Catégorie : Design & Style

  • « Classic with a Twist » : la MINI Paul Smith Edition, quand la culture anglaise se réinvente

    « Classic with a Twist » : la MINI Paul Smith Edition, quand la culture anglaise se réinvente

    Deux icônes britanniques, MINI et Paul Smith, portent leur partenariat historique à un niveau supérieur. Loin d’une simple édition limitée, la nouvelle MINI Paul Smith Edition est une déclaration de style qui fusionne l’héritage automobile de MINI et la devise du designer : « Classic with a twist ». De Londres à Tokyo, c’est un hommage vibrant à l’optimisme, à l’artisanat et aux détails inattendus qui fait son entrée dans la nouvelle famille de modèles.

    La collaboration entre MINI et Sir Paul Smith ne date pas d’hier, témoignant d’une alchimie créative durable : commencée en 1998 avec une série limitée de la Classic Mini, elle a récemment culminé avec la MINI Recharged électrique en 2022. L’édition Paul Smith s’applique désormais à toute la nouvelle famille MINI Cooper (3, 5 portes et Cabriolet), qu’elle soit thermique ou électrique. Pour le designer, cette nouvelle création est « un réel privilège et une merveilleuse opportunité » d’injecter de nouvelles couleurs et des détails inattendus qui célèbrent l’esprit indépendant des deux marques. C’est l’essence même du style Paul Smith, où l’élégance classique est toujours détournée par une touche de malice.

    L’extérieur de cette édition est immédiatement reconnaissable grâce à un jeu de couleurs et d’accents qui rendent hommage à l’histoire et à la patrie de Paul Smith. Deux teintes de carrosserie sont spécifiques à cette édition : le Statement Grey, une réinterprétation moderne de la couleur de la Mini Austin Seven de 1959, et Inspired White, un clin d’œil contemporain au Beige de la Classic Mini. Le classique Midnight Black Metallic est également disponible pour un style plus sobre. Quelle que soit la couleur de la carrosserie, le vert profond Nottingham Green — un hommage à la ville natale de Sir Paul — habille les coques de rétroviseurs, la grille de calandre octogonale et les centres de roues. Cette teinte sert également de couleur de base pour l’une des deux options de toit.

    Sur le toit, la célèbre bande rayée de Paul Smith, une de ses caractéristiques centrales (la Signature Stripe), est positionnée à l’arrière côté conducteur. L’alternative est un toit à rayures plus subtiles, mates et brillantes, en Jet Black. La finition est poussée : des jantes en aluminium de 18 pouces Night Flash Spoke noires et le logo MINI redessiné en Black Blue complètent la composition. La touche finale pour le culte ? La signature manuscrite de Paul Smith est apposée sur la poignée de coffre arrière.

    À l’intérieur, l’approche est celle de « l’élégance et de la retenue », typique du caractère britannique, avec des touches de couleur qui apparaissent là où on les attend le moins. L’ambiance est moderne, avec des surfaces tricotées en noir sur le tableau de bord et les panneaux de porte. Les sièges sport Nightshade Blue sont en Vescin (un pas-cuir végétal) et intègrent du textile tricoté sur les épaules et les appuie-tête. La palette vive du Signature Stripe est traduite en surpiqûres décoratives sur le volant, apportant le contraste cher au designer.

    L’esprit joueur de Paul Smith se révèle dans les détails cachés, incarnant le fameux « twist ». Lorsque la porte s’ouvre, le conducteur et le passager sont accueillis par une projection lumineuse au sol affichant un « Hello » manuscrit. De même, la devise du designer, « Every day is a new beginning », est inscrite sur le seuil de porte, reflétant l’état d’esprit positif des deux marques. Enfin, un graphique de « lapin » stylisé et dessiné à la main par Paul Smith décore les tapis de sol. Cette nouvelle MINI Paul Smith Edition est une célébration de la culture du design. Elle rappelle que l’automobile, même dans sa version moderne, reste une plateforme d’expression où l’histoire, la créativité et le souci du détail peuvent donner naissance à un véritable culte.

  • L’homme qui tondait l’élégance : le secret de l’artisanat de Masashi Nakayama chez Mazda

    L’homme qui tondait l’élégance : le secret de l’artisanat de Masashi Nakayama chez Mazda

    Dans un monde où l’intelligence artificielle et les raccourcis numériques dominent le design, Masashi Nakayama, directeur général de la division Design de Mazda, défend un artisanat exigeant. Pour lui, la création d’une automobile véritablement spéciale commence en roulant les manches et en plongeant les mains dans la glaise. Beaucoup de glaise.

    Cette approche tactile, presque méditative, est au cœur de l’esthétique épurée et élégante qui caractérise les Mazda contemporaines.

    L’apologie de la glaise et du temps long

    Le secret de Mazda réside dans son attachement au modèle physique. Nakayama le confirme sans détour : « Nous produisons beaucoup plus de modèles en argile que les autres constructeurs automobiles ». Il précise même que Mazda consomme la plus grande quantité d’argile au monde, utilisant une argile personnalisée et unique.

    Ce n’est pas une simple lubie. Ce choix, qui valorise le temps long, est le chemin vers des voitures de série d’une élégance exceptionnelle. L’approche est si valorisée que les concurrents cherchent régulièrement à débaucher les modeleurs de Mazda, jugés parmi les meilleurs du secteur.

    • L’Iconic SP : Le concept-car très acclamé Iconic SP – qui pourrait influencer toute une génération de modèles de production – est né de cinq modèles en argile au quart, suivis de trois modèles grandeur nature qui ont évolué sur une période considérable.

    Vue de près, la forme basse et agile de l’Iconic SP est remarquable par sa douceur. Il n’y a aucune arête vive ni coupure discordante ; le design est une leçon de retenue et de bon goût, de ses phares escamotables ultra-minces à la colonne vertébrale centrale du capot qui définit sa symétrie.

    Du MX-5 au Zen du tondeur

    Masashi Nakayama, qui a pris les rênes du design en 2021 après une carrière chez Mazda débutée en 1989 (lancement du premier MX-5), est un homme de l’ombre. Il symbolise l’esprit de curiosité et d’engagement de la marque.

    Il a été impliqué dans la renaissance du XXIe siècle, signant des intérieurs emblématiques (Mazda 3 Mk1, RX-8) et, de manière atypique, en étant à la fois chef designer et chef de programme pour l’actuelle MX-5 de quatrième génération. Pour lui, la principale qualification pour ce poste était de « montrer de l’amour au MX-5 ».

    Son approche s’ancre dans un héritage artisanal fort :

    • Héritage Artisanal : Son grand-père était un charpentier de temple capable de façonner des structures complexes sans utiliser de clous.
    • Philosophie de Hiroshima : Ayant grandi dans une ville qui a « tout perdu » puis s’est reconstruite à partir de zéro, il a développé un état d’esprit unique qui mélange « la philosophie dynamique de la recherche d’une haute efficacité avec la philosophie statique de l’exercice de la prudence et de l’attention ». Pour lui, la vitesse d’une voiture de sport n’est pas tout.

