Catégorie : Histoire & Culture

  • Le culte du quotidien : pourquoi la Coccinelle est la Daily Classic parfaite

    Le culte du quotidien : pourquoi la Coccinelle est la Daily Classic parfaite

    Dans la quête perpétuelle du collectionneur pour « le prochain grand coup », il est facile d’oublier que le charme d’une ancienne réside dans sa capacité à rouler. En France, loin des spéculations sur les hypercars des enchères, la Volkswagen Coccinelle représente l’archétype du véhicule culte : facile à vivre, amusant à conduire, et paradoxalement, une machine à défier les modernes.

    La Coccinelle : plus qu’une voiture, un choix de vie

    En Europe, la Coccinelle est un monument de la démocratisation. Au-delà des chiffres de production, la « Cox » est surtout la meilleure porte d’entrée pour rouler en ancienne tous les jours, sans la peur constante de la panne ou du devis exorbitant.

    Pourtant, il faut avouer qu’être passager d’une Cox dans le trafic moderne demande une certaine foi. Sans direction assistée, avec une puissance qui laisse place à une « déficience de couple » et des ceintures de sécurité qui ne sont pas la première ligne de défense, on s’accroche parfois à la poignée du tableau de bord. Mais ces petites frayeurs sont vite balayées par la fierté du décalage.

    Le secret du « Daily Classic » réussi

    Quand on veut une belle Cox, on ne plaisante pas avec l’entretien. La philosophie de restauration est claire : remettre d’abord la voiture dans un état mécanique irréprochable, puis rouler régulièrement. Contrairement aux voitures de musée, la Cox est faite pour être utilisée, pour mélanger le bruit typique des cylindres à l’arrière avec le tumulte de la ville.

    Même si l’on cherche à respecter l’époque, une légère dose de modernité est bienvenue pour le confort d’aujourd’hui. Un allumage électronique, l’amélioration des carburateurs, l’ajout d’un alternateur : ces ajustements cruciaux ne trahissent pas l’âme de la voiture, mais assurent sa fiabilité face aux exigences du trafic moderne. Ce n’est qu’après cela qu’une restauration esthétique complète prend tout son sens.

    L’investissement de la passion

    Aujourd’hui, le marché français reflète la notoriété et le côté culte de la Coccinelle. La période idéale pour un modèle de collection se situe entre les années soixante et le milieu des années soixante-dix. Si les modèles plus anciens offrent une meilleure valeur résiduelle, l’approvisionnement en pièces est devenu une facilité, et non un obstacle. C’est le grand avantage de la Cox : son héritage mondial assure une logistique de pièces presque sans faille.

    La montée en puissance est visible sur les prix. Aujourd’hui, un exemplaire sain à restaurer coûte dix fois plus cher qu’à la meilleure époque. Mais même avec le coût d’une restauration complète, l’investissement reste bien inférieur aux « Youngtimers » plus sophistiqués.

    La Coccinelle, c’est l’essence même de la démocratisation du plaisir (avec une histoire large comme l’hémicycle de l’assemblée). Elle est la preuve que l’on peut rouler avec un morceau d’histoire tous les jours, défier le trafic dans une machine à air et se garer avec fierté, le tout sans verser une goutte de sueur. Parler de destinée, c’est peut-être cela : la voiture du peuple qui est devenue, près d’un siècle plus tard, le classique du peuple.

  • Du « pare-bouse » au cockpit virtuel : l’évolution culte du tableau de bord

    Du « pare-bouse » au cockpit virtuel : l’évolution culte du tableau de bord

    Aujourd’hui, nos voitures nous parlent, nous guident et affichent des écrans haute définition. Pourtant, le terme « tableau de bord » a des origines bien plus rustiques, liées aux chevaux et à la boue. En retraçant l’histoire de cette simple cloison protectrice, on comprend l’incroyable voyage qui a mené l’automobile du simple instrument de déplacement au véritable smart device roulant.

    L’origine inattendue : le « dashboard » du cocher

    Il est amusant de constater que le mot « dashboard » (littéralement « planche de tableau » ou « pare-bouse ») remonte aux calèches et aux chariots. Ce n’était à l’origine qu’une simple cloison destinée à protéger le cocher des débris et de la boue projetés par les sabots des chevaux au trot. Cette cloison servait également à stocker le fouet, les rênes, et le foin des bêtes. Selon le budget du propriétaire, elle était faite de bois, de cuir ou de tôle. Le tableau de bord, initialement, était donc un simple bouclier fonctionnel.

