1925 – 2025 : la Rolls-Royce Phantom a cent ans, et elle est toujours au sommet

Il y a cent ans, Rolls-Royce lançait un modèle appelé à incarner le sommet de l’automobile : la Phantom. Une voiture née avec une ambition démesurée — être la meilleure voiture du monde — et qui n’a jamais cessé de réinventer cette idée du sommet. Cent ans plus tard, alors que Rolls-Royce multiplie les œuvres roulantes en série ultra-limitée, la Phantom reste ce que Sir Henry Royce voulait qu’elle soit : un objet de perfection, mais aussi un miroir de l’époque.

Un monument en mouvement

La Phantom n’a jamais été qu’une voiture. Depuis 1925, elle est le reflet de l’air du temps… mais vu depuis le sommet. À chaque génération, la Phantom se présente comme une page blanche sur laquelle l’histoire des puissants vient s’écrire.

La toute première, la Phantom I, succède à la Silver Ghost dans un monde encore marqué par la Grande Guerre. Elle est déjà pensée pour des clients au goût raffiné, plus souvent conduits que conducteurs. Dès l’origine, la Phantom est un châssis livré nu, habillé ensuite par les meilleurs carrossiers. Elle devient une pièce unique à chaque exemplaire, bien avant que le sur-mesure ne devienne un argument marketing.

Phantom II, III, IV… les générations s’enchaînent au fil des décennies, souvent dans l’ombre mais toujours en majesté. La Phantom IV n’est vendue qu’à la royauté. La V devient la voiture des têtes couronnées, mais aussi des stars : John Lennon la transforme en manifeste psychédélique, Elvis Presley en fait son carrosse blanc.

Une voiture comme un sceptre

La Phantom n’est pas seulement une limousine : c’est un symbole de pouvoir. Pendant la Seconde Guerre mondiale, le général Montgomery sillonne le front dans une Phantom III peinte en kaki. Dans les années 1950, elle accompagne les déplacements de la reine Elizabeth II. En 2003, la renaissance de la Phantom sous pavillon BMW inaugure une nouvelle ère : celle du luxe comme expérience.

Derrière son design néoclassique dessiné sous la direction d’Ian Cameron, la Phantom VII marie technologie allemande et artisanat britannique. Pour Rolls-Royce, il ne s’agit plus de concevoir une automobile, mais un « objet de contemplation ». Ce sera le credo de la marque jusqu’à aujourd’hui.

Rolls-Royce n’évolue pas, elle s’élève

En 2025, pour célébrer les cent ans de la Phantom, Rolls-Royce ne sort pas une série limitée banale. Elle crée une œuvre d’art mécanique, la Phantom Series II Scintilla, hommage à la Victoire de Samothrace. Couleurs inspirées de la statuaire grecque, broderies composées de près de 900 000 points, sculpture intérieure dans la galerie de planche de bord… tout ici évoque un luxe extrême, contemplatif, presque sacré. La marque n’a pas cherché à faire plus rapide ou plus technologique, mais plus signifiant. Parce que c’est ça, la Phantom.

Il n’y a que dix exemplaires. Pas besoin d’en faire plus. La Phantom s’adresse à une élite qui n’a pas besoin de visibilité pour affirmer son prestige.

Le luxe comme patrimoine

Sur Autocult.fr, on aime raconter comment l’automobile est un révélateur de son époque. À ce titre, la Phantom est un cas d’école : chaque génération nous dit quelque chose sur la société qui l’a produite.

– La Phantom I illustre le passage de l’ère industrielle à l’ère aristocratique de l’automobile.
– La Phantom V des années 1960 est celle de l’exubérance, de la pop culture, du star system.
– La Phantom VII est celle du renouveau du luxe dans les années 2000, entre tradition et mondialisation.
– La Phantom VIII, aujourd’hui, incarne l’ère du luxe postmatériel : on ne la regarde plus pour ce qu’elle fait, mais pour ce qu’elle représente.

Ce centenaire est donc plus qu’un anniversaire. C’est un jalon dans une histoire unique, celle d’une automobile qui n’a jamais accepté d’être banale, jamais accepté de s’adapter à des tendances passagères.

Ce qui vient après le sommet

Et maintenant ? La prochaine Phantom sera-t-elle électrique ? Probablement. Mais elle ne deviendra pas plus démocratique pour autant. Rolls-Royce a déjà franchi le pas avec la Spectre, un coupé à batteries qui prolonge cette philosophie du silence et de l’effort imperceptible. La Phantom, elle, restera au sommet.

Dans une époque où tout change, où les icônes tombent, où les certitudes s’effritent, la Rolls-Royce Phantom persiste. Elle est le dernier rempart d’un luxe qui n’a pas besoin de justification. Une anomalie ? Non. Un repère.