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  • Carlos Menditeguy : un héros oublié du sport argentin

    Carlos Menditeguy : un héros oublié du sport argentin

    Franco Colapinto a récemment rejoint la prestigieuse liste des pilotes argentins ayant couru en Formule 1, succédant à des légendes telles que Juan Manuel Fangio et Carlos Reutemann. Pourtant, il fut un autre Argentin, moins connu, qui brilla dans les années 1950 et mériterait que l’on se souvienne de lui : Carlos Menditeguy.

    Le 22 janvier 1956, quelques minutes avant 16 h, sous la chaleur accablante et le ciel nuageux de Buenos Aires, les moteurs rugissent sur la grille du Grand Prix d’Argentine. En première ligne, Fangio, Eugenio Castellotti et Luigi Musso alignent leurs Lancia-Ferrari, tandis que Jean Behra prend place avec sa Maserati 250F. Juste derrière eux, en deuxième ligne, Carlos Menditeguy, au volant d’une des cinq Maserati d’usine, est pris en sandwich entre Stirling Moss et José Froilán González.

    Dès que le drapeau s’abaisse, Menditeguy dépasse Fangio, Castellotti et Behra, et se retrouve derrière Musso et González dès le premier virage. Quatre tours plus tard, il est en troisième position, qu’il conservera durant 70 minutes, soit environ 40 tours, jusqu’à ce qu’une casse mécanique vienne le propulser violemment hors piste.

    Menditeguy n’était pas qu’un simple pilote. Cet homme était un sportif accompli, aussi à l’aise sur les circuits automobiles que sur les terrains de polo, où il décrocha sept fois l’Open argentin entre 1940 et 1960 avec son équipe El Trebol. Il excellait aussi au golf, en escrime, en boxe, et fut champion de tir en Argentine. Mais sa passion pour la course automobile allait rapidement s’imposer.

    En janvier 1950, lors de sa première apparition en compétition à Mar del Plata, il s’impose au volant d’une Ferrari 166MM prêtée. Son talent éclate aux yeux du public. En 1951, il se retrouve derrière le volant d’une Alfa Romeo 308 d’avant-guerre lors de deux courses à Buenos Aires. Sa maîtrise impressionne, malgré une voiture vieillissante. Lors de la deuxième course, Menditeguy se bat pour la deuxième place face à des Mercedes plus modernes. Une pénurie d’essence lui coûtera une place sur le podium, mais il n’en fallait pas plus pour que son talent soit reconnu.

    Entre 1952 et 1960, Menditeguy participera à chaque édition des Temporadas argentines, ces compétitions pour monoplaces équivalentes à la Formule 1. Cependant, contrairement à ses compatriotes Fangio, González et Onofre Marimón, qui choisirent de courir en Europe, Menditeguy préférait affronter les stars étrangères sur ses terres natales. Il combinait alors courses locales de Turismo Carretera, notamment avec une Ford V8, et apparitions en Grand Prix.

    C’est en 1956, lors du Grand Prix d’Argentine, que Menditeguy passe à deux doigts de l’exploit. Il mène la course durant plus d’une heure, jusqu’à ce qu’une casse mécanique le trahisse. Ironiquement, alors qu’il se battait contre Fangio, il ignorait que ce dernier avait un tour de retard.

    Son talent ne s’arrête pas là. Une semaine plus tard, il remporte avec Stirling Moss les 1000 km de Buenos Aires au volant d’une Maserati 300S, offrant ainsi à Maserati son premier succès en championnat du monde des voitures de sport. Pourtant, la carrière de Menditeguy faillit s’arrêter quelques mois plus tard, lors des 12 Heures de Sebring, où il survit à un accident effroyable, dont il sortit une fracture du crâne.

    Menditeguy se rétablit rapidement, revenant en piste dès 1957. Cette année-là, il réalise sa meilleure performance en Formule 1, terminant troisième derrière Fangio et Behra à Buenos Aires. Ce succès en Temporada lui permet de décrocher un volant pour une saison complète en Europe, une première pour lui. Sa prestation à Monaco, où il occupe la cinquième position avant un accident, illustre sa vitesse et son habileté au volant, bien que la suite de la saison ne soit pas à la hauteur de ses attentes.

    Déçu par les résultats en Europe, Menditeguy décide de rentrer en Argentine, où il continue à briller en Turismo Carretera. Il termine notamment troisième du prestigieux Gran Premio de 1957 avec sa Ford V8, bouclant l’épreuve de 3050 miles sur trois roues !

    En 1960, Menditeguy participe une dernière fois au Grand Prix d’Argentine, obtenant une honorable quatrième place avec une Cooper-Maserati. Ce fut sa dernière apparition en championnat du monde. Après cette période, il se concentre sur les courses locales, remportant plusieurs victoires en Turismo Carretera, avant de raccrocher le casque en 1967.

    Carlos Menditeguy n’était pas seulement un pilote talentueux, mais aussi un sportif d’exception. Son admiration pour Fangio était immense, et ce dernier, en retour, louait souvent ses qualités, affirmant que si Menditeguy n’était pas devenu champion du monde, c’était uniquement parce qu’il ne l’avait jamais réellement souhaité.

