Catégorie : Histoire & Culture

  • La rencontre de Rolls et Royce

    La rencontre de Rolls et Royce

    Avant de fonder Rolls-Royce, Charles Rolls et Henry Royce n’avaient en commun que leur passion pour la mécanique, une profonde passion. Le destin les a pourtant rapprochés…

    La première rencontre date du 4 mai 1904, il y a 111 ans. Charles Rolls et Henry Rolls déjeunent ensemble au Midland Hotel de Manchester.

    C’est à Henry Edmunds que l’on doit ce rapprochement. Actionnaire de l’entreprise de Royce et ami de Charles Rolls, il savait que ce dernier cherchait à vendre une voiture produite en Grande-Bretagne.

    Edmunds présente le projet de l’inventeur Henry Royce au riche Charles Rolls : une superbe petite voiture bicylindre « qui était peut-être la plus belle construite en Angleterre. »

    Rolls avait fait le déplacement vers Manchester en train. Sur la route, il avait confié à Edmunds qu’il voulait produire une voiture à son nom qui deviendrait aussi populaire que Broadwood pour les pianos ou Chubb pour les assurances.

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    En quelques instants, Rolls comprenait que la Royce 10hp était la voiture qu’il cherchait. Malgré des origines fort différentes, Rolls et Royce s’entendaient très vite.

    Rolls promit alors à Royce de vendre toutes les voitures que son nouvel associé pourrait produire sous le nom de Rolls-Royce.

    Charles Rolls empruntait une 10hp pour rentrer à Londres le soir même. A son arrivée à minuit, il appelait son associé Claude Johnson pour lui raconter sa journée : « J’ai rencontré le plus grand ingénieur du monde. »

    Depuis, Rolls-Royce représente le plus grand luxe de l’automobile.

  • L’essai classique : DS 23 1972

    L’essai classique : DS 23 1972

    Certaines automobiles ont marqué l’histoire. Ford T, Citroën Traction Avant, Citroën 2CV, Volkswagen Coccinelle, Porsche 911, Renault 4CV, Jaguar Type E et bien encore. Il ne manque dans cette courte liste que la Citroën DS, et l’heure est venue pour votre blog favori de la tester.

    Cette fois, ce sera une DS 23 IE. IE pour Injection Electronique, un luxe à l’époque. Datant de 1972 notre belle est équipée – en option – d’une finition Pallas, le must à l’époque.

    De l’extérieur

    Comme le dit Roland Barthes, « à son apparition, DS 19 a fonctionné comme un objet magique, luisant, sans jointure, avec beaucoup de vitres, sorte d’objet tombé du ciel« . Et le regard que l’on porte aujourd’hui pour la belle aux chevrons a peu changé. De nos jours, la DS est encore et toujours un OVNI. Bien peu de modèles automobiles peuvent se permettre d’un tel aura. Ses lignes sont fluides, élancées, douces et étirées. De l’avant à l’arrière, les lignes sont continues, les passages de roues avant cassent l’harmonie des courbes. Les roues arrières sont carénées, profilées. Le travail réalisé par Bertoni est des plus marquants. Sur la malle arrière, on trouve enfin les chevrons. A aucun endroit de la DS, on ne les retrouve. Chose surprenante, son avant est plus large que son arrière. Une exception dans le monde automobile.

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    Mécaniquement douée

    Cette DS 21 est équipée du 4 cylindres Citroën, dérivé de celui de la Traction Avant, développant 130cv. Si aujourd’hui cette puissance parait des plus classiques, pour l’époque, la DS faisait partie des voitures les plus puissances. A ce moulin plutôt classique, est greffé l’ingénieux système hydropneumatique. Ce système gère beaucoup d’éléments de la DS : la suspension bien sûr, mais aussi l’ensemble boîte de vitesses. Tout ce système complexe la qualifie encore aujourd’hui de véritable « usine à gaz », chose ne laissant pas la place aux amateurs en mécanique. DS demande du doigté, de l’expérience.

