Catégorie : Editorial

  • L’illusion du numéro 1 : pourquoi l’Alliance Renault-Nissan-Mitsubishi n’a jamais vraiment été le premier groupe automobile mondial

    L’illusion du numéro 1 : pourquoi l’Alliance Renault-Nissan-Mitsubishi n’a jamais vraiment été le premier groupe automobile mondial

    Carlos Ghosn aime rappeler, dans ses récentes interventions médiatiques, qu’il a hissé l’Alliance Renault-Nissan-Mitsubishi au sommet du classement mondial, au-dessus de Volkswagen et de Toyota. Sur le papier, les chiffres de 2017 et 2018 semblent lui donner raison : plus de 10,6 millions de véhicules vendus en une année, soit environ un sur neuf produits dans le monde. Mais à y regarder de plus près, cette suprématie tient davantage d’une construction de communication que d’une réalité économique et industrielle.

    Une addition de volumes plus qu’un groupe intégré

    A l’époque, l’Alliance n’est pas un constructeur au sens où peut l’être le groupe Volkswagen ou Toyota. C’est un montage original, fait d’échanges croisés d’actions et de coopérations techniques, mais où chaque société conserve son indépendance juridique, sa gouvernance et même ses stratégies commerciales.

    • Renault détient 43,4 % de Nissan,
    • Nissan détient 15 % de Renault (sans droit de vote),
    • et Nissan contrôle 34 % de Mitsubishi Motors.

    L’addition de leurs ventes permet d’afficher un total flatteur, mais l’Alliance ne dispose pas d’un centre décisionnel unique ni d’une stratégie de marque intégrée. Les synergies existent — plateformes partagées, achats communs, R&D mutualisée — mais elles restent limitées par rapport à l’intégration verticale d’un Volkswagen, où Audi, Skoda et Seat travaillent au sein d’une même entité.

    Les autres jouent aussi avec des participations

    S’il fallait additionner toutes les marques où des liens capitalistiques existent, d’autres acteurs pourraient, eux aussi, revendiquer un leadership mondial à travers les âges.

    • Hyundai détient 33,9 % de Kia. Additionnées, leurs ventes dépassent 7 millions d’unités annuelles. Et pourtant, le groupe coréen ne revendique pas être une “alliance numéro 3 mondiale” mais bien un constructeur intégré, Hyundai Motor Group qui ne doit compter que les ventes Hyundai d’un côté et Kia de l’autre.
    • Toyota détient 20 % de Subaru, 5 % de Mazda et 5 % de Suzuki. S’il additionnait ces volumes aux siens, Toyota gonflerait artificiellement ses ventes de près de 2 millions de véhicules supplémentaires. Mais le géant japonais préfère mettre en avant ses propres résultats, sans s’arroger les volumes de partenaires minoritaires.
    • Daimler (Mercedes-Benz) avait croisé son capital avec Renault et Nissan à hauteur de 3,93 % en 2010. À aucun moment, l’Allemand n’a songé à se présenter comme premier constructeur mondial en additionnant ces volumes.
    • Geely, enfin, illustre la stratégie contemporaine d’un actionnaire multi-marques : 100 % de Volvo Cars et Lotus, 51 % de Smart, 8,2 % de Volvo Trucks, près de 10 % de Mercedes. Le groupe chinois pourrait, lui aussi, revendiquer un empire aux ventes cumulées colossales. Il n’en fait rien, préférant gérer chaque entité selon ses besoins stratégiques.

    Quand la communication dépasse la réalité

    Ce qui distingue Carlos Ghosn, c’est son usage de cette addition comme un outil de communication. En 2017 et 2018, au moment où l’Alliance dépassait les 10,6 millions d’unités, il a voulu imposer l’idée que Renault était au sommet de l’industrie automobile mondiale. Une manière de renforcer la légitimité d’un montage fragile, marqué par la méfiance de Nissan vis-à-vis de Renault et par l’absence de réelle fusion.

    La comparaison devient encore plus bancale si l’on élargit le périmètre : Volkswagen intègre aussi des poids lourds (MAN, Scania), ce qui gonfle ses chiffres au-delà des véhicules légers. L’Alliance, elle, ne joue que sur les voitures particulières et utilitaires légers. Or, choisir son terrain de comparaison est une manière de fausser le débat.

    L’importance de l’intégration industrielle

    Être “numéro 1” ne signifie pas seulement vendre plus de voitures, mais aussi disposer d’une capacité d’intégration industrielle : plateformes communes, standards partagés, organisation mondiale cohérente. Sur ce terrain, l’Alliance a toujours été moins efficace que ses rivaux :

    • Volkswagen peut lancer une plateforme (MQB, MEB) et l’amortir sur toutes ses marques.
    • Toyota a fait de la TNGA un standard mondial.
    • Renault, Nissan et Mitsubishi ont longtemps peiné à harmoniser leurs choix techniques, freinés par les rivalités internes.
    • Stellantis est aujourd’hui un exemple qui a généré des milliards d’euros de profits.

    L’illusion de leadership s’est dissipée dès le départ de Ghosn. L’Alliance n’a pas su transformer son volume en avantage stratégique durable.

    Une victoire à la Pyrrhus

    En revendiquant le titre de “numéro 1 mondial”, Carlos Ghosn a offert à l’Alliance Renault-Nissan-Mitsubishi un succès d’image plus que de substance. La réalité, c’est qu’un constructeur automobile ne se juge pas uniquement à ses volumes, mais à sa cohérence industrielle, à sa capacité d’innovation et à sa solidité financière. Sur ce terrain, Volkswagen et Toyota – et aujourd’hui Stellantis – restent les véritables leaders.

    L’Alliance a été un montage audacieux, mais fragile. Elle a prouvé qu’il est possible de s’additionner pour quelques années afin de dépasser ses rivaux. Elle a aussi montré que, sans intégration réelle et sans confiance réciproque, le numéro 1 mondial ne peut être qu’un mirage.

    L’Alliance existe toujours, mais personne ne la voit plus comme un groupe consolidé. Alors, comment faire la différence ? Demandez-vous si vous pouvez acheter une entreprise et une autre à côté. Vous pouvez acheter des actions du Groupe Renault, puis des actions de Nissan. Même chose pour Hyundai et Kia. En revanche, impossible d’acheter du Skoda (intégré dans Volkswagen) ou du Lancia ou du Jeep (intégré dans Stellantis).

