Catégorie : Constructeurs

  • Ford Escort Mexico by MST : un mythe ressuscité pour l’ère moderne

    Ford Escort Mexico by MST : un mythe ressuscité pour l’ère moderne

    Il y a des lignes qui traversent les âges. Des silhouettes qui, au premier coup d’œil, réactivent la mémoire collective des passionnés. La Ford Escort Mk1, dans sa variante Mexico, fait partie de ces icônes. Près de 55 ans après sa naissance dans l’euphorie du Londres-Mexico 1970, elle revient sur le devant de la scène grâce au travail d’orfèvre d’un petit artisan gallois : MST Cars. Leurs nouvelles Escort Mk1 et Mk2, prévues respectivement pour 2026 et 2027, incarnent un parfait mélange entre esprit d’époque et mécanique contemporaine.

    Rétro… mais pas nostalgique

    Basée à Pontypool, au sud du Pays de Galles, Motorsport Tools (MST) s’est fait connaître dans le petit monde des Escortistes pour la qualité de ses pièces et répliques. Mais avec cette initiative, le préparateur change d’échelle. Les MST Mk1 et Mk2 Sports ne sont pas des restomods, ni des restaurations sur base ancienne. Ce sont des voitures neuves, montées sur coques neuves produites au Royaume-Uni, avec des renforcements spécifiques inspirés de ceux utilisés dans les Escort Mexico construites à l’époque dans l’usine AVO (Advanced Vehicle Operations) de Ford à South Ockendon.

    L’ADN de la Mexico… dopé à la technologie

    Si le design reste résolument fidèle aux Escort de la grande époque, MST ne s’est pas contenté d’un copier-coller nostalgique. Sous les lignes épurées de la carrosserie « narrow body » (mais avec ailes avant élargies), on retrouve une fiche technique d’aujourd’hui :

    • 2.0 litres atmosphérique, double arbre à cames, alimenté par papillons individuels
    • 180 ch envoyés aux roues arrière via une boîte manuelle 5 rapports
    • Différentiel autobloquant à glissement limité, pour une motricité digne de ce nom
    • Suspensions réglables, freins à 4 pistons à l’avant, jantes RS en 13 pouces

    La recette est simple : légèreté + puissance maîtrisée + châssis affûté = plaisir brut. On imagine sans peine le comportement joueur et agile, dans l’esprit des Escort qui ont brillé en rallye dans les années 1970.

    Finition d’époque, qualité moderne

    Côté look, le classicisme est assumé. Peinture blanche de série, avec les légendaires touches de chrome et la possibilité d’opter pour des teintes vives emblématiques : orange, vert, bleu… comme au bon vieux temps. L’intérieur, s’il n’a pas encore été dévoilé en intégralité, promet lui aussi un cockpit à l’ancienne, avec tout juste ce qu’il faut de modernité pour garantir l’usage sans sacrifier l’ambiance.

    Une série très limitée

    MST ne joue pas la carte de la grande série. Seulement 25 exemplaires seront produits pour chaque version – Mk1 comme Mk2 – avec conduite à droite par défaut (mais possibilité de conversion pour les marchés continentaux). Le tarif annoncé démarre à 74 500 £ HT (environ 87 000 € TTC selon les taxes locales), un prix conséquent, mais justifié par le niveau de finition et le caractère exclusif de l’opération.

    Un hommage mécanique, pas un exercice de style

    Loin de surfer uniquement sur la vague rétro, MST réussit à réconcilier deux époques :

    • Celle où l’automobile était une affaire de sensations – brutes, mécaniques, sans filtre électronique
    • Et celle où la précision artisanale permet de faire revivre ces émotions avec une rigueur d’exécution rarement atteinte à l’époque

    En 2026, cela fera 57 ans que la Ford Escort a remporté le marathon Londres-Mexico, donnant naissance à l’une des déclinaisons les plus aimées de la gamme. Le clin d’œil historique n’est pas fortuit, et le timing est parfait pour réancrer l’Escort Mexico dans l’imaginaire des nouvelles générations de passionnés.

  • Fabian Oefner : l’art de figer l’explosion automobile sur pellicule

    Fabian Oefner : l’art de figer l’explosion automobile sur pellicule

    Fabian Oefner, photographe suisse né en 1984, est reconnu pour ses œuvres mêlant art et science, explorant le temps, l’espace et la réalité. Il s’est fait mondialement connaître avec sa série Disintegrating lancée en 2010, où des voitures – d’abord des maquettes, puis de vrais modèles de légende – semblent littéralement exploser dans un instant figé.

    1. Une technique hors norme

    Pour chaque image, Oefner démonte entièrement la voiture, du châssis aux plus petites vis, et photographie chaque élément avec minutie. Ces milliers de clichés sont ensuite recomposés via retouche numérique pour recréer un instant fictif de désintégration parfaite. Les résultats, d’une précision trompeuse, évoquent le rendu 3D, mais sont entièrement réalisés à partir de photographies réelles .

    2. Une étoile : la Lamborghini Miura SV

    En 2018, Oefner franchit un cap en intégrant une véritable Lamborghini Miura SV de 1972 à sa série Disintegrating X. Trois ans de travail, 1 500 éléments photographiés en Italie, dans les ateliers de restauration proches de Sant’Agata Bolognese, pour aboutir à une mise en scène hyperréaliste. L’ambiance particulière de l’atelier – chaleur, odeurs, bruits – reste vivace à travers l’œuvre.

    3. Une immersion dans l’hyperréalité

    Au-delà de la prouesse visuelle, l’œuvre questionne notre perception de la réalité. Elle capture un instant impossible – la voiture se désagrégeant sans se heurter ni altérer ses composants – et nous invite à repenser le lien entre notre vision et le monde concret.

    Pourquoi cela résonne sur AUTOcult.fr

    • Innovation & élégance : Oefner allie la beauté mécanique des supercars à une mise en œuvre artistique de haut vol.
    • Racines automobiles : la Miura SV en vedette conclut magnifiquement l’évolution artistique de l’objet technique vers l’intangible.
    • Expérience immersive : au-delà de l’objet auto, c’est une exploration de la temporalité et des perceptions – cœur même de la passion automobile.
  • Opel Frontera GRAVEL : l’aventure électrique prend de l’altitude à Courchevel

    Opel Frontera GRAVEL : l’aventure électrique prend de l’altitude à Courchevel

    Opel a choisi les cimes pour dévoiler au public français l’un de ses projets les plus audacieux. À l’occasion du Red Bull 400, événement sportif aussi intense que spectaculaire, le concept Opel Frontera GRAVEL s’est offert une première nationale pleine de panache, loin des salons feutrés, au cœur des Alpes.

    Dans un décor de haute montagne qui évoque plus volontiers les premières ascensions alpines que les motor shows européens, Opel a frappé fort. Le 13 juillet dernier, la marque allemande a présenté pour la première fois en France le Frontera GRAVEL, un concept-car extrême, dérivé de son tout nouveau SUV compact électrique. Et pour ce lancement national, la firme au Blitz a opté pour un cadre aussi atypique qu’exigeant : le Red Bull 400 à Courchevel, une course mythique où les participants gravissent 400 mètres de pente raide, parfois inclinée à plus de 36°.

