Étiquette : voitures de collection

  • L’homme qui tondait l’élégance : le secret de l’artisanat de Masashi Nakayama chez Mazda

    L’homme qui tondait l’élégance : le secret de l’artisanat de Masashi Nakayama chez Mazda

    Dans un monde où l’intelligence artificielle et les raccourcis numériques dominent le design, Masashi Nakayama, directeur général de la division Design de Mazda, défend un artisanat exigeant. Pour lui, la création d’une automobile véritablement spéciale commence en roulant les manches et en plongeant les mains dans la glaise. Beaucoup de glaise.

    Cette approche tactile, presque méditative, est au cœur de l’esthétique épurée et élégante qui caractérise les Mazda contemporaines.

    L’apologie de la glaise et du temps long

    Le secret de Mazda réside dans son attachement au modèle physique. Nakayama le confirme sans détour : « Nous produisons beaucoup plus de modèles en argile que les autres constructeurs automobiles ». Il précise même que Mazda consomme la plus grande quantité d’argile au monde, utilisant une argile personnalisée et unique.

    Ce n’est pas une simple lubie. Ce choix, qui valorise le temps long, est le chemin vers des voitures de série d’une élégance exceptionnelle. L’approche est si valorisée que les concurrents cherchent régulièrement à débaucher les modeleurs de Mazda, jugés parmi les meilleurs du secteur.

    • L’Iconic SP : Le concept-car très acclamé Iconic SP – qui pourrait influencer toute une génération de modèles de production – est né de cinq modèles en argile au quart, suivis de trois modèles grandeur nature qui ont évolué sur une période considérable.

    Vue de près, la forme basse et agile de l’Iconic SP est remarquable par sa douceur. Il n’y a aucune arête vive ni coupure discordante ; le design est une leçon de retenue et de bon goût, de ses phares escamotables ultra-minces à la colonne vertébrale centrale du capot qui définit sa symétrie.

    Du MX-5 au Zen du tondeur

    Masashi Nakayama, qui a pris les rênes du design en 2021 après une carrière chez Mazda débutée en 1989 (lancement du premier MX-5), est un homme de l’ombre. Il symbolise l’esprit de curiosité et d’engagement de la marque.

    Il a été impliqué dans la renaissance du XXIe siècle, signant des intérieurs emblématiques (Mazda 3 Mk1, RX-8) et, de manière atypique, en étant à la fois chef designer et chef de programme pour l’actuelle MX-5 de quatrième génération. Pour lui, la principale qualification pour ce poste était de « montrer de l’amour au MX-5 ».

    Son approche s’ancre dans un héritage artisanal fort :

    • Héritage Artisanal : Son grand-père était un charpentier de temple capable de façonner des structures complexes sans utiliser de clous.
    • Philosophie de Hiroshima : Ayant grandi dans une ville qui a « tout perdu » puis s’est reconstruite à partir de zéro, il a développé un état d’esprit unique qui mélange « la philosophie dynamique de la recherche d’une haute efficacité avec la philosophie statique de l’exercice de la prudence et de l’attention ». Pour lui, la vitesse d’une voiture de sport n’est pas tout.

    Cet état d’esprit se manifeste dans son plus grand plaisir personnel : tondre la pelouse avec une tondeuse manuelle. Pour lui, entretenir son vaste gazon (120 m²) est un « art qui implique de travailler avec la nature », une métaphore parfaite de son approche du design automobile.

    La quête de l’expérience utilisateur unique

    Nakayama ne nie pas la pression de la rapidité, surtout face aux start-ups chinoises. Mais il insiste : « Je pense que notre processus a en fait une valeur plus forte, à cause du temps pris ».

    Sa philosophie s’étend jusqu’à l’expérience utilisateur. S’il n’est pas opposé au design moderne, il refuse que Mazda se contente des solutions tierces par défaut (comme Apple CarPlay ou Android Auto). Il souhaite passionnément que la marque développe une expérience utilisateur unique, sans faire appel à des entreprises externes pour la créer.

