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  • Guenther Steiner : Du hachoir du Tyrol aux vibreurs du MotoGP, itinéraire d’une icône

    Guenther Steiner : Du hachoir du Tyrol aux vibreurs du MotoGP, itinéraire d’une icône

    On le connait comme la star involontaire de Netflix, l’homme qui a élevé le juron au rang d’art et qui gérait l’écurie Haas comme on gère une crise de nerfs permanente. Mais réduire Guenther Steiner à ses memes internet serait une insulte au sport automobile. À 60 ans, l’ancien mécano de rallye s’apprête à faire ce qu’il fait de mieux : surprendre tout le monde. Direction le MotoGP.

    Dans un paddock de Formule 1 aseptisé par les communiqués de presse insipides, Guenther Steiner était une anomalie. Un dinosaure « old school », brut de décoffrage. C’est précisément pour cela que le monde l’a adoré dans Drive to Survive. Mais derrière la caricature du manager colérique qui maltraite ses portes de bureau, il y a une histoire bien plus riche. Celle d’un fils de boucher du Tyrol du Sud qui n’a envoyé qu’un seul CV dans sa vie. C’était en 1986.

    De la graisse du rallye aux paillettes de la F1

    Né à Merano, près de la frontière autrichienne, Steiner n’était pas prédestiné à la gloire. Ses parents tenaient une boucherie, lui jouait au hockey sur glace. La course ? Un spectacle lointain à la télé, dominé par l’aura de Niki Lauda.

    C’est en répondant à une annonce dans un magazine allemand (« Cherche mécaniciens pour Mazda en Belgique ») que tout commence. Il ne parle pas anglais, à peine français, mais il fonce. S’ensuivent des années de vagabondage mécanique : le WRC avec la légendaire équipe Lancia Jolly Club, puis Prodrive, et enfin M-Sport où il aide à transformer la Ford Focus en machine à gagner avec Colin McRae.

    C’est là, en 2000, que son téléphone sonne. Au bout du fil ? Une voix familière. Trop familière. Niki Lauda. « Je n’avais jamais rencontré Niki. C’était mon héros absolu », raconte Steiner. Lauda, alors patron de Jaguar Racing, l’invite à dîner à Vienne. Le lendemain, Steiner est embauché. « Je lui ai demandé : ‘M. Lauda, quel sera mon travail ?’. Il m’a répondu : ‘Je ne sais pas. Je te le dirai plus tard’. »

    L’homme qui a tenu tête à Ron Dennis

    Après des passages chez Jaguar et Red Bull (au tout début de l’ère Horner), Steiner part aux USA, fonde une entreprise de composites, et s’ennuie presque. Jusqu’à ce qu’il croise Peter Windsor dans un café. L’idée germe : monter une écurie de F1 américaine.

    Il crée Haas F1 de toutes pièces. Un modèle audacieux, utilisant un maximum de pièces Ferrari. Cela ne plaît pas à tout le monde. Lors d’une réunion des directeurs d’équipe, le grand Ron Dennis (McLaren) l’attaque frontalement, l’accusant de contourner le règlement. La réponse de Steiner ? « Le règlement est disponible pour tout le monde. Si vous ne l’avez pas, allez sur internet. » Ron Dennis s’est levé pour lui hurler dessus. Guenther, lui, s’amusait.

    C’est cette liberté de ton qui a fait sa légende, amplifiée par les micros de Netflix qu’il oubliait systématiquement. « Je ne savais pas qu’ils allaient garder tous les ‘Putain’ au montage », rigole-t-il aujourd’hui.

    « It’s cool as sh*t »

    Mais l’histoire ne s’arrête pas à son départ de Haas. À 60 ans, financièrement à l’abri, Steiner pourrait cultiver son jardin en Caroline du Nord. C’est mal le connaître.

    En avril 2024, il assiste au GP de MotoGP d’Austin « juste pour le fun ». Le virus reprend. « C’est cool à en crever », se dit-il. Ni une ni deux, il active ses réseaux d’investisseurs. La nouvelle est désormais officielle : Guenther Steiner a racheté l’équipe Tech3 et prendra les commandes le 1er janvier 2026.

    L’homme qui a appris la F1 à l’école de Lauda et du rallye va désormais appliquer sa méthode « sans filtre » au monde des deux roues. Le MotoGP avait-il besoin de Guenther Steiner ? Probablement pas. Mais Guenther Steiner avait besoin d’un nouveau défi. Et franchement, on a hâte d’entendre ses premières radios.