  • Volkswagen brade ses utilitaires : jusqu’à 40 % de remise… mais pourquoi ?

    Volkswagen brade ses utilitaires : jusqu’à 40 % de remise… mais pourquoi ?

    La recette est vieille comme le commerce : quand ça ne se vend pas, on baisse le prix. Mais cette fois, Volkswagen sort la grosse artillerie. Jusqu’à 40 % de rabais sur ses utilitaires flambant neufs. Non, ce n’est pas une liquidation judiciaire, mais une campagne promotionnelle officielle annoncée par Automobilwoche.

    La ristourne XXL made in Wolfsburg

    L’opération est d’envergure. En clair : Volkswagen augmente les marges des concessionnaires allemands, qui peuvent ensuite les redistribuer en remises. D’ordinaire, un utilitaire se négocie avec 15 % de marge. Là, Volkswagen ajoute 25 % de bonus. Faites le calcul : jusqu’à 40 % de réduction si vous savez négocier.

    La promo court jusqu’au 30 septembre 2025, avec immatriculation obligatoire avant le 15 décembre. Et le menu est copieux :

    • ID. Buzz Cargo,
    • Transporter,
    • Crafter,
    • mais aussi les Caravelle et Multivan côté passagers,
    • sans oublier les campeurs California Ocean et California Beach.

    Autrement dit : l’intégralité du catalogue utilitaires. Comme si Volkswagen avait décidé d’écumer ses stocks à coup de soldes géantes.

    Des modèles récents… déjà au rayon démarque

    Normalement, on brade les fins de série ou les vieilles générations. Ici, non : l’ID. Buzz est la vitrine électrique de la marque, le Crafter et le Transporter viennent d’être renouvelés, et le California reste un objet de culte. Alors pourquoi offrir 40 % de rabais sur des véhicules qui devraient se vendre tout seuls ?

    La réponse tient en un mot : Ford selon AutoBild.

    L’ombre du partenaire encombrant

    Volkswagen et Ford sont désormais partenaires sur plusieurs segments. Résultat : les Ford Capri et Explorer électriques roulent sur des bases Volkswagen, et de l’autre côté, les Transporter et Crafter sont des cousins directs de Transit.

    Le hic, c’est que les utilitaires Volkswagen se vendent mal. Très mal. Si mal que, selon plusieurs sources, certains parkings d’usine débordent de véhicules neufs sans acheteur. Mais VW n’a pas le choix : un accord avec Ford l’oblige à produire un certain volume. Moins produire coûterait plus cher que de vendre à prix sacrifié.

    Moralité : plutôt que de revoir l’accord, Volkswagen préfère inonder le marché de remises gigantesques.

    Quand la promo masque un vrai problème

    Cette campagne est un aveu à peine voilé. Les utilitaires modernes sont coincés entre un marché des thermiques saturé et des versions électriques hors de prix et mal adaptées aux besoins des professionnels. Pas assez d’autonomie, pas d’infrastructure de recharge sérieuse, mais un tarif premium… Résultat, ils restent sur les bras des concessionnaires.

    Et pour Volkswagen, mieux vaut sacrifier l’image de valeur que de laisser les parkings se transformer en musée de l’utilitaire invendu.

    Une opération coup de rabot… au risque d’abîmer l’image (ou de briller auprès de certains médias)

    Sur le court terme, les clients allemands vont se régaler : repartir avec un California Ocean neuf à prix de Dacia, ça n’arrive pas tous les jours. Sur le long terme, l’histoire est moins drôle : une marque qui brade ses modèles récents risque d’éroder son prestige.

    Le message envoyé est clair : les utilitaires Volkswagen ne valent pas ce qu’ils coûtent. Et quand le consommateur le comprend, il n’oublie jamais. Surtout en voyant les valeurs résiduelles.

    Problème : des médias qui ne regardent que les immatriculations vont saluer les efforts de Volkswagen, sans comprendre la profonde crise dans lequel la marque / le constructeur / l’industrie s’enfonce.

  • Freinages fantômes et régulateurs fous : quand la voiture aime jouer à nous faire peur

    Freinages fantômes et régulateurs fous : quand la voiture aime jouer à nous faire peur

    L’actualité automobile adore ses petites paniques collectives. Ces derniers mois, c’est le freinage fantôme qui s’invite dans les conversations : ces voitures bardées d’électronique qui ralentiraient toutes seules, parfois brutalement, comme si un spectre invisible s’était glissé sous la pédale de frein. Forcément, l’image frappe les esprits. On imagine déjà les conducteurs incrédules, jurant qu’ils n’ont rien touché et que la machine a décidé de prendre le contrôle.

    Mais pour qui a un peu de mémoire automobile, cela sonne comme un refrain déjà entendu.

    Retour vers les années 2000 : le régulateur « possédé »

    Souvenez-vous. Dans les années 2000, une autre angoisse s’était emparée des conducteurs : le régulateur de vitesse qui refuserait de se désactiver. Le scénario parfait pour faire trembler les foules : un automobiliste raconte avoir appuyé frénétiquement sur le bouton « OFF » sans résultat, avoir martelé la pédale de frein… et rien n’y fait, la voiture continue sa course folle, pied au plancher, comme dans un film catastrophe de série B.

    La presse s’empare du sujet, les plateaux télé s’agitent, et le public retient surtout une idée : la technologie est devenue incontrôlable.

    Problème : après enquête, rien ne prouvait une défaillance mécanique ou électronique généralisée. Dans la majorité des cas, il s’agissait de mauvaises manipulations : pédale mal appuyée, confusion entre commandes, panique amplifiée par le stress. Bref, la voiture n’était pas possédée… mais son conducteur, lui, était un peu dépassé.

    La vieille peur de la machine rebelle

    Ces histoires disent surtout une chose : nous n’aimons pas perdre la main. Chaque fois qu’une technologie prend une décision à notre place — qu’il s’agisse de maintenir une vitesse, de rester dans une voie ou de freiner face à un danger — l’humain se demande si, cette fois, la machine ne va pas trop loin.

    Le freinage fantôme, en réalité, n’a rien de surnaturel. Il résulte souvent d’une interprétation trop zélée des radars ou capteurs embarqués : une ombre, un marquage au sol, un véhicule mal détecté, et hop, la voiture anticipe un risque qui n’existe pas. C’est agaçant, parfois dangereux, mais pas paranormal.