    Menditeguy a marqué de son empreinte l’histoire du sport argentin, tant par sa polyvalence que par son talent indéniable. Il est décédé en 1973 à l’âge de 59 ans, laissant derrière lui une carrière exceptionnelle, marquée par un esprit de compétition insatiable et une quête incessante de nouveaux défis sportifs.

  • El Condor pasa

    El Condor pasa

    J’ai passé quelques années à traverser le monde à la poursuite des équipages du Championnat du Monde des Rallyes. Des milliers de souvenirs, des dizaines de victoires, quelques titres… Et lorsque l’on me demande où il faut aller pour vivre les plus belles épreuves du WRC, je réponds à chaque fois : Argentine et Finlande !

    La Finlande, évidemment… Le pays du rallye par ses routes, son ambiance et ses pilotes : Mikko Hirvonen, Jari-Matti Latvala, Juha Kankkunen et même Kimi Räikkonen ! Pour sa ville de Jyväskylä, dédiée à l’épreuve durant une semaine. J’ai toujours entendu que le Rallye de Finlande coïncidait avec la fin de leurs vacances scolaires et que c’était l’occasion de célébrer une grande fête. Une fête pleine de vitesse… Et pas mal d’alcool !

    L’Argentine est un déplacement bien plus lointain, dans une culture très différente. Contrairement à la Finlande, il n’a pas compliqué de trouver un bon restaurant pas trop cher.

    L’ambiance est moins cosmopolite. Les étrangers présents sur le rallye sont exclusivement importés par la course. Le public est 100 % argentin, avec ses propres habitudes. Nous sommes en présence de fans de sport automobile, pas forcément de spécialistes du rallye. Ils aiment la course, le sport et mettre l’ambiance !

    wrc-argentine

    Des voitures sont garées un peu partout sur le bord des routes en terre toujours cassante, entre des pierres parfois aussi grosses que les Corsa. On trouve des tentes et des groupes d’amis partout, sur des dizaines de kilomètres, sur des centaines de kilomètres. Quelle que soit l’heure, les grillades sont en cours. Asado et Fernet Branca.

    Côté météo, il faut s’attendre à avoir très froid le matin et beaucoup plus chaud l’après-midi. Villa Carlos Paz ne m’a pas laissé un souvenir dingue en termes d’intérêt touristique. Mais les routes et le paysage valent bien plus pour les amoureux des rallyes.

    Il y a le Col de Turini pour le Monte-Carlo, Ouninpohja en Finlande… Et il y a El Condor en Argentine. Ce n’est pas forcément là que le rallye se joue. En Argentine, les routes sont si cassantes que l’écrémage est souvent fait dès le début de course, entre ceux qui veulent frapper un grand coup d’entrée et qui s’éliminent rapidement et ceux qui, trop prudents, prennent une valise dès le vendredi.

    Cette année, Elfyn Evans a profité des conditions pour prendre une minute d’avance sur la concurrence avec sa Ford Fiesta WRC équipée de pneumatiques chinois Dmack… Jusqu’à ce que les favoris de la course pour le titre mettent la machine en route. Et c’est bien dans El Condor que Thierry Neuville est allé gagner son quatrième rallye mondial avec sa Hyundai i20 Coupé WRC chaussée en Michelin.

    Dans la configuration 2017, El Condor est une longue descente de 2 136 à 1 389 mètres d’altitude en 16 kilomètres. Le paysage est lunaire… Mais comme si des dizaines de milliers de personnes pouvaient faire griller du bœuf au bord d’une route sur la Lune !

    C’est lent, c’est tortueux. Ce n’est pas forcément le plus excitant pour les équipages, mais c’est un vrai plaisir pour les spectateurs et les photographes qui parcourent le monde à la recherche de la photo qui marquera la saison.

    Cette fois, Thierry Neuville a gagné. 0,7 seconde devant Elfyn Evans… Le troisième écart le plus faible de l’histoire après deux manches qui restent bien ancrées dans ma mémoire : le 0,2 seconde entre Sébastien Ogier et Jari-Matti Latvala lors du Rallye de Jordanie (il faudra que je redemande à Julien Ingrassia de raconter cette dernière spéciale) et le 0,3 seconde entre Marcus Grönholm et Sébastien Loeb lors du Rallye de Nouvelle-Zélande 2007.

    Attention, l’Argentine représente bien d’autres souvenirs… Le décalage horaire, les longueurs, la soirée du dimanche soir au Zebra, voir des collègues se faire voler leur matériel. J’y ai même égaré un passeport durant un dimanche un peu trop long. Et je peux vous assurer qu’il est parfaitement possible de rentrer en France après avoir perdu son passeport. Même si c’est une sacrée mission de monter dans un avion pour un vol intérieur, passer à l’ambassade de France, dans un commissariat sans vraiment parler espagnol, puis au consulat avant d’attraper le vol du retour vers l’Europe. Sacrée expérience ce Rallye d’Argentine !