    L’intérieur, confortablement

    Comme je viens de vous le dire, la DS est équipée du système hydropneumatique. Si lors de la sortie de la DS en 1955, certains passagers étaient pris de mal de mer, la voiture tanguant un peu, il faut avouer aujourd’hui que pour l’époque, ce système était révolutionnaire. Façon Bibendum, la DS boit l’obstacle. La sellerie est des plus confortables, molles, douces, on se croirait dans un Pullman. On ajoute à cela une moquette des plus épaisses (environ 8cm d’épaisseur !). Royal. Petit hic, les banquettes avant et arrières n’offrent un maintien que nous qualifierons d’utopique.

    Ce modèle 1972 est assez atypique. On y croise des détails typiques des seventies, comme l’utilisation de plastique rigide, dur, aux formes très géométriques au niveau du tableau de bord. A l’inverse, cette DS présente de généreux chromes, tout droit issus des années 50. Surprenant, d’autant que quelques vis sont apparentes. Peut être que cela renforce le charme d’une ancienne :-)

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    Au volant

    Moteur. Ici, pas de clé pour démarrer la belle. On pousse légèrement le levier de vitesses vers la gauche et sa mécanique se met en branle. Pas d’embrayage non plus sur DS, celui est automatique. Première, on lâche doucement le champignon qui sert de frein et c’est parti, DS prend la route. Deuxième vitesse, le levier passe d’un cran vers la droite. Les 4 vitesses se passent doucement. Son confort de conduite est stupéfiant pour l’époque. Le temps d’assimiler le passage de vitesses et l’utilisation du champignon de frein, la conduite devient évidente, automatique.

    En ville, il faut avouer que la DS n’est pas spécialement à son aise. Elle est grande, large à l’avant (et plus étroite à l’arrière) et il est difficile de savoir réellement où est sa proue, d’autant que les parechocs dépassent encore du dernier point visible depuis le poste de conduite. L’autoroute, la route sont ses terrains de jeu favoris. DS aime les grands espaces.

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    Pour conclure cette prise de contact

    Il faut avouer que la DS est encore et toujours un OVNI dans la circulation moderne : que ce soit son utilisation ou dans le fait de ne pas passer inaperçu. Sa prise en main est surprenante mais facile. Sa sophistication et l’image qu’elle donne pouvant nous en faire douter. D’un tel essai, nous ne sortons pas indemne pour autant. Ce modèle a beau avoir plus de 40 ans, son utilisation sur route et autoroute est toujours simple, sa puissance, son aisance facilitant bien la chose. A tous, je vous encourage à prendre un jour le volant d’une DS. Vous nous en reparlerez, vous verrez.

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  • Citation : Steve McQueen, Stirling Moss et Marilyn Monroe

    Citation : Steve McQueen, Stirling Moss et Marilyn Monroe

    « Je préfère passer une soirée avec Stirling Moss qu’une nuit avec Marilyn Monroe. »

    Steve McQueen, qui n’avait d’équivalent à sa passion des femmes, que celle de l’automobile.

    Photo : Steve McQueen et sa femme Neile Adams.

  • Citation : Ayrton Senna

    Citation : Ayrton Senna

    En septembre 1990, tandis qu’il est questionné en marge d’un Grand Prix de la Formule 1, Ayrton Senna lance : « My biggest error? Something that is to happen yet. »

  • Tout à droite en Birmanie !

    Tout à droite en Birmanie !

    Loin de moi l’envie de rappeler que les Anglais nous ennuient profondément par leurs différences… En France, nous y avons échappé à force de résistances (et de guerres). Dans les pays du Commonwealth, tout n’est pas aussi simple. Surtout quand les incongruités s’empilent grâce à des dirigeants un peu décalés.

    Ancien pays du Commonwealth, la Birmanie avait adopté la conduite sur la gauche de la chaussée. Mais une forte influence des astres – ça semble être une mauvaise habitude des gouvernements locaux successifs – a fait modifier le côté de circulation en 1970.

    Merci donc au Général Ne Win… On ne saurait moins féliciter un chef d’état de faire passer la conduite sur le côté droit. Sauf que notre ami général a fait les choses à moitié !

    On raconte qu’un astrologue avait énormément de pouvoir auprès du monsieur aux étoiles. (Ne rigolez pas, on raconte la même chose pour l’un de nos anciens présidents !). Notre diseur de bonne aventure associait le pays à un grand corps social, un corps malade d’une mauvaise circulation des énergies.