    L’automobile, grande productrice de légendes urbaines

    De la voiture « impossible à arrêter » au freinage qui surgit sans prévenir, l’histoire regorge de petites légendes qui nourrissent notre rapport ambigu à la technologie. Nous adorons ces histoires parce qu’elles mettent en scène la peur primitive de perdre le contrôle, ce qui est finalement le cauchemar absolu du conducteur.

    Et si demain, la voiture autonome décide de ne pas tourner où nous voulons ? Et si elle préfère un détour de trois kilomètres plutôt qu’un raccourci familier ? On imagine déjà les gros titres : « Ma voiture refuse d’obéir ».

    Moralité ?
    À chaque époque, son épouvantail technologique. Hier le régulateur, aujourd’hui le freinage fantôme, demain l’IA trop prudente ou trop audacieuse. La vérité est souvent moins spectaculaire que la rumeur, mais elle dit beaucoup de notre difficulté à faire confiance aux machines… surtout quand elles roulent plus vite que nos réflexes.

    Attention : on ne dit pas que le freinage fantôme n’existent pas. On dit que ça rappelle une autre histoire.

  • Pourquoi faut-il toujours montrer les voitures électriques… en train de se charger ?

    Pourquoi faut-il toujours montrer les voitures électriques… en train de se charger ?

    Il y a des images qui semblent s’imposer comme une évidence, jusqu’à en devenir ridicules. Dans l’univers de l’automobile électrique, c’est cette manie obstinée de montrer les voitures… branchées. Oui, avec ce gros câble pendouillant, la trappe ouverte comme une oreille distraite, et cette station de recharge plantée là, aussi sexy qu’un sèche-linge en arrière-plan.

    Regardez la photo ci-dessus : la Lucid Air, magnifique berline électrique aux lignes fluides, dans un showroom impeccablement éclairé… et hop, un câble noir qui se tortille jusqu’à sa flanc gauche. Quel gâchis ! On dirait qu’on a voulu illustrer une chirurgie esthétique avec la perfusion encore branchée.

    L’obsession du câble : un tic visuel

    Personne ne se dit qu’une Ferrari doit être photographiée avec un pistolet à essence dans son flanc arrière. Aucun photographe ne mettrait en couverture d’un catalogue Porsche 911 une image du réservoir grand ouvert sur un tuyau d’autoroute. Alors pourquoi persister avec les voitures électriques ?

    Peut-être parce que l’électrique est encore perçu comme une curiosité, et que montrer le câble rassure le spectateur : « Regardez, c’est bien une voiture électrique, elle se branche ! » Sauf que l’effet produit est exactement inverse. Ça rend l’objet statique, figé, presque vulnérable. On ne voit plus la sculpture automobile, on ne retient que la rallonge.

    Une mise en scène… débranchée

    Dans un showroom, l’électricité est déjà partout. On pourrait imaginer des mises en scène élégantes : éclairages spectaculaires, arrière-plan soigné, détails de design mis en valeur… Mais non. On préfère montrer la voiture en mode « recharge en cours », comme si on avait interrompu le cliché pour une pause technique.

    Résultat : au lieu de vendre un rêve, on donne l’impression de photographier un instant banal, presque domestique. Comme si on présentait un yacht avec le tuyau d’eau encore branché sur le quai.

    Le jour où l’on arrêtera…

    Le jour où les voitures électriques seront photographiées comme les autres — prêtes à partir, profil tendu vers la route, lignes mises en valeur — ce sera peut-être le signe qu’elles sont devenues complètement banales. Le câble restera là où il doit être : dans l’ombre, discret, utile mais invisible.

    En attendant, on peut toujours se dire que la Lucid Air mériterait mieux qu’un rôle de vedette… attachée à sa prise.

    Moralité : Une photo de voiture électrique n’a pas besoin d’un câble pour être électrique.

  • MSRP : pourquoi le prix affiché aux États-Unis n’est pas celui que vous payez vraiment

    MSRP : pourquoi le prix affiché aux États-Unis n’est pas celui que vous payez vraiment

    Si vous avez déjà rêvé devant les prix des voitures affichés sur les sites américains, vous vous êtes sûrement fait la réflexion : « Pourquoi une Mustang coûte-t-elle si peu là-bas ? » Sur le papier, les tarifs américains semblent imbattables. Mais ce prix d’appel, baptisé MSRP (Manufacturer’s Suggested Retail Price), est loin d’être le montant final que l’acheteur sort de sa poche. Et lorsque l’on compare en toute transparence, hors taxes, la différence avec l’Europe – et notamment la France – n’est pas aussi spectaculaire qu’on pourrait le croire.

    Qu’est-ce que le MSRP ?

    Le MSRP, ou prix de détail suggéré par le constructeur, est l’équivalent américain de notre prix catalogue hors options. Il s’agit d’un tarif indicatif, fixé par le constructeur, qui sert de référence au réseau de concessionnaires.
    Mais contrairement à ce que beaucoup imaginent, il ne s’agit pas d’un prix « clé en main ». Aux États-Unis, le MSRP n’inclut pas les taxes locales ni les éventuels frais de livraison, de préparation ou de documents administratifs.

    Des taxes… mais pas comme en France

    En France, la TVA (20 %) est intégrée d’office dans le prix affiché, ce qui permet à un acheteur de connaître immédiatement le montant final à payer, hors frais d’immatriculation et carte grise. Aux États-Unis, c’est différent : les taxes sont ajoutées après coup et varient selon l’État.
    Par exemple :

    • En Oregon : 0 % de taxe sur les ventes.
    • En Californie : environ 7,25 % au niveau de l’État, auxquels peuvent s’ajouter 1 à 3 % de taxes locales.
    • À New York : 8,875 % dans la ville de New York.

    Ainsi, une Ford Mustang GT affichée à 43 090 $ en MSRP peut, selon l’État, se retrouver facturée à plus de 46 000 $ une fois les taxes et les frais inclus.

    Les « dealer fees » et autres surprises

    En plus des taxes, de nombreux concessionnaires appliquent des frais de concession (dealer fees) qui peuvent grimper de 500 $ à plus de 2 000 $. Officiellement, ils couvrent les frais de préparation, de paperasse et d’administration… mais dans les faits, ils servent souvent à gonfler la marge.
    Et depuis la pandémie, avec la forte demande et la pénurie de véhicules, certains concessionnaires n’ont pas hésité à ajouter des « market adjustments » : un surcoût pur et simple, parfois de plusieurs milliers de dollars, au-dessus du MSRP, sous prétexte de rareté.

