Catégorie : Design & Style

  • L’ère des prompts : quand l’intelligence artificielle s’invite à la planche à dessin

    L’ère des prompts : quand l’intelligence artificielle s’invite à la planche à dessin

    L’automobile est l’une des dernières formes d’art industriel où la main et l’imagination humaines règnent en maîtres. Mais le vent tourne. L’intelligence artificielle, jadis reléguée aux algorithmes, s’installe désormais dans les studios de design. La question n’est plus de savoir si l’IA sera utilisée, mais si elle peut supplanter – ou du moins transformer radicalement – le rôle du designer.

    Le consensus est riche en nuances : si l’IA s’avère un outil d’une vitesse stupéfiante, le « savoir et émotion » qui guide la création d’un chef-d’œuvre reste profondément humain.

    La Vitesse du Flash et le Piège du Générique

    L’attrait initial de l’IA réside dans sa rapidité. Simon Loasby, directeur du Hyundai Design Centre, se souvient avoir créé une image d’un yacht (pour inspirer l’Ioniq 9) en seulement « 40 secondes » le temps de parcourir la distance entre deux feux rouges. L’effet est immédiat et impressionnant.

    Cette vélocité est particulièrement utile dans les phases initiales de la création :

    • Recherche Précoce : Pour la phase de recherche très précoce, les planches d’influence, le choix des matériaux et des couleurs, l’IA est « excellente » selon Robin Page, directeur du design chez Bentley Motors.
    • Détails Précis : Elle est également très efficace pour les composants spécifiques comme les jantes.

    Cependant, cette rapidité cache un défaut fondamental soulevé par des esprits créatifs comme Mitja Borkert, directeur du design chez Lamborghini : les créations de l’IA sont souvent « un peu génériques » et n’offrent « rien de nouveau ».

    L’explication est simple : l’IA fonctionne en puisant dans d’immenses bases de données d’images déjà publiées numériquement, mélangeant des variations existantes. Elle est capable d’imiter, comme un designer humain s’inspirerait d’un modèle iconique des années 70 pour moderniser un phare LED, mais elle manque du bond imaginatif nécessaire pour créer un modèle entièrement inédit.

    « Je reviens à la remarque d’Einstein : ‘La connaissance n’est rien sans l’imagination.’ Et l’IA n’est rien sans l’imagination pour l’utiliser. » — Marek Reichman, Chief Creative Officer chez Aston Martin.

    Le Défi de la Propriété Intellectuelle et du Contrôle

    Pour les constructeurs, l’enjeu dépasse la seule créativité. Il touche à la confidentialité et à l’élégance de la marque.

    • Le Danger de l’Open Source : Les outils d’IA les plus puissants sont des plateformes open source. Utiliser ces plateformes pour des travaux confidentiels est impossible pour des constructeurs qui protègent jalousement leurs futurs designs.
    • L’IA Captive : La solution adoptée par Stellantis et Hyundai est le développement d’une IA interne (captive). Chez Stellantis, par exemple, cette IA est entraînée avec leurs propres esquisses, travaux précédents et designs de marque. Ralph Gilles, l’un des chief design officers de Stellantis, y voit « un designer supplémentaire » capable de générer des idées auxquelles l’équipe n’aurait pas pensé.

    Cette approche permet de guider l’IA selon la signature et le style de la marque, transformant l’outil en un assistant plutôt qu’en un simple générateur d’images.

    La Mutation du Processus Créatif

    L’impact le plus concret de l’IA est peut-être de modifier le rythme et la structure du processus de design.

    Brett Patterson, designer indépendant, note qu’avant l’IA, le processus passait par des cycles d’esquisses brutes. Aujourd’hui, la « hero image » (l’image de présentation finale) peut émerger dès le tout début du processus. Une fois la direction validée, le design complet peut être affiné par les méthodes plus familières d’esquisse et de modélisation.

    L’IA ne remplacera pas le designer, mais elle est en train de redéfinir la manière dont le design est fait. Comme le résume justement Simon Loasby : « L’IA ne va pas nous prendre nos emplois, mais quelqu’un qui utilise l’IA le fera, nous devons donc utiliser ces nouveaux outils ». L’automobile, en tant qu’art, continuera d’être l’affaire d’humains dotés d’une curiosité et d’une imagination cultivées.

  • Maserati x Giorgetti : quand le design italien se met en mouvement

    Maserati x Giorgetti : quand le design italien se met en mouvement

    Dans l’univers automobile, rares sont les collaborations qui vont au-delà du badge et de la signature sur une plaque. Trop souvent, le « co-branding » se limite à un jeu de logos et de textures.
    Mais quand Maserati invite Giorgetti à concevoir une Grecale Folgore unique, ce n’est pas un simple exercice de style. C’est une rencontre entre deux langages qui racontent, chacun à leur manière, l’âme du design italien.

    L’Italie du geste juste

    Il faut d’abord comprendre ce que représentent ces deux noms dans la culture italienne. Maserati, fondée à Bologne en 1914, c’est la vitesse apprivoisée, la puissance sculptée, la quête du mouvement parfait. Giorgetti, né en 1898 à Meda, au cœur de la Brianza, c’est la lenteur maîtrisée, la main de l’artisan, la recherche de la proportion absolue. Entre les deux, plus d’un siècle d’histoire et un même credo : le geste juste, celui qui transforme la fonction en émotion.

    L’Italie a toujours su faire dialoguer ces deux mondes : la machine et la matière, la route et la maison, le sport et le confort. C’est cette conversation qu’on retrouve dans la Grecale Folgore Giorgetti Edition, présentée à l’Atelier Giorgetti, rue de l’Abbaye à Paris — un lieu choisi avec soin, comme une parenthèse de calme dans le tumulte de Saint-Germain-des-Prés.

    Du vent, du bois et du cuivre

    Chez Maserati, le vent a toujours un nom. Ghibli, Levante, Mistral, et aujourd’hui Grecale, ce souffle qui traverse la Méditerranée.
    Chez Giorgetti, c’est la matière qui respire : le bois, le cuir, le métal.
    Cette édition unique est née de cette rencontre entre le mouvement et la texture, entre la fluidité de l’air et la densité de la matière.

    La carrosserie arbore une teinte exclusive, baptisée Gleaming Dusk. Ni grise ni cuivrée, elle semble changer selon la lumière, comme si le métal lui-même vibrait au rythme du vent. Sous les projecteurs, elle révèle des reflets chauds et froids, un jeu d’ombres qui fait écho aux finitions métalliques des créations Giorgetti. Les jantes, polies et vernies, ajoutent à cette impression de mouvement suspendu. Le résultat est d’une sobriété déroutante : pas de clinquant, pas d’effet spectaculaire. Juste la maîtrise d’un équilibre, cette élégance italienne qui préfère la tension à la démonstration.