    Comment changer cette circulation ? En faisant appliquer un précepte clef de la médecine chinoise : le chi. Le chi circule dans tous les éléments qu’ils soient humains ou non. Il contrôle la circulation des énergies… Quoi donc de plus radical que de changer le sens de la circulation routière pour donner une nouvelle dynamique au pays ?

    J’avoue, ça ne m’était jamais venu à l’esprit !

    Donc la Birmanie est repartie de l’avant en 1971 ? Ah bah non ! Le pays a connu une grave crise de sécurité routière. Ah mince ! Normal… Il faut que les conducteurs s’habituent… Oui, mais non.

    Car l’ami général a oublié un détail. Changer le sens de circulation, c’est fait… Changer l’emplacement des panneaux, c’est fait… Alors ?

    Le Birman a juste raté quelque chose… La totalité des véhicules qui roulent dans son pays étaient importés de Thaïlande ou du Japon ! Ils sont donc livrés avec le volant à droite.

    C’était il y a 45 ans… Et rien n’a changé. Sans doute que le fils de l’astrologue trouve que l’équilibre est atteint et qu’il ne faut plus rien toucher !

  • 42 ans de périphérique parisien

    42 ans de périphérique parisien

    Le 25 avril 1973, Pierre Mesmer – alors Premier Ministre de Georges Pompidou – inaugurait Porte Dauphine et celait enfin la boucle dessinée par le boulevard périphérique de Paris.

    Sur 35,400 kilomètres, 38 portes permettent de faire le tour des vingt arrondissements parisiens. C’est désormais l’axe le plus utilisé en Europe avec 1,3 million de véhicules chaque jour.

    Aujourd’hui indispensable, le périphérique a été pensé dans les années 1920. L’idée est alors de suivre les plans des différentes fortifications érigées au XIXe siècle. A cette époque, Paris est une minuscule cité. Ce plan de défense avait permis d’annexer Montmartre, La Villette, Belleville, Charonne, Bercy, Montrouge, Vaugirard, Auteuil, Passy et Batignolles-Monceau.

    Entre les deux guerres, un large boulevard circulaire construit sur l’emplacement des fortifications est donc évoqué. Les premières expropriations débutent en 1930 et l’ancien boulevard militaire se trouve déjà saturé à la veille de la guerre. Il n’y a pourtant que 20 000 véhicules par jour aux endroits les plus fréquentés pour une chaussée large de 20 mètres.

    Sous l’occupation, un nouveau plan est présenté pour construire une rocade aux portes de Paris. Mais ce n’est qu’en 1953 que le projet est vraiment lancé. Face à l’urgence représentée par un fort accroissement de la population, l’équivalent du budget d’une année de la municipalité est engagé.

    La première portion est inaugurée le 12 avril 1960 entre Porte de la Plaine et Porte d’Italie. Durant treize ans, la boucle se dessine jusqu’au 25 avril 1973 et l’ouverture de Porte Dauphine.

    A l’époque, la réalisation de l’ensemble est estimée à 2 milliards d’euros. La Cour des Comptes juge la dépense raisonnable par rapport aux coûts engendrés par la construction des autoroutes.

    En 1973, le gouvernement annonce qu’un tour complet doit se faire en 20 à 25 minutes. Mais dès que la boucle fut bouclée, le périphérique montrait des signes d’engorgement. Tout au long des 38 portes et des 146 ponts, 25% des embouteillages de France étaient concentrés sur ces 35 kilomètres. Et tandis que les autres capitales européennes s’étendaient, Paris restait intra muros, coincé par son boulevard circulaire.

    42 ans après son ouverture, le périphérique est toujours engorgé… Et le Grand Paris, imaginé il y a quelques années, n’est pas près de voir le jour pour améliorer l’urbanisme de la région parisienne !

  • La Peugeot 204 a 50 ans

    La Peugeot 204 a 50 ans

    Le 24 avril 1965, la Peugeot 204 arrive sur le marché français avec l’objectif d’élargir une gamme centrée sur les grandes berlines. A l’époque, elle représente un concentré de modernité.