    L’Iconic SP pourrait concrétiser cette vision. Bien qu’il se refuse à donner des détails sur la production, le directeur technique de Mazda, Ryuichi Umeshita, a révélé qu’une version de production s’orienterait vers un plus grand VE doté d’un prolongateur d’autonomie à moteur rotatif, un digne « successeur de la RX-7 ».

    Avec l’engagement de Nakayama pour le geste juste, il y a de l’espoir que ce futur modèle conserve le corps aux surfaces lisses, les phares escamotables et les portes à ouverture vers le ciel — la magie subtile que seule l’approche artisanale de Mazda peut offrir.

  • La naissance difficile de l’icône urbaine : l’odyssée technique de la Smart

    La naissance difficile de l’icône urbaine : l’odyssée technique de la Smart

    La Smart City Coupé n’est pas née d’une planche à dessin traditionnelle, mais d’une vision culturelle et de la fantaisie obstinée d’un homme : Nicolas Hayek. L’instigateur de Swatch, que l’on décrivait alors comme « un consultant [en management] froissé et fumant le cigare », cherchait à créer une voiture qui serait à la fois « populaire et branchée », une riposte à la « décadence de cette civilisation ».

    Dès février 1990, le projet de la Swatchmobile est évoqué. Le concept était simple, mais radical : un petit véhicule électrique capable de transporter « deux personnes et deux caisses de bière » pour un prix défiant toute concurrence.

    Le naufrage chez Volkswagen et le salut chez Mercedes

    L’histoire de la Smart est celle d’un projet qui a frôlé la mort plusieurs fois. Après avoir trouvé un premier partenaire en Volkswagen, le rêve d’Hayek fut brutalement écrasé par Ferdinand Piëch. Le nouveau grand patron de VW, donnant la priorité à son propre projet hybride, le Chico, jugea la proposition d’Hayek d’un œil technique sévère : il la qualifia de « patin à roulettes d’éléphant – pas même une voiture bulle pratique ». L’accord fut rompu.

    C’est là qu’un sauveur inattendu émergea sous la forme de Mercedes-Benz. Le constructeur allemand cherchait à bousculer sa propre culture conservatrice et travaillait déjà sur des idées similaires. Début 1994, Mercedes-Benz et Swatch annoncèrent la coentreprise Micro Compact Car (MCC).

    Compromis technique et ingénierie radicale

    Le développement fut néanmoins semé d’embûches. L’avancée technologique des batteries n’ayant pas été aussi rapide que prévu, le coût élevé et la faible autonomie de la voiture électrique menaçaient sa viabilité commerciale.

    Hayek fut contraint d’accepter un compromis majeur pour respecter son objectif de prix : le système électrique fut transformé en un système hybride intégrant un petit moteur essence quatre temps de 250 cm³.

    Le nouveau véhicule, développé par une petite équipe de 166 ingénieurs dont l’âge moyen n’était que de 34 ans, fut renommé Smart en mai 1995 (S pour Swatch, M pour Mercedes et ART pour le côté artistique).

    L’élégance du design et la sécurité

    Pour garantir la sécurité de cette miniature, les ingénieurs durent faire preuve d’une innovation radicale. La Smart fut construite selon le « principe sandwich » de la nouvelle Mercedes Classe A, assurant une absorption des chocs maximale. Sous sa forme familière, elle abritait des moteurs bicylindres.

    Le style était résolument moderne, avec une touche poétique caractéristique d’Hayek :

    • Il prévoyait d’offrir une gamme de couleurs vives grâce à des panneaux de carrosserie en plastique.
    • Un « système révolutionnaire de films de peinture amovibles » devait permettre aux propriétaires de « changer la couleur de la Swatch en fonction de leur humeur ».

    La production fut lancée dans une usine dédiée à Hambach, en France, avec la promesse du président de MCC, Jürgen Hubbert : « L’avenir de la mobilité sera la Smart ». La Smart City Coupé, malgré sa naissance difficile et ses compromis techniques, est devenue un symbole de design urbain et de l’innovation de la fin du XXe siècle.

