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  • Automoto et Turbo : les deux piliers éternels de la télévision automobile française

    Automoto et Turbo : les deux piliers éternels de la télévision automobile française

    Dans un paysage télévisuel en perpétuelle évolution, deux institutions résistent encore et toujours aux modes, aux changements de programmation et aux bouleversements technologiques : Automoto sur TF1 et Turbo sur M6. Ces deux émissions dominicales, créées respectivement en 1975 et 1987, cumulent à elles seules plus de 80 années de diffusion. Une longévité exceptionnelle qui témoigne non seulement de l’attachement des Français à l’automobile, mais aussi de la capacité de ces programmes à se réinventer sans jamais renier leur ADN.

    Automoto : la pionnière (TF1, depuis 1975)

    Née il y a un demi-siècle, Automoto a traversé les époques comme un fil rouge de la passion automobile à la télévision. Dans les années 1970 et 1980, alors que l’automobile tenait une place centrale dans la société, l’émission proposait un mélange d’essais, de reportages et de sujets techniques. C’était l’époque des constructeurs français en pleine gloire industrielle, des grands duels de rallye et de la F1 en noir et blanc.

    Avec le temps, Automoto s’est transformée. Plus orientée aujourd’hui vers le lifestyle, le sport et les nouveautés, elle s’adresse à un public large et populaire, fidèle à la tradition de TF1. Des figures comme Denis Brogniart ou Jean-Pierre Gagick ont incarné l’émission, lui donnant une continuité et une crédibilité. Automoto reste ainsi une porte d’entrée pour les passionnés, mais aussi pour les téléspectateurs occasionnels qui veulent un condensé d’actualité automobile chaque dimanche matin.

    Turbo : l’autre école (M6, depuis 1987)

    Face à Automoto, Turbo est né en 1987 avec Dominique Chapatte à sa tête. Et il est toujours là, presque quarante ans plus tard. Cette constance dans l’incarnation est en soi un phénomène rare : Chapatte est devenu l’une des voix les plus familières de l’automobile en France.

    Turbo s’est distingué dès ses débuts par une approche plus didactique, plus magazine, mettant en avant les essais, la découverte et l’actualité des constructeurs. L’émission a souvent joué la carte de la proximité avec ses téléspectateurs, tout en s’autorisant des voyages, des escapades et des formats longs. Sa diffusion sur M6, chaîne généraliste mais volontiers tournée vers la modernité et les formats « magazine », a contribué à asseoir son image.

    Deux ADN, une même mission

    Si Automoto et Turbo sont parfois perçus comme des concurrentes, elles sont surtout complémentaires. L’une s’ancre dans l’ADN de TF1 : populaire, rythmée, orientée grand public, avec une forte présence du sport et des événements. L’autre s’inscrit dans la tradition M6 : plus magazine, plus diversifiée, parfois plus pédagogique.

    Toutes deux, cependant, remplissent une même mission : donner un rendez-vous automobile hebdomadaire aux Français. Dans un monde où la voiture est tour à tour glorifiée, contestée, transformée par l’électrification et menacée par les contraintes urbaines, ces émissions offrent un espace où l’automobile reste au cœur du récit collectif.

    La résistance face aux bouleversements médiatiques

    Leur longévité est d’autant plus remarquable qu’elle s’inscrit dans un contexte de bouleversement médiatique. L’arrivée de chaînes thématiques, de YouTube, des podcasts et des influenceurs aurait pu reléguer Automoto et Turbo au second plan. Et pourtant, elles sont toujours là. Et pour beaucoup de professionnels du secteur, les deux émissions TV restent les plus « puissants » des médias français.

    La clé réside sans doute dans la force du rendez-vous dominical. Comme Téléfoot ou Stade 2, ces émissions se sont ancrées dans la routine des foyers français. On y retrouve une familiarité, une fidélité, presque une habitude. Automoto et Turbo sont devenues des « marqueurs » de génération : beaucoup de passionnés d’aujourd’hui ont grandi en les regardant le dimanche matin, avec leurs parents ou leurs grands-parents.