    Cette petite voiture à traction avant et moteur transversal adopte une distribution par arbre à cames en tête, des freins à disques à l’avant et une suspension à quatre roues indépendantes…

    Dessinées par Paul Bouvot, les Peugeot 204 sont produites de 1965 à 1976 à 1,6 million d’exemplaires. Elles furent les premières à bénéficier d’une conception organisée en mode projet.

    « Les » Peugeot 204, car elles ont été déclinées en berline, break, fourgonette, coupé et cabriolet.

    Véritable succès commercial, la Peugeot 204 fut la voiture la plus vendue en France en 1969, 1970 et 1971. Elle servit de base aux développements des 304, 104 et 305.

  • L’arrivée d’Aston Martin en F1 !

    L’arrivée d’Aston Martin en F1 !

    L’histoire sportive d’Aston Martin est très étroitement liée à l’endurance et au GT… La marque anglaise a pourtant fait une apparition en Formule 1 à la fin des années 1950.

    Et si l’implication d’Aston Martin en F1 est si peu connue, c’est en grande partie à cause de l’engagement de l’équipe de David Brown sur les autres circuits. Le développement de la DBR4/250 a pris plus de trois ans, en pleine révolution du règlement technique.

    Car à force de multiplier les programmes, Aston Martin a fini par manquer ses rendez-vous. En 1959, la marque a gagné Le Mans et s’est lancé en F1.

    Par la force des choses, la DBR4/250 reprenait de nombreux éléments d’autres Aston Martin. Le train avant était hérité de la DB4, sortie l’année précédente. A l’arrière, un axe de Dion reprenait la technologie utilisée pour Le Mans. Et le moteur 6 cylindres en ligne de 2 493 cm3, situé à l’avant, était une production basée sur le 3,7 litres de série. Sa puissance était de 260 chevaux à près de 8 000 tours/minute.

    La DBR4/250 a fait ses débuts en compétition lors du BRDC International Trophy à Silverstone, une épreuve hors championnat. La deuxième place de Roy Salvadori laissait présager d’un bel avenir…

    Mais trop lourde et manquant de puissance, la DBR4/250 n’a jamais été en mesure de jouer la victoire de la moindre course du Championnat du Monde. Et alors que les autres écuries commençaient à placer le moteur à l’arrière, l’Aston Martin s’avérait totalement dépassée.

    En 1960, la DB5 (évolution de la DBR4/250) continuait d’afficher de piètres performances. Après six Grands Prix (avec Roy Salvadori et Carroll Shelby en 1959, puis Salvadori et Maurice Trintignant en 1960), le projet fut abandonné pour donner davantage de moyens au programme de voitures de sport.

  • Quand Roland Barthes parle de la Citroën DS 19

    Quand Roland Barthes parle de la Citroën DS 19

    Dans son recueil « Mythologies », le critique littéraire et sémiologue (étude des signes linguistiques à la fois verbaux ou non verbaux) Roland Barthes étudie et nous révèle les composantes de la société des années 50. Tout y passe, justice du catch, le steak-frites, l’iconographie de l’Abbé Pierre, Einstein, le plastique ou la nouvelle Citroën, à travers 53 textes rédigés entre 1954 et 1956, l’actualité étant le fil conducteur de ce recueil édité chez Seuil en 1957.

    Au sujet de cette œuvre, Barthes est interviewé le 29 mai 1957 à la télévision française, revenant sur les éléments précédemment cités, et bien évidemment sur celle qu’on appelait « la nouvelle Citroën ». Oui, Barthes parle bien de « la nouvelle Citroën ». On se rend compte là de l’impact qu’a eu la Citroën DS au milieu des années 50.

    Retour sur cette interview plutôt intéressante et forcément surprenante, dans laquelle Barthes compare la DS 19 aux cathédrales gothiques. Passionnant.

    Voici le passage complet de « La nouvelle Citroën », tiré de Mythologies.

    Roland Barthes, « La nouvelle Citroën », 1957
    Sujet : La nouvelle Citroën
    Auteur : Roland Barthes
    Diffusion : Edition du Seuil, Paris

    Je crois que l’automobile est aujourd’hui l’équivalent assez exact des grandes cathédrales gothiques : je veux dire une grande création d’époque, conçue passionnément par des artistes inconnus, consommée dans son image, sinon dans son usage, par un peuple entier qui s’approprie en elle un objet parfaitement magique.