    L’intérieur : la voiture comme objet d’art

    À bord, on entre dans un autre rapport au design automobile.
    La Grecale Folgore Giorgetti n’essaie pas de ressembler à un salon roulant — elle traduit plutôt ce que pourrait être un objet de design qui roule. Les cuirs et les bois ne sont pas là pour “faire luxe”, mais pour exprimer une idée du toucher, de la texture, du confort. Chaque surface est pensée comme une sculpture : lisse, tendue, travaillée. Le geste du sellier rejoint celui de l’ébéniste.

    Klaus Busse, responsable du design Maserati, et Giancarlo Bosio, directeur créatif de Giorgetti, ont cherché un langage commun : celui du mouvement même à l’arrêt. Dans le mobilier Giorgetti comme dans les carrosseries Maserati, rien n’est jamais statique. La ligne court, la lumière glisse, la matière vit. C’est une philosophie du design où l’objet ne se contente pas d’être beau : il doit raconter le temps, la main, la passion qui l’ont façonné.

    Fuoriserie, l’art du sur-mesure italien

    La Grecale Folgore Giorgetti Edition incarne aussi la philosophie Fuoriserie, le programme de personnalisation de Maserati. Mais ici, la personnalisation dépasse le simple choix de coloris ou de surpiqûres. C’est une approche culturelle : la voiture comme œuvre unique, façonnée à la manière d’une commande d’art.

    On retrouve dans cette démarche la tradition italienne du sur-mesure, du tailoring. Le même esprit qui anime les ateliers de couture de Milan ou les carrosseries d’antan à Modène. Un art de la transformation subtile, où le luxe ne s’exprime pas dans la rareté mais dans la justesse. C’est ce que Maserati appelle « tailoring on the move » : l’idée que la personnalisation ne s’arrête pas à l’habit, mais s’étend à la route.

    Giorgetti, ou le design comme héritage

    Fondé à la fin du XIXe siècle, Giorgetti a toujours cherché à dépasser les frontières entre artisanat et industrie. À une époque où beaucoup confondent design et décor, la maison revendique une approche presque architecturale du mobilier. Ses créations, toujours “atypiquement uniques”, jouent sur la tension entre classicisme et expérimentation. Depuis l’intégration de la société Battaglia, spécialisée dans les intérieurs de yachts et d’hôtels de luxe, Giorgetti s’est imposé comme l’un des rares acteurs capables de concevoir un univers global du design italien.

    C’est cette cohérence, cette vision d’ensemble, qui a séduit Maserati. Les deux marques partagent la même volonté : créer des objets capables d’émouvoir, que ce soit dans un salon, sur un yacht, ou au volant d’un SUV électrique de 500 chevaux.

    Le design italien, comme un art du mouvement

    Ce qui fait la force de cette collaboration, ce n’est pas sa rareté mais sa nécessité. À une époque où le design automobile tend à se standardiser, Maserati revendique son attachement à la culture italienne du beau, du fait-main, du geste précis. La Grecale Folgore Giorgetti Edition n’est pas une pièce de musée : c’est une démonstration que le design, en Italie, reste un art vivant.

    Là où d’autres parlent d’innovation, Maserati et Giorgetti parlent de tradition évolutive. Une tradition qui ne fige rien, mais qui transmet : la passion, le mouvement, la lumière, la main. C’est ce dialogue, entre la route et la maison, entre le vent et le bois, qui définit mieux que tout autre le vrai esprit du design italien.

    Et au fond, c’est peut-être cela, l’ultime luxe : savoir que, même immobile, une Maserati reste en mouvement.

  • Une Lotus Esprit en carbone renaît : l’Encor Series 1 dévoile sa modernité

    Une Lotus Esprit en carbone renaît : l’Encor Series 1 dévoile sa modernité

    Cinquante ans après le premier dévoilement de la Lotus Esprit à Paris, la mythique supercar britannique renaît sous une forme revisitée. La jeune société britannique Encor prépare le lancement de la Series 1, une réinterprétation moderne de l’Esprit S1 originale, mêlant ADN Colin Chapman, ingénierie contemporaine et savoir-faire artisanal.

    Une renaissance limitée à 50 exemplaires

    Seuls 50 exemplaires seront produits, chacun reposant sur une Esprit V8 d’origine. Le projet conserve le châssis en nid d’abeille propre au modèle, tout en remplaçant la carrosserie en fibre de verre par une coque en carbone moulé. Selon Encor, cette nouvelle structure est plus légère et plus rigide, tout en intégrant des éléments modernes comme des phares LED basse hauteur, discrets mais performants.

    Sous le capot, le V8 d’origine est entièrement reconstruit, promettant une motorisation fiable et endurante, fidèle à l’esprit de la voiture. L’intérieur, lui, a été entièrement repensé : cuir, Alcantara et aluminium usiné remplacent le style rétro, tandis que des touches numériques — Apple CarPlay et caméras 360 degrés — assurent un confort moderne sans trahir l’esprit sportif.

    Respecter l’héritage tout en modernisant

    Pour Simon Lane, co-fondateur et ancien responsable de programmes sur mesure chez Aston Martin et Lotus, le projet n’est pas simplement un exercice technique : « Il s’agit d’une responsabilité, pas d’un projet. » Le designer Daniel Durrant, ancien de Lotus, souligne que le style de la Series 1 rend hommage à l’Esprit originale tout en conservant une authenticité visuelle. Chaque détail, de la silhouette aux proportions, a été étudié pour rappeler le modèle emblématique de 1975 sans tomber dans le pastiche.

    Cette approche reflète une tendance croissante dans le marché des voitures de collection : proposer des classiques modernisés, où performance, sécurité et confort répondent aux exigences actuelles, tout en préservant l’âme de l’original.

    Prix et marché ciblé

    L’Encor Series 1 est proposée à partir de 500 000 euros, hors options, taxes et prix du véhicule donneur. L’initiative s’adresse avant tout aux collectionneurs avertis, à la recherche d’exclusivité et de plaisir de conduite. La série limitée, la reconstruction du V8 et l’utilisation du carbone rendent chaque exemplaire unique et profondément désirable.

    La révélation complète est attendue pour novembre 2025, et les premières livraisons devraient suivre rapidement. Avec ce projet, Encor réaffirme non seulement l’attractivité intemporelle de la Lotus Esprit, mais aussi le potentiel de réinterprétations haut de gamme qui combinent patrimoine et technologies modernes.

  • Goodwood Revival 2025 : les Mini de 1959 font leurs débuts dans la St. Mary’s Trophy

    Goodwood Revival 2025 : les Mini de 1959 font leurs débuts dans la St. Mary’s Trophy

    Lorsqu’on associe les mots Goodwood et Mini, l’image qui vient immédiatement à l’esprit est celle des Cooper S des années 1960, bousculant les mastodontes américains dans les courses historiques de la St. Mary’s Trophy. Mais pour l’édition 2025 du Goodwood Revival, la donne change. Pour la première fois, les organisateurs ont décidé d’ouvrir leur grille pré-1960 aux toutes premières Austin Mini de 1959 – des modèles recréés avec un soin maniaque pour refléter l’esprit originel de la citadine révolutionnaire.