    Cet état d’esprit se manifeste dans son plus grand plaisir personnel : tondre la pelouse avec une tondeuse manuelle. Pour lui, entretenir son vaste gazon (120 m²) est un « art qui implique de travailler avec la nature », une métaphore parfaite de son approche du design automobile.

    La quête de l’expérience utilisateur unique

    Nakayama ne nie pas la pression de la rapidité, surtout face aux start-ups chinoises. Mais il insiste : « Je pense que notre processus a en fait une valeur plus forte, à cause du temps pris ».

    Sa philosophie s’étend jusqu’à l’expérience utilisateur. S’il n’est pas opposé au design moderne, il refuse que Mazda se contente des solutions tierces par défaut (comme Apple CarPlay ou Android Auto). Il souhaite passionnément que la marque développe une expérience utilisateur unique, sans faire appel à des entreprises externes pour la créer.

    L’Iconic SP pourrait concrétiser cette vision. Bien qu’il se refuse à donner des détails sur la production, le directeur technique de Mazda, Ryuichi Umeshita, a révélé qu’une version de production s’orienterait vers un plus grand VE doté d’un prolongateur d’autonomie à moteur rotatif, un digne « successeur de la RX-7 ».

    Avec l’engagement de Nakayama pour le geste juste, il y a de l’espoir que ce futur modèle conserve le corps aux surfaces lisses, les phares escamotables et les portes à ouverture vers le ciel — la magie subtile que seule l’approche artisanale de Mazda peut offrir.

  • Heico Sportiv : ces Volvo qui n’en sont pas vraiment

    Heico Sportiv : ces Volvo qui n’en sont pas vraiment

    Et si ces Volvo qui vous doublent sur l’autoroute n’étaient pas tout à fait d’origine ?

    Vous avez sans doute déjà croisé une Volvo au look plus agressif que d’habitude, avec un petit badge Heico à l’arrière. Et vous vous êtes peut-être demandé : « Mais c’est quoi, cette marque ? Une nouvelle division sportive ? Une filiale cachée de Volvo ? »
    Rassurez-vous, vous n’êtes pas le seul à vous poser la question. Et non, Heico n’est pas un constructeur. C’est un préparateur allemand — mais pas n’importe lequel.

    Une histoire née dans un garage… devenu référence

    Tout commence en 1983, quand Holger Hedtke rachète une concession Volvo en Allemagne. Comme beaucoup de concessionnaires passionnés, il ne se contente pas de vendre et entretenir les voitures : il commence à les modifier, les préparer, les faire courir.

    L’équipe se distingue rapidement en compétition, au point de collaborer officiellement avec Volvo Allemagne dans plusieurs championnats de tourisme. L’aventure durera jusqu’en 2001, année où Ford — propriétaire de Volvo à l’époque — décide de se retirer du sport automobile.

    Mais pour Heico, ce n’est pas la fin. C’est même le début de ce qu’il est devenu aujourd’hui : le préparateur de référence pour les amateurs de Volvo sportives.

    Heico Sportiv, le préparateur qui sublime les Volvo

    Depuis plus de 20 ans, Heico Sportiv conçoit, fabrique et vend des pièces pour rendre les Volvo plus performantes et plus expressives — sans jamais trahir leur philosophie.
    Leur gamme couvre à peu près tout : reprogrammations moteur, suspensions sport, systèmes de freinage renforcés, jantes spécifiques, kits aérodynamiques subtils et même éléments intérieurs.

    Le tout avec une rigueur toute allemande : certification TÜV et label VDAT, gages de qualité et de conformité. Autrement dit, monter un kit Heico, c’est comme si Volvo l’avait fait elle-même.

    Pourquoi Heico séduit autant aujourd’hui

    Il y a deux raisons à ce regain d’intérêt. D’abord, Volvo s’est assagie. Exit les 850 T-5, V70 R ou S60 Polestar. Aujourd’hui, la seule vraie sportive de la gamme, c’est le XC60 Polestar Engineered.

    Résultat : ceux qui veulent retrouver un peu de l’esprit des anciennes Volvo survitaminées se tournent naturellement vers Heico.

    Et puis il y a la question de la vitesse de pointe. Depuis 2020, toutes les Volvo sont électroniquement limitées à 180 km/h. Une décision cohérente avec la politique de sécurité du constructeur… mais frustrante pour certains conducteurs allemands.

    Heico propose donc une mise à jour logicielle permettant de relever cette limite à 220 km/h. Ce n’est pas anodin : 40 km/h de plus sur une Autobahn dégagée, ça change tout.

    Combien coûte une Volvo by Heico ?

    Tout dépend de votre modèle et de votre ambition. Heico ne transforme pas complètement les voitures comme Alpina le fait pour BMW. On est plus proche de Brabus ou ABT, avec des préparations modulables.

    Pour une XC90, on peut facilement dépenser 10 000 € d’améliorations, entre les jantes, la cartographie moteur et les détails esthétiques.

    Mais Heico pense aussi aux budgets plus raisonnables : un badge coûte à peine une centaine d’euros, et l’upgrade de vitesse de pointe autour de 2 000 €.

    Peut-on transformer sa propre Volvo en Heico ?

    Bonne nouvelle : oui. Heico propose des pièces aussi bien pour les modèles récents que pour des Volvo âgées de 10 à 15 ans.
    Et inutile de passer par une nouvelle homologation : même modifiée, votre voiture reste une Volvo sur la carte grise.
    Dans l’esprit, Heico pour Volvo, c’est ce que Brabus est pour Mercedes, AC Schnitzer pour BMW ou ABT pour Audi : la touche de caractère que la marque ne propose plus elle-même.

    Heico, c’est un peu la face cachée de Volvo. Un préparateur passionné, fidèle à la philosophie scandinave mais prêt à lui injecter une dose d’adrénaline bien allemande.
    Une manière élégante de concilier rigueur nordique et sportivité teutonne, pour ceux qui trouvent les Volvo modernes un peu trop sages.

  • Quand le passé inspire l’avenir électrique : Škoda ressuscite la 110 R

    Quand le passé inspire l’avenir électrique : Škoda ressuscite la 110 R

    Plus d’un demi-siècle après sa naissance, la mythique Škoda 110 R retrouve la lumière – mais cette fois sous le signe du kilowatt et de la fibre de carbone. À l’heure où l’électrification rebat les cartes du design automobile, le constructeur tchèque dévoile une réinterprétation audacieuse de son célèbre coupé, véritable icône des années 1970. Une création purement stylistique, signée Richard Švec, qui illustre la manière dont Škoda articule désormais son patrimoine et sa vision du futur.

    Le souffle du passé, la rigueur du présent

    Depuis plusieurs années, le département design de Škoda s’amuse à revisiter ses modèles les plus marquants – un exercice d’équilibre entre nostalgie et modernité, mené sous le label « Modern Solid ». Après la Felicia Fun et la Favorit, c’est donc la 110 R qui passe à la moulinette du XXIe siècle. Le résultat : un coupé électrique au regard perçant, aux volumes tendus, qui assume ses origines tout en s’affranchissant de tout effet rétro.

