Soyons honnêtes : la plupart des restomods ne servent à rien. Ces transformations, qui consistent à électrifier ou moderniser des icônes du passé, se justifient rarement autrement que par une surenchère esthétique ou technologique. Elles trahissent souvent l’esprit originel de la voiture, tout en surfant sur la nostalgie et la spéculation.
Et pourtant, face à la Rolls-Royce Corniche électrifiée par Halcyon, difficile de rester insensible. Il y a dans ce projet britannique quelque chose de décalé, d’attachant, presque théâtral. On l’imagine volontiers au bras d’Elton John, posée devant une villa de la Côte d’Azur, incarnant à la fois l’excentricité et l’élégance d’une époque révolue.
Une Corniche qui cache 500 chevaux électriques
Le projet est signé Halcyon, start-up de Guildford. Sur la base des Corniche et Silver Shadow, les ingénieurs ont conçu une architecture électrique entièrement maison. Le vénérable V8 6,75 litres disparaît, remplacé par un moteur électrique arrière délivrant jusqu’à 500 ch dans la version Long Range. La batterie occupe l’espace du moteur d’origine, complétée par un second pack prenant la place du réservoir.
Résultat : un poids de 2,2 tonnes, toujours équilibré par une répartition 53/47. L’autonomie oscille entre 200 et 300 miles (320 à 480 km), selon la version, grâce à une plateforme 800 V acceptant jusqu’à 230 kW de puissance de charge. De quoi passer de 10 à 80 % en quarante minutes, là où d’autres restomods se contentent d’une recharge mollassonne.
Un luxe qui se veut contemporain
Halcyon ne s’est pas contenté d’électrifier la Corniche : l’habitacle a été totalement repensé. Le mot d’ordre est l’équilibre entre tradition et modernité. Les boiseries côtoient un combiné d’instruments à aiguilles redessinées, enrichi d’un affichage numérique discret. Les équipements contemporains sont bien présents, mais volontairement cachés : Apple CarPlay sans fil, caméra de recul, climatisation numérique, le tout dissimulé jusqu’à ce qu’un bouton réveille les écrans.
On retrouve aussi trois modes de conduite — Drive, Spirited, Touring — afin d’exploiter la bande passante de ce châssis modernisé. Plus ferme, plus réactif, le comportement reste cependant fidèle à l’esprit Rolls : une voiture qui « flotte sur un nuage », comme le décrit Matthew Pearson, cofondateur et PDG d’Halcyon.
60 exemplaires, et pas un de plus
Le projet reste exclusif : 60 voitures seulement seront produites, Corniche cabriolet et coupé, ainsi que Silver Shadow. Prix estimé : environ 400 000 £ hors coût du véhicule donneur, soit plus de 450 000 € pour une Corniche électrifiée. Autant dire que la clientèle visée n’aura aucun mal à signer un chèque de plus pour transformer une icône en objet hybride entre patrimoine et gadget.
Inutile, donc indispensable ?
On pourra toujours arguer que cette transformation est un sacrilège : ôter son moteur à une Rolls-Royce, c’est retirer une partie de son âme. Mais dans le cas de cette Corniche Halcyon, le résultat a quelque chose d’irrésistible. Peut-être parce que la voiture n’a jamais été pensée comme une machine de performance, mais comme une icône du style et du paraître.
Dans ce rôle, elle excelle encore aujourd’hui. Électrifiée ou pas, cette Rolls conserve son allure nonchalante et baroque, sa silhouette de diva intemporelle. Le restomod ne sert peut-être à rien… mais comme une chanson pop exubérante, il nous arrache un sourire. Et c’est peut-être ça, sa plus belle réussite.