    Savoir évoluer sans se perdre

    Un autre facteur de longévité réside dans leur capacité à évoluer. Turbo a intégré très tôt les problématiques écologiques et la transition énergétique, tout en continuant à valoriser les supercars et les voyages. Automoto, de son côté, a toujours su surfer sur les grands événements sportifs et sur l’actualité brûlante de l’industrie. Les formats ont changé, les équipes aussi, mais le socle est resté le même : parler d’automobile à un large public, avec un ton accessible.

    Un rôle culturel plus qu’éditorial

    Au-delà de l’information, ces deux émissions sont devenues des institutions culturelles. Elles contribuent à façonner l’image de l’automobile dans la société française. Elles ne sont pas toujours critiques – leur rapport aux constructeurs est parfois jugé trop conciliant – mais elles ont toujours su garder une place singulière dans l’écosystème médiatique. Là où la presse écrite spécialisée s’adresse à un lectorat pointu, Automoto et Turbo parlent à la France entière.

    Et demain ?

    La question se pose : combien de temps encore ces émissions tiendront-elles ? Les audiences, certes en baisse par rapport aux années fastes quand il n’y avait que six chaines, restent solides pour des programmes automobiles à la télévision gratuite. Tant que TF1 et M6 considéreront qu’il existe une valeur symbolique à garder un rendez-vous automobile dans leur grille, Automoto et Turbo devraient perdurer.

    Le véritable défi sera de réussir à séduire les nouvelles générations, celles qui consomment des vidéos sur TikTok ou YouTube plutôt que devant le poste de télévision. Mais là encore, la marque « Automoto » et la marque « Turbo » ont un capital historique que peu d’autres programmes peuvent revendiquer.

    Deux monuments vivants

    Dans une époque où tout va vite, où les programmes disparaissent parfois après quelques saisons, Automoto et Turbo apparaissent comme des monuments vivants. Elles sont à la télévision ce que la 2CV ou la Golf GTI sont à l’automobile : des repères familiers, intemporels, qui font partie du paysage.

    Elles témoignent aussi d’une chose : malgré les débats, malgré les évolutions, l’automobile reste un sujet qui passionne. Tant qu’il y aura des routes et des conducteurs, il y aura une place pour ces rendez-vous du dimanche matin. Automoto et Turbo ne sont pas seulement des émissions : ce sont des morceaux de mémoire collective.

  • Alfa Romeo Giulietta Berlina : 70 ans d’audace industrielle et de charme populaire

    Alfa Romeo Giulietta Berlina : 70 ans d’audace industrielle et de charme populaire

    Turin, 20 avril 1955. Sur le stand Alfa Romeo du Salon de l’Automobile, les visiteurs découvrent une berline compacte au design sobre et élégant, animée par une mécanique habituellement réservée aux voitures de sport. Ce jour-là, la Giulietta Berlina entre dans l’histoire. Soixante-dix ans plus tard, elle incarne toujours l’instant charnière où Alfa Romeo s’est muée en constructeur moderne, capable de conjuguer grande série et âme sportive. Retour sur une icône fondatrice, à la fois témoin et moteur de l’Italie renaissante d’après-guerre.

    De la course à la route, le pari de l’industrialisation

    À l’orée des années 1950, Alfa Romeo est avant tout un constructeur de prestige, auréolé de ses victoires en Formule 1 — avec Farina en 1950, Fangio en 1951 — mais encore très artisanal dans sa production. La 1900, lancée en 1950, amorce un virage vers une fabrication plus rationalisée. La Giulietta va enfoncer le clou. Pensée pour une clientèle plus large sans renier l’ADN technique de la marque au Biscione, elle va révolutionner la voiture moyenne européenne.

    Si l’histoire retient que la Giulietta Berlina a été officiellement présentée en avril 1955, c’est en réalité son alter ego plus sportif, le coupé Giulietta Sprint, qui la précède d’un an. Présentée en 1954 au Salon de Turin, la Sprint dessinée par Franco Scaglione chez Bertone fait sensation. Ses lignes fluides, son gabarit compact et surtout son moteur double arbre de 1 290 cm³ en aluminium ouvrent une nouvelle ère. C’est cette base mécanique, raffinée et performante, que l’on retrouvera sous le capot de la Giulietta Berlina.

