On dit souvent que dans la sainte trinité de l’automobile britannique de luxe, Charles Rolls était le cœur intrépide et Henry Royce le cerveau ingénieux. Mais il manquait une âme. Cette âme, c’est Charles Robinson Sykes qui l’a insufflée.
En ce jeudi 18 décembre 2025, Rolls-Royce Motor Cars célèbre le 150e anniversaire de la naissance de l’artiste qui a sculpté la légende de la marque. Sans lui, la calandre en forme de temple grec serait restée orpheline de sa déesse : le Spirit of Ecstasy.
L’artiste derrière la « Flying Lady »
Né en 1875 dans un village minier du Yorkshire, rien ne prédestinait Charles Sykes à devenir l’architecte de l’image de marque la plus prestigieuse au monde. Élève brillant, boursier du Royal College of Art de Londres, il se fait d’abord un nom sous le pseudonyme de « Rilette ». Ses illustrations de mode et ses couvertures de magazines sont aujourd’hui conservées au Victoria & Albert Museum.
Mais c’est sa rencontre avec le monde naissant de l’automobile qui va tout changer. Au début du XXe siècle, il travaille pour The Car Illustrated, un magazine en papier glacé dirigé par John Montagu (futur Lord Montagu de Beaulieu). C’est là que Sykes commence à mêler sa passion pour la mythologie grecque à la mécanique moderne.
Le Cœur, le Cerveau et l’Âme
Andrew Ball, responsable des relations corporatives chez Rolls-Royce, résume parfaitement cette alchimie historique :
« Charles Rolls, avec son esprit de compétition, était le cœur. Henry Royce, l’ingénieur méticuleux, en était l’esprit. Mais la figure qui peut prétendre être la première âme de Rolls-Royce est Charles Robinson Sykes. »
C’est Claude Johnson, le premier directeur général de la marque, qui repère le talent de Sykes. Il lui commande d’abord des peintures à l’huile pour le catalogue de 1910, demandant de représenter les voitures non pas comme des machines, mais comme des vecteurs d’élégance dans des décors aristocratiques.
La naissance d’une icône (1911)
L’histoire s’accélère lorsque Rolls-Royce décide qu’il lui faut une mascotte officielle pour empêcher les propriétaires d’affubler leurs radiateurs de figurines de mauvais goût (chats noirs, policiers, gnomes…).
Sykes crée alors « The Spirit of Ecstasy ». Plus qu’une simple sculpture, il capture une émotion. La marque décrit à l’époque la figurine comme « une petite déesse gracieuse (…) qui a choisi le voyage sur route comme son délice suprême ». Elle ne fend pas l’air par agressivité, elle s’y abandonne.
Avec cette statuette, Sykes a introduit une idée révolutionnaire pour l’époque : une automobile peut être une œuvre d’art technique, capable de grâce et de sérénité.
Un héritage vivant en 2025
Si Charles Sykes s’est éteint en 1950, son influence est plus vive que jamais. En 2025, alors que Rolls-Royce pousse toujours plus loin son programme de personnalisation Bespoke et ses créations uniques Coachbuild, l’esprit de Sykes plane sur Goodwood.
Chaque fois qu’une Rolls-Royce quitte l’usine avec une finition artistique complexe ou une marqueterie unique, c’est l’héritage de Sykes qui perdure : la conviction que l’automobile est le support ultime de l’expression artistique.
Joyeux anniversaire, Mr. Sykes.