    Le Frontera GRAVEL, manifeste off-road de l’électrique populaire

    Derrière l’intitulé GRAVEL — littéralement « gravier » en anglais, mais plus largement associé à une philosophie de liberté en pleine nature — se cache bien plus qu’une simple déclinaison baroudeuse. Ce concept-car est une interprétation radicale du nouveau Frontera, présenté en version de série quelques semaines plus tôt. Développé par les designers d’Opel à Rüsselsheim, en collaboration avec les préparateurs BlackFish et XS, ce Frontera GRAVEL affiche une volonté claire : faire vibrer les amateurs d’évasion et d’esthétique fonctionnelle.

    Jantes BORBET en 16 pouces, galerie de toit treillis avec supports Thule, caissons latéraux, treuil orange XXL, projecteurs additionnels sur le capot et le pavillon… Ce Frontera ne se contente pas d’adopter les codes du tout-terrain : il les célèbre avec une forme d’exubérance maîtrisée. Une démonstration de style qui se poursuit dans l’habitacle, avec des sièges sport en microfibre noire soulignés de surpiqûres orange, dans une ambiance à la fois technique et immersive.

    La livrée extérieure marie un graphisme « Desert Stone » à des touches de noir mat et d’orange vif. Cette signature visuelle évoque sans détour la robustesse, l’endurance et un certain goût pour les contrées arides. De l’esprit Dakar transposé à l’ère électrique ? Presque.

    De Wörthersee à Courchevel : un tour d’Europe électrique et musclé

    Dévoilé à la fin mai en Autriche, lors de l’XS Carnight à Wörthersee, temple européen du tuning contemporain, le Frontera GRAVEL entame une tournée à travers le continent pour séduire une nouvelle génération de conducteurs. Cette jeunesse, active et connectée, ne cherche pas à faire du hors-piste pour le plaisir de salir une carrosserie, mais à conjuguer mobilité responsable et plaisir d’explorer.

    Ce n’est donc pas un hasard si Opel a choisi le Red Bull 400 comme rampe de lancement tricolore. « Cet événement unique reflète parfaitement les valeurs d’endurance, d’engagement et de dépassement de soi que nous avons voulu injecter dans ce concept », explique Charles Peugeot, Directeur Général d’Opel France. Plus qu’un clin d’œil à l’effort, c’est une manière de revendiquer un nouvel esprit de l’automobile : plus libre, plus fun, plus audacieux.

    Le lifestyle électrique, nouvelle boussole d’Opel

    En exposant ce concept non homologué dans un événement sportif extrême, Opel donne le ton : la marque veut dépoussiérer son image, séduire au-delà de ses publics traditionnels et accompagner un virage assumé vers une électrification plus incarnée. Le Frontera GRAVEL ne préfigure pas directement une version de série, mais il envoie des signaux clairs sur les territoires à venir.

    Ce n’est pas seulement une voiture, mais un manifeste roulant pour une aventure moderne, débarrassée des clichés passéistes du 4×4 de loisirs. Ici, le plaisir ne passe plus uniquement par la puissance ou les décibels, mais par l’expérience, la fonctionnalité, et un design émotionnellement engagé.

    Des ambassadeurs de leur temps

    Le public du Red Bull 400 n’était pas venu pour découvrir un concept-car. Mais au pied du tremplin olympique du Praz, entre les stands techniques et les zones d’animation, nombreux sont ceux qui ont été happés par cette silhouette tout en tension et en contraste. Opel avait aussi convié ses propres ambassadeurs : deux équipes de vendeurs Stellantis &You venues de Lyon pour participer à l’épreuve, et des figures bien connues de la génération streaming, comme LeBouseuh et Valouzz, influenceurs aussi populaires qu’engagés dans la promotion d’une mobilité nouvelle.

    Un concept taillé pour séduire… sans (encore) quitter la piste

    Le Frontera GRAVEL n’est pas destiné à la production. Mais sa mission est ailleurs : faire parler, faire rêver, faire réfléchir. Avec ce projet, Opel montre qu’un SUV électrique compact peut sortir des sentiers battus — au sens propre comme au figuré — sans renier les fondamentaux de la marque : accessibilité, robustesse, et maintenant, désirabilité.

  • Morgan Supersport : quand Malvern fait (vraiment) évoluer sa formule

    Morgan Supersport : quand Malvern fait (vraiment) évoluer sa formule

    Il y a des voitures qu’on excuse. Qu’on juge selon des critères à part. Qui se soustraient aux référentiels habituels parce qu’elles se situent ailleurs : sur le terrain de la nostalgie, du charme rétro ou de la singularité artisanale. Les Morgan en font partie. Du moins, elles en faisaient partie. Car avec la nouvelle Supersport, le petit constructeur de Malvern semble vouloir s’affranchir de ce statut de toléré bienveillant. Enfin.

    L’habit ne fait (plus) le moine

    Esthétiquement, la Supersport reste une Morgan. Une silhouette évoquant l’ère Art déco, des proportions classiques, une identité sans ambiguïté. Pourtant, derrière ces galbes familiers se cache une philosophie renouvelée. Officiellement, la Supersport se présente comme une mise à jour de la Plus Six. Dans les faits, elle la dépasse largement. Le style est affiné, les surfaces modernisées. À bord, l’habitacle conserve un charme rétro assumé, avec une planche de bord dessinée sur mesure, bien qu’écornée par l’intrusion d’éléments BMW comme le volant ou le sélecteur de vitesses automatique, qui jurent dans cet environnement soigné.

    Une base connue, une exécution inédite

    Techniquement, la Supersport repose sur la même architecture aluminium CX que les Plus Six et Plus Four. Le moteur vient également de Munich : un six-cylindres en ligne turbo de 3,0 litres (code B58), bien connu des amateurs de Z4 ou de Toyota GR Supra. Fort de 335 ch et 500 Nm, il propulse les 1 170 kg de la Supersport avec vigueur. Le 0 à 100 km/h est abattu en 3,9 secondes, et la vitesse de pointe atteint 267 km/h. Rien que du très sérieux.

    Mais la vraie surprise vient du comportement dynamique. Là où les anciennes Morgan réclamaient une indulgence permanente – direction floue, suspensions archaïques, châssis flexibles – la Supersport change la donne. Le châssis est nettement plus rigide, la direction plus directe, la tenue de route bien plus rassurante. Pour la première fois, une Morgan moderne donne envie d’attaquer, sans appréhension. Ce n’est pas (encore) une Porsche, mais c’est enfin une voiture de conduite, pas seulement de balade.

    Un tournant stratégique

    Avec cette Supersport, Morgan ne se contente pas de séduire ses fidèles clients. Il s’agit clairement d’un produit pensé pour élargir le spectre. Son positionnement tarifaire, autour de 120 000 €, la place frontalement face à une Porsche 911 Carrera. Le constructeur assume ce choix : certains puristes préféreront sans doute rester fidèles aux modèles plus classiques de la gamme. Mais pour tous ceux qui ont toujours rêvé d’une Morgan capable de rivaliser avec des sportives sérieuses sur des critères objectifs, le moment est venu.