  • Alfa Romeo 164 Procar : la berline qui roulait plus vite qu’une F1

    Alfa Romeo 164 Procar : la berline qui roulait plus vite qu’une F1

    Riccardo Patrese enclenche la pédale de droite à la sortie de la Parabolica. Quelques secondes plus tard, juste avant le freinage de la chicane Rettifilo, il file à plus de 320 km/h dans la ligne droite des stands de Monza. Le plus frappant ? Il est au volant d’une voiture qui ressemble, à s’y méprendre, à une banale berline quatre portes ! Le son, nouveau et strident, qui déchire l’air devant les tribunes combles, racontait pourtant une tout autre histoire.

    Ce spectacle unique, offert lors du Grand Prix d’Italie 1988, fut la première et la dernière apparition publique de l’Alfa Romeo 164 Procar. Un mirage historique, fruit d’une ambition folle qui devait révolutionner le sport automobile : les berlines de tourisme dotées de la performance d’une Formule 1.

    La chimère de la Formule S

    Patrese venait de descendre de sa Williams à moteur V8 Judd pour s’installer dans une machine qui n’était pas si éloignée de sa monoplace. Sous sa carrosserie de 164 de série, l’Alfa Romeo Procar était, à toutes fins utiles, une F1 biplace. Elle reposait sur un châssis de course ultra-rigide et abritait surtout un V10 atmosphérique de 3,5 litres, une configuration de moteur qui deviendrait dominante au sommet du sport dans les saisons à venir.

    Cette bête de course était le fer de lance de ce qui devait être le Championnat FIA des Voitures de Production (Procar), ressuscité d’une série éponyme BMW M1 de 1979-80. Au cœur de ce projet se trouvait la Formule S (pour Silhouette).

    Le concept était audacieux : l’aspect extérieur devait imiter fidèlement une voiture de série produite à au moins 25 000 exemplaires, n’autorisant qu’un petit aileron arrière discret et quelques ajustements pour le refroidissement. Mais sous cette enveloppe familière, les règlements exigeaient une technologie F1 pure et dure, en l’occurrence les nouveaux moteurs atmosphériques de 3,5 litres.

    Quand Bernie et Max dictaient la musique

    Ce projet était l’œuvre de l’influent duo Bernie Ecclestone et Max Mosley. Ecclestone, nouvellement vice-président de la FIA chargé des affaires promotionnelles, et Mosley, revenu en tant que président de la commission des constructeurs de la FISA, travaillaient à restructurer le sport automobile. Leur objectif était clair : rendre les moteurs F1 de 3,5 litres obligatoires non seulement en Grand Prix, mais aussi en Groupe C (endurance) et dans ce nouveau Procar. L’idée était de forcer les constructeurs à investir dans un moteur unique, utilisable sur plusieurs fronts – un concept que Ecclestone ne cachait pas être une manœuvre pour attirer les grands constructeurs vers la F1.

    FIAT, qui venait de racheter Alfa Romeo fin 1986, s’est montré un collaborateur enthousiaste. Le nouveau patron, Vittorio Ghidella, fan de sport auto, voulait que l’image de course d’Alfa perdure, même si la F1 était désormais l’apanage de Ferrari. Or, Alfa Corse disposait d’un tout nouveau V10 3,5 litres – le Tipo 1035 – développé par Giuseppe D’Agostino, conçu pour être plus compact et léger qu’un V12, et plus puissant qu’un V8.

    Ce moteur, qui n’avait plus de débouché en F1 après la rupture spectaculaire du contrat avec Ligier (un casus belli monté de toutes pièces par FIAT), trouva un foyer inattendu dans la carrosserie de la 164.