    Une familiale qui gagne des courses

    Avec sa Giulietta Berlina, Alfa Romeo invente presque à elle seule le concept de berline sportive accessible. Son slogan ? « L’auto di famiglia che vince le corse » — la voiture familiale qui gagne des courses. Derrière cette formule audacieuse se cache une réalité mécanique : la Giulietta adopte un moteur quatre-cylindres à double arbre à cames en tête, un raffinement rare sur des modèles de grande diffusion. Développant 53 ch dans sa première version, ce bloc permet à la berline de frôler les 140 km/h, une performance remarquable pour une voiture de moins de 900 kg.

    Son comportement dynamique n’est pas en reste : propulsion, suspension indépendante à l’avant avec triangles superposés, pont arrière avec ressorts hélicoïdaux et barres Panhard, freins à tambours sur les quatre roues. La boîte de vitesses est montée sur le volant (au plancher dès 1957), et la planche de bord dégage une certaine modernité, dans le ton de l’époque.

    Une ligne discrète, mais soignée

    Esthétiquement, la Giulietta Berlina cultive une forme de retenue, surtout comparée aux exubérances américaines du moment. Dessinée en interne par le Centro Stile Alfa Romeo, elle reprend quelques éléments visuels de la Sprint, notamment dans le traitement de la face avant, esquissant déjà ce que l’on nomme aujourd’hui le family feeling. Compacte (4,1 mètres de long), elle parvient à offrir cinq vraies places et un coffre logeable, sans sacrifier ses ambitions sportives.

    Mais c’est bien sous sa robe discrète que se cachent les trésors de technologie. Le bloc moteur est en aluminium, tout comme la boîte de vitesses et le carter de différentiel. Les chemises des cylindres sont insérées sous pression dans une fonte spéciale. La distribution par double arbre à cames, alimentée par un carburateur simple corps Solex, confère au petit moteur une vivacité rare. Le vilebrequin repose sur cinq paliers, garantissant une fiabilité exemplaire.

    Une révolution industrielle silencieuse

    La Giulietta ne se contente pas de faire entrer Alfa Romeo dans les foyers italiens, elle transforme aussi profondément l’usine du Portello à Milan. Sous l’impulsion de l’ingénieur autrichien Rudolf Hruska, l’outil industriel est repensé de fond en comble. Là où la production était encore artisanale au début des années 50 (50 voitures par jour), elle passe à 200 unités quotidiennes quelques années plus tard. La Giulietta Berlina devient ainsi l’étendard d’un constructeur en voie de modernisation, et par extension, le symbole d’une Italie qui se relève.

    Une star à l’écran, une muse dans la rue

    Le succès commercial est immédiat. Plus de 130 000 exemplaires de la Giulietta Berlina seront produits entre 1955 et 1964, sur un total de 177 690 Giulietta toutes variantes confondues (Sprint, Spider, Sprint Speciale, SZ…). La Giulietta entre dans la culture populaire. Elle apparaît dans des films de Dino Risi, auprès de Mastroianni et Gassman. En 1960, le 100 001e exemplaire est remis à Giulietta Masina, muse de Fellini. En février 1956, elle trône sur la première couverture du magazine Quattroruote.

    Son nom lui-même est empreint de romantisme. Deux légendes coexistent : l’une évoque la femme du poète Leonardo Sinisgalli, l’autre un prince russe qui, lors d’un dîner parisien, aurait lancé à des dirigeants d’Alfa Romeo : « Vous êtes huit Roméo, mais pas une seule Juliette ! »

    L’héritage d’un mythe

    La Giulietta Berlina a pavé la voie à la Giulia, qui en 1962 reprend la recette avec encore plus d’efficacité et d’aérodynamisme (le fameux « coda tronca »). Mais elle demeure l’initiatrice d’une catégorie à part entière : celle des berlines sportives compactes, qui trouvera ses héritières chez BMW avec la 1600, puis 2002, ou chez Lancia avec la Fulvia Berlina.

    Aujourd’hui, à l’occasion de son 70e anniversaire, Alfa Romeo et Stellantis Heritage rendent hommage à ce modèle qui incarne tout ce que la marque sait faire de mieux : associer la rigueur mécanique à la passion latine, faire vibrer la fibre sportive sans renoncer au quotidien, et surtout, faire rêver en roulant.