    Ce qui manque encore

    Tout n’est pas parfait pour autant. L’absence de boîte manuelle – alors même que BMW propose une version six vitesses parfaitement compatible – est regrettable sur une voiture aussi orientée plaisir de conduite. Les sièges, étroits, ne conviendront pas à toutes les morphologies. Et l’intégration de certains éléments techniques d’origine BMW manque encore de finesse. Autant de points perfectibles, mais qui ne ternissent pas l’impression générale : la Supersport est la meilleure Morgan jamais produite. Et ce n’est pas rien.

    La révélation d’un potentiel

    Pendant des décennies, Morgan a cultivé une forme d’exotisme britannique, mêlant charme désuet et performances marginales. Avec la Supersport, la marque montre enfin qu’elle peut être prise au sérieux, sans renier son identité. Le style est toujours là, la tradition aussi. Mais le fond a changé. Plus rigide, plus précise, plus rapide, plus engageante, cette nouvelle Morgan n’est plus une voiture qu’on aime malgré ses défauts. C’est une voiture qu’on aime pour ses qualités. Et cela, c’est une vraie révolution à Malvern.

  • Tiger et la Bengal : quand Buick pariait sur le golf pour rajeunir son image

    Tiger et la Bengal : quand Buick pariait sur le golf pour rajeunir son image

    Au tout début des années 2000, General Motors traverse une crise identitaire. Ses marques historiques souffrent d’un désamour grandissant auprès du jeune public américain. Buick, symbole d’un certain classicisme automobile, cherche alors à rajeunir son image. Et c’est sur un green que la marque à l’écusson tri-shield décide de miser gros. En 2000, elle signe un contrat de sponsoring avec le golfeur prodige Tiger Woods. L’année suivante, elle dévoile un concept-car futuriste qui lui est dédié : la Buick Bengal. Une stratégie marketing aussi audacieuse qu’éphémère.

    Une alliance inattendue : Woods et Buick

    L’association paraît contre-nature. En 2000, Tiger Woods incarne la jeunesse, la performance, l’excellence. À 24 ans, il domine déjà le golf mondial avec une aisance jamais vue. Buick, elle, incarne plutôt la voiture de retraité floridien. Pourtant, General Motors y croit. L’accord signé avec le golfeur se chiffre à 5 millions de dollars annuels, pour une durée de huit ans.

    L’objectif est clair : redonner à Buick de la visibilité auprès d’un public plus jeune et plus diversifié. Et pour que l’histoire fonctionne, il faut un symbole. Il viendra dès l’année suivante.

    Le concept Buick Bengal : la Buick de Tiger

    Au Salon de Detroit 2001, Buick crée la surprise en levant le voile sur la Bengal Concept. Un nom évocateur – Tiger est surnommé « le Tigre » – et une philosophie de design résolument tournée vers l’avenir. Ce cabriolet 2+2, conçu pour séduire les trentenaires urbains, se distingue par plusieurs audaces techniques.

    La Bengal est animée par un V6 3.4 litres suralimenté, placé en avant d’une boîte automatique à variation continue installée devant les roues avant. Résultat : une traction avant, mais avec un comportement dynamique travaillé. À bord, les commandes vocales remplacent une bonne partie des boutons, et l’habitacle fait appel à des matériaux haut de gamme pour l’époque.

    Mais surtout, le design étonne. Lignes tendues, calandre flottante, phares minces : la Bengal anticipe des tendances qui se généraliseront bien plus tard. Le tout dans un format compact et sportif, loin des berlines douillettes chères à la marque.

    Une Bengal pour Tiger

    Après sa victoire lors du Buick Invitational 2001, Tiger Woods se voit remettre un exemplaire unique du concept. Un geste fort, autant symbolique que publicitaire. Si Buick ne compte pas produire le véhicule, elle capitalise sur son image et sur l’idée que Woods puisse rouler dans « sa » Buick, celle d’un champion jeune et conquérant.

    Mais la stratégie, si séduisante soit-elle sur le papier, ne résistera pas aux tempêtes à venir.

    Une décennie troublée

    En 2008, en pleine crise financière mondiale, Buick met fin à son partenariat avec Tiger Woods. Officiellement, la séparation est « mutuelle », mais les difficultés économiques de General Motors laissent peu de place aux contrats coûteux. Dans le même temps, Tiger Woods traverse lui aussi une période sombre, entre blessures, pertes de performance et scandales personnels.

    La Bengal, elle, n’a jamais dépassé le stade du concept. Trop chère à produire, trop éloignée des réalités industrielles du moment, elle restera une icône fantôme, comme tant d’autres rêves figés dans le formol des salons automobiles.

    Une parenthèse révélatrice

    Avec le recul, l’histoire de la Buick Bengal et de son lien avec Tiger Woods raconte bien plus qu’une opération marketing. Elle illustre une époque où les constructeurs américains tentaient désespérément de retrouver le feu sacré face à l’essor des marques japonaises et européennes. Elle montre aussi comment un seul nom, un seul athlète, pouvait cristalliser l’espoir de tout un pan de l’industrie automobile.

    La Bengal n’a pas sauvé Buick. Le partenariat avec Tiger Woods n’a pas suffi à redorer le blason de la marque. Mais ensemble, ils auront offert un instant de grâce, un moment suspendu où le sport, le luxe et la technologie ont cru pouvoir réinventer un futur. Ce futur n’a pas eu lieu, mais il mérite d’être raconté.

  • Ferrari SP12 EC : une guitare à douze cylindres signée Maranello

    Ferrari SP12 EC : une guitare à douze cylindres signée Maranello

    La Ferrari SP12 EC n’est pas une voiture comme les autres. Ni concept-car, ni série spéciale, ni prototype de développement. C’est une pièce unique, façonnée sur mesure pour un seul homme : Eric Clapton, icône de la guitare et passionné notoire de la marque au cheval cabré. Présentée en 2012, cette Ferrari sur commande s’inscrit dans le cadre du programme Special Projects, initié par la marque italienne pour ses clients les plus fidèles et fortunés. Un hommage roulant à la 512 BB des années 1970, mâtiné de technologie moderne et de design néo-rétro.

    Une voiture pour Slowhand

    Eric Clapton n’a jamais caché son amour pour Ferrari. On dit qu’il en possède ou a possédé une bonne dizaine, avec une prédilection pour les modèles à moteur V12 à plat. Mais c’est la 512 Berlinetta Boxer, produite entre 1976 et 1984, qui occupe une place particulière dans son panthéon personnel. Il en a possédé plusieurs, toutes rouges, et en a fait sa référence esthétique et mécanique.

    C’est donc tout naturellement que lorsqu’il s’est vu proposer l’opportunité de participer au programme Ferrari One-Off, Clapton a voulu une voiture qui ressuscite l’esprit de la 512 BB. Le résultat s’appelle SP12 EC : SP pour Special Projects, 12 pour le moteur à douze cylindres souhaité (mais non retenu), et EC pour ses initiales. Un objet profondément personnel, qui mêle références visuelles et contraintes techniques contemporaines.

