Dans l’imaginaire collectif, Rowan Atkinson restera à jamais Mr. Bean, ce personnage maladroit et muet qui se débat avec les aléas du quotidien au volant de sa célèbre Mini verte. Mais derrière le masque comique se cache un passionné d’automobile d’une rare exigence. Collectionneur averti, pilote aguerri, il a toujours entretenu une relation intime avec les mécaniques d’exception, de ses Aston Martin à ses McLaren F1. Et parmi les anecdotes qui circulent sur sa passion, l’une est particulièrement singulière : celle de sa Rolls-Royce Phantom dotée d’un moteur V16.
Le retour du moteur impossible
Lors du développement de la Phantom de septième génération, dévoilée en 2003, BMW – propriétaire de Rolls-Royce depuis 1998 – avait longuement réfléchi au choix mécanique. La solution la plus logique, compte tenu du prestige de la marque, semblait être un moteur V16 atmosphérique, capable d’incarner la quintessence du luxe mécanique. Un bloc prototype de 9,0 litres avait même été conçu. Mais pour des raisons d’émissions, de coût et d’image, Rolls-Royce opta finalement pour le V12 de 6,75 litres, largement suffisant en termes de puissance et de couple, mais un peu moins extravagant que l’hypothétique V16.
Rowan Atkinson, client hors normes
Lorsque Rowan Atkinson passa commande de sa Phantom, il fit une demande inhabituelle : obtenir un exemplaire équipé du fameux V16. L’acteur britannique connaissait l’existence de ce moteur resté au stade de prototype et ne pouvait se résoudre à laisser cette pièce d’histoire inaboutie. Sa notoriété et sa réputation de passionné crédible ont sans doute pesé dans la balance. Rolls-Royce accepta – discrètement – de lui fournir une Phantom équipée de ce moteur d’exception.
Ce choix fit de la limousine d’Atkinson un modèle unique, un ovni mécanique que même les plus fidèles clients de la marque n’avaient pas eu le privilège de posséder.
Un luxe absolu, une discrétion totale
Ce qui rend cette histoire encore plus fascinante, c’est le contraste entre le faste mécanique et la sobriété de l’homme. Rowan Atkinson n’a jamais cherché à exhiber sa collection comme un trophée. Il a souvent expliqué qu’il considérait ses voitures comme des objets à utiliser, pas comme des sculptures à exposer sous une housse. Sa McLaren F1 a connu plusieurs sorties sur route et même des accidents spectaculaires. Sa Phantom V16, elle, est restée dans l’ombre, utilisée avec la même simplicité que n’importe quelle voiture.
La légende d’un moteur fantôme
Aujourd’hui, ce V16 Rolls-Royce fait partie de ces légendes de l’automobile moderne, un « what if » industriel devenu réalité pour un seul homme. L’histoire rappelle qu’il existe encore, même à l’ère de la rationalisation et des normes contraignantes, des marges de liberté où le rêve peut prendre forme. Rowan Atkinson, en passionné éclairé, a su convaincre une marque emblématique de sortir un secret de ses tiroirs pour réaliser une chimère mécanique.
Pour Rolls-Royce, cela ne changea rien à la communication officielle, centrée sur le V12 et son raffinement. Mais dans les coulisses de Goodwood, là où la marque assemble ses voitures, on sait qu’un client pas tout à fait comme les autres a eu le privilège de rouler avec ce que la Phantom aurait pu – ou dû – être.
L’ultime privilège
Ce récit illustre mieux que n’importe quelle publicité ce qu’est le vrai luxe automobile : l’accès à l’inaccessible, le privilège de l’unique. Rowan Atkinson ne s’est pas contenté d’acheter une Rolls-Royce Phantom ; il a commandé une version qui n’existait pas officiellement. Et dans cette démarche, il rejoint une longue tradition d’histoires automobiles où des clients hors normes obtiennent ce que le commun des mortels ne peut qu’imaginer.