    La nouvelle Citroën tombe manifestement du ciel dans la mesure où elle se présente d’abord comme un objet superlatif. Il ne faut pas oublier que l’objet est le meilleur messager de la surnature: il y a facilement dans l’objet, à la fois une perfection et une absence d’origine, une clôture et une brillance, une transformation de la vie en matière (la matière est bien plus magique que la vie), et pour tout dire un silence qui appartient à l’ordre du merveilleux. La «Déesse» a tous les caractères (du moins le public commence-t-il par les lui prêter unanimement) d’un de ces objets descendus d’un autre univers, qui ont alimenté la néomanie du XVIIIe siècle et celle de notre science-fiction: la Déesse est d’abord un nouveau Nautilus.

    C’est pourquoi on s’intéresse moins en elle à la substance qu’à ses joints. On sait que le lisse est toujours un attribut de la perfection parce que son contraire trahit une opération technique et tout humaine d’ajustement: la tunique du Christ était sans couture, comme les aéronefs de la science-fiction sont d’un métal sans relais. La DS 19 ne prétend pas au pur nappé, quoique sa forme générale soit très enveloppée; pourtant ce sont les emboîtements de ses plans qui intéressent le plus le public: on tâte furieusement la jonction des vitres, on passe la main dans les larges rigoles de caoutchouc qui relient la fenêtre arrière à ses entours de nickel. Il y a dans la DS l’amorce d’une nouvelle phénoménologie de l’ajustement, comme si l’on passait d’un monde d’éléments soudés à un monde d’éléments juxtaposés et qui tiennent par la seule vertu de leur forme merveilleuse, ce qui, bien entendu, est chargé d’introduire à l’idée d’une nature plus facile.

    Quant à la matière elle-même, il est sûr qu’elle soutient un goût de la légèreté, au sens magique. Il y a retour à un certain aérodynamisme, nouveau pourtant dans la mesure où il est moins massif, moins tranchant, plus étale que celui des premiers temps de cette mode. La vitesse s’exprime ici dans des signes moins agressifs, moins sportifs, comme si elle passait d’une forme héroïque à une forme classique. Cette spiritualisation se lit dans l’importance, le soin et la matière des surfaces vitrées. La Déesse est visiblement exaltation de la vitre, et la tôle n’y est qu’une base. Ici, les vitres ne sont pas fenêtres, ouvertures percées dans la coque obscure, elles sont grands pans d’air et de vide, ayant le bombage étalé et la brillance des bulles de savon, la minceur dure d’une substance plus entomologique que minérale (l’insigne Citroën, l’insigne fléché, est devenu d’ailleurs insigne ailé, comme si l’on passait maintenant d’un ordre de la propulsion à un ordre du mouvement, d’un ordre du moteur à un ordre de l’organisme).
    Il s’agit donc d’un art humanisé, et il se peut que la Déesse marque un changement dans la mythologie automobile. Jusqu’à présent, la voiture superlative tenait plutôt du bestiaire de la puissance; elle devient ici à la fois plus spirituelle et plus objective, et malgré certaines complaisances néomaniaques (comme le volant vide), la voici plus ménagère, mieux accordée à cette sublimation de l’ustensilité que l’on retrouve dans nos arts ménagers contemporains: le tableau de bord ressemble davantage à l’établi d’une cuisine moderne qu’à la centrale d’une usine: les minces volets de tôle mate, ondulée, les petits leviers à boule blanche, les voyants très simples, la discrétion même de la nickelerie, tout cela signifie une sorte de contrôle exercé sur le mouvement, conçu désormais comme confort plus que comme performance. On passe visiblement d’une alchimie de la vitesse à une gourmandise de la conduite.