    L’élégance mécanique : la BT57

    La construction de l’Alfa 164 Procar fut confiée à Brabham (qui était alors en pleine cession par Ecclestone), l’équipe qui avait déjà utilisé les moteurs Alfa en F1 de 1976 à 1979. Le châssis, connu en interne sous le nom de BT57, était l’œuvre de l’ingénieur John Baldwin. Il était construit autour d’une coque centrale rigide à laquelle étaient accrochés le moteur et les suspensions, permettant un véritable aménagement biplace.

    Assemblé par le mécanicien Tommy Ross, l’unique exemplaire fut testé en Italie, notamment par Giorgio Pianta. Pour sa démonstration publique à Monza, Patrese reçut des instructions strictes : prendre son temps, puis accélérer à fond dans la ligne droite pour exhiber la vitesse de pointe.

    La performance fut foudroyante : la 164 Procar a dépassé les 331 km/h (206 mph) dans la ligne droite, plus rapide que certaines F1 de l’époque, son poids minimal de 750 kg aidant. Patrese se souvient de la violence de l’expérience : « Tout tremblait beaucoup au-dessus de 300 km/h ».

    Un mort-né de 331 km/h

    Malheureusement, le coup de bluff d’Alfa Romeo ne convainquit pas les autres constructeurs. Leur scepticisme était clair : « Nous voulons courir avec ce que nous vendons », le concept de la silhouette étant jugé trop éloigné du produit de série.

    La Formule S et le Championnat Procar furent abandonnés discrètement. L’Alfa 164 Procar a ainsi été rapidement reléguée au musée. L’unique fois où son magnifique moteur V10 atmosphérique fut entendu par le public, ce fut lors de ces quelques tours de démonstration. L’histoire se souvient de cette berline unique comme d’une fin de non-recevoir à 331 km/h.

  • Une Lotus Esprit en carbone renaît : l’Encor Series 1 dévoile sa modernité

    Une Lotus Esprit en carbone renaît : l’Encor Series 1 dévoile sa modernité

    Cinquante ans après le premier dévoilement de la Lotus Esprit à Paris, la mythique supercar britannique renaît sous une forme revisitée. La jeune société britannique Encor prépare le lancement de la Series 1, une réinterprétation moderne de l’Esprit S1 originale, mêlant ADN Colin Chapman, ingénierie contemporaine et savoir-faire artisanal.

    Une renaissance limitée à 50 exemplaires

    Seuls 50 exemplaires seront produits, chacun reposant sur une Esprit V8 d’origine. Le projet conserve le châssis en nid d’abeille propre au modèle, tout en remplaçant la carrosserie en fibre de verre par une coque en carbone moulé. Selon Encor, cette nouvelle structure est plus légère et plus rigide, tout en intégrant des éléments modernes comme des phares LED basse hauteur, discrets mais performants.

    Sous le capot, le V8 d’origine est entièrement reconstruit, promettant une motorisation fiable et endurante, fidèle à l’esprit de la voiture. L’intérieur, lui, a été entièrement repensé : cuir, Alcantara et aluminium usiné remplacent le style rétro, tandis que des touches numériques — Apple CarPlay et caméras 360 degrés — assurent un confort moderne sans trahir l’esprit sportif.

    Respecter l’héritage tout en modernisant

    Pour Simon Lane, co-fondateur et ancien responsable de programmes sur mesure chez Aston Martin et Lotus, le projet n’est pas simplement un exercice technique : « Il s’agit d’une responsabilité, pas d’un projet. » Le designer Daniel Durrant, ancien de Lotus, souligne que le style de la Series 1 rend hommage à l’Esprit originale tout en conservant une authenticité visuelle. Chaque détail, de la silhouette aux proportions, a été étudié pour rappeler le modèle emblématique de 1975 sans tomber dans le pastiche.

    Cette approche reflète une tendance croissante dans le marché des voitures de collection : proposer des classiques modernisés, où performance, sécurité et confort répondent aux exigences actuelles, tout en préservant l’âme de l’original.

    Prix et marché ciblé

    L’Encor Series 1 est proposée à partir de 500 000 euros, hors options, taxes et prix du véhicule donneur. L’initiative s’adresse avant tout aux collectionneurs avertis, à la recherche d’exclusivité et de plaisir de conduite. La série limitée, la reconstruction du V8 et l’utilisation du carbone rendent chaque exemplaire unique et profondément désirable.