    Comparaison avec la France

    Prenons un exemple concret :

    • Jeep Wrangler 4xe Sahara
      • MSRP USA : 57 695 $ (≈ 49 520 € au taux actuel)
      • Prix final USA (Californie) : environ 65 000 $ avec taxes (≈ 55 800 €)
      • Prix France HT : 65 360 €
      • Prix France avec toutes les taxes : ≈ 92 620 €

    Si l’on compare le prix hors taxes français avec le prix américain toutes taxes comprises, l’écart se réduit fortement. Il reste certes une différence, mais elle est bien moindre que ce que les tarifs affichés laissent supposer.

    Mais allons plus loin… Si le Jeep Wrangler 4xe Sahara est le seul disponible en France, c’est parce qu’il est impossible de vendre un Wrangler « bas-de-gamme ».

    Aux Etats-Unis, le Jeep Wrangler débute à 32 690 $ (MSRP) avec un V6 3,6 litres et une boîte manuelle. Et si on le vendait en France ?

    Admettons que l’on prenne le même tarif hors taxe converti en euros : 32 690 USD = 28 000 euros. Ajoutons 20 % de TVA et le malus CO2.

    28 000 + 5 600 + 70 000 = 103 600 euros

    Besoin de pousser plus loin la démonstration ? Le Wrangler hors taxe à 28 000 euros aux Etats-Unis serait vendu plus de 100 000 euros en France (dont plus de 70 000 euros pour l’Etat).

    Le facteur équipement et normes

    Il faut aussi prendre en compte que les versions américaines et européennes ne sont pas strictement identiques :

    • Les versions européennes intègrent d’office certains équipements qui sont en option aux États-Unis.
    • Les normes de sécurité, d’émissions et d’homologation diffèrent, entraînant des coûts supplémentaires pour la version UE.

    En résumé

    Le MSRP américain est une vitrine marketing : il attire l’œil avec un prix bas, mais ne reflète pas le montant final. Entre taxes variables, frais divers et marges supplémentaires, l’addition grimpe vite. En France, le prix affiché inclut déjà la TVA, ce qui rend la comparaison trompeuse si l’on ne remet pas tout en hors taxes.


    Bref, la prochaine fois qu’un ami vous dira qu’aux États-Unis les voitures sont « deux fois moins chères », invitez-le à sortir la calculatrice : la réalité est bien plus nuancée. Sauf pour les modèles qui ne sont pas importés en France, et pour cause !

  • L’automobile européenne face à son plus grand défi

    L’automobile européenne face à son plus grand défi

    Alors que la révolution électrique s’accélère dans d’autres parties du monde, l’industrie automobile européenne semble engluée dans un entre-deux qui n’a plus lieu d’être. Pendant que les constructeurs asiatiques gagnent du terrain avec des modèles compétitifs et une avance technologique marquée, les marques européennes, longtemps dominantes, donnent l’impression d’avoir raté le virage. La crise actuelle ne relève plus du simple cycle économique : elle traduit une profonde remise en cause d’un modèle qui n’a pas su anticiper l’inévitable.

    Rentabilité d’abord, vision ensuite ?

    Les années post-COVID avaient été marquées par une embellie paradoxale. Moins de volumes, certes, mais des marges record grâce à la montée en gamme, à la rareté des produits et à une stratégie centrée sur les véhicules les plus rémunérateurs. Beaucoup d’acteurs se sont félicités d’une rentabilité inédite dans l’histoire du secteur. Mais ce succès apparent masquait une vulnérabilité croissante. En privilégiant les SUV thermiques à forte marge, les marques européennes ont reporté les investissements massifs qu’exigeait la transition électrique.

    Aujourd’hui, les signaux d’alerte s’accumulent. Les stocks invendus gonflent dans les réseaux, les remises reviennent en force, et les résultats financiers commencent à s’effriter. Renault, par exemple, a dû passer d’importantes dépréciations sur sa participation dans Nissan, pris lui aussi dans la tourmente. Ce ne sont plus des alertes conjoncturelles, mais les symptômes d’un dérèglement structurel.

    La transition ratée

    L’Union européenne a fixé le cap : l’interdiction des ventes de véhicules à cylindres neufs à partir de 2035. Si cette échéance est perçue par certains industriels comme une menace, il faut rappeler qu’elle a été connue de longue date. Quinze ans : c’était le temps laissé pour repenser toute la chaîne de valeur, de la R&D à la distribution. Ce délai, la Chine l’a mis à profit pour bâtir un écosystème électrique complet. En Europe, on a préféré temporiser.

    Plutôt que d’investir dans une électrification accessible, les constructeurs ont misé sur la rentabilité immédiate, s’enfermant dans une logique haut de gamme peu compatible avec les réalités économiques d’une grande partie des consommateurs. Résultat : des véhicules électriques encore trop chers, une gamme souvent incomplète, et des ventes poussives dans les segments où la croissance est pourtant la plus forte. Mais la plus grande réalité, c’est le manque d’éducation de la population qui ne voit pas l’intérêt de participer pleinement à la transition technologique.

    Pendant ce temps, les marques chinoises multiplient les offensives : produits bien équipés, prix imbattables, maîtrise de la technologie batterie et intégration logicielle de pointe. Tout ça grâce à un fait : leurs clients ont voulu ce changement. La menace n’est plus théorique — elle est sur les quais européens, dans les concessions, et bientôt sur les routes.

    Le faux procès fait à Bruxelles

    Face à ces bouleversements, une partie des industriels se tourne vers les institutions européennes pour dénoncer un cadre jugé trop rigide, trop rapide, trop politique. L’interdiction du thermique est présentée comme un diktat technocratique déconnecté des réalités de terrain. Ce discours trouve des relais puissants, au point que certaines réglementations sur les émissions de CO₂ ont été repoussées de 2025 à 2027, dans un effort pour donner de l’oxygène à un secteur essoufflé.

    Mais cette posture défensive est à double tranchant. Car dans les pays où des conditions favorables ont été mises en place — fiscalité incitative, bornes de recharge en nombre suffisant, électricité à prix maîtrisé — la progression des ventes de véhicules électriques dépasse largement les attentes. La France, notamment. C’est donc que la demande est là, à condition de lui offrir les bons produits au bon prix. C’est moins la réglementation que l’offre qui fait défaut.