    Un hommage visuel, pas mécanique

    Sous ses lignes évoquant la 512 BB, avec ses doubles optiques, ses strates horizontales, sa poupe tronquée et ses jantes à cinq branches inspirées des années 1980, la SP12 EC cache en réalité une base de 458 Italia. Maranello n’a pas cédé à la demande initiale d’Eric Clapton d’y greffer un V12, notamment pour des raisons d’intégration mécanique et de conformité réglementaire. Elle reste donc propulsée par le V8 atmosphérique de 4,5 litres, positionné en position centrale arrière.

    Le design est signé par Centro Stile Ferrari en collaboration avec Pininfarina, dans une démarche qui rappelle celle de Leonardo Fioravanti, l’un des grands stylistes de l’âge d’or de Ferrari. L’ensemble évoque une rétro-modernité maîtrisée, sans céder aux clichés du néo-rétro facile. L’auto paraît à la fois familière et résolument unique.

    Ferrari Special Projects : l’art du sur-mesure

    La SP12 EC est l’une des premières réalisations visibles du programme Special Projects, officiellement lancé en 2007 mais dont les racines remontent aux années 1950. À l’époque, il était courant pour les clients fortunés de commander un châssis Ferrari nu, qu’ils faisaient ensuite habiller par des carrossiers comme Touring, Vignale, Pinin Farina, Zagato ou Ghia. On appelait cela les Ferrari « fuoriserie », littéralement « hors-série ».

    Le programme moderne reprend cette logique, en la plaçant sous contrôle étroit du département design de Maranello. Chaque projet fait l’objet d’un processus rigoureux : sélection du client (généralement un collectionneur ou fidèle client), brief stylistique, validation des maquettes 1:1, fabrication artisanale, homologation routière, et bien sûr confidentialité (au moins jusqu’à la livraison).

    Depuis la SP12 EC, Ferrari a réalisé plus d’une quarantaine de One-Off, parfois sur base V12 (comme la SP3JC ou la P80/C), parfois sur base V8 (SP38 Deborah, SP48 Unica). Chaque voiture est un exemplaire unique, non reproductible, propriété exclusive de son commanditaire.

    Plus qu’une voiture, une déclaration

    La SP12 EC n’a jamais été destinée à être commercialisée, ni même présentée au public dans un cadre officiel. Elle a fait l’objet d’un communiqué discret de Ferrari, accompagné de quelques images studio, avant d’apparaître furtivement dans quelques événements privés ou vidéos promotionnelles.

    Ce silence en dit long sur l’esprit du programme : il ne s’agit pas de flamber, mais de célébrer une passion intime, traduite dans la matière. Pour Clapton, la SP12 EC est autant un hommage à sa jeunesse qu’un acte de fidélité à une marque dont il chérit l’ADN mécanique et artistique.

    Une valeur inestimable

    Le prix de la SP12 EC n’a jamais été officiellement révélé, mais les estimations gravitent autour de 4 à 5 millions d’euros. Une somme à relativiser au regard de l’unicité du projet, de l’exclusivité du processus, et de la conservation quasi muséale de la voiture depuis sa livraison.

    Elle ne court pas les routes – à vrai dire, elle ne court presque rien du tout – mais incarne parfaitement cette idée que le luxe ultime n’est plus de posséder un objet rare, mais d’en être le seul détenteur au monde.

    Le One-Off comme dernier refuge de l’automobile émotionnelle

    À l’heure où les gammes se rationalisent, où l’électrification impose des architectures de plus en plus semblables, et où le style devient tributaire de l’aérodynamique et de la technologie embarquée, les Ferrari One-Off apparaissent comme les dernières bastions de la pure expression automobile.

    La SP12 EC n’est ni la plus puissante, ni la plus technologique des Ferrari. Mais elle est peut-être l’une des plus sincères. Elle témoigne d’un lien affectif fort entre un homme et une marque, matérialisé dans une œuvre roulante. Une guitare rouge à douze cylindres, pour un solo qui ne se jouera qu’une fois.

  • Ferrari Amalfi : une nouvelle ère pour le « modèle d’accès » au Cheval Cabré

    Ferrari Amalfi : une nouvelle ère pour le « modèle d’accès » au Cheval Cabré

    Adieu Roma, bonjour Amalfi. Ferrari remplace son coupé d’entrée de gamme par une GT retravaillée de fond en comble, affichant 631 ch, une ergonomie repensée et une nouvelle identité stylistique. L’Amalfi ouvre un nouveau chapitre pour la marque, avec le retour des commandes physiques plébiscitées par les clients.


    Ferrari tourne une page importante de son histoire en présentant officiellement l’Amalfi, remplaçante de la Roma. Si la silhouette générale évoque sa devancière, chaque panneau de carrosserie – à l’exception du vitrage – est inédit. Le style devient plus affirmé, notamment à l’avant, où le museau effilé de la Roma laisse place à une proue plus musclée, inspirée du SUV Purosangue.

    Cette évolution n’est pas qu’esthétique. L’Amalfi incarne une stratégie nouvelle, à la fois dans sa philosophie de design et dans sa manière d’intégrer la technologie. Ferrari revendique une approche « plus pure, plus simple », selon les mots du directeur du design Flavio Manzoni, tout en assumant une montée en gamme mécanique et technologique.

    631 chevaux pour GT accessible ?

    Sous le capot, on retrouve un V8 biturbo, qui développe désormais 631 ch. Une valeur en hausse sensible par rapport aux 620 ch de la Roma, tout en conservant une architecture moteur similaire. Ferrari ne précise pas encore si d’autres modifications techniques (poids, boîte, châssis, liaisons au sol) viennent compléter ce gain de puissance, mais promet un comportement routier encore plus incisif, sans sacrifier l’élégance et le confort propres à ce segment GT.

    Les livraisons débuteront en début d’année prochaine pour les marchés en conduite à gauche, avec une arrivée des versions à conduite à droite peu après. Le tarif en Italie débute à 240 000 €, ce qui positionne l’Amalfi légèrement au-dessus de la Roma dans la hiérarchie Ferrari, sans remettre en cause son statut de modèle « d’accès ».

    La revanche des boutons

    S’il est une évolution qui en dit long sur l’écoute client chez Ferrari, c’est le retour des commandes physiques sur le volant. L’Amalfi inaugure un nouveau poste de conduite, dominé par une console centrale – surnommée le « pont » – usinée dans un bloc d’aluminium massif. Ce pont sépare clairement le conducteur et le passager et intègre la commande de boîte, tandis que les écrans numériques sont désormais au nombre de trois : un combiné conducteur de 15,6 pouces, un écran tactile central de 10,25 pouces et un troisième écran passager de 8,8 pouces.

    Mais la nouveauté la plus saluée concerne la suppression des commandes haptiques qui avaient fait polémique. Introduites sur la SF90 pour créer une interface futuriste, elles avaient été mal accueillies par les clients, jugées peu ergonomiques, notamment en conduite dynamique. Ferrari admet aujourd’hui que cette solution, pensée comme un parallèle avec les interfaces de smartphones, allait à l’encontre de l’objectif premier : garder les yeux sur la route et les mains sur le volant.

