insights au New York Times.

    La concurrence a déstabilisé ce qui était un pilier au cours des dernières années, alors même que des mesures strictes contre la pandémie ont secoué l’économie chinoise et sapé les efforts du Parti communiste chinois pour instaurer la confiance.h

    Les ventes de voitures en Chine ont chuté de 13 % au cours des trois premiers mois de 2023. Les ventes d’automobiles traditionnelles ont notablement chuté, tandis que la croissance des véhicules électriques a ralenti, selon l’Association chinoise des voitures de tourisme.

    Le marché chinois des véhicules électriques a connu une croissance rapide depuis 2020 – doublant ses ventes l’année dernière – soutenu en partie par les subventions gouvernementales. Lorsque ce programme a expiré en décembre après 13 ans d’activité, la concurrence s’est intensifiée pour attirer des acheteurs dans un segment déjà encombré du marché.

    Dans le même temps, les constructeurs automobiles traditionnels se démènent pour réduire les stocks avant que des normes nationales d’émissions plus strictes à partir de juillet ne rendent difficile la vente de véhicules à moteur diesel et à essence.

    Un marché déjà nerveux a commencé à monter en flèche en janvier lorsque Tesla a baissé ses prix en Chine pour la deuxième fois en trois mois. D’autres fabricants se sont sentis obligés de faire de même.

    Ce mois-ci, Wang Chuanfu, PDG de BYD, a proposé que le gouvernement prolonge les exonérations fiscales, qui réduisent le coût d’achat des véhicules électriques, jusqu’en 2025 au lieu de les laisser expirer cette année. Et la Chambre de commerce des concessionnaires automobiles chinois a publié le mois dernier un article appelant à un report de six mois des nouvelles normes d’émissions.

    Les baisses de prix ne se limitent pas à la Chine. Tesla a également baissé ses prix aux États-Unis et en Europe, et ses concurrents ont emboîté le pas. Mais l’intensité de la concurrence reflète la réalité selon laquelle la Chine n’est pas seulement le plus grand marché pour les véhicules électriques, mais aussi le plus compétitif.

    Les constructeurs automobiles nationaux établis et les start-ups locales, soutenus par les politiques de Pékin encourageant la croissance des véhicules à énergie nouvelle, ont inondé le secteur, attirés par une opportunité unique en une génération de renverser l’équilibre des pouvoirs dans l’industrie automobile. Il existe environ 300 fabricants nationaux de véhicules électriques en Chine.

    Didi, le premier service de covoiturage en Chine, a développé une voiture électrique avec BYD exclusivement pour ses conducteurs. Xiaomi, un fabricant de smartphones, a annoncé son intention de lancer une voiture électrique l’année prochaine. Même Evergrande, le promoteur immobilier en crise, construisait des véhicules électriques, même si ces plans sont compromis en raison de ses problèmes d’endettement.

    La Chine est le premier marché pour les voitures électriques, et il y a été vendu plus l’an dernier que dans le reste du monde. Les constructeurs automobiles étrangers voient un besoin urgent de s’implanter en Chine pour développer le savoir-faire et l’échelle de fabrication nécessaires pour être compétitifs à l’échelle mondiale.

    Cui Dongshu, secrétaire général de l’Association chinoise des voitures de tourisme, a déclaré que la guerre des prix « se poursuivra certainement » en raison de l’importance de produire des véhicules électriques en grande quantité. « En fin de compte, les entreprises avec de petites ventes ou une technologie médiocre seront facilement éliminées », a déclaré M. Cui.

    Les constructeurs automobiles et les concessionnaires mettent désormais tout en œuvre pour les clients. Certains concessionnaires proposent des vacances gratuites ou des bouteilles de parfum en échange d’essais routiers.

    Le mois dernier, une affiche promotionnelle d’un concessionnaire Toyota de la ville de Shenzhen a généré un buzz en ligne, en annonçant une berline à essence gratuite pour l’achat d’un bZ4X… Mais qui serait une fausse information.

    Comme les smartphones

    Il existe des similitudes entre le marché mousseux des véhicules électriques en Chine et les premiers jours du boom des smartphones, lorsqu’un nouveau produit technologique a attiré des dizaines de nouveaux venus pour se bousculer avec des marques étrangères établies.

    En 2015, il y avait plus de 100 fabricants chinois de smartphones – un nombre qui a été considérablement réduit à quatre principales marques nationales et à Apple. De nombreuses marques non chinoises, telles que Samsung Electronics, autrefois leader de la téléphonie mobile en Chine, sont à peine visibles.

    Zhu Jiangming, président-directeur général du fabricant chinois de véhicules électriques Leapmotor, a déclaré avoir vu une autre similitude. Il s’attend à ce que les prix des voitures électriques baissent plus rapidement que les voitures traditionnelles car, comme les fabricants de smartphones, les fabricants de véhicules électriques bénéficieront de la baisse des prix des composants et de l’amélioration des fonctionnalités.

    Il est possible, a déclaré M. Zhu, qu’un véhicule électrique moyen à haut de gamme en Chine puisse se vendre environ 7 000 dollars en 10 ans. Le prix moyen d’une voiture électrique en Chine est déjà nettement inférieur à celui du reste du monde, autour de 35 000 dollars contre 60 000 dollars en Europe et 70 000 dollars aux États-Unis.

    William Li, directeur général de Nio, l’une des principales sociétés chinoises de véhicules électriques, a déclaré qu’il prévoyait de maintenir Nio à l’écart de la guerre des prix, qu’il a qualifiée de « malsaine et non durable ». Pour les constructeurs automobiles traditionnels à essence, « la réduction des prix est leur dernier recours pour tenter de s’assurer une part de marché », a-t-il déclaré dans un communiqué.

    Certains dirigeants craignent que les consommateurs ne s’habituent à attendre les baisses de prix. La China Automobile Dealers Association a déclaré le mois dernier que le trafic piétonnier vers les concessionnaires avait grimpé en flèche après les démarques, mais que les commandes avaient diminué.

    Leapmotor et Li Auto ont cherché à assurer les acheteurs potentiels avec une offre de garantie pour combler la différence si la société baissait les prix ou offrait des remises en espèces dans les 90 prochains jours…

    Source : New York Times