    La révélation complète est attendue pour novembre 2025, et les premières livraisons devraient suivre rapidement. Avec ce projet, Encor réaffirme non seulement l’attractivité intemporelle de la Lotus Esprit, mais aussi le potentiel de réinterprétations haut de gamme qui combinent patrimoine et technologies modernes.

  • Nick Mason, la batterie dans le sang, l’huile dans les veines

    Nick Mason, la batterie dans le sang, l’huile dans les veines

    On le connaît comme le discret batteur de Pink Floyd. Mais Nick Mason est bien plus qu’un simple musicien de l’ombre. Depuis plus d’un demi-siècle, il conjugue deux passions avec une intensité rare : la musique psychédélique et la mécanique de compétition. À 80 ans passés, l’homme possède sans doute l’un des plus beaux garages privés d’Angleterre, où les Ferrari d’avant-guerre croisent des prototypes du Mans. Une collection à son image : exigeante, élégante et pétrie d’histoire.

    Un gentleman driver né à Birmingham

    Fils d’un réalisateur de documentaires automobiles — Bill Mason, caméraman régulier du RAC Tourist Trophy et du Grand Prix de Monaco dans les années 50 — Nick Mason baigne très jeune dans l’univers des circuits. Son père filme des épreuves, fréquente l’Auto Union de Neubauer et collectionne déjà des images de Type 35 ou de Bentley Blower à une époque où ces voitures ne sont pas encore considérées comme des trésors.

    Cette influence paternelle le marque à vie. Lorsque Mason fonde Pink Floyd avec Roger Waters et Syd Barrett à Londres au milieu des sixties, l’automobile n’est jamais bien loin. L’argent du succès ne tarde pas à tomber, et c’est vers Maranello que se tourne le premier gros achat du jeune batteur : une Ferrari 275 GTB. Elle deviendra la première d’une longue série.

    Une Ferrari 250 GTO dans le garage

    Nick Mason n’est pas un spéculateur, ni un conservateur de musée. C’est un pilote amateur au sens noble du terme. Il aime rouler. Fort. Il aime comprendre les mécaniques, sentir le mouvement des fluides, dompter les caprices des carburateurs. Il aime aussi partager.

    Au cœur de sa collection — qui regroupe une trentaine d’autos de compétition, toutes en état de marche — trône un joyau absolu : une Ferrari 250 GTO. Châssis n°3757GT. L’un des 36 exemplaires produits entre 1962 et 1964. Mason l’a achetée en 1977 pour 37 000 livres sterling, une somme déjà rondelette à l’époque mais qui ferait sourire aujourd’hui, tant la cote des GTO s’est envolée. Celle de Mason est estimée à plus de 50 millions d’euros. Elle est rouge, d’origine. Il l’a engagée à Goodwood, au Tour Auto, et même dans des courses historiques au Japon.

    Mais l’homme n’est pas dogmatique. Dans son garage, on trouve aussi une Bugatti Type 35B, une Maserati 250F, une McLaren F1 GTR à la livrée Gulf, ou encore une BRM V16, monstre sonore qu’il aime faire hurler devant des foules médusées.

    L’essence d’un style

    Ce qui distingue Nick Mason des autres collectionneurs, c’est sa fidélité à une certaine idée du style. Pas seulement esthétique, mais philosophique. Il entretient ses voitures, les fait rouler, les prête parfois. Il a monté sa propre structure, Ten Tenths (en référence à l’expression anglaise « to drive at ten-tenths », soit à 100 % de ses capacités), pour gérer et préparer ses autos. Il a aussi été fidèle pendant longtemps au même mécanicien, Neil Twyman, artisan londonien de la restauration haut de gamme.