    L’âge du laiton : quand le moteur remplaça le cheval

    Avec l’apparition des premières automobiles à la fin du XIXe siècle, le tableau de bord a entamé sa première mue. Le besoin de protection physique s’est transformé en besoin d’information. Les premiers tableaux de bord ne contenaient que des éléments basiques et mécaniques : le levier de frein, la bouteille en verre pour l’huile de lubrification et, progressivement, un premier bloc d’instruments.

    C’était l’époque de l’élégance brute : le design des véhicules haut de gamme s’affinait, introduisant des matériaux nobles comme le laiton pour les entourages d’instruments. Le simple speedometer et l’odomètre sont rejoints par le compte-tours et l’indicateur de pression. C’est surtout à la fin des années 30, lorsque la voiture est perçue non plus comme un simple outil mais comme un lieu de vie, que l’on voit arriver le chauffage et les premières radios à tubes, préparant le terrain pour la révolution du confort intérieur.

    La révolution du plastique et l’ère du loisir

    L’après-guerre a accéléré la transformation. Le tableau de bord est devenu un espace de design à part entière, gagnant en couleur et en intégration. Mais l’évolution la plus radicale fut l’arrivée de l’industrie du plastique rigide. Ce nouveau matériau a permis de produire en masse les volants, les leviers et les boutons, rendant les intérieurs plus complexes et moins chers à fabriquer.

    Le tableau de bord est alors devenu l’hôte des accessoires du « confort » et du statut social. Si les aérations étaient initialement réservées aux modèles haut de gamme, le standard de l’époque est rapidement devenu le chrome sur les radios et, surtout, l’incontournable allume-cigare et le cendrier : signes que l’on passe désormais du temps dans sa voiture.

    L’assaut numérique : du GPS au cockpit virtuel

    Les années 80 marquent le début de l’explosion technologique. Le tableau de bord se complexifie avec des systèmes de climatisation sophistiqués, des compartiments de rangement, puis l’intégration progressive des premiers systèmes de navigation GPS.

    Dans les années 2010, l’avènement du numérique a tout bousculé. L’infotainment est devenu la norme, et le tableau de bord, jusqu’alors une unité statique, est devenu un écran tactile et une interface logicielle. Devant le conducteur, le tableau de bord numérique – le virtual cockpit – a remplacé les cadrans physiques.

    Cette technologie offre une sécurité accrue, en plaçant la carte de navigation satellite directement dans le champ de vision du conducteur. Plus besoin de détourner le regard vers le centre de la console ! Mieux encore, le conducteur peut désormais personnaliser l’affichage via le volant multifonction : augmenter la taille du compte-tours, faire disparaître le répertoire téléphonique ou afficher la carte en grand. C’est l’ultime évolution : le tableau de bord, né pour arrêter la boue du cheval, est devenu un centre de commande intelligent, où le conducteur est aux manettes de sa propre expérience numérique. Un véritable bond de la charrette au smartphone.

  • La flamme éternelle : les clubs Porsche, là où la passion n’a pas d’âge

    La flamme éternelle : les clubs Porsche, là où la passion n’a pas d’âge

    Plus qu’un simple réseau automobile, la communauté des Porsche Clubs est une famille mondiale. Fondé le 26 mai 1952, ce club rassemble aujourd’hui plus de 240 000 membres répartis dans plus de 700 clubs à travers le monde. Mais au-delà de sa portée globale, c’est l’incroyable amplitude d’âge de ses membres qui témoigne de la profondeur de la légende Porsche. Trois histoires extraordinaires illustrent comment cette passion transgénérationnelle se transmet et se renouvelle.

    Jörg Steidinger : le gardien de la légende à 90 ans

    Après une longue carrière d’orfèvre, Jörg Steidinger, un passionné inconditionnel de la Porsche 356, profite d’une retraite bien méritée. À une époque, il a possédé 15 exemplaires de l’icône refroidie par air. Aujourd’hui, quatre demeurent sous sa garde, la plus ancienne étant un 356 C Cabriolet de 1963 qu’il possède depuis près de 45 ans.

    « J’ai cette voiture depuis presque la moitié de ma vie, » sourit Steidinger. « C’est plus qu’un simple véhicule – c’est une partie de mon histoire. »

    Jörg est un pilier de la communauté, ayant co-fondé le Porsche 356 Club Germany, qui célèbre cette année son 50e anniversaire. Malgré son âge avancé, il insiste sur le fait que ses voitures doivent être conduites pour rester en forme et est reconnaissant d’être encore en mesure de prendre le volant. Il a transmis le « virus Porsche » à ses trois fils, qui hériteront un jour de ses précieuses machines.