    Une première historique

    Habituellement, la St. Mary’s Trophy se partage en deux versions : une année pour les voitures de tourisme des années 1960, l’autre pour les modèles d’avant 1960. Jusqu’ici, la Mini n’y avait pas sa place, sa carrière sportive étant intimement liée à la décennie suivante. Mais en 2025, Goodwood a choisi de bousculer la tradition et d’inviter la Mini originelle à participer à la version « années 1950 » de la course.

    Pour relever ce défi, c’est Austin Cars Ltd, nouvelle société fondée par l’équipe derrière Burlen Ltd (SU, Amal, Zenith Carburettors et Austin Pedal Cars), qui s’est lancée dans la construction de deux répliques exactes de la Mini de 1959. Ces voitures, bien que destinées à la compétition, restent fidèles à l’esprit de la toute première génération de la petite anglaise.

    Fidélité absolue au modèle de 1959

    Les carrosseries et arceaux ont été produits par Owens Fabrication, en respectant scrupuleusement les caractéristiques des premiers exemplaires sortis de Longbridge. Les moteurs, confiés à Swiftune Engineering, spécialiste mondial des A-Series de compétition, ont été développés pour combiner authenticité et fiabilité sur piste.

    Le résultat ? Deux voitures présentées en Farina Grey, couleur d’origine de 1959, chaussées de jantes acier, avec une hauteur de caisse volontairement relevée pour retrouver le roulis caractéristique des premières Mini. Sous le capot, une version plus modeste de l’A-Series, alimentée par un unique carburateur SU, associée à la fameuse commande de boîte « wand » de la 850 cm³ originelle. L’ensemble compose une silhouette bien différente des Cooper S habituellement vues à Goodwood.

    « Comme la Mini de votre mère »

    Will Kinsman, directeur éditorial et des contenus de Goodwood, résume ainsi la démarche :

    « Notre brief était simple : créer une Mini qui ressemble à celle de votre mère, que vous auriez empruntée en cachette, sur laquelle vous auriez peint un numéro avant d’aller courir. Et Austin, Swiftune et Owens ont parfaitement relevé le défi. »

    Ce souci de détail, qui éloigne volontairement ces autos des spécifications des Mini de course plus tardives, apporte une fraîcheur nouvelle à la grille pré-1960.

    Des pilotes de renom au volant

    Les deux Mini engagées ne seront pas pilotées uniquement par des spécialistes de l’historic racing. Aux côtés de Mark Burnett (directeur d’Austin Cars Ltd) et de Nick Swift (Swiftune), les spectateurs verront s’élancer des noms prestigieux : Darren Turner, triple vainqueur des 24 Heures du Mans en catégorie GT, et Karun Chandhok, ancien pilote de Formule 1 et désormais commentateur reconnu.

    La St. Mary’s Trophy se déroulera, comme le veut la tradition, en deux manches réparties sur le samedi et le dimanche, avec un classement final établi sur l’addition des temps des deux pilotes. Un format qui garantit spectacle, suspense et intensité jusqu’au drapeau à damier.

    Un avant-goût d’avenir pour Austin Cars ?

    Pour Mark Burnett, cette aventure dépasse le simple cadre d’une course :

    « Présenter nos Austin Mini de 1959 au Goodwood Revival est un immense honneur. C’est une formidable vitrine pour Austin Cars et, qui sait, peut-être un avant-goût de ce que nous préparons pour l’avenir. »

    À Goodwood, la Mini revient ainsi à ses origines, non pas en tant qu’icône des sixties, mais comme témoin d’une révolution née à la toute fin des années 1950. Cinquante ans après ses premiers tours de roues en compétition, elle retrouve le chemin des grilles de départ – et prouve que son charme est intact.

  • Chrysler Building : quand l’automobile visait les sommets de New York

    Chrysler Building : quand l’automobile visait les sommets de New York

    Symbole de la skyline new-yorkaise, chef-d’œuvre Art déco et fierté éphémère du monde de l’architecture, le Chrysler Building n’est pas seulement un gratte-ciel mythique : il est aussi un monument à la gloire d’une marque automobile. Derrière ses 319 mètres de métal étincelant se cache l’ambition démesurée de Walter P. Chrysler, patron visionnaire qui, en pleine course aux hauteurs à la fin des années 1920, fit ériger un immeuble à la mesure de son empire industriel.

    Pourquoi « Chrysler » ? Une signature dans le ciel

    Lorsque le projet voit le jour en 1928, la ville de New York est le théâtre d’une compétition acharnée entre architectes et magnats pour ériger le plus haut gratte-ciel du monde. Walter Percy Chrysler, alors à la tête de l’une des marques automobiles les plus innovantes et prospères des États-Unis, ne se contente pas de sponsoriser l’édifice : il l’achète, personnellement, pour en faire le siège de son entreprise.

    Le nom n’est pas une simple appellation commerciale. Chrysler voit dans cet immeuble un manifeste : un bâtiment qui porterait son nom bien au-delà des routes, comme un symbole de modernité, de puissance et d’élégance — exactement les valeurs qu’il souhaite associer à ses automobiles. L’idée est claire : faire du Chrysler Building un outil de communication gigantesque, visible par des millions de personnes, dans une époque où la publicité monumentale commence à s’imposer.

    L’architecture automobile : un gratte-ciel qui célèbre la route

    Conçu par l’architecte William Van Alen, le Chrysler Building est un pur produit de l’Art déco, mais il puise directement dans l’univers automobile pour son ornementation. Les célèbres gargouilles en acier inoxydable qui ornent ses angles rappellent les bouchons de radiateur des Chrysler de l’époque, notamment la Plymouth et l’Imperial. Les frises géométriques, elles, évoquent les jantes et les ailettes des capots.

    Son sommet, recouvert de plaques d’acier Nirosta disposées en chevrons, scintille comme la calandre chromée d’une voiture au soleil. Cette référence visuelle renforce le lien entre l’édifice et la marque : le Chrysler Building devient, à sa manière, la plus grande « pièce détachée » jamais construite.

    Une victoire éphémère dans la course au ciel

    Le 27 mai 1930, à son inauguration, le Chrysler Building devient le plus haut immeuble du monde… pour seulement onze mois, avant d’être dépassé par l’Empire State Building. Mais l’essentiel est ailleurs : Chrysler a gravé son nom au sommet de Manhattan, dans une Amérique fascinée par la vitesse, la puissance et le progrès technologique.

    Pendant plusieurs décennies, l’immeuble sert de siège au groupe Chrysler, accueillant ses bureaux et symbolisant son rayonnement international. Pour beaucoup d’Américains, il incarne la réussite de l’industrie automobile nationale — à une époque où Detroit et New York se partagent le leadership économique et culturel.