    Pour Richard Švec, designer au sein de l’équipe de modélisation numérique de Škoda Auto, l’enjeu était clair : « Je ne voulais pas recréer le passé, mais traduire son esprit dans un langage contemporain. » Cette approche, typique du design industriel moderne, consiste moins à copier qu’à faire résonner : retrouver la pureté et la justesse d’une silhouette d’époque, mais en exploitant les nouvelles contraintes techniques et esthétiques liées à l’électrification.

    Une 110 R pensée dès le départ comme électrique

    Le concept 110 R 2025 n’est pas une simple étude de style plaquée sur une plateforme thermique. Dès le premier trait de crayon, le projet a été pensé pour accueillir une motorisation électrique et une architecture à propulsion – un clin d’œil fidèle à la disposition mécanique du modèle original. Cette fidélité technique s’accompagne d’un soin particulier apporté à la gestion des volumes : les prises d’air latérales, autrefois destinées au refroidissement du moteur arrière, sont ici conservées mais redéfinies pour ventiler le pack de batteries.

    L’absence de moteur thermique a permis d’épurer les surfaces et d’affirmer les lignes. Le capot nervuré, les ailes légèrement galbées et la poupe ramassée évoquent la sportivité d’une époque où les proportions dictaient la performance. La filiation avec la 130 RS – version compétition de la 110 R et héroïne des rallyes – se lit dans les passages de roues évasés, le renfort visible de l’arceau et les jantes à fixation centrale.

    L’aérodynamique comme signature

    En bon concept du XXIe siècle, la 110 R rebootée met la technologie au service du style. Les rétroviseurs traditionnels disparaissent au profit de caméras à faible traînée, tandis que les projecteurs, dissimulés sous des volets coulissants, ne s’exposent qu’en fonctionnement. Une solution inédite qui renforce le caractère monolithique du museau tout en optimisant l’aérodynamique.

    L’identité lumineuse adopte le nouveau langage « Tech-loop » inauguré par le concept Vision O : une signature graphique circulaire qui relie les optiques avant et arrière, enserrant un bandeau noir intégrant capteurs et badge Škoda rétroéclairé. À l’arrière, le logo illuminé flotte comme une sculpture, rappelé jusque dans les moyeux de roues et gravé dans les vitres latérales. Une mise en scène presque artistique de la marque.

    Un exercice de style à haute valeur symbolique

    Aucune production n’est envisagée – et c’est peut-être mieux ainsi. Ce genre d’étude a pour vocation de nourrir la réflexion interne, d’affiner les codes et de maintenir vivant le lien entre le passé et le futur. Chez Škoda, le design s’enrichit en permanence de références à une histoire que peu de constructeurs d’Europe centrale peuvent revendiquer : celle d’une marque populaire devenue compétitive sur la scène internationale.

    La 110 R originale, produite à Kvasiny entre 1970 et 1980, avait déjà cette double nature. Élégante et accessible, elle abritait un petit quatre-cylindres de 1 107 cm³ développant 62 ch pour un poids plume de 880 kg. Capable d’atteindre 145 km/h, elle incarnait à la fois la voiture de sport du peuple et la base technique idéale pour le développement de prototypes de compétition. De la 200 RS à la mythique 130 RS, c’est tout un pan de la légende Škoda qui en découla.

    Le patrimoine, matière première du futur

    En revisitant cette lignée, Škoda confirme que la mémoire n’est pas une contrainte mais une ressource. Dans une industrie parfois obsédée par la rupture, la marque tchèque préfère miser sur la continuité et la réinvention. La 110 R 2025 n’est pas une réplique, c’est une conversation entre deux époques : celle du moteur arrière et celle du moteur zéro émission.

    Et si elle ne roulera peut-être jamais, elle dit beaucoup de ce que sera la Škoda de demain : une marque capable d’unir la rigueur de la conception allemande, la créativité d’Europe de l’Est et une authenticité qui ne cherche pas à se maquiller en luxe. En somme, une manière très tchèque d’aborder le futur – avec humilité, mais avec panache.

  • L’ère des prompts : quand l’intelligence artificielle s’invite à la planche à dessin

    L’ère des prompts : quand l’intelligence artificielle s’invite à la planche à dessin

    L’automobile est l’une des dernières formes d’art industriel où la main et l’imagination humaines règnent en maîtres. Mais le vent tourne. L’intelligence artificielle, jadis reléguée aux algorithmes, s’installe désormais dans les studios de design. La question n’est plus de savoir si l’IA sera utilisée, mais si elle peut supplanter – ou du moins transformer radicalement – le rôle du designer.

    Le consensus est riche en nuances : si l’IA s’avère un outil d’une vitesse stupéfiante, le « savoir et émotion » qui guide la création d’un chef-d’œuvre reste profondément humain.

    La Vitesse du Flash et le Piège du Générique

    L’attrait initial de l’IA réside dans sa rapidité. Simon Loasby, directeur du Hyundai Design Centre, se souvient avoir créé une image d’un yacht (pour inspirer l’Ioniq 9) en seulement « 40 secondes » le temps de parcourir la distance entre deux feux rouges. L’effet est immédiat et impressionnant.

    Cette vélocité est particulièrement utile dans les phases initiales de la création :

    • Recherche Précoce : Pour la phase de recherche très précoce, les planches d’influence, le choix des matériaux et des couleurs, l’IA est « excellente » selon Robin Page, directeur du design chez Bentley Motors.
    • Détails Précis : Elle est également très efficace pour les composants spécifiques comme les jantes.

    Cependant, cette rapidité cache un défaut fondamental soulevé par des esprits créatifs comme Mitja Borkert, directeur du design chez Lamborghini : les créations de l’IA sont souvent « un peu génériques » et n’offrent « rien de nouveau ».

    L’explication est simple : l’IA fonctionne en puisant dans d’immenses bases de données d’images déjà publiées numériquement, mélangeant des variations existantes. Elle est capable d’imiter, comme un designer humain s’inspirerait d’un modèle iconique des années 70 pour moderniser un phare LED, mais elle manque du bond imaginatif nécessaire pour créer un modèle entièrement inédit.

    « Je reviens à la remarque d’Einstein : ‘La connaissance n’est rien sans l’imagination.’ Et l’IA n’est rien sans l’imagination pour l’utiliser. » — Marek Reichman, Chief Creative Officer chez Aston Martin.

    Le Défi de la Propriété Intellectuelle et du Contrôle

    Pour les constructeurs, l’enjeu dépasse la seule créativité. Il touche à la confidentialité et à l’élégance de la marque.