    Il note que la plupart des membres ont 45 ans et plus, un fait attribuable au coût des véhicules, mais il est convaincu que la nouvelle génération apporte une « énergie fraîche » dès qu’elle rejoint la communauté.


    Theo Brunt : du fast-food à la Cayman S à 16 ans

    Pour la plupart, la première voiture est un modèle modeste. Pas pour Theo Brunt. Début 2024, il est devenu le plus jeune membre du Porsche Club New Zealand (PCNZ), à seulement 16 ans, en achetant sa toute première voiture : une Porsche Cayman S de 2008 de couleur argent.

    Comment ? En travaillant de longues heures dans un restaurant rapide après l’école pendant 18 mois.

    Le jeune Néo-Zélandais a depuis troqué le monde du poulet frit pour une carrière en ingénierie automobile, après avoir décroché un poste de mécanicien apprenti. Maintenant propriétaire de sa deuxième Cayman, Theo est un visage régulier des événements du PCNZ.

    « Les autres membres étaient évidemment très surpris de voir quelqu’un d’aussi jeune que moi – le prochain membre le plus jeune que j’ai rencontré a la trentaine, » raconte-t-il. « Mais tout le monde a été si accueillant. »

    Sa passion l’a propulsé vers un avenir professionnel précis : il vise des qualifications en ingénierie et en conception assistée par ordinateur, rêvant de travailler chez Porsche ou Manthey.


    Jonathan Webb : un futur ambassadeur à 11 ans

    Le terme « obsessionnel » prend tout son sens avec Jonathan Webb, 11 ans, de Toronto. Grâce au programme Juniors du Porsche Club of America (PCA), Jonathan est déjà un visage familier. Il est passé d’aider son père à préparer sa 911 Carrera 4S (génération 996) pour des expositions à soutenir le personnel du PCA lors d’événements.

    « Les enfants comme Jonathan sont l’avenir de notre club, » confirme Vu Nguyen, directeur exécutif du PCA.

    Jonathan n’est pas timide : il a déjà rencontré Hans-Peter Porsche (fils de Ferry Porsche) et a récemment interviewé le présentateur de télévision américain Chris Jacobs devant la caméra. Il a les yeux rivés sur une Porsche 944 pour sa première voiture, et après avoir appris à vidanger l’huile de la 911 de son père, il se voit poursuivre une carrière dans le sport automobile.

    Le PCA encourage activement ces jeunes membres, leur donnant la liberté de créer les nouvelles traditions du club, assurant que la passion de la marque perdure pour le siècle à venir.

  • Du Quadrifoglio à la Gazzella : l’histoire secrète d’amour entre Alfa Romeo et les Carabinieri

    Du Quadrifoglio à la Gazzella : l’histoire secrète d’amour entre Alfa Romeo et les Carabinieri

    La livrée bleu nuit et rouge des Carabinieri est l’une des plus respectées d’Italie. Mais au-delà de l’uniforme, une autre couleur incarne le culte de l’intervention rapide : le Quadrifoglio Verde. La livraison récente d’une Alfa Romeo Giulia Quadrifoglio (et, pour la première fois, d’une Maserati) pour le transport urgent d’organes, n’est pas un simple partenariat commercial. C’est le prolongement d’une tradition qui a débuté il y a plus de 70 ans, façonnant le mythe de la « Gazzella ».

    La naissance de la « Gazzella »

    L’histoire commence après la Seconde Guerre mondiale, lorsque le corps des Carabinieri, cherchant à se moderniser et à s’équiper de véhicules rapides pour les interventions d’urgence, s’est tourné vers le fleuron de l’industrie nationale. La première collaboration officielle avec Alfa Romeo a lieu en 1951 avec la 1900 M « Matta », un 4×4 robuste.

    Cependant, la véritable légende, le terme qui est entré dans le jargon populaire pour désigner les véhicules d’intervention rapide, est apparue un an plus tard. En 1952, la berline Alfa Romeo 1900 devint la toute première « Gazzella » (Gazelle). Ce surnom, emprunté à la rapidité de l’animal, était parfaitement justifié par la performance de l’Alfa Romeo, bien supérieure à la moyenne du parc automobile de l’époque.

    L’âge d’or : le mythe de la Giulia

    Le point culminant de cette alliance a été atteint dans les années 1960 avec la Giulia. De 1963 à 1968, la berline Alfa Romeo fut le véhicule d’intervention par excellence.