    Sa passion ne s’est jamais limitée à l’Italie. Lorsqu’il parle de la Bentley Speed Six ou de l’Aston Martin Ulster, ses yeux brillent autant que lorsqu’il évoque sa Porsche 962. Il admire le génie des ingénieurs d’avant-guerre comme la brutalité raffinée des prototypes des années 80.

    Et surtout, Mason ne sépare jamais totalement sa passion automobile de son univers musical. Sa Ferrari 512 S a même servi dans le film Le Mans avec Steve McQueen. Le lien est organique.

    Le Mans, Silverstone et autres plaisirs

    Nick Mason n’a jamais visé la gloire en compétition, mais il a couru. Beaucoup. En endurance, essentiellement. Il a participé cinq fois aux 24 Heures du Mans entre 1979 et 1984, avec des Lola ou des Rondeau, toujours dans des équipes privées. Son meilleur résultat reste une 18e place au général, mais là n’était pas l’essentiel. Il voulait vivre l’expérience de l’intérieur, sentir le circuit au cœur de la nuit, dans les Hunaudières à fond, avec un V8 derrière l’épaule.

    Outre Le Mans, Mason s’est aligné à Silverstone, Brands Hatch, Spa, ou Daytona. Il est aussi l’un des fidèles du Goodwood Revival et du Festival of Speed, où il se plaît à monter dans ses autos pour des démonstrations plus ou moins sages, toujours élégantes.

    Un ambassadeur bienveillant

    En 2018, Nick Mason a franchi un nouveau pas dans le partage de sa passion en créant un groupe de rock revisitant les classiques de Pink Floyd, intitulé « Nick Mason’s Saucerful of Secrets ». Ce projet parallèle lui a permis de remonter sur scène tout en poursuivant ses activités automobiles.

    Il reste très présent dans la communauté des collectionneurs et pilotes historiques, intervenant dans des documentaires (notamment pour la BBC ou Channel 4), écrivant la préface de nombreux ouvrages ou apparaissant dans les paddocks avec un sourire franc et discret.

    Son livre Into the Red, publié en 1998 et réédité plusieurs fois depuis, est une déclaration d’amour aux voitures anciennes, coécrit avec Mark Hales. On y découvre l’histoire de chaque voiture de sa collection, mais aussi des impressions de conduite sincères, personnelles, sans fioritures.

    Un art de vivre britannique

    Nick Mason incarne une forme d’aristocratie informelle et bienveillante de l’automobile ancienne. Il n’est ni exubérant, ni austère. Juste passionné. Loin des clichés du collectionneur bling-bling ou du nostalgique crispé, il représente un art de vivre à l’anglaise, fait de tweed, de cuir patiné et de moteurs libérés.

    Et dans ce monde qui change, où la voiture ancienne est parfois perçue comme un anachronisme, il prouve que la passion automobile peut être intelligente, responsable et généreuse. Il ne roule pas pour épater, mais pour comprendre, pour ressentir, pour transmettre.

    Alors oui, entre deux reprises de Echoes, il peut bien démarrer une GTO à l’aube dans un paddock encore vide. Et ce son, profond et métallique, répond parfaitement à celui de sa caisse claire. Un écho. Une vibration. Une autre forme de rythme.

  • Lotus Emira Clark Edition : hommage mécanique à une saison mythique

    Lotus Emira Clark Edition : hommage mécanique à une saison mythique

    En 1965, Jim Clark remportait à la fois le championnat du monde de Formule 1 et les 500 miles d’Indianapolis. Soixante ans plus tard, Lotus lui rend hommage avec une série très spéciale de son dernier coupé thermique : l’Emira Clark Edition. Limitée à 60 exemplaires, cette version de la berlinette anglaise célèbre autant un homme qu’une époque où le sport automobile flirtait avec la légende.


    Un nom, une saison, une légende

    Les superlatifs sont souvent galvaudés dans l’automobile. Mais Jim Clark échappe à cette règle. Pilote écossais au style limpide et à la modestie légendaire, il demeure pour beaucoup l’un des plus grands de l’histoire. La saison 1965 fut son chef-d’œuvre : six victoires en dix Grands Prix, un titre mondial écrasant au volant de la Lotus 33, et un triomphe à Indianapolis avec la Lotus 38 — une première pour un moteur arrière sur l’ovale américain.