    Il semble que le public ait admirablement deviné la nouveauté des thèmes qu’on lui propose: d’abord sensible au néologisme (toute une campagne de presse le tenait en alerte depuis des années), il s’efforce très vite de réintégrer une conduite d’adaptation et d’ustensilité (« Faut s’y habituer »). Dans les halls d’exposition, la voiture témoin est visitée avec une application intense, amoureuse: c’est la grande phase tactile de la découverte, le moment où le merveilleux visuel va subir l’assaut raisonnant du toucher (car le toucher est le plus démystificateur de tous les sens, au contraire de la vue, qui est le plus magique): les tôles, les joints sont touchés, les rembourrages palpés, les sièges essayés, les portes caressées, les coussins pelotés; devant le volant, on mime la conduite avec tout le corps. L’objet est ici totalement prostitué, approprié: partie du ciel de Metropolis, la Déesse est en un quart d’heure médiatisée, accomplissant dans cet exorcisme, le mouvement même de la promotion petite-bourgeoise.

  • Joyeux anniversaire à la Citroën Traction !

    Joyeux anniversaire à la Citroën Traction !

    Le 18 avril 1934, Citroën présentait sa « 7A ». Fruit du travail d’André Citroën, André Lefebvre et Flaminio Bertoni, celle qui s’appelle désormais la Traction a influencé l’industrie automobile à travers le monde.

    Pour la première fois, une voiture de grande série n’était pas pourvue d’un châssis classique. Et sa coque autoporteuse recevait une transmission aux roues avant. Déjà connue, cette technique était encore une fantaisie pour les autres constructeurs. Surtout : cette « Type 7 » se parait d’une carrosserie très originale, voire « moderne ».

    Une fois l’effet de la présentation dissipé, la Type 7 étonne. La coque autoporteuse et l’absence d’arbre de transmission révolutionnent la conduite. Le confort et la tenue de route relèguent les voitures du début des années 30 au stade de l’antiquité. Le principe de moteur flottant, déjà utilisé sur les plus récents modèles de la marque, est conservé.

    Et pourtant : si l’idée est géniale, la réalisation est proche de la catastrophe. Le moteur 4 cylindres de 1 303 cm3 est trop peu puissant au goût des premiers clients. Et la fiabilité – surtout de la boîte mécanique – est trop souvent prise en défaut.

     

    En quelques mois, la Type 7 évolue en Type 7 B puis en Type 7 S et les Type 11 et Type 22 arrivent le 1er octobre 1934.

    Cette Type 22 est le modèle de luxe dont rêve André Citroën. Proposée en berline, limousine, familiale, faux-cabriolet et roadster, elle reçoit un moteur V8 de 3 822 cm3 sous un capot plus long. L’aménagement intérieur est très flatteur… Mais la 22 CV ne sera jamais fiabilisée. A tel point que cette version haut-de-gamme n’entrera jamais en production. Citroën croule alors sous les dettes. Le projet est abandonné. Et tout s’effondre.

    Ce coup d’arrêt dans l’ascension fulgurante d’André Citroën se transforme en trou noir. L’un des fournisseurs de la marque porte ses créances devant les tribunaux. Il ne faudra que quelques semaines pour faire tomber André Citroën. Le 21 décembre 1934, Citroën est liquidé.

    Principal créancier de l’entreprise, Edouard Michelin se voit obligé de reprendre Citroën. Le nouveau conseil d’administration prend sa première décision : limoger André Citroën. Le créateur ne s’en remettra pas. Attaqué par un ulcère, il meurt le 3 juillet 1935.

     

    Mais l’histoire de Citroën continue. Michelin apporte de nouvelles méthodes et Citroën parvient à gommer les défauts de la Traction Avant. Le modèle qui a précipité la fin d’André va sauver Citroën.

    Juste avant la guerre, les ventes commencent à progresser. La Traction Avant devient l’un des symboles de la France du début des années 40. Et lorsque la production reprend le 15 juin 1945, la Traction débute une seconde carrière pleine de succès durant encore douze ans ! Un culte…

  • Rencontre autour de l’Alfa Romeo SZ Zagato

    Rencontre autour de l’Alfa Romeo SZ Zagato

    A l’occasion d’une escale parisienne d’Alessandro Maccolini, responsable du style extérieur d’Alfa Romeo, j’ai eu l’occasion de passer quelques minutes en tête-à-tête avec lui devant l’extraordinaire SZ Zagato.