    Du siège social au patrimoine mondial

    Les temps ont changé. Chrysler a quitté le bâtiment dès les années 1950, et l’édifice est passé entre les mains de divers investisseurs et propriétaires, sans jamais perdre son prestige. Aujourd’hui, le Chrysler Building n’appartient plus à l’entreprise automobile qui lui a donné son nom. Depuis 2019, il est copropriété du fonds d’investissement SIGNA Group (Autriche) et du groupe immobilier RFR Holding (États-Unis).

    Le gratte-ciel reste occupé par des bureaux et, malgré des projets évoqués pour le transformer partiellement en hôtel ou en espace culturel, il conserve sa vocation tertiaire. Classé monument historique depuis 1976, il bénéficie d’une protection qui garantit la préservation de ses détails architecturaux — notamment ses emblématiques ornements inspirés de l’automobile.

    Héritage et image : un Chrysler sans Chrysler

    Le Chrysler Building est devenu bien plus qu’un siège d’entreprise : il est l’un des symboles universels de New York, au même titre que la Statue de la Liberté ou le pont de Brooklyn. Pour Chrysler, la marque automobile, ce lien historique est aujourd’hui surtout patrimonial. L’édifice reste un rappel d’une époque où les constructeurs automobiles n’hésitaient pas à afficher leur puissance bien au-delà du monde de la route, en érigeant des monuments à leur gloire.

    Ironie de l’histoire, l’entreprise Chrysler, désormais intégrée au groupe Stellantis, n’a plus aucun lien direct avec le bâtiment qui porte son nom. Mais pour les passionnés d’automobile comme pour les amateurs d’architecture, le Chrysler Building reste l’exemple parfait de l’époque où l’industrie automobile visait littéralement… les sommets.

  • Quand le bois triomphe à Pebble Beach : l’Hispano-Suiza « Tulipwood » sacrée Best of Show

    Quand le bois triomphe à Pebble Beach : l’Hispano-Suiza « Tulipwood » sacrée Best of Show

    Les allées du Pebble Beach Concours d’Elegance ont encore une fois consacré l’exception. Mais cette année, ce n’est ni une Bugatti carrossée Figoni, ni une Ferrari aux lignes voluptueuses qui a décroché le prestigieux titre de Best of Show, mais une Hispano-Suiza unique en son genre, habillée… de bois.

    La gagnante, une Hispano-Suiza H6C Nieuport-Astra Torpedo de 1924, est plus connue sous son surnom poétique : « Tulipwood ». Ce torpédo d’inspiration aéronautique, commandé par le pilote et héritier André Dubonnet, est un ovni dans l’histoire de l’automobile. Sa carrosserie n’est ni en acier ni en aluminium, mais façonnée en acajou, un matériau aussi inattendu qu’ingénieux à l’époque.

    Une carrosserie née de l’aviation et de la course

    L’histoire de cette Hispano-Suiza commence sur les routes escarpées de Sicile. Dubonnet confie au constructeur aéronautique Nieuport-Astra, spécialiste des chasseurs de la Première Guerre mondiale, la réalisation d’une carrosserie ultralégère pour courir la Targa Florio. L’objectif est simple : transformer la puissance raffinée du six-cylindres en avantage compétitif grâce à un allègement extrême.

    Résultat, une coque en fines lames d’acajou, fixées par 10 000 rivets en aluminium sur une structure de contreplaqué collé au caséine – la même résine naturelle utilisée pour fabriquer des violons. Avec seulement 160 kilos pour la carrosserie nue, le pari de la légèreté était largement gagné. Dubonnet engagea la voiture en 1924 : sixième à la Targa Florio, cinquième à la Coppa Florio.

    Un bijou de restauration

    Cent ans plus tard, le propriétaire américain Lee Anderson a redonné à cette Hispano-Suiza sa splendeur originelle grâce au savoir-faire d’RM Auto Restoration. L’acajou était en grande partie intact, mais certaines lames ont dû être refaites à l’identique, sciées puis façonnées à la main, car le bois noble refuse toute mise en forme à la vapeur.

    À l’intérieur, l’exubérance répond à l’innovation : la sellerie en peau d’alligator (pas moins de cinquante peaux nécessaires !) et les chromes éclatants du six-en-ligne 8 litres à arbre à cames en tête complètent ce spectacle mécanique.

    Une victoire hors des sentiers battus

    Cette victoire 2025 s’inscrit dans une série de choix atypiques à Pebble Beach. Après la Ferrari 375 MM récompensée en 2014 et la Bugatti Type 59 Sports, préservée dans son jus, l’an dernier, le jury semble vouloir sortir des canons classiques. Exit les sempiternelles carrosseries françaises des années 1930 aux ailes sculpturales : cette année, « wood is good ».

    Pour Lee Anderson, déjà lauréat en 2022 avec une autre Hispano-Suiza torpédo, cette récompense illustre son amour pour le bois. Collectionneur passionné de bateaux en acajou – on parle d’une quarantaine disséminés dans ses hangars – il a trouvé dans la Tulipwood l’expression automobile parfaite de sa passion.

    Une Hispano-Suiza symbole d’un âge d’or

    Au-delà de l’anecdote, ce succès rappelle la place unique d’Hispano-Suiza dans l’histoire. Fondée à Barcelone avant d’installer son siège à Paris, la marque a toujours été synonyme d’innovation et de prestige. Avec le moteur H6, conçu par l’ingénieur suisse Marc Birkigt, Hispano-Suiza proposait dès les années 1920 l’un des six-cylindres les plus sophistiqués du monde, adopté autant par l’élite que par les compétiteurs.

    Que ce moteur se retrouve logé dans une coque de bois, légère comme une coque de voilier, illustre à merveille l’esprit pionnier de l’époque, où l’automobile n’avait pas encore figé ses codes.

    Un palmarès unique

    Avec cette victoire, RM Sotheby’s signe son neuvième Best of Show à Pebble Beach, creusant l’écart avec le Nethercutt Collection (six titres). Mais surtout, la Tulipwood entre au panthéon comme l’une des voitures les plus originales jamais sacrées.

    Pebble Beach aime rappeler que son jury récompense autant la rareté que l’excellence de la restauration. Cette Hispano-Suiza coche toutes les cases : une histoire sportive, une carrosserie d’avant-garde, une exécution impeccable et une personnalité qui détonne parmi les chromes et les lignes Art déco.

    L’ode au bois

    En 2025, le plus prestigieux concours d’élégance automobile au monde a prouvé que l’audace paie encore. Dans un univers où l’aluminium poli et la peinture miroir règnent en maîtres, c’est l’acajou, travaillé comme un violon, qui a séduit les juges.

    La Tulipwood n’est pas seulement une curiosité technique : c’est un témoin de l’époque où Hispano-Suiza rivalisait avec Rolls-Royce, où Dubonnet osait tout, et où l’innovation se conjuguait à la poésie.

