Dans l’univers automobile, rares sont les rivalités aussi marquées que celle qui oppose depuis des décennies Mercedes-Benz et BMW. Les deux constructeurs bavarois, installés à quelques dizaines de kilomètres l’un de l’autre, ont toujours cultivé une compétition acharnée. Berlines, SUV, coupés sportifs : dans presque chaque segment, les deux marques se livrent à un duel permanent, leurs modèles se répondant comme dans un jeu de miroirs. Longtemps, Mercedes incarnait le confort et la distinction quand BMW symbolisait le dynamisme et la sportivité. Mais cette frontière s’estompe depuis des années, et voilà que les deux adversaires s’apprêtent à franchir un cap inédit : Mercedes devrait bientôt équiper certains de ses modèles avec des moteurs BMW.
Une information qui surprend
Selon des médias allemands, Mercedes serait en discussions avancées pour adopter le moteur quatre cylindres B48 de BMW. Une nouvelle étonnante, d’autant que la firme à l’étoile vient de lancer un tout nouveau moteur, le M252, présenté notamment sous le capot de la récente CLA. Développé par Horse, la coentreprise formée par Renault et Geely, ce bloc moderne se voulait la base technique des futures Mercedes compactes.
Alors pourquoi ce soudain virage vers Munich ?
Le problème du M252
Si le M252 est parfaitement adapté à des configurations mild hybrid, il révèle vite ses limites dès qu’il s’agit d’électrification plus poussée. Conçu principalement pour des implantations transversales, il ne se prête guère aux architectures plus classiques à moteur longitudinal, typiques de nombreux modèles Mercedes. Or, l’avenir proche du marché européen repose sur les hybrides rechargeables, dans l’attente d’une électrification totale.
C’est précisément là que le bloc B48 de BMW (qui avait en partie succédé au Prince développé avec PSA) a un atout décisif : il est extrêmement polyvalent.
La force du B48 : un moteur caméléon
Apparu en 2014 sur la Mini Cooper S, le quatre-cylindres B48B20 est devenu une pièce maîtresse de la gamme BMW. Utilisé dans d’innombrables variantes, aussi bien transversales que longitudinales, ce moteur a prouvé sa fiabilité, sa sobriété, et sa capacité à évoluer avec les normes. Déjà décliné en version hybride rechargeable, il répond en outre à la future norme Euro 7, véritable casse-tête pour les motoristes.
De quoi séduire Mercedes, qui pourrait ainsi gagner un temps précieux tout en réduisant le coût de développement d’un moteur maison.
Quels modèles concernés ?
D’après les informations disponibles, Mercedes prévoirait d’utiliser le quatre-cylindres BMW dans plusieurs modèles stratégiques :
- CLA
- Classe C
- GLB
- GLC
- Classe E
- La future « baby G », version compacte et plus accessible du légendaire Classe G.
Autrement dit, une bonne partie de la gamme « cœur de marché » pourrait à terme recevoir une mécanique frappée… de l’hélice bavaroise.
Un précédent historique
Il faut le rappeler : jamais auparavant une Mercedes de série n’a utilisé de moteur BMW. Les deux marques ont parfois collaboré sur des projets industriels (comme le développement de la boîte automatique à neuf rapports ZF partagée avec d’autres constructeurs), mais jamais sur un cœur aussi symbolique qu’un moteur.
Cette décision soulève donc des questions stratégiques :
- Quel intérêt pour BMW ? Hormis le gain financier, difficile de cerner la motivation. D’autant que BMW travaille déjà sur un projet de concurrent direct du Classe G, dont la base technique pourrait justement être… le Classe G lui-même.
- Quel message pour Mercedes ? Pour une marque qui revendique une suprématie technologique depuis ses origines, admettre que l’on va puiser chez le rival de toujours peut apparaître comme une concession majeure (mais c’était déjà le cas avec les moteurs Renault).
Une rivalité qui devient complémentarité
Dans un contexte où les coûts de développement explosent et où la transition vers l’électrique impose des choix industriels drastiques, Mercedes et BMW démontrent qu’une rivalité n’exclut pas la coopération. Cette alliance partielle illustre le pragmatisme de l’industrie automobile allemande : mieux vaut partager certaines briques techniques que disparaître sous le poids des investissements.
Reste à voir comment réagiront les clients. Pour les passionnés, l’idée de conduire une Mercedes motorisée par BMW aura sans doute de quoi surprendre, voire déranger. Mais sur le plan rationnel, un moteur performant, efficient et durable reste un argument convaincant, peu importe l’origine.