    « Nous avons poussé notre équipe à redessiner l’interaction digitale. L’exécution était innovante, mais le résultat allait à l’encontre de notre philosophie de conduite », reconnaît Enrico Galliera, responsable commercial de Ferrari.

    La marque de Maranello annonce donc un rééquilibrage de toutes ses futures interfaces, avec une part plus importante donnée aux commandes physiques. Un changement de cap qui débute avec l’Amalfi, mais qui concernera progressivement l’ensemble de la gamme.

    Une nouvelle identité… et un nouveau nom

    Si Ferrari assume la filiation avec la Roma, le constructeur a préféré donner un nouveau nom à son coupé GT. « Quand on achète une œuvre d’art, elle mérite un nom inédit », justifie Galliera. En choisissant Amalfi, Ferrari évoque une région italienne synonyme de beauté, d’exclusivité et de routes sinueuses – tout l’imaginaire auquel aspire une GT de ce calibre.

    Cette volonté de renouveau touche aussi la stratégie produit : si l’Amalfi incarne la nouvelle vision du coupé Ferrari, la Roma Spider restera temporairement au catalogue, en attendant une version découvrable dérivée du nouveau modèle.

  • Ian Callum réinvente la Mini en hot hatch de 110 chevaux

    Ian Callum réinvente la Mini en hot hatch de 110 chevaux

    Le designer britannique ressuscite l’esprit Wood & Pickett avec une Mini restomod radicale. Un hommage à la culture anglaise de la personnalisation, entre nostalgie et modernité.

    Ian Callum n’en finit plus d’explorer les chemins du passé pour mieux réinventer l’automobile. Après avoir signé certaines des plus belles Aston Martin, puis redonné des lettres de noblesse au restomod avec sa propre société de design (CALLUM), le styliste écossais s’attaque à un monument : la Mini. Mais pas n’importe laquelle. En s’associant à Wood & Pickett, carrossier de légende dans l’univers de la personnalisation britannique, Callum propose une relecture ultra-premium et résolument sportive de la citadine iconique.

    Une base très « late classic »

    Le projet repose sur une carrosserie de Mini Mk5 Sportspack, la version à ailes élargies produite de 1997 à 2001. C’est l’un des derniers avatars de la Mini classique, celle qui gardait l’esprit originel d’Alec Issigonis tout en adoptant quelques atours modernisés à la veille du passage de flambeau à BMW. Mais si la ligne générale reste inchangée, tout le reste est repensé.

    Le moteur A-Series, cœur battant de la Mini depuis 1959, passe de 1275 cm³ à 1310 cm³. Il reçoit une nouvelle culasse, une injection électronique bi-point et une ligne d’échappement sur mesure à double sortie. Résultat : la puissance grimpe de 63 à 110 ch. De quoi transformer cette Mini en véritable petite GTI, au sens noble du terme. La boîte de vitesses est renforcée pour encaisser ce regain de couple, et l’ensemble châssis-freinage-suspension est entièrement retravaillé selon des standards proches du rallye.

    Une hot hatch à l’anglaise

    Les jantes Minilite d’origine cèdent la place à un dessin inédit signé Callum : des roues à quatre branches de 13 pouces qui évoquent l’univers du sport automobile des années 1960, tout en apportant une signature visuelle contemporaine. À l’extérieur, les modifications restent subtiles mais efficaces : élargisseurs d’ailes Wood & Pickett, boucliers avant et arrière au style plus agressif, feux à LED intégrés avec discrétion.

    L’intérieur est un hommage à l’âge d’or des Mini personnalisées. Le tableau de bord reçoit une nouvelle planche de bord en bois inspirée de la Mini Margrave des années 1960, avec ses inserts façon noyer, ses interrupteurs métalliques pour les phares et le chauffage, et – clin d’œil à la modernité – un petit écran tactile compatible Apple CarPlay. Le luxe rétro dans toute sa splendeur.

    Une exécution artisanale, à prix fort

    Chaque exemplaire sera construit à la main selon les spécifications précises de son propriétaire. Le ticket d’entrée ? 75 000 livres sterling (environ 88 000 euros). À ce tarif, le client accède à une personnalisation poussée dans les moindres détails, mais aussi à un pan de l’histoire automobile britannique. Ian Callum insiste : « Ce projet est autant un hommage qu’une réinterprétation. Nous voulons capturer l’esprit des Mini Wood & Pickett des années 1960, tout en les adaptant aux attentes d’aujourd’hui. »

    Le tout premier exemplaire de cette Mini Callum x Wood & Pickett a été commandé par le mannequin et créatif britannique David Gandy. Une figure médiatique très attachée à la culture automobile britannique, lui-même collectionneur de Jaguar et ambassadeur de la modernité avec style.

    Wood & Pickett, retour aux sources

    Fondé en 1947 par Bill Wood et Les Pickett, le carrossier londonien s’est taillé une solide réputation dans les années 1960 avec ses Mini sur-mesure. Véritables objets de luxe roulants, elles séduisaient les célébrités de l’époque : Mick Jagger, Elton John, Paul et Linda McCartney… tout le Swinging London avait sa Mini personnalisée. Dans les années 1980, Wood & Pickett se recentre sur le Range Rover de première génération, alors à la mode dans les quartiers huppés de Chelsea. Puis l’entreprise change plusieurs fois de mains.

    Aujourd’hui, elle renaît sous la houlette de Motaclan, un acteur bien connu des amateurs de youngtimers britanniques puisqu’il détient aussi l’ex-division pièces détachées de MG Rover. Motaclan ne compte pas s’arrêter là : un catalogue de pièces Wood & Pickett dessinées par Ian Callum sera bientôt proposé aux propriétaires de Mini classiques, permettant à chacun de recréer, à sa mesure, cette Mini néo-rétro.

    L’avenir de la restomod à l’anglaise

    Alors que le restomod devient une industrie à part entière, cette Mini incarne une autre voie que celle des surenchères technologiques ou des conversions électriques parfois trop radicales. Ici, on sublime l’existant, on respecte les fondamentaux, tout en insufflant un peu de modernité et beaucoup de style. Ce projet illustre à merveille la philosophie de Callum : « faire du neuf avec du vieux, sans trahir l’esprit d’origine ».

    Et dans le cas de la Mini, l’esprit est intact : petite, vive, impertinente et incroyablement britannique.

  • Elon Musk à Washington : un crash-test grandeur nature de la gouvernance par l’ingénierie

    Elon Musk à Washington : un crash-test grandeur nature de la gouvernance par l’ingénierie

    La rumeur prétendait qu’il allait « hacker » l’administration fédérale comme il a bouleversé l’automobile et l’aérospatial. Elon Musk, promu « employé gouvernemental spécial » pour une mission de 130 jours à la tête d’un improbable « Department of Government Efficiency » (DOGE, comme la crypto qu’il chérit tant), a livré un spectacle à mi-chemin entre la farce technocratique et le drame bureaucratique.

    Dans le rôle de la promesse de rationalisation, Musk s’est engagé à sabrer 2 000 milliards de dollars de dépenses publiques. À l’arrivée, selon les chiffres même de son équipe (discutables, comme souvent), le gain serait de 175 milliards… mais les coupes brutales auraient coûté, net, 135 milliards en pertes économiques et sociales, d’après plusieurs analyses indépendantes.