    À Pebble Beach, le bois a battu l’acier. Et cent ans après sa naissance, la Tulipwood continue de raconter une histoire qui n’appartient qu’à elle.

  • Italdesign i2C : l’Indonésie trace sa route

    Italdesign i2C : l’Indonésie trace sa route

    L’histoire de l’automobile s’est souvent écrite sous l’impulsion d’une volonté politique. Des 2CV aux Trabant, en passant par la Tata Nano ou les Pick-Up Mahindra, nombreux sont les véhicules à avoir incarné les desseins d’un État. C’est aujourd’hui l’Indonésie qui entre dans la danse avec un projet ambitieux confié à un acteur reconnu : Italdesign. À l’occasion du salon GIIAS 2025, le bureau de design turinois dévoile les contours de la première voiture de tourisme indigène indonésienne, un concept baptisé Project i2C.

    Un projet au croisement de la culture, de la technologie et de la souveraineté industrielle

    Dans un paysage automobile dominé par les constructeurs japonais – Toyota, Daihatsu, Honda, Mitsubishi, Suzuki – et où la montée en puissance des marques chinoises comme BYD se fait de plus en plus visible, le gouvernement central indonésien entend reprendre la main. Il s’agit d’initier une production locale de véhicules, en commençant par un modèle destiné aux institutions, mais conçu pour préfigurer une offre plus large à l’échelle nationale. Un SUV 100 % électrique, développé avec la volonté de refléter l’identité culturelle plurielle de l’archipel tout en répondant aux enjeux contemporains de mobilité durable.

    Le programme i2C ne se limite pas à l’objet automobile. Il s’affirme comme un symbole d’unité nationale, dans un pays aux milliers d’îles et aux centaines de groupes ethniques. Son acronyme – Indigenous Indonesian Car – résume toute l’ambition du projet : une voiture créée par et pour les Indonésiens, en mêlant savoir-faire local et expertise internationale.

    Italdesign, artisan d’une renaissance industrielle

    C’est à Italdesign qu’a été confié le soin de concrétiser cette vision. L’entreprise fondée par Giorgetto Giugiaro, désormais intégrée au groupe Volkswagen via Audi, n’en est pas à son coup d’essai. On lui doit déjà des projets structurants pour Hyundai (Pony), Daewoo (Matiz), Vinfast (Lux A et Lux SA) ou encore Voyah (Free).

    Pour Andrea Porta, business developer chez Italdesign, « le projet i2C est une étape essentielle dans la stratégie industrielle de l’Indonésie. Il marque le début d’une collaboration à long terme fondée sur des objectifs communs. »

    Le design a été mené en étroite coopération avec des ingénieurs indonésiens, encadrés par les équipes turinoises. Un prototype grandeur nature, réalisé en clay model selon la tradition des carrossiers italiens, a été présenté sur le stand SN2 du salon GAIKINDO Indonesia International Auto Show (GIIAS), organisé du 24 juillet au 3 août 2025 à BSD City.

    Un style enraciné dans la culture indonésienne

    Le véhicule se présente sous la forme d’un SUV familial 6/7 places, basé sur une plateforme électrique existante. L’objectif est de garantir une industrialisation rapide, en capitalisant sur une architecture éprouvée. Mais au-delà de l’efficience technique, c’est l’esthétique qui frappe : des volumes boxy, une silhouette solide, des surfaces nettes et tendues… L’i2C affiche une présence forte, pensée pour refléter à la fois l’élégance et la robustesse.

    L’élément culturel est omniprésent. Le design s’inspire du Garuda, oiseau mythique symbole de sagesse et de souveraineté, déjà utilisé dans l’emblème national. Il est évoqué à travers le traitement du capot et des ailes avant, conférant une prestance royale à l’ensemble. À bord, le dessin des panneaux de porte ou des assises évoque les motifs de batik, l’art textile traditionnel indonésien, traité ici dans un langage graphique contemporain.

    Le mobilier intérieur se distingue par sa sobriété fonctionnelle, dans un esprit presque japonais : lignes tendues, commandes réduites, harmonie des matériaux. Quelques touches affirmées viennent toutefois apporter du relief à cet ensemble rationnel, comme les surpiqûres colorées ou les incrustations de bois teinté. Une manière de combiner modernité, patrimoine et efficacité dans un même habitacle.

    Un projet politique avant d’être industriel

    L’i2C se veut le prélude à une gamme de véhicules conçus localement, en lien avec la vision du président indonésien Prabowo Subianto. Le développement est piloté par PT TMI (Teknologi Mobilitas Indonesia), une entité étatique chargée de structurer la filière automobile nationale autour des mobilités innovantes.

    Pour Harsusanto, président de PT TMI, « cette collaboration est une étape clé pour démontrer le potentiel de nos compétences et traduire en actions concrètes la vision présidentielle d’une mobilité propre et indépendante. »

    Une version définitive du concept est attendue pour l’édition 2026 du salon GIIAS, avec l’ambition affichée de lancer une production nationale à moyen terme. La voiture pourrait alors servir non seulement les usages gouvernementaux, mais également inaugurer une offre civile en réponse aux besoins de mobilité locale.

    Quand le design devient un vecteur d’identité

    Avec i2C, Italdesign prouve une nouvelle fois sa capacité à conjuguer création formelle, pertinence stratégique et enracinement culturel. Le projet va bien au-delà du simple exercice de style : il s’inscrit dans une démarche géopolitique, industrielle et sociétale, où la voiture devient un ambassadeur roulant de l’identité indonésienne.

    Une ambition qui rappelle à quel point l’automobile reste un objet politique, même à l’heure de la transition électrique. Et si l’avenir passait aussi par une relocalisation du design ?

  • Vers un retour des monospaces ? Gilles Vidal relance le débat

    Vers un retour des monospaces ? Gilles Vidal relance le débat

    Alors que le marché européen semble figé dans son obsession pour les SUV, une voix respectée du design automobile ose poser une question iconoclaste : et si le monospace faisait son grand retour ? C’est en tout cas ce que suggérait Gilles Vidal, alors encore à la tête du design de Renault, dans une interview accordée à Autocar à la mi-juillet. Depuis, l’actualité l’a rattrapé : le 24 juillet, Stellantis annonçait officiellement sa nomination à la direction du design des marques européennes du groupe, marquant ainsi un tournant dans sa carrière… et peut-être dans la vision du design automobile européen.

    Une figure du design en transition

    Gilles Vidal n’est pas un inconnu dans le paysage automobile français. Après avoir impulsé une profonde modernisation du style chez Peugeot – pensons aux lignes acérées des 3008, 508 ou encore 208 – il avait rejoint Renault en 2020 pour renouveler le langage formel de la marque. Son retour chez Stellantis, où il supervisera les marques européennes, dont Peugeot, Opel, Fiat ou Lancia, pourrait bouleverser l’équilibre des influences esthétiques à l’échelle du groupe franco-italo-américain.