    • Le Danger de l’Open Source : Les outils d’IA les plus puissants sont des plateformes open source. Utiliser ces plateformes pour des travaux confidentiels est impossible pour des constructeurs qui protègent jalousement leurs futurs designs.
    • L’IA Captive : La solution adoptée par Stellantis et Hyundai est le développement d’une IA interne (captive). Chez Stellantis, par exemple, cette IA est entraînée avec leurs propres esquisses, travaux précédents et designs de marque. Ralph Gilles, l’un des chief design officers de Stellantis, y voit « un designer supplémentaire » capable de générer des idées auxquelles l’équipe n’aurait pas pensé.

    Cette approche permet de guider l’IA selon la signature et le style de la marque, transformant l’outil en un assistant plutôt qu’en un simple générateur d’images.

    La Mutation du Processus Créatif

    L’impact le plus concret de l’IA est peut-être de modifier le rythme et la structure du processus de design.

    Brett Patterson, designer indépendant, note qu’avant l’IA, le processus passait par des cycles d’esquisses brutes. Aujourd’hui, la « hero image » (l’image de présentation finale) peut émerger dès le tout début du processus. Une fois la direction validée, le design complet peut être affiné par les méthodes plus familières d’esquisse et de modélisation.

    L’IA ne remplacera pas le designer, mais elle est en train de redéfinir la manière dont le design est fait. Comme le résume justement Simon Loasby : « L’IA ne va pas nous prendre nos emplois, mais quelqu’un qui utilise l’IA le fera, nous devons donc utiliser ces nouveaux outils ». L’automobile, en tant qu’art, continuera d’être l’affaire d’humains dotés d’une curiosité et d’une imagination cultivées.

  • Maserati x Giorgetti : quand le design italien se met en mouvement

    Maserati x Giorgetti : quand le design italien se met en mouvement

    Dans l’univers automobile, rares sont les collaborations qui vont au-delà du badge et de la signature sur une plaque. Trop souvent, le « co-branding » se limite à un jeu de logos et de textures.
    Mais quand Maserati invite Giorgetti à concevoir une Grecale Folgore unique, ce n’est pas un simple exercice de style. C’est une rencontre entre deux langages qui racontent, chacun à leur manière, l’âme du design italien.

    L’Italie du geste juste

    Il faut d’abord comprendre ce que représentent ces deux noms dans la culture italienne. Maserati, fondée à Bologne en 1914, c’est la vitesse apprivoisée, la puissance sculptée, la quête du mouvement parfait. Giorgetti, né en 1898 à Meda, au cœur de la Brianza, c’est la lenteur maîtrisée, la main de l’artisan, la recherche de la proportion absolue. Entre les deux, plus d’un siècle d’histoire et un même credo : le geste juste, celui qui transforme la fonction en émotion.

    L’Italie a toujours su faire dialoguer ces deux mondes : la machine et la matière, la route et la maison, le sport et le confort. C’est cette conversation qu’on retrouve dans la Grecale Folgore Giorgetti Edition, présentée à l’Atelier Giorgetti, rue de l’Abbaye à Paris — un lieu choisi avec soin, comme une parenthèse de calme dans le tumulte de Saint-Germain-des-Prés.

    Du vent, du bois et du cuivre

    Chez Maserati, le vent a toujours un nom. Ghibli, Levante, Mistral, et aujourd’hui Grecale, ce souffle qui traverse la Méditerranée.
    Chez Giorgetti, c’est la matière qui respire : le bois, le cuir, le métal.
    Cette édition unique est née de cette rencontre entre le mouvement et la texture, entre la fluidité de l’air et la densité de la matière.

    La carrosserie arbore une teinte exclusive, baptisée Gleaming Dusk. Ni grise ni cuivrée, elle semble changer selon la lumière, comme si le métal lui-même vibrait au rythme du vent. Sous les projecteurs, elle révèle des reflets chauds et froids, un jeu d’ombres qui fait écho aux finitions métalliques des créations Giorgetti. Les jantes, polies et vernies, ajoutent à cette impression de mouvement suspendu. Le résultat est d’une sobriété déroutante : pas de clinquant, pas d’effet spectaculaire. Juste la maîtrise d’un équilibre, cette élégance italienne qui préfère la tension à la démonstration.

    L’intérieur : la voiture comme objet d’art

    À bord, on entre dans un autre rapport au design automobile.
    La Grecale Folgore Giorgetti n’essaie pas de ressembler à un salon roulant — elle traduit plutôt ce que pourrait être un objet de design qui roule. Les cuirs et les bois ne sont pas là pour “faire luxe”, mais pour exprimer une idée du toucher, de la texture, du confort. Chaque surface est pensée comme une sculpture : lisse, tendue, travaillée. Le geste du sellier rejoint celui de l’ébéniste.

    Klaus Busse, responsable du design Maserati, et Giancarlo Bosio, directeur créatif de Giorgetti, ont cherché un langage commun : celui du mouvement même à l’arrêt. Dans le mobilier Giorgetti comme dans les carrosseries Maserati, rien n’est jamais statique. La ligne court, la lumière glisse, la matière vit. C’est une philosophie du design où l’objet ne se contente pas d’être beau : il doit raconter le temps, la main, la passion qui l’ont façonné.

    Fuoriserie, l’art du sur-mesure italien

    La Grecale Folgore Giorgetti Edition incarne aussi la philosophie Fuoriserie, le programme de personnalisation de Maserati. Mais ici, la personnalisation dépasse le simple choix de coloris ou de surpiqûres. C’est une approche culturelle : la voiture comme œuvre unique, façonnée à la manière d’une commande d’art.

    On retrouve dans cette démarche la tradition italienne du sur-mesure, du tailoring. Le même esprit qui anime les ateliers de couture de Milan ou les carrosseries d’antan à Modène. Un art de la transformation subtile, où le luxe ne s’exprime pas dans la rareté mais dans la justesse. C’est ce que Maserati appelle « tailoring on the move » : l’idée que la personnalisation ne s’arrête pas à l’habit, mais s’étend à la route.

    Giorgetti, ou le design comme héritage

    Fondé à la fin du XIXe siècle, Giorgetti a toujours cherché à dépasser les frontières entre artisanat et industrie. À une époque où beaucoup confondent design et décor, la maison revendique une approche presque architecturale du mobilier. Ses créations, toujours “atypiquement uniques”, jouent sur la tension entre classicisme et expérimentation. Depuis l’intégration de la société Battaglia, spécialisée dans les intérieurs de yachts et d’hôtels de luxe, Giorgetti s’est imposé comme l’un des rares acteurs capables de concevoir un univers global du design italien.

    C’est cette cohérence, cette vision d’ensemble, qui a séduit Maserati. Les deux marques partagent la même volonté : créer des objets capables d’émouvoir, que ce soit dans un salon, sur un yacht, ou au volant d’un SUV électrique de 500 chevaux.

    Le design italien, comme un art du mouvement

    Ce qui fait la force de cette collaboration, ce n’est pas sa rareté mais sa nécessité. À une époque où le design automobile tend à se standardiser, Maserati revendique son attachement à la culture italienne du beau, du fait-main, du geste précis. La Grecale Folgore Giorgetti Edition n’est pas une pièce de musée : c’est une démonstration que le design, en Italie, reste un art vivant.