    On lui doit le dessin de l’Alfa Romeo 4C… Mais que pense-t-il de l’incroyable réalisation de Zagato dont un peu plus de 1 000 exemplaires ont été produits en 1990 et 1991 ?

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    « J’avais 19 ou 20 ans lorsque j’ai commencé à chercher du travail dans un centre de style », se rappelle Alessandro. « J’ai évidemment postulé chez Zagato et j’ai été invité à visiter leurs locaux. A cette époque, la SZ Zagato était sur les chaines de montage. Je garde un souvenir très particulier de cette voiture. Sur la route, elle était monstrueuse ! »

    L’étude fut lancée par le Centro Style Fiat en collaboration avec Zagato. La base technique était celle de l’Alfa 75 avec le moteur 3,0 litres V6 porté à 220 chevaux qui équipait la 75 3.0 America et un schéma de transmission transaxle. La boîte de vitesses était directement couplée au pont différentiel arrière.

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    « Aujourd’hui, on se rend compte qu’elle appartenait à une génération différente. On ne pourrait plus accepter ces détails de finition ! (Il montre l’écart entre l’aile avant et la portière). En fait, c’est une Alfa 75 qui a été totalement démontée, sur laquelle on a monté des panneaux en plastique (on parlait de matériaux composite à l’époque pour faire plus ‘an 2000’). Quand on la regarde en statique, elle peut paraître bizarre. Mais, sur la route, elle reste monstrueuse ! »

    C’est une pièce monolithique !

    Monstrueuse est un mot qui revient souvent dans la bouche d’Alessandro Maccolini. Il faut dire que la SZ fut surnommée ‘Il Mostro’.

    Quels sont les détails qui vous plaisent lorsque vous regardez cette réalisation de Zagato ?

    « Il est délicat de décrire le style. En revanche, je peux parler des sensations qu’elle me procure. Si je regarde sa forme, je vois une volonté de faire une forme très simple et très technique. Il y a des angles forts. La voiture est vraiment posée sur la route. Regarde : c’est une pièce monolithique ! Et puis il y a toute la partie noire, comme pour souligner qu’elle pèse sur la route. Cette différence de teinte souligne la partie supérieure. Et le gros spoiler à l’arrière ! Elle est monstrueuse, c’est une façon d’exprimer la puissance. »

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    Pourtant, au fil des échanges, je sens qu’Alessandro n’accroche pas avec cette SZ…

    « Certaines voitures ne sont pas belles, mais elles expriment une passion, une énergie. Je trouve que c’est très important… »

    L’exemple allemand

    « Un autre modèle me vient à l’esprit lorsque je compare une belle voiture à une voiture monstrueuse : c’est la BMW Z4. Il y a une différence entre le style et la monstruosité. L’ancienne génération n’était pas belle. Non pas qu’on ne pouvait pas dire qu’elle était belle, mais il y avait un côté primitif dans certains éléments. La voiture était monstrueuse. La nouvelle BMW Z4 est magnifique. Elle est tellement fignolée qu’elle a perdu sa monstruosité. Entre les deux, j’ai du mal à dire si je préfère la première ou la seconde. La première possède un côté énergique qui me plait beaucoup, que la seconde a perdu. Elle est davantage du côté du style, mais un style un peu gratuit. Finalement, je penche pour la première ! C’est pareil pour cette SZ. On ne peut pas dire qu’elle soit belle. Elle est bizarre, mais elle donne cette sensation de puissance et de méchanceté. »

     

    La face avant définit une grande part de l’identité de cette SZ Zagato, une identité reprise régulièrement sur les autres Alfa Romeo.

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    « La Proteo avait plus ou moins cette face avant », continue Alessandro. « Ces éléments font partie de l’histoire de la marque. Mais, attention, il faut faire une distinction entre le style et la façon de construire les voitures. Quand on voit la première Giulietta (celle de 1954), il n’y avait pas de plastique. Elle était loin de la grande production. Ses formes étaient très arrondies avec un assemblage à la main. Les pièces étaient soudées et nettoyées. A partir de la Giulia, il a fallu penser à un assemblage industriel des pièces. Ça a changé la physionomie des Alfa. L’Alfetta et la Giulietta avaient perdu cet aspect sculptural.

