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  • L’Eunos Cosmo : l’hyper-luxe oublié de Mazda, géniteur de la voiture connectée

    L’Eunos Cosmo : l’hyper-luxe oublié de Mazda, géniteur de la voiture connectée

    L’histoire de l’automobile regorge de modèles dont l’ambition technique a dépassé le succès commercial. L’un des exemples les plus frappants nous vient du Japon des années bulle : la Mazda Eunos Cosmo de génération JC (1990-1995). Au-delà de ses lignes intemporelles et de sa mécanique exotique, ce coupé de Grand Tourisme est un monument d’avant-gardisme technologique, l’ancêtre méconnu de la voiture connectée moderne.

    La tentation du luxe : l’ère des marques jumelles

    À la fin des années 80, l’industrie japonaise est au sommet de son art et de sa richesse. Toyota (Lexus), Nissan (Infiniti) et Honda (Acura) créent leurs divisions de luxe pour cibler les marchés occidentaux, notamment celui des États-Unis, où les restrictions sur le volume d’exportation rendaient plus lucratif l’envoi de véhicules à forte marge.

    Mazda, alors connu pour des voitures audacieuses (MX-5, RX-7), ne fait pas exception. Le constructeur planifiait le lancement d’une marque premium nommée Amati. Le vaisseau amiral de cette nouvelle entité devait être la berline Amati 1000 (finalement lancée comme Mazda Sentia), secondée par ce coupé exceptionnel. Le Eunos Cosmo (Eunos étant l’un des multiples réseaux de distribution de Mazda au Japon, spécialisé dans le luxe et la sportivité) était ainsi le laboratoire roulant de ce luxe japonais d’avant-garde.

    La crise économique japonaise du début des années 90 coupera court au projet Amati, mais le Cosmo fut bien commercialisé sur le marché intérieur, portant l’ADN technique de cette ambition déchue.

    Le Wankel à trois rotors : une signature mécanique unique

    Si le Eunos Cosmo s’est distingué, c’est d’abord par son cœur. Mazda, seul constructeur à s’être obstiné avec le moteur rotatif, a équipé son GT d’une motorisation exclusive : un moteur Wankel tri-rotor 20B-REW.

    Ce bloc, gavé par deux turbocompresseurs, développait 311 ch et 407 Nm de couple. C’était un exploit technique : le Cosmo était capable d’atteindre 100 km/h en seulement 5,3 secondes et une vitesse de pointe de 255 km/h. Ces chiffres lui permettaient de rivaliser directement avec les références allemandes de l’époque, comme la BMW 850i ou la Mercedes SL 500, tout en se contentant d’une cylindrée nettement inférieure. Le revers de cette prouesse fut une soif en carburant légendaire, caractéristique des rotatifs, exacerbée ici par l’architecture tri-rotor.

    L’interface homme-machine : le CCS révolutionnaire

    L’héritage le plus durable du Cosmo réside dans son habitacle. Au centre du tableau de bord trônait le « Car Communication System » (CCS).

    Dès 1990, le CCS proposait :

    1. Un Écran Tactile Central : Pour la première fois de manière aussi complète, le Cosmo intégrait un grand écran tactile pour gérer une majorité des fonctions. Même la climatisation automatique était contrôlée via cet affichage.
    2. La Navigation GPS : L’élément de rupture. Bien que le système, fourni par Mitsubishi Electric, n’était précis qu’à environ 50 mètres (largement suffisant pour l’époque), il faisait du Eunos Cosmo l’une des premières voitures de production au monde à proposer un système de navigation GPS intégré à l’écran central. À titre de comparaison, le système précurseur de Honda, l’Electro Gyrocator (lancé en 1981 sur l’Accord, mais basé sur la navigation inertielle gyroscopique), était une boîte séparée, peu pratique et rapidement retirée du marché.
    3. Divertissement et Communication : L’écran tactile permettait même d’accéder à la télévision (via le tuner analogique de l’époque) et à des fonctions de téléphonie embarquée.

    Malgré son avance technique de dix ans sur certains constructeurs allemands et son style coupé d’une élégance rare, le Cosmo ne fut produit qu’à moins de 9 000 exemplaires jusqu’en 1995. Sa reconnaissance reste en deçà de son statut de véritable pionnier. Le Mazda Eunos Cosmo n’est pas seulement un vestige de l’âge d’or japonais, c’est l’un des premiers véhicules à avoir dessiné la plateforme numérique qui nous est aujourd’hui familière dans nos voitures.

  • Le moteur Wankel

    Le moteur Wankel

    Il y a 112 ans, Felix Wankel venait au monde. Il fut l’homme qui a réussi à remettre en cause l’omniprésence des moteurs à pistons à mouvement alternatif en développant un moteur à pistons à mouvement rotatif capable d’être produit (et commercialisé) en grande série.

    Au XVIIIe siècle, James Watt a inventé le système bielle-manivelle qui permet de transformer une impulsion rectiligne alternative en mouvement circulaire. L’énergie produite fait aller et venir un piston dans un cylindre. Ce mouvement linéaire est transmis à la bielle qui le transforme en mouvement rotatif.

    Ce système – en subissant des évolutions continues – est appliqué à l’automobile. Mais, depuis aussi longtemps que le moteur existe, d’autres chercheurs ont tenté de se passer de la bielle pour produire, dès l’origine, le mouvement désiré pour actionner les roues.