    Là où d’autres parlent d’innovation, Maserati et Giorgetti parlent de tradition évolutive. Une tradition qui ne fige rien, mais qui transmet : la passion, le mouvement, la lumière, la main. C’est ce dialogue, entre la route et la maison, entre le vent et le bois, qui définit mieux que tout autre le vrai esprit du design italien.

    Et au fond, c’est peut-être cela, l’ultime luxe : savoir que, même immobile, une Maserati reste en mouvement.

  • Une Lotus Esprit en carbone renaît : l’Encor Series 1 dévoile sa modernité

    Une Lotus Esprit en carbone renaît : l’Encor Series 1 dévoile sa modernité

    Cinquante ans après le premier dévoilement de la Lotus Esprit à Paris, la mythique supercar britannique renaît sous une forme revisitée. La jeune société britannique Encor prépare le lancement de la Series 1, une réinterprétation moderne de l’Esprit S1 originale, mêlant ADN Colin Chapman, ingénierie contemporaine et savoir-faire artisanal.

    Une renaissance limitée à 50 exemplaires

    Seuls 50 exemplaires seront produits, chacun reposant sur une Esprit V8 d’origine. Le projet conserve le châssis en nid d’abeille propre au modèle, tout en remplaçant la carrosserie en fibre de verre par une coque en carbone moulé. Selon Encor, cette nouvelle structure est plus légère et plus rigide, tout en intégrant des éléments modernes comme des phares LED basse hauteur, discrets mais performants.

    Sous le capot, le V8 d’origine est entièrement reconstruit, promettant une motorisation fiable et endurante, fidèle à l’esprit de la voiture. L’intérieur, lui, a été entièrement repensé : cuir, Alcantara et aluminium usiné remplacent le style rétro, tandis que des touches numériques — Apple CarPlay et caméras 360 degrés — assurent un confort moderne sans trahir l’esprit sportif.

    Respecter l’héritage tout en modernisant

    Pour Simon Lane, co-fondateur et ancien responsable de programmes sur mesure chez Aston Martin et Lotus, le projet n’est pas simplement un exercice technique : « Il s’agit d’une responsabilité, pas d’un projet. » Le designer Daniel Durrant, ancien de Lotus, souligne que le style de la Series 1 rend hommage à l’Esprit originale tout en conservant une authenticité visuelle. Chaque détail, de la silhouette aux proportions, a été étudié pour rappeler le modèle emblématique de 1975 sans tomber dans le pastiche.

    Cette approche reflète une tendance croissante dans le marché des voitures de collection : proposer des classiques modernisés, où performance, sécurité et confort répondent aux exigences actuelles, tout en préservant l’âme de l’original.

    Prix et marché ciblé

    L’Encor Series 1 est proposée à partir de 500 000 euros, hors options, taxes et prix du véhicule donneur. L’initiative s’adresse avant tout aux collectionneurs avertis, à la recherche d’exclusivité et de plaisir de conduite. La série limitée, la reconstruction du V8 et l’utilisation du carbone rendent chaque exemplaire unique et profondément désirable.

    La révélation complète est attendue pour novembre 2025, et les premières livraisons devraient suivre rapidement. Avec ce projet, Encor réaffirme non seulement l’attractivité intemporelle de la Lotus Esprit, mais aussi le potentiel de réinterprétations haut de gamme qui combinent patrimoine et technologies modernes.

  • Goodwood Revival 2025 : les Mini de 1959 font leurs débuts dans la St. Mary’s Trophy

    Goodwood Revival 2025 : les Mini de 1959 font leurs débuts dans la St. Mary’s Trophy

    Lorsqu’on associe les mots Goodwood et Mini, l’image qui vient immédiatement à l’esprit est celle des Cooper S des années 1960, bousculant les mastodontes américains dans les courses historiques de la St. Mary’s Trophy. Mais pour l’édition 2025 du Goodwood Revival, la donne change. Pour la première fois, les organisateurs ont décidé d’ouvrir leur grille pré-1960 aux toutes premières Austin Mini de 1959 – des modèles recréés avec un soin maniaque pour refléter l’esprit originel de la citadine révolutionnaire.

    Une première historique

    Habituellement, la St. Mary’s Trophy se partage en deux versions : une année pour les voitures de tourisme des années 1960, l’autre pour les modèles d’avant 1960. Jusqu’ici, la Mini n’y avait pas sa place, sa carrière sportive étant intimement liée à la décennie suivante. Mais en 2025, Goodwood a choisi de bousculer la tradition et d’inviter la Mini originelle à participer à la version « années 1950 » de la course.

    Pour relever ce défi, c’est Austin Cars Ltd, nouvelle société fondée par l’équipe derrière Burlen Ltd (SU, Amal, Zenith Carburettors et Austin Pedal Cars), qui s’est lancée dans la construction de deux répliques exactes de la Mini de 1959. Ces voitures, bien que destinées à la compétition, restent fidèles à l’esprit de la toute première génération de la petite anglaise.

    Fidélité absolue au modèle de 1959

    Les carrosseries et arceaux ont été produits par Owens Fabrication, en respectant scrupuleusement les caractéristiques des premiers exemplaires sortis de Longbridge. Les moteurs, confiés à Swiftune Engineering, spécialiste mondial des A-Series de compétition, ont été développés pour combiner authenticité et fiabilité sur piste.

    Le résultat ? Deux voitures présentées en Farina Grey, couleur d’origine de 1959, chaussées de jantes acier, avec une hauteur de caisse volontairement relevée pour retrouver le roulis caractéristique des premières Mini. Sous le capot, une version plus modeste de l’A-Series, alimentée par un unique carburateur SU, associée à la fameuse commande de boîte « wand » de la 850 cm³ originelle. L’ensemble compose une silhouette bien différente des Cooper S habituellement vues à Goodwood.

    « Comme la Mini de votre mère »

    Will Kinsman, directeur éditorial et des contenus de Goodwood, résume ainsi la démarche :

    « Notre brief était simple : créer une Mini qui ressemble à celle de votre mère, que vous auriez empruntée en cachette, sur laquelle vous auriez peint un numéro avant d’aller courir. Et Austin, Swiftune et Owens ont parfaitement relevé le défi. »

    Ce souci de détail, qui éloigne volontairement ces autos des spécifications des Mini de course plus tardives, apporte une fraîcheur nouvelle à la grille pré-1960.

    Des pilotes de renom au volant

    Les deux Mini engagées ne seront pas pilotées uniquement par des spécialistes de l’historic racing. Aux côtés de Mark Burnett (directeur d’Austin Cars Ltd) et de Nick Swift (Swiftune), les spectateurs verront s’élancer des noms prestigieux : Darren Turner, triple vainqueur des 24 Heures du Mans en catégorie GT, et Karun Chandhok, ancien pilote de Formule 1 et désormais commentateur reconnu.

    La St. Mary’s Trophy se déroulera, comme le veut la tradition, en deux manches réparties sur le samedi et le dimanche, avec un classement final établi sur l’addition des temps des deux pilotes. Un format qui garantit spectacle, suspense et intensité jusqu’au drapeau à damier.