    Une stratégie de repli dangereuse

    Les espoirs de prolongation des moteurs à cylindres, même habillés de technologies hybrides sophistiquées, ne résoudront rien à moyen terme. Le reste du monde n’attendra pas l’Europe pour innover. Le discours rétrograde sur la « technologie éprouvée » ou « l’absence de maturité de l’électrique » ne tient plus face à la réalité du marché mondial. Le risque, en cherchant à sauver à tout prix le modèle du passé, est de s’exclure des nouvelles chaînes de valeur, d’accélérer la désindustrialisation et de perdre définitivement le lien avec les jeunes générations d’automobilistes.

    L’Europe a encore des cartes à jouer

    La situation n’est pas irréversible. L’Europe dispose d’ingénieurs brillants, de savoir-faire industriels puissants, de marques à forte notoriété. Mais elle doit changer d’approche. Cela suppose de mettre fin aux demi-mesures, de penser des véhicules électriques pour le plus grand nombre, de repenser la relation entre produit, usage et service, et d’investir massivement dans les infrastructures et l’amont industriel, en particulier sur les batteries.

    Ce n’est pas une course contre la Chine ou contre les États-Unis. C’est une course contre la montre pour réinventer une industrie européenne crédible, résiliente, désirable. Tant que les décisions seront dictées par le seul impératif de rentabilité trimestrielle, les constructeurs européens continueront de perdre du terrain.

    Il est temps de regarder la réalité en face : le statu quo est devenu la plus grande menace pour l’avenir de l’automobile européenne. Et le moteur sera l’intelligence de la clientèle.

  • L’Europe a tué la petite voiture qu’elle avait inventée

    L’Europe a tué la petite voiture qu’elle avait inventée

    Pendant plus d’un demi-siècle, l’automobile européenne a brillé par sa capacité à produire des voitures petites, ingénieuses et adaptées à un continent dense, urbain et sinueux. Fiat 500, Renault 4, Citroën 2CV, Mini, Peugeot 205, Lancia Ypsilon : autant de best-sellers qui ont incarné une vision populaire de l’automobile, économe en espace, en ressources et en énergie. Aujourd’hui, cette espèce est en voie d’extinction. Et ce sont les Européens eux-mêmes qui l’ont décimée.

    La fin de la citadine thermique

    Dans les gammes actuelles des constructeurs européens, les citadines thermiques ont quasiment disparu. Plus de Peugeot 108, plus de Citroën C1, plus de Ford Ka, plus d’Opel Adam. Même la Volkswagen up!, pourtant plébiscitée pour sa compacité, a quitté les chaînes. Les dernières survivantes s’appellent Fiat Panda ou Hyundai i10, et leur avenir est tout sauf assuré.

    La fin de ces modèles n’est pas une décision purement industrielle. Elle est la conséquence directe d’un empilement de réglementations environnementales et sécuritaires qui rendent la production de petites voitures thermiques économiquement intenable. Des normes d’émissions plus strictes (WLTP, Euro 6d), des équipements de sécurité obligatoires toujours plus nombreux (freinage autonome, maintien de voie, capteurs, caméras, etc.), et une pression constante sur les constructeurs pour électrifier leurs gammes ont conduit à un paradoxe : il est devenu moins coûteux de vendre un SUV de 2 tonnes qu’une citadine d’une tonne à bas prix.

    Le non-sens environnemental

    L’ironie est cruelle. À l’heure où la neutralité carbone est érigée en absolu politique, l’Europe a tué ses voitures les plus sobres. De la conception à la fin de vie, une petite voiture essence reste aujourd’hui l’un des moyens de transport les plus efficaces énergétiquement. Faible masse, petite batterie (quand elle est électrifiée), consommation réduite : leur empreinte carbone sur l’ensemble du cycle de vie est souvent inférieure à celle d’un SUV électrique lourd et surdimensionné.

    Mais les réglementations européennes, obsédées par les émissions au pot d’échappement, ignorent cette réalité. Elles favorisent artificiellement les véhicules zéro émission en usage, au détriment d’une évaluation globale. Comme l’ex-PDG de Polestar Thomas Ingenlath l’a régulièrement souligné, l’absence de cadre contraignant sur les émissions du cycle de vie (ACV) biaise profondément la transition écologique du secteur.

    Quand l’Europe oublie ses propres villes

    La question n’est pas seulement technique ou environnementale. Elle est aussi urbaine et culturelle. Comme le rappelait Luca de Meo, ex-apprenti de vente à la découpe de Renault, lors du récent Future of the Car Summit du Financial Times, les rues médiévales de Sienne, Salamanque ou Heidelberg n’ont pas grandi en 20 ans. Et les garages européens n’ont pas gagné de mètres carrés. Pourtant, les voitures ont, elles, largement pris du volume.

    Dans leur course à la mondialisation, les constructeurs européens ont conçu des modèles pensés pour les grands axes américains ou les mégalopoles chinoises, oubliant au passage les réalités locales. La proportion de véhicules de moins de 4 mètres produits par l’industrie européenne est passée de 50 % dans les années 1980 à moins de 5 % aujourd’hui. Un effondrement.

    Face à cette désertion, les consommateurs européens ne sont pas restés passifs. Ils ont progressivement basculé vers les petites japonaises, coréennes et, désormais, chinoises. Des voitures mieux adaptées à leur quotidien, là où l’offre locale s’est évaporée.

    Vers une renaissance ?

    Tout n’est pas perdu. Les constructeurs européens rêvent de voir les contraintes s’assouplir pour donner naissance à des kei-cars du Vieux Continents.

    Mais les conditions de rentabilité d’une petite voiture électrique sont étroites. Et la pression concurrentielle est intense, notamment face aux constructeurs chinois capables de proposer une citadine électrique comme la BYD Seagull à un prix défiant toute concurrence (environ 10 000 € en Chine).

    Repenser les règles du jeu

    Pour que la petite voiture survive — et prospère — en Europe, il ne suffira pas d’en faire une priorité industrielle. Il faudra repenser les règles. Cela peut passer par une fiscalité fondée sur la masse plutôt que sur la motorisation. Par un soutien à la fabrication locale de petites batteries. Par une réglementation qui privilégie la sobriété réelle plutôt que l’abstraction du zéro émission en usage.