    Parmi les victimes prioritaires de cette croisade : USAID, l’agence d’aide internationale, quasiment démantelée. 80 % de ses programmes supprimés, des conséquences directes sur les pays qui survivent grâce aux subventions des pays occidentaux, Etats-Unis en tête. Le tout pour satisfaire une vision froide de la performance étatique, où chaque dollar doit être justifié comme sur un tableur Excel. Une approche qui, transposée à Tesla, aurait sans doute condamné la Model S dès son lancement.

    L’homme qui voulait coder la politique

    Musk à Washington, c’est une sorte de crossover entre House of Cards et Silicon Valley. Sauf que cette fois, le héros autoproclamé s’est brûlé les ailes. Il faut dire que l’homme arrive avec une aura de démiurge industriel : Tesla, SpaceX, Neuralink… et cette capacité rare à tordre le réel par la volonté. Mais ce pouvoir se heurte ici à une matière plus rétive : la démocratie représentative, les contre-pouvoirs, les contraintes sociales.

    Les décisions furent expéditives, souvent chaotiques. Licenciements de fonctionnaires en masse, arrêt brutal de programmes sans évaluation d’impact, management sous MDMA – littéralement, selon des accusations non confirmées mais abondamment relayées. L’homme le plus riche du monde, entouré d’un cercle de fidèles souvent plus proches du culte que du cabinet ministériel, a confondu la Maison-Blanche avec un plateau de lancement SpaceX.

    Un échec programmé

    Pourquoi a-t-il échoué ? Pas faute d’ambition, mais plutôt à cause de son absence de modestie politique. Matt Bai, dans le Washington Post, résume crûment : « Il a échoué parce que ses idées étaient si désespérément petites. » La révolution qu’on attendait s’est résumée à une purge sans vision, à des slogans libertariens usés jusqu’à la corde. Les programmes de « marionnettes transgenres au Guatemala », moqués dans les médias conservateurs, sont devenus des cibles faciles – mais symboliques – d’un Musk en quête de totems à brûler.

    Sa plus grande réussite ? Avoir humilié le fonctionnement gouvernemental autant que lui-même. À coups de tweets absurdes, de provocations esthétiques (saluts douteux, tenues enfantines, chaînes en or), et d’une gestion RH qu’on croirait tirée d’un roman de Michel Houellebecq.

    Une leçon pour l’automobile

    Que retenir de ce détour politique pour le monde de l’automobile ? Peut-être ceci : la disruption n’est pas un système de gouvernement. Ce qui fonctionne pour forcer un secteur à évoluer – batteries, propulsion électrique, conquête spatiale – ne fonctionne pas nécessairement pour gérer la complexité humaine. Le Musk qui a fait rêver les amateurs de technologies en abaissant le coût des lancements orbitaux et en industrialisant l’électrique se révèle incapable de structurer une action publique cohérente.

    Le parallèle avec les difficultés actuelles de Tesla est tentant. Alors que ses ventes fléchissent, que la concurrence chinoise grignote ses parts de marché, que les promesses de conduite autonome s’éternisent, Musk semble de plus en plus tenté par la fuite en avant idéologique plutôt que la consolidation industrielle. Il lui sera sans doute plus difficile de convaincre les investisseurs, désormais que sa réputation de visionnaire s’est noyée dans les eaux troubles de la politique.

    Un retour à la réalité

    À l’heure du départ, Musk quitte Washington avec un goût amer. Dace Potas, dans USA Today, note qu’il a fait « un effort sincère » pour réduire la taille de l’État… mais qu’il a été utilisé comme paravent par des Républicains trop heureux de le laisser s’empoisonner avec un projet impossible. Le projet de loi budgétaire final, qu’il a lui-même appelé une « abomination répugnante », contient un déficit supplémentaire de 3 600 milliards de dollars.

    Peut-être qu’un jour, ses fusées atteindront Mars. Mais à Washington, Elon Musk a surtout prouvé qu’on ne gouverne pas un pays comme on assemble une Model Y.

    Et si Musk avait raison ?

    Sans chercher à s’enfermer dans une posture systématiquement anti-Musk, ne perçoit-on pas ici un symptôme révélateur de la politique occidentale contemporaine ? Aux États-Unis comme en Europe, les gouvernements semblent paralysés par un immobilisme entretenu à la fois par une classe politique installée et par les fameux « partenaires sociaux », souvent arc-boutés sur la défense d’un statu quo dans lequel ils trouvent leur équilibre, sinon leur intérêt.

    En tentant, à sa manière, de réécrire les règles de la politique américaine, Musk s’est heurté à un mur. Syndicats, gardiens de l’orthodoxie institutionnelle, forces médiatiques et mouvances idéologiques diverses – de ce qu’il qualifie lui-même de « bien-pensance » à une gauche américaine qu’il considère plus dogmatique que réformiste – ont rapidement transformé son projet en champ de bataille. Pris dans les contradictions de son propre discours et confronté à des résistances bien enracinées, il a été politiquement broyé.

    En France, la start-up nation a été sacrifiée de la même manière. L’immobilisme reste et restera roi.

  • Porsche LMP2000 : la victoire volée qui donna naissance à la Carrera GT

    Porsche LMP2000 : la victoire volée qui donna naissance à la Carrera GT

    Et si Porsche n’avait jamais abandonné son projet LMP2000 ?
    À l’heure où Le Mans s’apprête à fêter sa 93e édition, difficile de ne pas se replonger dans cette histoire oubliée : celle d’une Porsche conçue pour gagner, tuée dans l’œuf, dont les restes mécaniques servirent à créer l’une des supercars les plus charismatiques des années 2000 — la Carrera GT.

    À la fin des années 1990, la marque allemande est pourtant au sommet. En juin 1998, la 911 GT1-98 décroche la seizième victoire de Porsche aux 24 Heures du Mans. Allan McNish, Laurent Aiello et Stéphane Ortelli offrent au constructeur ce succès dans une voiture qui, bien qu’ultra-performante, reste encore vaguement liée à la silhouette de la 911. En interne, le constat est clair : pour rester au sommet, il faut changer d’approche.

    Naissance d’une idée

    Herbert Ampferer, alors directeur de Porsche Motorsport, veut rompre avec la logique du GT travesti. Fini le bricolage entre 993, 996 et éléments de course : place à un vrai prototype. Mais il doit convaincre un homme : Wendelin Wiedeking, le puissant patron de Porsche.

    La réponse de ce dernier est cinglante : « Et qu’est-ce que cela changerait si nous gagnions une 17e fois ? » Une victoire de plus n’apporterait pas grand-chose selon lui. Pourtant, Ampferer obtient le droit de prendre une année sabbatique en 1999 pour concevoir une toute nouvelle voiture, avec une liberté technique totale : ainsi naît le projet LMP2000, également connu en interne sous le code 9R3.