    La Giulia n’était pas seulement rapide ; elle était compacte, maniable et possédait une motorisation de course, permettant aux Carabinieri de mener des poursuites efficaces même dans les ruelles étroites des villes italiennes. Elle est devenue l’icône de la police italienne, le symbole visuel de la loi en action, capable d’allier performance sportive et devoir civique. Sa postérité est immense : la Giulia est sans doute l’Alfa Romeo la plus associée à l’image du Carabinieri en uniforme.

    Une tradition ininterrompue

    Depuis la Giulia, le partenariat entre le constructeur de Milan et le Corps militaire s’est poursuivi sans jamais s’interrompre, témoignant de l’excellence et de la fiabilité des modèles Alfa Romeo sous la contrainte opérationnelle :

    • Alfetta : Le modèle des années 1970 et 1980 a perpétué la tradition de la berline rapide.
    • Les 90, 75 et 155 : Elles ont porté le relais dans les années 1980 et 1990.
    • Les 156 et 159 : Elles ont équipé le corps au début du XXIe siècle, conservant une esthétique sportive même sous livrée institutionnelle.

    À chaque génération, l’Alfa Romeo des Carabinieri est devenue bien plus qu’une simple voiture de fonction : c’est un outil de fierté nationale et d’efficacité opérationnelle.

    La Quadrifoglio 2025 : l’héritage au service de la vie

    La livraison de cette semaine ancre ce culte dans la modernité. La nouvelle Alfa Romeo Giulia Quadrifoglio, sortie de l’usine de Cassino, est l’héritière directe de la « Gazzella » des années 60, mais avec une puissance et une technologie sans précédent.

    Avec son moteur V6 biturbo de 520 chevaux, son différentiel autobloquant mécanique et sa propulsion, cette Giulia n’est pas destinée à patrouiller, mais à accomplir la mission la plus noble : le transport urgent d’organes et de sang. La vitesse et la fiabilité de la Quadrifoglio, initialement conçues pour la performance sur piste, sont ici directement mises au service de la communauté.

    Comme l’a souligné le Général C.A. Salvatore Luongo, Commandant Général des Carabinieri, cette collaboration représente un « alignement des objectifs au service de la communauté », où la fiabilité des véhicules devient « un outil vital pour sauver des vies ». L’alliance entre la performance automobile italienne et l’efficacité institutionnelle n’a jamais été aussi essentielle.

    Et pour la première fois, la Maserati MCPURA (un coupé V6 Nettuno de 630 chevaux) rejoint la flotte des urgences. Si l’entrée d’un Trident est historique, c’est bien la présence continue du Quadrifoglio qui confirme : plus de sept décennies après la première « Gazzella », le cœur d’Alfa Romeo continue de battre au rythme des missions les plus urgentes de l’Italie.

  • La Basilicate réinventée : comment l’usine de Melfi a bâti l’avenir global de Jeep

    La Basilicate réinventée : comment l’usine de Melfi a bâti l’avenir global de Jeep

    Loin des clichés de la Motor Valley et du Piémont, c’est au cœur de la Basilicate, entre les oliviers et les collines, que se joue depuis trente ans une histoire essentielle de l’automobile européenne. L’usine de Melfi, née d’un pari politique, est devenue le laboratoire de Stellantis et, surtout, le pivot mondial de la marque Jeep.

    Melfi : le pari ambitieux du Sud industriel

    Pour comprendre le rôle actuel de l’usine de Melfi – aujourd’hui vitrine de la nouvelle Jeep Compass électrique – il faut remonter au début des années 1990. Le site, un complexe d’acier et de verre de près de deux millions de mètres carrés, a été inauguré par Fiat comme un geste fort : faire entrer le sud de l’Italie, traditionnellement moins industrialisé que le Nord, dans la modernité.

    Melfi n’était pas un choix par défaut ; c’était un pari politique et social visant à rééquilibrer la production italienne au-delà de Turin. Les modèles qui y sont nés, de la Fiat Punto à la Lancia Ypsilon, ont marqué l’entrée dans l’automobile pour toute une génération européenne. L’usine a prouvé la rigueur de ses ouvriers et la précision de ses ingénieurs, incarnant une Italie industrielle capable de grande échelle et de qualité. Melfi est rapidement passée du statut d’usine satellite à celui de monument de la résilience industrielle.

    L’allégeance à l’aigle américain : quand Jeep dépasse Détroit

    Le véritable tournant, et ce qui nous intéresse au premier chef, arrive en 2014. Après l’arrêt de la production des modèles historiques, Melfi faisait face au spectre du déclin. Mais FCA, sous l’impulsion de Sergio Marchionne, a pris une décision radicale : faire de ce site italien le berceau d’une icône américaine, la Jeep Renegade.