    C’est aussi une question d’aménagement du territoire, de sécurité (primaire, pas seulement secondaire), de justice sociale et d’équité entre usagers de la route. Récompenser la compacité, la légèreté, la faible consommation, c’est non seulement favoriser l’innovation automobile, mais aussi rendre les villes plus respirables et les routes plus sûres.

    L’Europe a longtemps été la terre d’élection de la petite voiture. Elle en a fait un art, une industrie, une culture. Il est temps qu’elle s’en souvienne.

  • Elon Musk à Washington : un crash-test grandeur nature de la gouvernance par l’ingénierie

    Elon Musk à Washington : un crash-test grandeur nature de la gouvernance par l’ingénierie

    La rumeur prétendait qu’il allait « hacker » l’administration fédérale comme il a bouleversé l’automobile et l’aérospatial. Elon Musk, promu « employé gouvernemental spécial » pour une mission de 130 jours à la tête d’un improbable « Department of Government Efficiency » (DOGE, comme la crypto qu’il chérit tant), a livré un spectacle à mi-chemin entre la farce technocratique et le drame bureaucratique.

    Dans le rôle de la promesse de rationalisation, Musk s’est engagé à sabrer 2 000 milliards de dollars de dépenses publiques. À l’arrivée, selon les chiffres même de son équipe (discutables, comme souvent), le gain serait de 175 milliards… mais les coupes brutales auraient coûté, net, 135 milliards en pertes économiques et sociales, d’après plusieurs analyses indépendantes.

    Parmi les victimes prioritaires de cette croisade : USAID, l’agence d’aide internationale, quasiment démantelée. 80 % de ses programmes supprimés, des conséquences directes sur les pays qui survivent grâce aux subventions des pays occidentaux, Etats-Unis en tête. Le tout pour satisfaire une vision froide de la performance étatique, où chaque dollar doit être justifié comme sur un tableur Excel. Une approche qui, transposée à Tesla, aurait sans doute condamné la Model S dès son lancement.

    L’homme qui voulait coder la politique

    Musk à Washington, c’est une sorte de crossover entre House of Cards et Silicon Valley. Sauf que cette fois, le héros autoproclamé s’est brûlé les ailes. Il faut dire que l’homme arrive avec une aura de démiurge industriel : Tesla, SpaceX, Neuralink… et cette capacité rare à tordre le réel par la volonté. Mais ce pouvoir se heurte ici à une matière plus rétive : la démocratie représentative, les contre-pouvoirs, les contraintes sociales.

    Les décisions furent expéditives, souvent chaotiques. Licenciements de fonctionnaires en masse, arrêt brutal de programmes sans évaluation d’impact, management sous MDMA – littéralement, selon des accusations non confirmées mais abondamment relayées. L’homme le plus riche du monde, entouré d’un cercle de fidèles souvent plus proches du culte que du cabinet ministériel, a confondu la Maison-Blanche avec un plateau de lancement SpaceX.

    Un échec programmé

    Pourquoi a-t-il échoué ? Pas faute d’ambition, mais plutôt à cause de son absence de modestie politique. Matt Bai, dans le Washington Post, résume crûment : « Il a échoué parce que ses idées étaient si désespérément petites. » La révolution qu’on attendait s’est résumée à une purge sans vision, à des slogans libertariens usés jusqu’à la corde. Les programmes de « marionnettes transgenres au Guatemala », moqués dans les médias conservateurs, sont devenus des cibles faciles – mais symboliques – d’un Musk en quête de totems à brûler.

    Sa plus grande réussite ? Avoir humilié le fonctionnement gouvernemental autant que lui-même. À coups de tweets absurdes, de provocations esthétiques (saluts douteux, tenues enfantines, chaînes en or), et d’une gestion RH qu’on croirait tirée d’un roman de Michel Houellebecq.

    Une leçon pour l’automobile

    Que retenir de ce détour politique pour le monde de l’automobile ? Peut-être ceci : la disruption n’est pas un système de gouvernement. Ce qui fonctionne pour forcer un secteur à évoluer – batteries, propulsion électrique, conquête spatiale – ne fonctionne pas nécessairement pour gérer la complexité humaine. Le Musk qui a fait rêver les amateurs de technologies en abaissant le coût des lancements orbitaux et en industrialisant l’électrique se révèle incapable de structurer une action publique cohérente.

    Le parallèle avec les difficultés actuelles de Tesla est tentant. Alors que ses ventes fléchissent, que la concurrence chinoise grignote ses parts de marché, que les promesses de conduite autonome s’éternisent, Musk semble de plus en plus tenté par la fuite en avant idéologique plutôt que la consolidation industrielle. Il lui sera sans doute plus difficile de convaincre les investisseurs, désormais que sa réputation de visionnaire s’est noyée dans les eaux troubles de la politique.

    Un retour à la réalité

    À l’heure du départ, Musk quitte Washington avec un goût amer. Dace Potas, dans USA Today, note qu’il a fait « un effort sincère » pour réduire la taille de l’État… mais qu’il a été utilisé comme paravent par des Républicains trop heureux de le laisser s’empoisonner avec un projet impossible. Le projet de loi budgétaire final, qu’il a lui-même appelé une « abomination répugnante », contient un déficit supplémentaire de 3 600 milliards de dollars.

    Peut-être qu’un jour, ses fusées atteindront Mars. Mais à Washington, Elon Musk a surtout prouvé qu’on ne gouverne pas un pays comme on assemble une Model Y.

    Et si Musk avait raison ?

    Sans chercher à s’enfermer dans une posture systématiquement anti-Musk, ne perçoit-on pas ici un symptôme révélateur de la politique occidentale contemporaine ? Aux États-Unis comme en Europe, les gouvernements semblent paralysés par un immobilisme entretenu à la fois par une classe politique installée et par les fameux « partenaires sociaux », souvent arc-boutés sur la défense d’un statu quo dans lequel ils trouvent leur équilibre, sinon leur intérêt.

    En tentant, à sa manière, de réécrire les règles de la politique américaine, Musk s’est heurté à un mur. Syndicats, gardiens de l’orthodoxie institutionnelle, forces médiatiques et mouvances idéologiques diverses – de ce qu’il qualifie lui-même de « bien-pensance » à une gauche américaine qu’il considère plus dogmatique que réformiste – ont rapidement transformé son projet en champ de bataille. Pris dans les contradictions de son propre discours et confronté à des résistances bien enracinées, il a été politiquement broyé.