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    C’est revenu par la suite lorsque l’on a pu jouer avec les plastiques. Pensez aux différences entre une 145 et une 147. Avec la 147, nous avons pu reprendre des éléments qui faisaient partie de l’histoire de Touring. On a vraiment deux générations différentes.

    Avec la SZ Zagato, on a un modèle bizarre. Il était possible de modeler l’avant avec le plastique. Mais il y a la recherche d’une ligne datant de la génération précédente. C’est comme avec la 75 ou la 155, même la 159 qui est une voiture moderne. A l’avant, on pouvait tout faire grâce au plastique. Pourtant, Giugiaro a voulu reprendre ce qu’il avait fait lorsqu’il a dessiné la GT. Le profil reprend l’idée de la GT. Il y a une signature, une réelle volonté de reprendre des éléments et de les ramener dans une nouvelle génération.

    alfa-romeo-sz-zagato-avant

    Pour continuer à parler de cette CZ, je n’aime pas ce Scudetto. Il est tout petit, un peu oublié. Aujourd’hui, le Scudetto est capital. Et le trilobo n’est pas visible. Il est là, mais il est très fragile. Si tu regardes la MiTo et la 4C, il est évident. C’est un peu comme Audi avec le Single Frame, l’image est très forte de l’avant. »

    J’ai grandi avec une Alfa 75… Peut-on imaginer que la ligne en plastique qui courait depuis le phare avant et jusqu’au sommet du coffre reviendra avec une nouvelle génération d’Alfa Romeo ?

    « Ça fait partie d’une génération de voitures construites avec l’idée d’industrialisation au premier plan. La 75 était faite sur une base de Giulietta. Ils ont mis une pièce en plastique pour changer la forme et moderniser une ligne déjà datée. »

    La réponse est claire…

  • McLaren M6 GT : le rêve brisé

    McLaren M6 GT : le rêve brisé

    Dans les années 1960, Bruce McLaren veut être partout. Après être devenu le plus jeune vainqueur d’un Grand Prix de Formule 1 (record qui a tenu jusqu’en 2003 et Fernando Alonso), le Néo-Zélandais suit l’exemple de Jack Brabham et crée sa propre structure baptisée Bruce McLaren Motor Racing Ltd. D’abord engagé en Tasman Series et en CanAm, il se lance en F1 en 1966…

    La même année, il remporte les 24 Heures du Mans pour sa septième participation. Associé à Chris Amon, il s’impose avec une Ford GT40 et dévoile son nouveau projet : participer à la classique mancelle avec sa propre voiture.

    A l’époque, il est beaucoup plus difficile de jouer la victoire au Mans qu’en F1. Car si des assembleurs dominent la F1, ce sont de vrais constructeurs qui s’affrontent pour la victoire aux 24 Heures. Le règlement est donc modelé pour les marques automobiles.

    Pour pouvoir jouer la victoire, Bruce McLaren doit avoir une voiture avec un moteur de plus de 5,0 litres. Il lui faut donc homologuer 25 exemplaires d’un modèle de série.

    Celui qui n’a jamais produit le moindre modèle de route tente un coup de bluff. Il présente une M6 GT conçue sur un châssis M6B CanAm (de course) déjà distribué à 28 exemplaires. Logiquement, les commissaires techniques refusent l’engagement de la McLaren M6 GT.

    Bruce McLaren décide alors de produire et de commercialiser vingt-cinq M6 GT pour obtenir l’autorisation d’être au départ des 24 Heures du Mans. Mais l’atelier McLaren n’a pas la capacité de produire des modèles de série. Bruce confie l’assemblage à Trojan qui ne tient pas les délais. Plusieurs commandes sont annulées.

    Un an après le lancement du projet, seules trois voitures sont construites. Le 2 juin 1970, Bruce teste sa nouvelle M8D CanAm sur le circuit de Goodwood. Le capot arrière se détache à haute vitesse. Il quitte la piste et s’écrase contre un poste de commissaire. Il meurt sur le coup.

    La McLaren M6 GT ne participera jamais aux 24 Heures du Mans. La marque britannique devra attendre 1995 pour aller dans la Sarthe… Et s’imposer dès sa première participation !