    Un V10 secret venu de la F1

    Le cœur de cette voiture n’est autre qu’un V10 atmosphérique de 5,5 litres, dérivé d’un moteur de Formule 1 jamais utilisé. Ce bloc avait été développé dans le plus grand secret par une poignée d’ingénieurs de Weissach au milieu des années 1990. Il s’agissait alors pour Porsche de prouver — après l’humiliation du V12 Footwork de 1991 — qu’elle savait concevoir un moteur F1 compétitif.

    Résultat : un V10 léger, compact, puissant et musical, jamais aligné en Grand Prix, mais parfait pour les exigences d’un prototype d’endurance moderne. Norbert Singer, le légendaire ingénieur de Porsche, est chargé de concevoir le châssis ouvert qui accueillera ce bijou mécanique. Un LMP pur et dur, loin des compromis des GT1 des années précédentes.

    Les essais de la dernière chance

    En novembre 1999, deux pilotes montent dans le cockpit de la LMP2000 sur la piste d’essai de Weissach : Bob Wollek, vétéran à la recherche de sa première victoire au général au Mans à 56 ans, et Allan McNish, tout juste vainqueur avec Porsche en 1998. Les deux hommes sont impressionnés par la voiture. Wollek parle d’une « fusée », McNish voit son avenir s’écrire en lettres d’argent et de carbone. Il a même un contrat de trois ans dans sa mallette.

    Sauf que tout est déjà fini.

    En coulisses, Wiedeking a tranché. Le projet LMP est mort-né. Il ne verra jamais Le Mans. Porsche annonce en décembre 1998 son retrait de l’édition 1999, mais ce qui semblait être une pause stratégique est en réalité un abandon. Pourquoi ? Officiellement, pour concentrer les ressources sur un autre projet stratégique : le développement du futur SUV Cayenne. Officieusement, une ambition plus discrète se dessine.

    La légende naît d’un sacrifice

    Wiedeking pose une nouvelle question à Ampferer : « Quelle est la plus grande marque de voitures de sport au monde ? » Sa réponse est évidente : Porsche. Et le patron de conclure : « Alors prouve-le. Construis une supercar. »

    Ainsi débute la gestation de ce qui deviendra la Carrera GT. Le V10 du LMP2000 est repris presque à l’identique, en version civilisée. L’architecture en carbone, les enseignements aérodynamiques, la philosophie technique — tout vient du prototype sacrifié. La Carrera GT est dévoilée en concept en 2000 avant de devenir réalité en 2003. Et le monde découvre une Porsche sans compromis, à boîte manuelle, au châssis pur, à l’ADN de compétition bien réel.

    Renaissance tardive et révélations

    Pendant deux décennies, la 9R3 reste cachée, reléguée à quelques clichés flous. Il faut attendre l’approche de son 25e anniversaire pour que Porsche ressorte la LMP2000 du musée, la remette en route et offre à McNish un tour de piste en 2024, cette fois aux côtés de Timo Bernhard. Le prototype fonctionne encore à merveille. Le moteur V10 hurle comme au premier jour.

    Avec le recul, certains y voient une manœuvre stratégique pour laisser le champ libre à Audi, alors en pleine montée en puissance en endurance. En 1999, Audi débarque au Mans, et rapidement, la domination commence. Porsche, de son côté, reste à l’écart jusqu’à 2014. La théorie du pacte secret n’a jamais été prouvée. Mais dans un groupe VW encore peu structuré, dirigé par Ferdinand Piëch, petit-fils de Ferdinand Porsche, on peut comprendre que certaines portes se soient ouvertes… ou fermées.

    Un fantasme d’ingénieur, un mythe avorté

    Le Porsche LMP2000 n’a jamais pris le départ d’une course. Il n’a jamais franchi la ligne droite des Hunaudières, ni attaqué les virages Porsche à pleine charge. Et pourtant, il symbolise une philosophie entière : celle d’un constructeur capable de concevoir le meilleur prototype de son époque… puis de tout arrêter au dernier moment, pour mieux rediriger ses efforts vers la route.

    La 9R3 n’est pas la Porsche oubliée. Elle est la Porsche fantôme, celle dont la disparition a permis une résurrection routière exceptionnelle. À la croisée des chemins entre la course et la route, elle incarne une question restée en suspens : que se serait-il passé si elle avait couru ?

  • Essai Lancia Ypsilon HF : renaissance foudroyante

    Essai Lancia Ypsilon HF : renaissance foudroyante

    Parmi les vignes et les collines entre Milan et Turin, le centre d’essai de Balocco bruisse à nouveau de l’écho d’un nom mythique : HF. Cette fois-ci, c’est au tour de la Lancia Ypsilon HF, compacte électrique de 280 chevaux, d’écrire une nouvelle page de la légende.

    Nous avons eu le privilège de découvrir la plus radicale des Ypsilon au cœur même du complexe Stellantis à Balocco, sur le tout nouveau tracé baptisé « Pista Lancia HF », un circuit conçu spécifiquement pour mettre à l’épreuve les futures sportives de la marque. Loin d’être un simple exercice de style, cette version électrisée du badge HF propulse Lancia dans une ère nouvelle, tout en ravivant un glorieux passé.

    Un circuit pour un retour au sommet

    Pour son grand retour dans l’univers des sportives compactes, Lancia n’a pas lésiné sur les moyens. Balocco, site emblématique du développement des véhicules italiens depuis les années 60, a été le théâtre d’un développement intensif de la Ypsilon HF : 100 000 km de tests, 1 500 heures de roulage, et plus de 100 pneus sacrifiés. De quoi transformer une citadine élégante en une compacte affûtée comme une lame de rallye.

    Le circuit, avec ses virages serrés, ses courbes rapides, ses changements de dénivelé et ses zones à faible adhérence, est un terrain de jeu idéal pour juger du potentiel dynamique de cette nouvelle Lancia. Et le verdict est sans appel : cette Ypsilon HF, avec ses 280 chevaux, son couple de 345 Nm et son différentiel Torsen, est un concentré d’adrénaline à taille urbaine.

    Une fiche technique d’exception

    Première Ypsilon à mériter vraiment le badge HF depuis des décennies, cette version s’offre un arsenal technique impressionnant. La puissance provient d’un moteur électrique alimenté par une batterie lithium-ion de 54 kWh (400V), garantissant jusqu’à 370 km d’autonomie WLTP. Les performances sont dignes de GTI thermiques bien connues : 0 à 100 km/h en 5,6 s, 180 km/h en pointe.

    Mais c’est sur le comportement routier que cette HF impressionne : caisse abaissée de 20 mm, voies élargies de 30 mm, rigidification du châssis (+67 % à l’avant, +153 % à l’arrière), et un freinage Alcon à étriers 4 pistons et disques de 355 mm. Le tout est complété par une direction précise et naturelle, un grip remarquable et une motricité redoutable, même en relances musclées sur sol glissant.

    Lancia réinvente son style sportif

    La Ypsilon HF revendique son appartenance à la lignée des Delta et Fulvia HF avec un style affûté : jantes de 18 pouces, boucliers spécifiques, diffuseur arrière, passages de roue musclés. Les feux arrière ronds évoquent la Stratos, tandis que le profil tendu incarne le langage stylistique Pu+Ra de la marque.