    Un avant-goût d’avenir pour Austin Cars ?

    Pour Mark Burnett, cette aventure dépasse le simple cadre d’une course :

    « Présenter nos Austin Mini de 1959 au Goodwood Revival est un immense honneur. C’est une formidable vitrine pour Austin Cars et, qui sait, peut-être un avant-goût de ce que nous préparons pour l’avenir. »

    À Goodwood, la Mini revient ainsi à ses origines, non pas en tant qu’icône des sixties, mais comme témoin d’une révolution née à la toute fin des années 1950. Cinquante ans après ses premiers tours de roues en compétition, elle retrouve le chemin des grilles de départ – et prouve que son charme est intact.

  • Chrysler Building : quand l’automobile visait les sommets de New York

    Chrysler Building : quand l’automobile visait les sommets de New York

    Symbole de la skyline new-yorkaise, chef-d’œuvre Art déco et fierté éphémère du monde de l’architecture, le Chrysler Building n’est pas seulement un gratte-ciel mythique : il est aussi un monument à la gloire d’une marque automobile. Derrière ses 319 mètres de métal étincelant se cache l’ambition démesurée de Walter P. Chrysler, patron visionnaire qui, en pleine course aux hauteurs à la fin des années 1920, fit ériger un immeuble à la mesure de son empire industriel.

    Pourquoi « Chrysler » ? Une signature dans le ciel

    Lorsque le projet voit le jour en 1928, la ville de New York est le théâtre d’une compétition acharnée entre architectes et magnats pour ériger le plus haut gratte-ciel du monde. Walter Percy Chrysler, alors à la tête de l’une des marques automobiles les plus innovantes et prospères des États-Unis, ne se contente pas de sponsoriser l’édifice : il l’achète, personnellement, pour en faire le siège de son entreprise.

    Le nom n’est pas une simple appellation commerciale. Chrysler voit dans cet immeuble un manifeste : un bâtiment qui porterait son nom bien au-delà des routes, comme un symbole de modernité, de puissance et d’élégance — exactement les valeurs qu’il souhaite associer à ses automobiles. L’idée est claire : faire du Chrysler Building un outil de communication gigantesque, visible par des millions de personnes, dans une époque où la publicité monumentale commence à s’imposer.

    L’architecture automobile : un gratte-ciel qui célèbre la route

    Conçu par l’architecte William Van Alen, le Chrysler Building est un pur produit de l’Art déco, mais il puise directement dans l’univers automobile pour son ornementation. Les célèbres gargouilles en acier inoxydable qui ornent ses angles rappellent les bouchons de radiateur des Chrysler de l’époque, notamment la Plymouth et l’Imperial. Les frises géométriques, elles, évoquent les jantes et les ailettes des capots.

    Son sommet, recouvert de plaques d’acier Nirosta disposées en chevrons, scintille comme la calandre chromée d’une voiture au soleil. Cette référence visuelle renforce le lien entre l’édifice et la marque : le Chrysler Building devient, à sa manière, la plus grande « pièce détachée » jamais construite.

    Une victoire éphémère dans la course au ciel

    Le 27 mai 1930, à son inauguration, le Chrysler Building devient le plus haut immeuble du monde… pour seulement onze mois, avant d’être dépassé par l’Empire State Building. Mais l’essentiel est ailleurs : Chrysler a gravé son nom au sommet de Manhattan, dans une Amérique fascinée par la vitesse, la puissance et le progrès technologique.

    Pendant plusieurs décennies, l’immeuble sert de siège au groupe Chrysler, accueillant ses bureaux et symbolisant son rayonnement international. Pour beaucoup d’Américains, il incarne la réussite de l’industrie automobile nationale — à une époque où Detroit et New York se partagent le leadership économique et culturel.

    Du siège social au patrimoine mondial

    Les temps ont changé. Chrysler a quitté le bâtiment dès les années 1950, et l’édifice est passé entre les mains de divers investisseurs et propriétaires, sans jamais perdre son prestige. Aujourd’hui, le Chrysler Building n’appartient plus à l’entreprise automobile qui lui a donné son nom. Depuis 2019, il est copropriété du fonds d’investissement SIGNA Group (Autriche) et du groupe immobilier RFR Holding (États-Unis).

    Le gratte-ciel reste occupé par des bureaux et, malgré des projets évoqués pour le transformer partiellement en hôtel ou en espace culturel, il conserve sa vocation tertiaire. Classé monument historique depuis 1976, il bénéficie d’une protection qui garantit la préservation de ses détails architecturaux — notamment ses emblématiques ornements inspirés de l’automobile.

    Héritage et image : un Chrysler sans Chrysler

    Le Chrysler Building est devenu bien plus qu’un siège d’entreprise : il est l’un des symboles universels de New York, au même titre que la Statue de la Liberté ou le pont de Brooklyn. Pour Chrysler, la marque automobile, ce lien historique est aujourd’hui surtout patrimonial. L’édifice reste un rappel d’une époque où les constructeurs automobiles n’hésitaient pas à afficher leur puissance bien au-delà du monde de la route, en érigeant des monuments à leur gloire.

    Ironie de l’histoire, l’entreprise Chrysler, désormais intégrée au groupe Stellantis, n’a plus aucun lien direct avec le bâtiment qui porte son nom. Mais pour les passionnés d’automobile comme pour les amateurs d’architecture, le Chrysler Building reste l’exemple parfait de l’époque où l’industrie automobile visait littéralement… les sommets.

  • Quand le bois triomphe à Pebble Beach : l’Hispano-Suiza « Tulipwood » sacrée Best of Show

    Quand le bois triomphe à Pebble Beach : l’Hispano-Suiza « Tulipwood » sacrée Best of Show

    Les allées du Pebble Beach Concours d’Elegance ont encore une fois consacré l’exception. Mais cette année, ce n’est ni une Bugatti carrossée Figoni, ni une Ferrari aux lignes voluptueuses qui a décroché le prestigieux titre de Best of Show, mais une Hispano-Suiza unique en son genre, habillée… de bois.

    La gagnante, une Hispano-Suiza H6C Nieuport-Astra Torpedo de 1924, est plus connue sous son surnom poétique : « Tulipwood ». Ce torpédo d’inspiration aéronautique, commandé par le pilote et héritier André Dubonnet, est un ovni dans l’histoire de l’automobile. Sa carrosserie n’est ni en acier ni en aluminium, mais façonnée en acajou, un matériau aussi inattendu qu’ingénieux à l’époque.

    Une carrosserie née de l’aviation et de la course

    L’histoire de cette Hispano-Suiza commence sur les routes escarpées de Sicile. Dubonnet confie au constructeur aéronautique Nieuport-Astra, spécialiste des chasseurs de la Première Guerre mondiale, la réalisation d’une carrosserie ultralégère pour courir la Targa Florio. L’objectif est simple : transformer la puissance raffinée du six-cylindres en avantage compétitif grâce à un allègement extrême.