    Dès le XVIe siècle, avant même James Watt, l’Italien Ramelli décrit des pompes à eau à mouvement rotatif. L’Allemand Pappenheim, les Anglais Murdock, Galloway et Jones continuent les recherches sur le moteur à piston rotatif.

    Durant la première moitié du XXe siècle, les brevets se multiplient. De nombreux ingénieurs se lancent dans la conception de moteurs rotatifs. Quelques records tombent, mais la technologie ne parvient pas à s’imposer alors que l’aviation et l’automobile deviennent des industries à part entière.

    Parmi les nombreux inventeurs à chercher la solution, il y a l’Allemand Felix Wankel. A 22 ans, il crée son propre atelier à Heidelberg et réalise ses premières ébauches d’un moteur à piston rotatif.

    Comme tous les autres, il se frotte au problème de l’étanchéité des pièces en mouvement. Il travaille pour BMW et Daimler dans le développement de soupapes rotatives pour les moteurs d’avion. Après la Seconde Guerre Mondiale, il est arrêté par les autorités françaises qui lui confisquent tous ses documents.

    Mais il n’arrête pas ses recherches. Au début des années 1950, il devient consultant pour NSU. Et le 13 avril 1954, il dévoile « son » moteur Wankel à piston rotatif. Il réalise plusieurs prototypes pour le compte de NSU. Cette technologie est adaptée à une moto qui bat plusieurs records. Mais NSU cherche à placer l’un de ces moteurs sous le capot d’une voiture.

    Wankel présente alors que DKM 54. Ce moteur de 125 cm3, d’un diamètre de 26 centimètres, développe 29 chevaux à 17 000 tours/minute. Mais la puissance est transmise par un rotor extérieur à la mise en oeuvre trop complexe. NSU refuse de supporter la production en série d’une telle pièce et demande un train planétaire.

    Cette nouvelle solution est développée. Le KKM fait reposer le piston sur un axe excentré avec un rotor extérieur stationnaire. Les performances sont bien moins impressionnantes. Le prototype de 250 cm3 permet d’atteindre une puissance de 30 chevaux à 5 000 tours/minute.

    NSU veut néanmoins proposer une voiture à moteur Wankel. En 1963, la NSU Spider arrive sur le marché avec un KKM de 500 cm3. Le moteur est placé en porte-à-faux arrière. Il développe 50 chevaux à 6 000 tours/minute et permet au cabriolet d’atteindre 150 km/h.

    2 375 exemplaires plus tard, NSU met un terme à la commercialisation du Spider. L’échec s’explique par des problèmes de fiabilité et une consommation excessive.

    Mazda veut pourtant explorer cette voie. Un accord de coopération est signé avec NSU. Mais les Japonais font face aux mêmes problèmes techniques. L’usure du segment d’arrête fait perdre l’étanchéité de l’ensemble. Le moteur risque alors de casser. Au fil des années, Mazda met au point des segments en carbone auto-lubrifiant imprégnés d’aluminium.

    La première Mazda de série équipée de cette technologie est la Cosmo Sports 110S lancée en 1967. Avec un bi-rotor de 2×491 cm3, son moteur développe 110 chevaux. Mais seuls 1 519 voitures sont vendues…

    Mazda continue l’aventure jusqu’aux récentes RX-7 et RX-8, portées par la victoire de la 787B aux 24 Heures du Mans en 1991. NSU atteint un record avec la diffusion de 37 389 « Ro80 » et Citroën se lance dans la réalisation d’un moteur pour de petites séries de M35 et GS Birotor qui n’auront pas de suite.

    Comment ça marche ?
    Faire tourner le piston de forme triangulaire appelé rotor dans un cercle parfait ne serait pas une solution, car il n’y aurait aucune variation du volume des chambres délimitées par le cercle et chacune des phases du rotor.

    Il faut donner la forme d’une courbe épitrochoïde à l’enveloppe fixe appelée stator. A l’intérieur de ce stator, le rotor tourne sur un axe excentré. Les côtés du rotor s’écartent et se rapprochent de cette courbe en créant des chambres à volumes variables. Il devient dont possible de compresser le mélange gazeux après son admission et d’y produire une explosion-détente, c’est-à-dire un temps moteur. En un tour complet du rotor, chacune de ses faces accompli les quatre temps du moteur à explosion ! admission des gaz, compression, explosion-détente et échappement. Comme il y a trois phases du rotor à chaque tour de celui-ci, il se produit trois admissions, trois compressions, trois explosions-détentes et trois échappements.

    En d’autres termes, en un seul tour de rotor, on a trois cycles moteur complet. C’est ce qui explique le fonctionnement silencieux et souple du moteur.

    Sur le papier, les avantages sont multiples. Le taux de remplissage est élevé, il n’y a pas de soupape, un bon écoulement des gaz, un équilibrage parfait, un encombrement réduit et beaucoup moins de pièces.

    Mais pourquoi la technologie de Wankel n’équipe-t-elle pas toutes nos voitures ?
    L’étanchéité reste un problème majeur. Et, au-delà d’éventuelles questions de fiabilité, c’est la consommation élevée de carburant qui empêche la diffusion de la technologie.

    Très récemment, plusieurs grands groupes industriels ont annoncé la poursuite de recherches autour des brevets de Wankel afin de tester la technologie actuelle adaptée aux idées de l’ingénieur allemand.