    L’habitacle n’est pas en reste : sièges sport en Econyl à motif « cannelloni », volant en cuir perforé, interface S.A.L.A. aux teintes évolutives du bleu à l’orange, pédalier en aluminium, éclairage d’ambiance et technologies dernier cri — conduite semi-autonome de niveau 2, Apple CarPlay/Android Auto sans fil, recharge à induction, etc. Un vrai cocon technologique au service du plaisir de conduite.

    L’esprit HF pour tous ?

    Lancia ne s’arrête pas là. Pour accompagner cette renaissance, la marque propose également une version plus accessible baptisée Ypsilon HF Line, disponible en motorisation hybride à partir de 27 800 €. Elle reprend certains attributs esthétiques de sa grande sœur électrique et offre un compromis intéressant pour ceux qui cherchent un style affirmé sans basculer dans la radicalité.

    Le retour d’un emblème

    Ce renouveau s’accompagne d’un logo HF réinterprété, toujours orné de l’Elefantino Rosso, mais modernisé dans ses lignes et ses couleurs. Un clin d’œil appuyé à l’héritage de la Squadra Corse et à ces années où Lancia dominait les spéciales de rallye avec panache.

    Ce badge HF, né en 1960 pour distinguer les clients les plus fidèles de la marque, devient aujourd’hui le porte-étendard du retour à la performance. Un retour validé par un certain Miki Biasion, pilote double champion du monde avec Lancia, qui a suivi le développement de cette HF électrique de près.

    Un futur électrisant pour Lancia

    Avec cette Ypsilon HF, Lancia ne se contente pas d’un hommage nostalgique. Elle propose une vision contemporaine de la sportivité, où électrification rime avec sensations, efficacité et caractère. À 42 400 € (ou 325 euros / mois), la compacte transalpine vient bousculer le segment, en s’imposant comme la plus puissante et la plus expressive des petites voitures européennes.

    Sur la Pista HF de Balocco, c’est tout l’esprit Lancia qui est revenu vrombir, en silence mais avec éclat. La renaissance est en marche — et elle s’annonce diablement excitante.

  • Mission impossible : sauver la petite voiture ?

    Mission impossible : sauver la petite voiture ?

    Face à l’envolée des prix, à l’inflation technologique et aux normes toujours plus contraignantes, la petite voiture européenne est-elle vouée à disparaître ? Pas si l’on en croit les voix de plus en plus nombreuses qui s’élèvent pour défendre une approche plus sobre, plus pragmatique. Au sommet « Future of the Car » organisé par le Financial Times, Luca de Meo (Renault) et John Elkann (Stellantis) ont lancé un cri d’alarme.


    Le constat est sans appel : les voitures deviennent de plus en plus grandes, lourdes, complexes… et inaccessibles. Un paradoxe au cœur de l’industrie automobile européenne, où l’on prône la décarbonation, mais où l’on contraint progressivement à l’abandon des véhicules légers, simples et abordables.

    Lors du dernier sommet Future of the Car, organisé par le Financial Times, deux figures majeures de l’industrie, Luca de Meo (CEO du groupe Renault) et John Elkann (président de Stellantis), ont uni leurs voix pour dénoncer cette dérive. En toile de fond, une question : la transition écologique justifie-t-elle de tourner le dos à la voiture populaire ?

    Trop lourdes, trop chères, trop complexes

    Depuis plus d’une décennie, la petite voiture est attaquée de toutes parts. Pour répondre aux exigences de sécurité, aux normes environnementales et aux attentes technologiques, les constructeurs doivent embarquer toujours plus d’équipements, souvent coûteux. Le résultat ? Des citadines devenues des mini-crossover à plus de 25 000 €.

    Et ce n’est pas un hasard si les segments A et B se vident progressivement. Rares sont les modèles restants sous les 4 mètres de long et sous les 15 000 €. Là où autrefois une Peugeot 106, une Fiat Panda ou une Clio proposaient une mobilité accessible, les plateformes modernes et les batteries imposantes ont eu raison de ces équilibres économiques fragiles.

    Dacia, la résistance tranquille

    Mais certains résistent encore et toujours à l’envahisseur technologique. À commencer par Dacia, la filiale frugale de Renault, dont la stratégie devient un cas d’école. Pour Denis Le Vot, patron de la marque roumaine, ce moment est clé : « Les réglementations nous poussent dans une direction où la mobilité abordable disparaît. »

    Le discours de Le Vot résonne comme un écho au plaidoyer de de Meo et Elkann. Oui, la voiture doit être plus propre. Oui, la sécurité est primordiale. Mais comment préserver ces fondamentaux sans détruire la base même de l’automobile européenne : l’accès pour tous à une mobilité individuelle ?

    Dacia a fait un choix fort : ne pas courir après les cinq étoiles Euro NCAP, simplifier les équipements, mutualiser les coûts à travers l’(ex)Alliance. Cela a permis à la marque d’afficher des prix de vente réalistes — et une rentabilité insolente. Le message est clair : il existe une autre voie.

    Cycle de vie plutôt que pot d’échappement

    Derrière cette fronde des constructeurs européens, c’est aussi une remise en question de la grille d’analyse des émissions qui se profile. Faut-il continuer à juger une voiture uniquement sur ses rejets d’échappement ? Pour de Meo comme pour Elkann, cette approche est obsolète. Il faut désormais prendre en compte l’ensemble du cycle de vie : fabrication, usage, recyclage, mix énergétique.

    Un exemple ? Une Dacia Jogger hybride consommant peu, utilisée pendant 15 ans dans un pays où l’électricité reste carbonée, pourrait in fine avoir un meilleur bilan carbone qu’un petit VE rechargé au charbon ou produit avec une batterie imposante et peu recyclée.

    Luca de Meo plaide ainsi pour un retour au principe de neutralité technologique, longtemps pilier des politiques européennes, mais mis à mal par des choix qui favorisent unilatéralement l’électrique.

    Une bifurcation nécessaire ?

    La vraie question est peut-être celle-ci : la voiture peut-elle encore être un bien populaire en Europe ? Si la logique actuelle se poursuit — avec un bannissement progressif du thermique, des exigences croissantes en termes d’assistances électroniques et une électrification sans compromis — la réponse est non.

    Les industriels appellent à une pause, voire une bifurcation stratégique. Pas pour abandonner les objectifs climatiques, mais pour y répondre de manière plus réaliste. En valorisant des véhicules optimisés, sobres, réparables, produits localement avec des matériaux mieux recyclés. Bref, des voitures pensées pour durer, pas pour impressionner.

    Des mots aux actes ?

    Cette convergence de vues entre Renault et Stellantis — pourtant concurrents féroces — n’est pas anodine. Elle reflète un changement de paradigme en gestation, où l’on ne pourra plus opposer systématiquement « vert » et « accessible ».

    Le message est bien passé jusqu’à Bruxelles : la Commission européenne planche désormais sur une révision des critères de performance environnementale, avec une possible intégration de l’analyse de cycle de vie dans les politiques à venir.

    Sera-ce suffisant pour sauver la petite voiture ? Peut-être. À condition que la réglementation cesse de récompenser la sophistication technologique pour se recentrer sur l’essentiel : permettre à chacun de se déplacer, proprement, simplement, sans se ruiner.