    Mais avant ce passage de témoin, Vidal livrait une réflexion étonnamment libre sur les tendances du marché : « Les SUV ont gagné la bataille contre les monospaces parce que les monospaces sont des voitures que l’on a besoin d’avoir, mais que l’on n’a pas envie de posséder », analysait-il. « Les SUV, avec les mêmes moteurs, les mêmes masses, les mêmes composants, sont devenus des objets de désir. »

    Le SUV face à ses limites

    Depuis leur émergence en force à la fin des années 2000, les SUV ont totalement cannibalisé le segment des familiales en Europe. Des modèles autrefois omniprésents comme les Renault Scénic, Citroën Picasso, Ford Galaxy ou Opel Zafira ont disparu ou se sont eux-mêmes convertis en SUV. Mais le vent pourrait tourner, selon Vidal : « Il y a aujourd’hui une sorte de SUV-bashing, en particulier en Europe. »

    La transition vers l’électrique remet en cause plusieurs certitudes. Le style imposant des SUV, bien qu’attrayant, n’est pas nécessairement compatible avec la quête d’efficience énergétique imposée par l’électromobilité. L’aérodynamisme, la masse, l’encombrement : autant de contraintes à revisiter.

    C’est ici que le concept du monospace pourrait redevenir pertinent. L’architecture dite « skateboard » des plateformes électriques libère de nouveaux volumes habitables et permet de réinventer l’organisation intérieure. Vidal y voit un levier pour imaginer des véhicules à la fois spacieux, rationnels et… désirable : « Peut-être que les monospaces pourraient revenir sous une forme plus sexy, plus attirante. »

    La Chine, laboratoire d’idées

    Alors que l’Europe semble encore hésitante, la Chine donne un coup d’avance au renouveau du monospace. Sur ce marché à la croissance effervescente, les modèles familiaux à trois rangées de sièges ont la cote. Des marques comme Zeekr, Li Auto, Xpeng, Lynk&Co ou Denza (filiale de BYD) ont lancé des véhicules luxueux et expressifs, qui redonnent au monospace un rôle d’avant-garde. Ces voitures, souvent électriques, intègrent des technologies de pointe, des intérieurs soignés et une approche presque statutaire du transport familial.

    Ce regain d’intérêt pourrait inspirer les constructeurs européens, à commencer par Renault, qui a récemment transformé son emblématique Espace en SUV… mais conserve dans son ADN cette histoire forte avec les véhicules familiaux. Le concept Scenic Vision présenté en 2022 explorait déjà une nouvelle voie, plus efficiente et responsable, sans verser dans les excès esthétiques.

    Quel avenir chez Stellantis ?

    Avec son arrivée à la tête du design européen de Stellantis, Gilles Vidal pourra désormais appliquer sa vision à un spectre bien plus large. Opel, Fiat ou encore Lancia pourraient profiter de cette volonté de s’émanciper du diktat SUV. Chez Fiat, la Panda de demain pourrait réinterpréter le thème du petit monospace urbain, tandis que Lancia, en pleine renaissance, pourrait renouer avec une élégance rationnelle, propre à séduire une clientèle lasse des silhouettes hypertrophiées.

    Le retour du monospace ne se fera pas du jour au lendemain. Il ne s’agira pas de rééditer les recettes du passé, mais bien d’imaginer des formes nouvelles, cohérentes avec les usages contemporains et l’architecture électrique. C’est précisément là que le talent des designers entre en jeu.

  • Bovensiepen Zagato : quand l’héritage d’Alpina rencontre le style Zagato

    Bovensiepen Zagato : quand l’héritage d’Alpina rencontre le style Zagato

    À l’occasion du Concorso d’Eleganza Villa d’Este 2025, la famille Bovensiepen — héritière d’Alpina — a dévoilé sa toute première création sous son nouveau label, en collaboration avec le célèbre carrossier italien Zagato : la Bovensiepen Zagato, GT unique née de la BMW M4 Cabriolet.

    Une alliance germano-italienne inédite

    Basée sur la plateforme de la M4, mais profondément retravaillée, la carrosserie est désormais réalisée majoritairement en fibre de carbone, arborant le toit double-bubble typique de Zagato, des vitres sans montant B et des lignes sculptées conçues pour l’élégance autant que pour l’aérodynamisme. L’ensemble mesure près de 4,94 m de long, pour 1,91 m de large, avec seulement 1 875 kg à vide.

    Mécanique : 611 ch de fougue

    Sous le capot, le six cylindres 3,0 l biturbo S58, renforcé par Bovensiepen, développe 611 ch et 700 Nm de couple, permettant un 0‑100 km/h en 3,3 s , et une vitesse de pointe supérieure à 300 km/h. L’échappement en titane Akrapovič – 40 % plus léger – lui confère une sonorité racée. La suspension Bilstein Damptronic et les modes de conduite (Confort, Sport, Sport Plus) assurent un comportement équilibré entre performance et confort.

    Un habitacle sur mesure

    L’intérieur conserve la planche de bord de la M4, mais se pare de cuir Lavalina exclusif (héritage Alpina) et d’Alcantara, avec plus de 130 heures de travail artisanal. Le programme Bovensiepen Bespoke offre 16 coloris standard, et jusqu’à 45 options supplémentaires sur mesure.

    Une manière de poser les bases d’une nouvelle marque

    Suite à l’acquisition de la marque Alpina par BMW en 2022, Andreas et Florian Bovensiepen ont relancé leur propre marque de petites séries de haute couture automobile, mettant l’accent sur le luxe individualisé. La Bovensiepen Zagato marque cette renaissance, alliant ingénierie bavaroise et artisanat italien .

    Disponibilité et avenir

    Fabriquée à la main dans l’usine de Buchloe (au moins 250 heures de travail par exemplaire), la Zagato devrait être livrée à partir du second trimestre 2026. Le nombre d’unités officiellement limité et le prix seront annoncés avant fin 2025.

    La Bovensiepen Zagato incarne avec brio le renouveau de la tradition Alpina via une GT exclusive à l’ADN puissant, esthétique raffinée et performances hors normes. Une première magistrale pour la nouvelle marque Bovensiepen dans le segment des GT sur mesure.

  • Ian Callum réinvente la Mini en hot hatch de 110 chevaux

    Ian Callum réinvente la Mini en hot hatch de 110 chevaux

    Le designer britannique ressuscite l’esprit Wood & Pickett avec une Mini restomod radicale. Un hommage à la culture anglaise de la personnalisation, entre nostalgie et modernité.

    Ian Callum n’en finit plus d’explorer les chemins du passé pour mieux réinventer l’automobile. Après avoir signé certaines des plus belles Aston Martin, puis redonné des lettres de noblesse au restomod avec sa propre société de design (CALLUM), le styliste écossais s’attaque à un monument : la Mini. Mais pas n’importe laquelle. En s’associant à Wood & Pickett, carrossier de légende dans l’univers de la personnalisation britannique, Callum propose une relecture ultra-premium et résolument sportive de la citadine iconique.