    C’est cette année d’exception que Lotus a choisi de commémorer avec la Clark Edition de son Emira. Et si le constructeur n’a jamais été avare en séries spéciales par le passé, il s’agit ici de la première déclinaison patrimoniale de l’Emira, coupé qui marque la fin d’une ère chez Lotus : celle des sportives thermiques à boîte manuelle.

    Une livrée historique, mais pas seulement

    L’hommage saute aux yeux : la teinte vert course soulignée de jaune rappelle immédiatement les monoplaces des années 1960 sorties de l’esprit de Colin Chapman. Le vert britannique profond évoque la Lotus 33, tandis que le bandeau jaune renvoie à la 38 d’Indy. Mais Lotus n’a pas simplement trempé un pot de peinture dans le passé. L’exécution est soignée : liseré jaune peint à la main le long des flancs, sorties d’échappement cerclées de jaune, bouchon de réservoir en aluminium avec un centre anodisé bleu comme sur l’auto d’Indianapolis.

    Autre clin d’œil plus subtil : les sièges asymétriques, avec un baquet conducteur rouge — couleur des assises sur les Lotus de l’époque — et un siège passager noir. L’ensemble compose un intérieur nostalgique sans sombrer dans la caricature : pommeau de levier de vitesses en bois, signature de Jim Clark sur la planche de bord, plaques de seuils en carbone numérotées… jusqu’au badge « Clark Edition » un peu partout, façon merchandising assumé.

    Une mécanique inchangée… mais idéale

    Sous son capot, la Clark Edition reste fidèle au V6 3.5 litres compressé d’origine Toyota, toujours associé ici à une boîte manuelle à six rapports. Avec ses 400 ch transmis aux seules roues arrière, l’Emira continue de défendre une conception du plaisir de conduite aujourd’hui presque disparue.

    C’est d’ailleurs tout le sens de cette série spéciale : célébrer une époque révolue, non seulement en termes de résultats sportifs, mais aussi de philosophie automobile. Là où Lotus regarde désormais vers l’électrique — les SUV Eletre et bientôt Emeya représentent déjà 60 % des ventes mondiales —, cette Clark Edition fait figure de baroud d’honneur mécanique, au moment même où les sportives analogiques vivent leurs dernières heures.

    60 exemplaires pour 60 années

    Seuls 60 exemplaires seront produits, symboliquement, pour les 60 ans de cette saison inoubliable. Lotus précise qu’ils seront réservés à des « marchés sélectionnés » — une manière diplomatique de dire qu’aucun ne traversera l’Atlantique. Les exportations d’Emira vers les États-Unis sont suspendues pour l’instant, en raison de tarifs douaniers peu favorables.

    Reste la question du tarif. Affichée à 135 000 euros, cette édition Clark se place près de 30 % au-dessus d’une Emira V6 standard. Un écart non négligeable pour un contenu essentiellement cosmétique — même si l’exclusivité, le storytelling et le caractère iconique de Jim Clark viennent gonfler la valeur perçue.

    Une Lotus fidèle à son ADN

    En dévoilant cette série limitée, Lotus démontre que son identité profonde n’a pas disparu, malgré les bouleversements actuels de son catalogue. Le constructeur fondé par Colin Chapman n’a jamais été un simple fabricant d’automobiles. Il a toujours été un créateur d’histoires, d’émotions, d’engagements techniques radicaux. La Clark Edition ne bouleverse pas l’Emira, elle la resitue dans une continuité historique, là où la passion du pilotage rencontre la mémoire du sport.

    Et au fond, quoi de plus lotusien qu’une voiture légère, agile, manuelle, peinte en vert et jaune, avec un nom de pilote écossais brodé sur le tableau de bord ? Une voiture qui vous rappelle que, si l’automobile change, la passion ne meurt jamais.