    Ce fut la première Jeep de l’histoire à être produite en dehors du continent nord-américain. Ce choix stratégique a permis à Jeep de se positionner au cœur du marché européen, avec des coûts de logistique réduits et une réactivité accrue. En associant l’ADN américain de liberté et de capacité tout-terrain à la précision italienne de l’assemblage et du design, Melfi a façonné une identité à part. En une décennie, plus de 2,3 millions de Jeep – incluant les premières versions de la Compass et ses déclinaisons hybrides rechargeables 4xe – sont sorties des chaînes du Sud, prouvant que le mythe Jeep pouvait s’épanouir sous un ciel italien.

    Du V12 aux Watts : Melfi, laboratoire de la « liberté de production »

    Aujourd’hui, l’usine s’adapte à une nouvelle révolution : l’électrification. La nouvelle génération de la Jeep Compass, conçue sur la plateforme STLA Medium, n’est plus seulement un véhicule produit en Italie ; elle est la vitrine d’un savoir-faire industriel unique en pleine transition énergétique.

    Le concept clé réside dans la « liberté de production » : la plateforme modulaire permet d’assembler, sur la même ligne, des versions hybrides, hybrides rechargeables et 100 % électriques. Cette flexibilité est vitale dans un marché européen imprévisible, permettant à Stellantis d’adapter son mix industriel presque instantanément, sans rupture.

    Melfi est donc devenue un véritable laboratoire technologique pour le groupe, testant des procédés de pointe (contrôle qualité par caméras haute résolution, peinture « 4-Wet » à faible impact environnemental) et visant l’autonomie énergétique.

    L’héritage ouvrier, moteur de la culture voiture

    Au-delà des chiffres techniques (jusqu’à 375 chevaux et 650 km d’autonomie pour la nouvelle Compass), ce qui fascine, c’est la dimension humaine et culturelle. L’usine emploie plus de 4,600 personnes, dont l’ancienneté moyenne dépasse vingt ans. Ces ouvriers et ingénieurs sont les héritiers de l’histoire industrielle initiée par la Punto, et sont aujourd’hui les artisans de l’électrique.

    La fierté qui émane de ces équipes n’est pas seulement celle du travail bien fait, elle est celle d’une région qui, souvent sous-estimée, a prouvé sa capacité à s’adapter sans renier son héritage. En voyant la nouvelle Compass sortir de Melfi, le passionné ne regarde pas seulement un SUV global. Il voit le résultat d’une histoire de trente ans, où le pragmatisme du Sud italien s’est marié à l’icône de l’aventure américaine, assurant ainsi la pérennité du culte Jeep pour la génération électrique.

  • Le ballet logistique : quand la « Beast » et son cortège défient les lois du Grand Tourisme

    Le ballet logistique : quand la « Beast » et son cortège défient les lois du Grand Tourisme

    La voiture du président des États-Unis (POTUS) est l’ultime expression du secret, de la puissance, et de la démesure. Mais l’histoire la plus fascinante n’est pas celle de son blindage ou de son V8 : c’est celle de son voyage. Quand la « Beast » quitte la Maison-Blanche, l’interstate ne suffit plus.

    La Cadillac présidentielle, affectueusement surnommée la « Beast » (la Bête) par la presse et le grand public, est bien plus qu’une limousine. C’est une forteresse roulante, un symbole national, et une œuvre d’ingénierie qui éclipse presque tous les autres véhicules blindés au monde. Pourtant, au-delà de ses spécifications classifiées, la question de sa mobilité intercontinentale reste l’une des plus spectaculaires. Que le commandant en chef se déplace pour une brève allocution domestique ou une visite diplomatique à l’étranger, le Service Secret n’utilise pas le réseau routier pour le transport longue distance. La réponse est simple, mais spectaculaire : la « Beast » vole.

    Pour le Service Secret américain, déplacer le cortège présidentiel relève d’une logistique militaire de très haute précision, menée en collaboration avec l’Armée de l’Air. On ne parle pas de faire la queue aux douanes ou de prendre l’autoroute. On parle de mobiliser les géants du transport lourd : les Boeing C-17 Globemaster III. Ces transporteurs lourds sont l’épine dorsale du déménagement présidentiel. Un seul C-17 est typiquement désigné pour la tâche la plus noble : il est responsable d’acheminer deux limousines présidentielles (les fameuses « Beasts », car il y a toujours un double en service) ainsi qu’une paire de Chevrolet Suburbans blindés qui composent l’essentiel du cortège. D’autres C-17 suivent pour le reste des véhicules de support et de communication, selon les besoins de la mission.