    En France, la start-up nation a été sacrifiée de la même manière. L’immobilisme reste et restera roi.

  • Quand l’essence coûtait plus cher qu’aujourd’hui : plongée dans Tchao Pantin et le vrai pouvoir d’achat des automobilistes

    Quand l’essence coûtait plus cher qu’aujourd’hui : plongée dans Tchao Pantin et le vrai pouvoir d’achat des automobilistes

    Dans une scène anodine, mais révélatrice du film Tchao Pantin (1983), Coluche est pompiste : en arrière-plan, le prix du super est affiché à 4,82 francs. À l’heure où le SP95-E10 est à 1,809 € le litre dans le même quartier, cette image d’archive nous offre une occasion précieuse de mesurer l’évolution du pouvoir d’achat automobile. Le prix de l’essence a-t-il vraiment augmenté ? Le conducteur moyen a-t-il perdu en liberté ? En fouillant les archives de l’INSEE et les statistiques de salaires, la réponse pourrait surprendre.

    1983 : quand un plein pesait lourd

    Convertir les francs en euros ne suffit pas pour comprendre. En 1983, le litre d’essence super était à 4,82 francs, soit 0,73 euro. Mais cette simple conversion trahit une réalité plus complexe. Car depuis 1983, l’inflation cumulée est d’environ 184 % selon les indices officiels. Ce qui signifie que ces 0,73 euro de 1983 équivalent aujourd’hui à 2,09 € en euros constants.

    Le litre de SP95-E10 est aujourd’hui vendu 1,809 € dans le même quartier parisien. En d’autres termes, le prix réel de l’essence a baissé.

    Mais cette baisse n’a de sens que si on l’intègre au contexte du pouvoir d’achat. Pour cela, comparons ce que représentait un plein de 50 litres pour un salarié payé au SMIC ou au salaire médian.

    SMIC et essence : le duel de toujours

    • En 1983, le SMIC net mensuel avoisinait 2 390 francs, soit 364,40 €. Un plein de 50 litres coûtait alors 241 francs, soit 10,08 % du SMIC.

    • En 2025, avec un SMIC net estimé à 1 400 €, le même plein coûte 90,45 €, soit 6,46 % du SMIC.

    Même dynamique du côté du salaire médian :

    • En 1983, estimé à 3 300 francs (503,20 €), un plein coûtait 7,3 % du revenu médian.

    • En 2025, pour un salaire médian de 1 900 €, le même plein revient à 4,75 %.

    Dans les deux cas, le coût du carburant pèse bien moins sur les revenus aujourd’hui qu’il y a 40 ans.

    Une liberté d’usage retrouvée

    À l’époque, une Renault 5 TL affichait une consommation moyenne de 7 à 8 litres aux 100 km. Aujourd’hui, une Citroën C3 ou une Peugeot 208 plafonnent à 5 litres, voire moins. Non seulement l’essence coûte moins cher en euros constants, mais les voitures consomment aussi moins, augmentant encore le pouvoir d’achat effectif lié à la mobilité.

    On pourrait objecter que le coût d’achat des voitures a explosé, mais il faut rappeler qu’en 1983, la voiture neuve n’était pas une évidence non plus. En proportion du revenu, une voiture neuve populaire coûtait environ un an de SMIC. C’est encore à peu près le cas aujourd’hui, selon les modèles et les remises.

    Le mirage de la nostalgie

    En 1983, les voitures étaient plus simples, les carburants au plomb, et l’entretien plus fréquent. Le rêve d’indépendance automobile se heurtait alors à une réalité bien plus coûteuse en proportion. Les stations-service étaient omniprésentes, mais le plein représentait un vrai sacrifice financier.

    Aujourd’hui, les prix à la pompe font encore régulièrement la une, mais ils sont trompeurs si on les isole du contexte. En proportion des revenus, rouler coûte moins cher qu’avant. Et si les débats sur la voiture électrique, les taxes ou les ZFE monopolisent l’actualité, il faut parfois se tourner vers le passé pour relativiser. L’automobiliste des années 1980, entre carburant plombé, freinage aléatoire et corrosion accélérée, n’avait pas vraiment plus de liberté que celui de 2025.

    Tchao fantasmes ?

    Tchao Pantin, au-delà de sa portée sociale, témoigne aussi d’un monde disparu : celui de la pompe à essence de quartier, du litre à moins de 5 francs… et d’un Paris où la voiture restait le refuge des solitaires. Aujourd’hui, la réalité est plus nuancée. Le prix affiché n’est pas toute l’histoire. Le vrai indicateur, c’est ce qu’il reste dans la poche une fois le plein fait.

    Et à ce petit jeu, les chiffres sont formels : l’automobiliste d’aujourd’hui est plus libre qu’hier. Peut-être pas dans sa tête. Mais certainement dans son porte-monnaie.

  • La BMW 323i et les records qui ont lancé Rimac

    La BMW 323i et les records qui ont lancé Rimac

    A 18 ans, Mate Rimac fait l’acquisition d’une BMW 323i passablement lessivée datant de 1984 pour participer à quelques courses d’accélération et de drift. A ce moment-là, il ne s’imagine pas que sa vie va autant changer avec cette Série 3.

    Sans surprise, le moteur lâche assez rapidement. L’idée est alors de remplacer le 6 en ligne par un V8, toujours bavarois. Mais l’argent manque et c’est la fibre locale qui va lui ouvrir de nouveaux horizons.

    Né en Croatie, Nikola Tesla est un héros national. Le lien est établi : pourquoi ne pas installer un moteur électrique emprunté sur un chariot élévateur pour continuer de faire rouler la 323.

    « Il y a douze ans, les voitures électriques étaient une blague, faites pour des gens qui n’aimaient pas les voitures », se rappelle Rimac. « On appelait notre voiture la machine à laver. »

    Mais la « nouvelle » BMW était rapide et elle est devenue encore plus rapide. Avec l’appui de son entourage, Rimac a créé sept évolutions, jusqu’à décrocher une série de records FIA et Guinness.