    Résultat, une coque en fines lames d’acajou, fixées par 10 000 rivets en aluminium sur une structure de contreplaqué collé au caséine – la même résine naturelle utilisée pour fabriquer des violons. Avec seulement 160 kilos pour la carrosserie nue, le pari de la légèreté était largement gagné. Dubonnet engagea la voiture en 1924 : sixième à la Targa Florio, cinquième à la Coppa Florio.

    Un bijou de restauration

    Cent ans plus tard, le propriétaire américain Lee Anderson a redonné à cette Hispano-Suiza sa splendeur originelle grâce au savoir-faire d’RM Auto Restoration. L’acajou était en grande partie intact, mais certaines lames ont dû être refaites à l’identique, sciées puis façonnées à la main, car le bois noble refuse toute mise en forme à la vapeur.

    À l’intérieur, l’exubérance répond à l’innovation : la sellerie en peau d’alligator (pas moins de cinquante peaux nécessaires !) et les chromes éclatants du six-en-ligne 8 litres à arbre à cames en tête complètent ce spectacle mécanique.

    Une victoire hors des sentiers battus

    Cette victoire 2025 s’inscrit dans une série de choix atypiques à Pebble Beach. Après la Ferrari 375 MM récompensée en 2014 et la Bugatti Type 59 Sports, préservée dans son jus, l’an dernier, le jury semble vouloir sortir des canons classiques. Exit les sempiternelles carrosseries françaises des années 1930 aux ailes sculpturales : cette année, « wood is good ».

    Pour Lee Anderson, déjà lauréat en 2022 avec une autre Hispano-Suiza torpédo, cette récompense illustre son amour pour le bois. Collectionneur passionné de bateaux en acajou – on parle d’une quarantaine disséminés dans ses hangars – il a trouvé dans la Tulipwood l’expression automobile parfaite de sa passion.

    Une Hispano-Suiza symbole d’un âge d’or

    Au-delà de l’anecdote, ce succès rappelle la place unique d’Hispano-Suiza dans l’histoire. Fondée à Barcelone avant d’installer son siège à Paris, la marque a toujours été synonyme d’innovation et de prestige. Avec le moteur H6, conçu par l’ingénieur suisse Marc Birkigt, Hispano-Suiza proposait dès les années 1920 l’un des six-cylindres les plus sophistiqués du monde, adopté autant par l’élite que par les compétiteurs.

    Que ce moteur se retrouve logé dans une coque de bois, légère comme une coque de voilier, illustre à merveille l’esprit pionnier de l’époque, où l’automobile n’avait pas encore figé ses codes.

    Un palmarès unique

    Avec cette victoire, RM Sotheby’s signe son neuvième Best of Show à Pebble Beach, creusant l’écart avec le Nethercutt Collection (six titres). Mais surtout, la Tulipwood entre au panthéon comme l’une des voitures les plus originales jamais sacrées.

    Pebble Beach aime rappeler que son jury récompense autant la rareté que l’excellence de la restauration. Cette Hispano-Suiza coche toutes les cases : une histoire sportive, une carrosserie d’avant-garde, une exécution impeccable et une personnalité qui détonne parmi les chromes et les lignes Art déco.

    L’ode au bois

    En 2025, le plus prestigieux concours d’élégance automobile au monde a prouvé que l’audace paie encore. Dans un univers où l’aluminium poli et la peinture miroir règnent en maîtres, c’est l’acajou, travaillé comme un violon, qui a séduit les juges.

    La Tulipwood n’est pas seulement une curiosité technique : c’est un témoin de l’époque où Hispano-Suiza rivalisait avec Rolls-Royce, où Dubonnet osait tout, et où l’innovation se conjuguait à la poésie.

    À Pebble Beach, le bois a battu l’acier. Et cent ans après sa naissance, la Tulipwood continue de raconter une histoire qui n’appartient qu’à elle.

  • Italdesign i2C : l’Indonésie trace sa route

    Italdesign i2C : l’Indonésie trace sa route

    L’histoire de l’automobile s’est souvent écrite sous l’impulsion d’une volonté politique. Des 2CV aux Trabant, en passant par la Tata Nano ou les Pick-Up Mahindra, nombreux sont les véhicules à avoir incarné les desseins d’un État. C’est aujourd’hui l’Indonésie qui entre dans la danse avec un projet ambitieux confié à un acteur reconnu : Italdesign. À l’occasion du salon GIIAS 2025, le bureau de design turinois dévoile les contours de la première voiture de tourisme indigène indonésienne, un concept baptisé Project i2C.

    Un projet au croisement de la culture, de la technologie et de la souveraineté industrielle

    Dans un paysage automobile dominé par les constructeurs japonais – Toyota, Daihatsu, Honda, Mitsubishi, Suzuki – et où la montée en puissance des marques chinoises comme BYD se fait de plus en plus visible, le gouvernement central indonésien entend reprendre la main. Il s’agit d’initier une production locale de véhicules, en commençant par un modèle destiné aux institutions, mais conçu pour préfigurer une offre plus large à l’échelle nationale. Un SUV 100 % électrique, développé avec la volonté de refléter l’identité culturelle plurielle de l’archipel tout en répondant aux enjeux contemporains de mobilité durable.

    Le programme i2C ne se limite pas à l’objet automobile. Il s’affirme comme un symbole d’unité nationale, dans un pays aux milliers d’îles et aux centaines de groupes ethniques. Son acronyme – Indigenous Indonesian Car – résume toute l’ambition du projet : une voiture créée par et pour les Indonésiens, en mêlant savoir-faire local et expertise internationale.

    Italdesign, artisan d’une renaissance industrielle

    C’est à Italdesign qu’a été confié le soin de concrétiser cette vision. L’entreprise fondée par Giorgetto Giugiaro, désormais intégrée au groupe Volkswagen via Audi, n’en est pas à son coup d’essai. On lui doit déjà des projets structurants pour Hyundai (Pony), Daewoo (Matiz), Vinfast (Lux A et Lux SA) ou encore Voyah (Free).

    Pour Andrea Porta, business developer chez Italdesign, « le projet i2C est une étape essentielle dans la stratégie industrielle de l’Indonésie. Il marque le début d’une collaboration à long terme fondée sur des objectifs communs. »

    Le design a été mené en étroite coopération avec des ingénieurs indonésiens, encadrés par les équipes turinoises. Un prototype grandeur nature, réalisé en clay model selon la tradition des carrossiers italiens, a été présenté sur le stand SN2 du salon GAIKINDO Indonesia International Auto Show (GIIAS), organisé du 24 juillet au 3 août 2025 à BSD City.

    Un style enraciné dans la culture indonésienne

    Le véhicule se présente sous la forme d’un SUV familial 6/7 places, basé sur une plateforme électrique existante. L’objectif est de garantir une industrialisation rapide, en capitalisant sur une architecture éprouvée. Mais au-delà de l’efficience technique, c’est l’esthétique qui frappe : des volumes boxy, une silhouette solide, des surfaces nettes et tendues… L’i2C affiche une présence forte, pensée pour refléter à la fois l’élégance et la robustesse.