    Imaginez la scène, digne d’un film d’action, mais réelle : une fois à bord du C-17, les deux « Beasts » sont méticuleusement positionnées nez à queue au centre de la soute. Les Suburbans blindés, souvent presque aussi lourds que les limousines, sont quant à eux arrimés sur la rampe de chargement. Cette rampe, une fois repliée et verrouillée, forme une descente notable vers la cabine. L’arrimage des véhicules est une opération vitale, car le poids total, bien que classifié, exige une parfaite répartition. Environ quarante agents du Service Secret accompagnent leur cargaison, leurs bagages simplement sanglés au sol. Le vol n’est pas de tout repos : les agents s’installent sur des sièges d’appoint le long de la carlingue, même s’il est fréquent qu’ils optent pour s’allonger, par nécessité, directement sur le plancher de la soute pour le repos.

    Le gouvernement refuse obstinément de divulguer le poids exact des limousines et des Suburbans blindés – secret défense oblige. Cependant, les professionnels savent que la charge totale est très inférieure aux environ 77,5 tonnes de capacité du C-17. C’est là que la culture de la sur-ingénierie et de la discrétion prend tout son sens. Si l’Armée de l’Air mobilise un transporteur intercontinental pour seulement deux voitures, c’est que la « Beast » ne représente pas seulement une charge physique, mais une priorité logistique absolue. Ce n’est pas le tonnage qui dicte le choix, mais la nécessité de la présence immédiate, discrète et inébranlable du symbole automobile le plus sécurisé au monde, à tout moment et en tout point du globe.

    La prochaine fois que vous verrez la « Beast » à l’étranger, rappelez-vous que ce n’est pas une simple berline de luxe qui s’est garée là : c’est un véritable ballet aérien qui a été orchestré pour que ce mythe automobile soit toujours prêt à rouler.

  • L’archive révélée : le plan 1:1 de la Lamborghini 350 GT, autopsie d’une naissance culte

    L’archive révélée : le plan 1:1 de la Lamborghini 350 GT, autopsie d’une naissance culte

    Parfois, le plus grand trésor d’une marque n’est pas le métal poli, mais le papier jauni.

    À l’heure où les designers automobiles travaillent sur des moniteurs 3D et où le « pixel » a remplacé le « crayon », l’annonce faite par Lamborghini Polo Storico lors de l’événement Auto e Moto d’Epoca prend une saveur toute particulière pour les amoureux de la culture automobile. Le département Héritage de Sant’Agata Bolognese célèbre son dixième anniversaire en exposant la plus ancienne 350 GT survivante (châssis n°2), mais surtout, en levant le voile sur une relique fondatrice : un dessin technique à l’échelle 1:1 de l’aménagement intérieur de la 350 GT, daté de 1963.

    Ce n’est pas un simple croquis. C’est l’acte de naissance, tracé à la main, de l’ADN Gran Turismo de Lamborghini.

    Le trait de crayon contre le pixel

    En 1963, l’ordinateur n’est pas l’outil du designer. Le processus de création d’une automobile de luxe passait par des planches à dessin gigantesques, souvent à l’échelle réelle (1:1), pour valider les volumes, l’ergonomie et la faisabilité technique.

    Ce document, décrit par Lamborghini comme le plus ancien de ses archives historiques, n’est pas là pour faire joli. Il est le témoin d’une collaboration intense entre un jeune constructeur ambitieux, Ferruccio Lamborghini, et le maître-carrossier Carrozzeria Touring, concepteur de la fameuse carrosserie Superleggera de la 350 GT.

    Le plan 1:1 de l’habitacle de la 350 GT est une véritable autopsie du luxe italien des années 60 :

    1. L’ergonomie de la défiance : Il révèle comment les ingénieurs de l’époque ont articulé l’espace intérieur autour du puissant V12 de Giotto Bizzarrini, positionné longitudinalement à l’avant. C’est sur ce papier que les cotes exactes du volant, du pédalier et de la console centrale ont été fixées, définissant le confort et la position de conduite exigés par Ferruccio Lamborghini, pour faire mieux et plus civilisé que la concurrence de Maranello.
    2. L’âme du détail : Il témoigne de l’importance du tableau de bord. La position des compteurs Jaeger, les interrupteurs à bascule, le levier de vitesse… Chaque élément était méticuleusement positionné. Un dessin 1:1 permettait aux artisans de visualiser précisément la disposition des luxueuses selleries en cuir et des boiseries, avant même que le premier panneau d’aluminium ne soit frappé.
    3. Le symbole de la rigueur: Ce document est la preuve palpable de la rigueur industrielle qui a présidé aux débuts de Lamborghini. Il fallait convertir la vision sauvage du prototype 350 GTV en un produit fini, industrialisable par Touring. Le plan est la passerelle entre l’idée artistique et la réalité mécanique.