    « Il y a eu des incendies et des explosions », continue-t-il. « Je crois que j’ai dû me prendre une bonne centaine de vrais coups de jus quand j’ai construit cette voiture. Le moteur du chariot devait développer 5 chevaux. Mais on a pu en tirer 500 sur un temps réduit. J’ai vite appris combien de temps je pouvais accélérer à fond avant de tout cramer. »

    La BMW est restée fameuse chez Rimac Automobili. « L’un de nos gars l’a crashée il y a quelques années et je n’ai pas encore eu le temps de la réparer. »

  • Une voiture peut-elle être végane ?

    Une voiture peut-elle être végane ?

    Cherchant davantage à réduire les coûts qu’autre chose, certains constructeurs commencent à multiplier les communications autour de pièces véganes dans leur modèle, en lieu et place du cuir historique de provenance animale. Encore du bullshit ?

    Le véganisme est en plein essor. La vie à base de plantes est considérée comme une manière plus durable de prendre soin de la planète. Point positif : l’origine des matériaux utilisés dans les produits de tous les jours suscite plus d’intérêt que jamais.

    Mais comment l’automobile gère-t-elle cette question. Premier élément réglementaire : aucun animal ne peut être tué pour sa peau, c’est la loi. Le cuir naturel présent dans les voitures provient d’élevages de viande. Et pour résumer simplement, plus le cuir est beau et fait de larges pièces, plus on peut penser que la bête a bien vécu, en extérieur et avec un minimum de contraintes. Mais pour les véganes, même ce recyclage sous forme d’upcycling reste intolérable.

    Une voiture peut-elle être végane ?

    Non, répond The Vegan Society. Cet organisme s’est intéressé au sujet et la conclusion est sans appel. Au-delà des matières utilisées dans l’habitacle, l’acier du châssis peut recevoir de la graisse animale lors de la lubrification et les pneumatiques sont vulcanisés avec d’autres formes de graisses.

    Aux États-Unis, PETA a établi une liste de modèles aux intérieurs véganes, c’est-à-dire sans cuir sur les sièges, le volant ou le levier de commande de boîte de vitesses. Sans surprise, cette liste répertorie les modèles les plus bas de gamme… Mis à part la Polestar 2.

    Mieux vaut du vrai cuir que des matières transformées (sauf pour les véganes)

    Un vrai végane évitera le cuir naturel. Pourtant, les alternatives sont souvent une ineptie environnementale. One 4 Leather rappelle : « Aucun animal n’est tué pour votre siège d’auto. Ce cuir est un sous-produit de la viande bovine et de l’élevage laitier, et tant qu’un pourcentage massif de la population mondiale mange de la viande, il y aura toujours des déchets qui pourront être mis à profit. »

    Ce cuir, aussi beau soit-il, est d’abord un déchet qu’il convient d’utiliser au mieux au lieu de produire une matière supplémentaire. Car, dans ce cas, le « cuir » vegan (qui n’est pas du cuir) est très souvent fabriqué à partir de matières plastiques… Donc issu du raffinage du pétrole.

     

  • Des promesses, toujours des promesses…

    Des promesses, toujours des promesses…

    La fin du mois d’août est toujours propices à prendre de bonnes résolutions, tout du moins à les imaginer. Mon coup de folie du moment est d’acheter une voiture neuve !

    Nissan Qashqai a dépassé ses 80 000 kilomètres parcourus en un peu plus de six années. J’ai une envie de nouveauté. Comme mon entreprise d’acceptabilité du Renault Avantime n’a pas atteint son objectif, il faut se rabattre sur une option différente. Au cœur d’un parc de bientôt quatre véhicules, le Qashqai est le modèle « familial ». Il faut donc une carrosserie équivalente. Mais je suis usé de la conduite des SUV. Dilemme…

    Comme une grande berline des années 1990 va faire son entrée dans l’écurie, je cherche autre chose. J’ai d’abord pensé à une BMW Série 3 Touring… Mais je ne passe pas le cap de l’achat d’un Qashqai neuf en 2011 à 20 000 euros à un remplacement par un modèle deux fois et demi plus cher. Sorte de barrière psychologique. Je ne suis pas encore tout à fait prêt à acheter une voiture personnelle à 50 000 euros.

     

    Seconde envie : Mazda CX-3. SUV oui, mais SUV dans lequel on est assis très bas. J’ai passé l’hiver à son volant, il est parfait dans toutes les conditions… Moteur, boîte, esprit (c’est très important l’esprit !). Mais l’espace à bord et le coffre sont un peu trop étroits pour emporter toute la famille lorsque nous partons nous installer à l’autre bout du pays. Crève-cœur, car le Mazda CX-3 aurait vraiment été parfait. CX-5 ? Vraiment trop SUV pour me plaire en ce moment.

    Cette semaine, j’ai creusé. J’ai cherché ce que je voulais : un modèle un peu spacieux, mais plus petit que le Qashqai, clair, coloré, petit moteur essence, boîte automatique, régulateur de vitesse, phares et essuie-glace automatiques, toit panoramique, un minimum de connectivité, entre 20 et 25 000 euros. J’ai secoué le tout et j’ai sorti un Citroën C4 Cactus ! Toute la famille est conquise, je le teste début septembre… À lui de se montrer sous son meilleur jour.

    Hier soir, patatras… Volkswagen dévoile T-Roc. Sept centimètres de plus qu’un Cactus, mais toujours dix de moins que le Qashqai, une sacrée ligne, de belles teintes lors de la présentation, l’assurance d’avoir un moteur TSI et une boîte DSG au top, même chose pour les différents équipements… Et ? Et fin de la présentation, rentrez chez vous.

    Depuis des années, l’industrie automobile nous promet d’apprendre les leçons des univers numériques. Mais la transition est encore bien loin d’être acquise. Imaginez qu’Apple présente un nouveau MacBook Pro sans le mettre en vente dans l’heure ? Ce fut le cas encore l’an passé et j’ai passé ma commande à la fin de la présentation… Même chose quand j’ai acheté mon Samsung Galaxy S8 Plus. Présentation en direct, acte d’achat, réception deux ou trois semaines plus tard.

    Est-ce que ça existe dans le monde automobile ? Evidemment : Tesla ! Model 3 présenté, 115 000 véhicules commandés en 24 heures ! Rassurez-vous, ce n’est pas encore tout à fait comparable. Nos 115 000 acheteurs de mars 2016, devenus un demi-million, ne sont pas encore livrés.

    Des promesses, toujours des promesses… Même si je me réserve une dernière interrogation : aurais-je vramient envoyé 1 000 euros pour réserver un T-Roc dès hier soir ?