    Une base très « late classic »

    Le projet repose sur une carrosserie de Mini Mk5 Sportspack, la version à ailes élargies produite de 1997 à 2001. C’est l’un des derniers avatars de la Mini classique, celle qui gardait l’esprit originel d’Alec Issigonis tout en adoptant quelques atours modernisés à la veille du passage de flambeau à BMW. Mais si la ligne générale reste inchangée, tout le reste est repensé.

    Le moteur A-Series, cœur battant de la Mini depuis 1959, passe de 1275 cm³ à 1310 cm³. Il reçoit une nouvelle culasse, une injection électronique bi-point et une ligne d’échappement sur mesure à double sortie. Résultat : la puissance grimpe de 63 à 110 ch. De quoi transformer cette Mini en véritable petite GTI, au sens noble du terme. La boîte de vitesses est renforcée pour encaisser ce regain de couple, et l’ensemble châssis-freinage-suspension est entièrement retravaillé selon des standards proches du rallye.

    Une hot hatch à l’anglaise

    Les jantes Minilite d’origine cèdent la place à un dessin inédit signé Callum : des roues à quatre branches de 13 pouces qui évoquent l’univers du sport automobile des années 1960, tout en apportant une signature visuelle contemporaine. À l’extérieur, les modifications restent subtiles mais efficaces : élargisseurs d’ailes Wood & Pickett, boucliers avant et arrière au style plus agressif, feux à LED intégrés avec discrétion.

    L’intérieur est un hommage à l’âge d’or des Mini personnalisées. Le tableau de bord reçoit une nouvelle planche de bord en bois inspirée de la Mini Margrave des années 1960, avec ses inserts façon noyer, ses interrupteurs métalliques pour les phares et le chauffage, et – clin d’œil à la modernité – un petit écran tactile compatible Apple CarPlay. Le luxe rétro dans toute sa splendeur.

    Une exécution artisanale, à prix fort

    Chaque exemplaire sera construit à la main selon les spécifications précises de son propriétaire. Le ticket d’entrée ? 75 000 livres sterling (environ 88 000 euros). À ce tarif, le client accède à une personnalisation poussée dans les moindres détails, mais aussi à un pan de l’histoire automobile britannique. Ian Callum insiste : « Ce projet est autant un hommage qu’une réinterprétation. Nous voulons capturer l’esprit des Mini Wood & Pickett des années 1960, tout en les adaptant aux attentes d’aujourd’hui. »

    Le tout premier exemplaire de cette Mini Callum x Wood & Pickett a été commandé par le mannequin et créatif britannique David Gandy. Une figure médiatique très attachée à la culture automobile britannique, lui-même collectionneur de Jaguar et ambassadeur de la modernité avec style.

    Wood & Pickett, retour aux sources

    Fondé en 1947 par Bill Wood et Les Pickett, le carrossier londonien s’est taillé une solide réputation dans les années 1960 avec ses Mini sur-mesure. Véritables objets de luxe roulants, elles séduisaient les célébrités de l’époque : Mick Jagger, Elton John, Paul et Linda McCartney… tout le Swinging London avait sa Mini personnalisée. Dans les années 1980, Wood & Pickett se recentre sur le Range Rover de première génération, alors à la mode dans les quartiers huppés de Chelsea. Puis l’entreprise change plusieurs fois de mains.

    Aujourd’hui, elle renaît sous la houlette de Motaclan, un acteur bien connu des amateurs de youngtimers britanniques puisqu’il détient aussi l’ex-division pièces détachées de MG Rover. Motaclan ne compte pas s’arrêter là : un catalogue de pièces Wood & Pickett dessinées par Ian Callum sera bientôt proposé aux propriétaires de Mini classiques, permettant à chacun de recréer, à sa mesure, cette Mini néo-rétro.

    L’avenir de la restomod à l’anglaise

    Alors que le restomod devient une industrie à part entière, cette Mini incarne une autre voie que celle des surenchères technologiques ou des conversions électriques parfois trop radicales. Ici, on sublime l’existant, on respecte les fondamentaux, tout en insufflant un peu de modernité et beaucoup de style. Ce projet illustre à merveille la philosophie de Callum : « faire du neuf avec du vieux, sans trahir l’esprit d’origine ».

    Et dans le cas de la Mini, l’esprit est intact : petite, vive, impertinente et incroyablement britannique.

  • Skoda Favorit : une renaissance et un hommage à l’école de style tchécoslovaque

    Skoda Favorit : une renaissance et un hommage à l’école de style tchécoslovaque

    Skoda ne prévoit pas de relancer la Favorit. Pourtant, la marque de Mlada Boleslav vient de dévoiler une interprétation moderne de sa citadine des années 1980. Une étude de style 100 % électrique qui rend un hommage vibrant à l’originale signée Bertone, tout en exposant la vision contemporaine du design automobile selon Skoda.


    La Skoda Favorit n’a jamais été une voiture ordinaire. Présentée en 1987, elle fut à la fois la première Skoda à architecture moderne — traction avant et moteur transversal — et la dernière grande œuvre de l’ère pré-VW. Son style, signé Bertone, tranchait avec les canons de l’Est, en plein renouveau sous influence italienne. À elle seule, la Favorit représentait une passerelle entre deux mondes : celui de l’automobile socialiste et celui du marché globalisé.

    Près de quarante ans plus tard, Skoda fait revivre cet esprit pionnier en dévoilant un concept-car d’hommage, sans aucun objectif industriel affiché. Baptisée sobrement « Favorit design study », cette création n’est ni un prototype roulant ni une maquette exposée au public, mais une pure réflexion stylistique sur ce que pourrait être une Favorit en 2025. Et surtout, une démonstration de respect pour l’héritage de la marque.

    L’héritage de Bertone, la main de Slavov

    Pour mener à bien cet exercice d’interprétation contemporaine, Skoda a confié les crayons à Ljudmil Slavov, designer maison. Dès les premiers coups de stylet — car tout a été esquissé en 3D sur tablette — Slavov a choisi d’écarter les éléments trop connotés du langage visuel actuel de Skoda. Exit le Tech-Deck Face, cette fine bande noire qui symbolise aujourd’hui la face avant des modèles électriques de la marque. « Je ne voulais pas appliquer des éléments de design actuels, explique Slavov. C’est un hommage à la Favorit, alors j’ai étudié ses détails d’origine pour les faire évoluer et les sublimer. »

    Et il y a là un certain courage, tant la tentation du néo-rétro simpliste est grande dans ce genre d’exercice. Au contraire, Slavov a tenté une synthèse entre les lignes épurées de l’époque et la philosophie « Modern Solid » récemment adoptée par Skoda. L’un des défis fut de simplifier davantage un design déjà minimaliste — une gageure dans un monde automobile de plus en plus surdessiné.