    Polo Storico : Le gardien du geste

    L’exposition de ce dessin souligne le rôle essentiel du Polo Storico. Leur mission va au-delà de la restauration des automobiles (comme le montre le travail de certification de la 350 GT n°2). Elle englobe la sauvegarde du patrimoine immatériel et technique de la marque.

    En préservant et en étudiant de tels documents, le Polo Storico ne fait pas que raconter l’histoire. Il offre aux collectionneurs et aux historiens un accès privilégié au processus créatif. Dans un monde automobile dématérialisé, ce plan papier, avec ses annotations et ses cotes, est un véritable artefact de la culture voiture, le souvenir d’un temps où l’échelle 1:1 était la seule réalité virtuelle possible.

    C’est là que réside le culte : dans la capacité à remonter le temps, non pas seulement pour voir le résultat final, mais pour observer la main et l’intention qui ont donné naissance à la légende Lamborghini.

    Le dessin 1:1 de la 350 GT n’est pas un simple document, c’est le plan de la grandeur à venir.

  • Toyota crée Century : une marque encore plus exclusive que Lexus

    Toyota crée Century : une marque encore plus exclusive que Lexus

    Alors que la plupart des constructeurs cherchent à simplifier leurs gammes ou à fusionner leurs multiples labels, Toyota choisit une voie inverse. Le géant japonais s’apprête à lancer une nouvelle marque de prestige baptisée Century, positionnée au-dessus de Lexus. Oui, au-dessus. Un mouvement audacieux qui propulse Toyota dans un univers habituellement réservé à Rolls-Royce ou Bentley.

    Un nom chargé d’histoire

    Le nom Century n’est pas inconnu : il s’agit de la limousine officielle du gouvernement japonais depuis 1967, un modèle mythique souvent associé à l’empereur, au Premier ministre et… à la Yakuza. Véritable symbole du pouvoir nippon, la Century a toujours incarné la discrétion et le raffinement à la japonaise.

    Sa première génération célébrait le centenaire de la naissance de Sakichi Toyoda, fondateur du groupe. La deuxième génération, lancée en 1997, reste célèbre pour avoir inauguré le seul moteur V12 jamais produit par un constructeur japonais : un 5,0 litres atmosphérique de 48 soupapes, conçu exclusivement pour ce modèle. Un moteur unique, aussi feutré que noble, resté au catalogue pendant plus de vingt ans.

    Aujourd’hui, Toyota veut capitaliser sur ce prestige pour en faire un véritable label automobile, à part entière.

    Century, la « Rolls japonaise » devient marque

    « Jusqu’à présent, la place de la Century dans notre gamme n’était pas clairement définie », reconnaît Akio Toyoda, président du groupe. « Lexus a toujours joué le rôle du fils aîné, responsable et ambitieux, tandis que Toyota était le cadet, plus populaire. Mais je me suis demandé : pourquoi ne pas aller au-delà, créer quelque chose au-dessus de Lexus ? »

    L’idée a séduit les stratèges de la marque. Car si Lexus a su s’imposer comme alternative crédible aux marques premium européennes, Toyota estime qu’il reste une marge au sommet, celle du luxe d’apparat, du véhicule de représentation, presque d’exception. C’est là que Century interviendra : non pas comme une gamme luxueuse de plus, mais comme une marque à part entière, synonyme d’exclusivité absolue.

    Lexus libérée, Century magnifiée

    Simon Humphreys, Chief Branding Officer de Toyota, précise la stratégie :

    « En un sens, cela donne plus de liberté à Lexus, qui peut poursuivre sa quête d’innovation et d’expérimentation. La marque Century, elle, vise le sommet, l’ultra-luxe, l’unique. »

    En clair : Lexus reste le laboratoire du design et de la technologie, tandis que Century devient le fleuron du savoir-faire artisanal japonais. On peut s’attendre à des voitures fabriquées en très petites séries, avec un niveau de finition rivalisant avec Bentley, voire Rolls-Royce.

    Pas de modèle révélé (encore), mais des ambitions affichées

    Toyota n’a pas encore dévoilé de modèle Century 100 % inédit, mais tout indique que la marque démarrera autour d’une grande berline chauffée à blanc de prestige, destinée à concurrencer directement les références britanniques et allemandes. La future limousine conserverait l’esprit sobre et solennel de la Century historique, avec une motorisation hybride ou 100 % électrique, et une production strictement limitée au Japon.