    L’élément culturel est omniprésent. Le design s’inspire du Garuda, oiseau mythique symbole de sagesse et de souveraineté, déjà utilisé dans l’emblème national. Il est évoqué à travers le traitement du capot et des ailes avant, conférant une prestance royale à l’ensemble. À bord, le dessin des panneaux de porte ou des assises évoque les motifs de batik, l’art textile traditionnel indonésien, traité ici dans un langage graphique contemporain.

    Le mobilier intérieur se distingue par sa sobriété fonctionnelle, dans un esprit presque japonais : lignes tendues, commandes réduites, harmonie des matériaux. Quelques touches affirmées viennent toutefois apporter du relief à cet ensemble rationnel, comme les surpiqûres colorées ou les incrustations de bois teinté. Une manière de combiner modernité, patrimoine et efficacité dans un même habitacle.

    Un projet politique avant d’être industriel

    L’i2C se veut le prélude à une gamme de véhicules conçus localement, en lien avec la vision du président indonésien Prabowo Subianto. Le développement est piloté par PT TMI (Teknologi Mobilitas Indonesia), une entité étatique chargée de structurer la filière automobile nationale autour des mobilités innovantes.

    Pour Harsusanto, président de PT TMI, « cette collaboration est une étape clé pour démontrer le potentiel de nos compétences et traduire en actions concrètes la vision présidentielle d’une mobilité propre et indépendante. »

    Une version définitive du concept est attendue pour l’édition 2026 du salon GIIAS, avec l’ambition affichée de lancer une production nationale à moyen terme. La voiture pourrait alors servir non seulement les usages gouvernementaux, mais également inaugurer une offre civile en réponse aux besoins de mobilité locale.

    Quand le design devient un vecteur d’identité

    Avec i2C, Italdesign prouve une nouvelle fois sa capacité à conjuguer création formelle, pertinence stratégique et enracinement culturel. Le projet va bien au-delà du simple exercice de style : il s’inscrit dans une démarche géopolitique, industrielle et sociétale, où la voiture devient un ambassadeur roulant de l’identité indonésienne.

    Une ambition qui rappelle à quel point l’automobile reste un objet politique, même à l’heure de la transition électrique. Et si l’avenir passait aussi par une relocalisation du design ?

  • Vers un retour des monospaces ? Gilles Vidal relance le débat

    Vers un retour des monospaces ? Gilles Vidal relance le débat

    Alors que le marché européen semble figé dans son obsession pour les SUV, une voix respectée du design automobile ose poser une question iconoclaste : et si le monospace faisait son grand retour ? C’est en tout cas ce que suggérait Gilles Vidal, alors encore à la tête du design de Renault, dans une interview accordée à Autocar à la mi-juillet. Depuis, l’actualité l’a rattrapé : le 24 juillet, Stellantis annonçait officiellement sa nomination à la direction du design des marques européennes du groupe, marquant ainsi un tournant dans sa carrière… et peut-être dans la vision du design automobile européen.

    Une figure du design en transition

    Gilles Vidal n’est pas un inconnu dans le paysage automobile français. Après avoir impulsé une profonde modernisation du style chez Peugeot – pensons aux lignes acérées des 3008, 508 ou encore 208 – il avait rejoint Renault en 2020 pour renouveler le langage formel de la marque. Son retour chez Stellantis, où il supervisera les marques européennes, dont Peugeot, Opel, Fiat ou Lancia, pourrait bouleverser l’équilibre des influences esthétiques à l’échelle du groupe franco-italo-américain.

    Mais avant ce passage de témoin, Vidal livrait une réflexion étonnamment libre sur les tendances du marché : « Les SUV ont gagné la bataille contre les monospaces parce que les monospaces sont des voitures que l’on a besoin d’avoir, mais que l’on n’a pas envie de posséder », analysait-il. « Les SUV, avec les mêmes moteurs, les mêmes masses, les mêmes composants, sont devenus des objets de désir. »

    Le SUV face à ses limites

    Depuis leur émergence en force à la fin des années 2000, les SUV ont totalement cannibalisé le segment des familiales en Europe. Des modèles autrefois omniprésents comme les Renault Scénic, Citroën Picasso, Ford Galaxy ou Opel Zafira ont disparu ou se sont eux-mêmes convertis en SUV. Mais le vent pourrait tourner, selon Vidal : « Il y a aujourd’hui une sorte de SUV-bashing, en particulier en Europe. »

    La transition vers l’électrique remet en cause plusieurs certitudes. Le style imposant des SUV, bien qu’attrayant, n’est pas nécessairement compatible avec la quête d’efficience énergétique imposée par l’électromobilité. L’aérodynamisme, la masse, l’encombrement : autant de contraintes à revisiter.

    C’est ici que le concept du monospace pourrait redevenir pertinent. L’architecture dite « skateboard » des plateformes électriques libère de nouveaux volumes habitables et permet de réinventer l’organisation intérieure. Vidal y voit un levier pour imaginer des véhicules à la fois spacieux, rationnels et… désirable : « Peut-être que les monospaces pourraient revenir sous une forme plus sexy, plus attirante. »

    La Chine, laboratoire d’idées

    Alors que l’Europe semble encore hésitante, la Chine donne un coup d’avance au renouveau du monospace. Sur ce marché à la croissance effervescente, les modèles familiaux à trois rangées de sièges ont la cote. Des marques comme Zeekr, Li Auto, Xpeng, Lynk&Co ou Denza (filiale de BYD) ont lancé des véhicules luxueux et expressifs, qui redonnent au monospace un rôle d’avant-garde. Ces voitures, souvent électriques, intègrent des technologies de pointe, des intérieurs soignés et une approche presque statutaire du transport familial.

    Ce regain d’intérêt pourrait inspirer les constructeurs européens, à commencer par Renault, qui a récemment transformé son emblématique Espace en SUV… mais conserve dans son ADN cette histoire forte avec les véhicules familiaux. Le concept Scenic Vision présenté en 2022 explorait déjà une nouvelle voie, plus efficiente et responsable, sans verser dans les excès esthétiques.

    Quel avenir chez Stellantis ?

    Avec son arrivée à la tête du design européen de Stellantis, Gilles Vidal pourra désormais appliquer sa vision à un spectre bien plus large. Opel, Fiat ou encore Lancia pourraient profiter de cette volonté de s’émanciper du diktat SUV. Chez Fiat, la Panda de demain pourrait réinterpréter le thème du petit monospace urbain, tandis que Lancia, en pleine renaissance, pourrait renouer avec une élégance rationnelle, propre à séduire une clientèle lasse des silhouettes hypertrophiées.

    Le retour du monospace ne se fera pas du jour au lendemain. Il ne s’agira pas de rééditer les recettes du passé, mais bien d’imaginer des formes nouvelles, cohérentes avec les usages contemporains et l’architecture électrique. C’est précisément là que le talent des designers entre en jeu.