    Une Favorit d’aujourd’hui, sans griffe ni nostalgie factice

    Ce concept affiche une silhouette immédiatement reconnaissable : hayon vertical, proportions ramassées, surfaces pleines. Mais tout a été retravaillé : la calandre a disparu, révélant sans détour la motorisation électrique. Les poignées ont été remplacées par un unique élément intégré à la carrosserie pour l’avant et l’arrière, les jantes se résument à quatre branches d’une extrême simplicité, et le logo arrière est désormais illuminé.

    Autre clin d’œil, le logo avant est asymétrique. Non plus un badge rond ou ailé, mais l’inscription Škoda en toutes lettres, placée légèrement de biais, en rupture avec la symétrie rigide des années 1980.

    Si l’exercice se veut purement stylistique, il révèle une volonté : prouver que Skoda est capable de réinterpréter son patrimoine sans tomber dans la caricature. La nouvelle Favorit ne cherche pas à émouvoir les nostalgiques. Elle dialogue avec son ancêtre avec pudeur et intelligence.

    Une version de rallye, hommage aux exploits méconnus

    Comme un clin d’œil supplémentaire à l’histoire oubliée de la Favorit, Slavov a également dessiné une variante orientée compétition. En hommage à la carrière sportive étonnamment riche du modèle d’origine — notamment sa participation au Championnat du Monde des Rallyes au début des années 1990 — une racing concept a vu le jour. Elle se distingue par un imposant becquet arrière, un diffuseur avec feu de pluie intégré, une cage de sécurité, et une décoration qui reprend les motifs de la voiture de rallye de 1994.

    Cette version plus agressive ne manque pas d’évoquer les années où la Favorit, alors pilotée par des équipages tchèques, allait chercher des victoires de classe en Groupe A face à des concurrentes mieux motorisées mais pas forcément plus robustes.

    Une renaissance sans suite ? Pas si sûr

    Officiellement, Skoda précise qu’aucune production n’est prévue. Ce one-off digital est avant tout un laboratoire d’idées, un hommage à un jalon important de l’histoire de la marque. Mais dans un contexte où l’électrification pousse les constructeurs à redéfinir leurs identités, il n’est pas interdit d’y voir un manifeste discret. La Favorit n’a pas besoin d’un retour en série. Elle a trouvé ici un nouveau souffle : une célébration de la créativité d’hier et d’aujourd’hui, à la frontière de l’histoire et du design prospectif.

  • Ce qui fait une BMW : les huit piliers du design selon Steve Saxty

    Ce qui fait une BMW : les huit piliers du design selon Steve Saxty

    Depuis près d’un siècle, BMW s’est imposé comme l’un des constructeurs les plus cohérents en matière de design automobile. Alors que certains voient surtout l’évolution spectaculaire des calandres, d’autres, comme l’expert Steve Saxty, plongent dans l’ADN stylistique profond de la marque. Dans son ouvrage BMW by Design, Saxty détaille les huit éléments fondamentaux qui rendent une BMW immédiatement reconnaissable, passé, présent… et futur.

    1. La calandre à double haricot : plus qu’une signature, une obsession

    Bien avant que les récentes Série 4 ou XM ne déchaînent les passions avec leurs immenses « haricots », BMW adoptait déjà dans les années 1930 des calandres verticales massives. Selon Saxty, la relation entre la calandre et les phares est plus déterminante que la taille elle-même pour définir le caractère d’une BMW. Aujourd’hui, pour alléger la complexité (une calandre moderne peut contenir jusqu’à 250 pièces !), BMW évolue vers des signatures lumineuses digitales, particulièrement distinctives de nuit.

    2. La ligne Sicke : l’épine dorsale discrète du style BMW

    Sous la ceinture de caisse, une ligne nette court du sommet des projecteurs jusqu’aux feux arrière : la fameuse Sicke Line. Introduite dans les années 1950, popularisée dans les années 1970 sous la direction de Paul Bracq puis de Claus Luthe, elle renforce la rigidité des panneaux tout en soulignant la précision des formes. Pendant des décennies, elle a été une constante, même si BMW a commencé à en assouplir l’usage au cours des années 2000 pour plus de liberté créative.

    3. Le pli Hofmeister : l’élégance intemporelle

    Probablement le détail de design le plus célèbre de la marque, le Hofmeister Kink est cette subtile inflexion du montant arrière vers l’avant. Apparue sur le coupé 3200 CS puis sur la Neue Klasse au début des années 1960, elle symbolise la propulsion, la stabilité et la sportivité. Pourtant, BMW ne le considère pas comme un dogme : certains modèles récents, comme le Coupé Série 4, s’en affranchissent sans complexe.

    4. Le badge rond BMW : plus qu’un emblème

    Le célèbre logo bleu et blanc est ancré au centre du capot de toutes les BMW, mais sa présence sur d’autres parties de la carrosserie est plus exceptionnelle. À l’instar de la mythique 3.0 CSL ou du SUV X2, où le badge figure sur les montants arrière. Saxty révèle que le débat interne chez BMW autour de la prolifération ou de la sobriété du logo est souvent passionné, preuve de l’importance symbolique de cet élément.

    5. Les feux arrière en L : l’affirmation de la largeur

    L’introduction des feux arrière en forme de L remonte à la génération E32 de la Série 7 dans les années 1980. L’objectif : accentuer visuellement la largeur accrue de la voiture. Ce langage stylistique a depuis été continuellement interprété et réinventé, notamment dans les concepts récents comme la Vision Neue Klasse, où les feux forment même une extension du becquet arrière.

    6. La couleur orange : un clin d’œil historique

    Peu de gens savent que l’orange vif, vu parfois sur les modèles les plus exclusifs, remonte au spectaculaire prototype E25 Turbo de 1972, dessiné par Paul Bracq. Ce choix audacieux s’inspire des teintes de sécurité utilisées sur les avions de chasse français. Aujourd’hui encore, cette couleur symbolise l’innovation et l’avant-gardisme chez BMW, notamment pour ses modèles concepts ou ses séries limitées.

    7. L’iDrive : la révolution ergonomique

    Introduit avec la Série 7 E65 en 2001, l’iDrive a d’abord été critiqué avant de devenir la référence des interfaces homme-machine. Saxty rappelle que ses origines remontent aux années 1970, époque où BMW se concentrait déjà sur l’ergonomie et l’attention portée au conducteur. Le système évolue aujourd’hui vers des commandes toujours plus intuitives, à l’image de la Neue Klasse Concept, avec un affichage tête haute panoramique et des contrôles au volant.

    8. Le thème du double : la subtilité M

    À travers les doubles sorties d’échappement, les jantes à doubles branches ou les rétroviseurs à double support, la thématique du « double » s’est imposée comme un langage discret mais distinctif des modèles M. Imaginé par Marcus Syring, ex-directeur du design de BMW M, ce code renforce l’idée de performance raffinée sans tomber dans l’exubérance.