    L’introduction d’un SUV Century en 2023 — sur base de Lexus TX — semble avoir servi de ballon d’essai. Le lancement de la marque confirme que Toyota assume pleinement son ambition de s’installer dans la sphère de l’ultra-luxe, un terrain qu’aucun constructeur japonais n’avait véritablement osé investir jusqu’ici.

    Toyota, empire du rationnel et du pragmatisme, s’aventure ici sur un terrain presque philosophique : le luxe émotionnel et culturel, incarné par le raffinement, la patience et la perfection de l’artisanat japonais. Dans un monde automobile dominé par la performance et la technologie, Century incarne une autre idée du prestige — celle du wa, l’harmonie et la discrétion.

    Et si Lexus fut, en son temps, la réponse japonaise à Mercedes, Century pourrait bien être la réponse nippone à Rolls-Royce.

  • La naissance difficile de l’icône urbaine : l’odyssée technique de la Smart

    La naissance difficile de l’icône urbaine : l’odyssée technique de la Smart

    La Smart City Coupé n’est pas née d’une planche à dessin traditionnelle, mais d’une vision culturelle et de la fantaisie obstinée d’un homme : Nicolas Hayek. L’instigateur de Swatch, que l’on décrivait alors comme « un consultant [en management] froissé et fumant le cigare », cherchait à créer une voiture qui serait à la fois « populaire et branchée », une riposte à la « décadence de cette civilisation ».

    Dès février 1990, le projet de la Swatchmobile est évoqué. Le concept était simple, mais radical : un petit véhicule électrique capable de transporter « deux personnes et deux caisses de bière » pour un prix défiant toute concurrence.

    Le naufrage chez Volkswagen et le salut chez Mercedes

    L’histoire de la Smart est celle d’un projet qui a frôlé la mort plusieurs fois. Après avoir trouvé un premier partenaire en Volkswagen, le rêve d’Hayek fut brutalement écrasé par Ferdinand Piëch. Le nouveau grand patron de VW, donnant la priorité à son propre projet hybride, le Chico, jugea la proposition d’Hayek d’un œil technique sévère : il la qualifia de « patin à roulettes d’éléphant – pas même une voiture bulle pratique ». L’accord fut rompu.

    C’est là qu’un sauveur inattendu émergea sous la forme de Mercedes-Benz. Le constructeur allemand cherchait à bousculer sa propre culture conservatrice et travaillait déjà sur des idées similaires. Début 1994, Mercedes-Benz et Swatch annoncèrent la coentreprise Micro Compact Car (MCC).

    Compromis technique et ingénierie radicale

    Le développement fut néanmoins semé d’embûches. L’avancée technologique des batteries n’ayant pas été aussi rapide que prévu, le coût élevé et la faible autonomie de la voiture électrique menaçaient sa viabilité commerciale.

    Hayek fut contraint d’accepter un compromis majeur pour respecter son objectif de prix : le système électrique fut transformé en un système hybride intégrant un petit moteur essence quatre temps de 250 cm³.

    Le nouveau véhicule, développé par une petite équipe de 166 ingénieurs dont l’âge moyen n’était que de 34 ans, fut renommé Smart en mai 1995 (S pour Swatch, M pour Mercedes et ART pour le côté artistique).

    L’élégance du design et la sécurité

    Pour garantir la sécurité de cette miniature, les ingénieurs durent faire preuve d’une innovation radicale. La Smart fut construite selon le « principe sandwich » de la nouvelle Mercedes Classe A, assurant une absorption des chocs maximale. Sous sa forme familière, elle abritait des moteurs bicylindres.

    Le style était résolument moderne, avec une touche poétique caractéristique d’Hayek :

    • Il prévoyait d’offrir une gamme de couleurs vives grâce à des panneaux de carrosserie en plastique.
    • Un « système révolutionnaire de films de peinture amovibles » devait permettre aux propriétaires de « changer la couleur de la Swatch en fonction de leur humeur ».

    La production fut lancée dans une usine dédiée à Hambach, en France, avec la promesse du président de MCC, Jürgen Hubbert : « L’avenir de la mobilité sera la Smart ». La Smart City Coupé, malgré sa naissance difficile et ses compromis techniques, est devenue un symbole de design urbain et de l’innovation de la fin du XXe siècle.

  • Alfa Romeo 164 Procar : la berline qui roulait plus vite qu’une F1

    Alfa Romeo 164 Procar : la berline qui roulait plus vite qu’une F1

    Riccardo Patrese enclenche la pédale de droite à la sortie de la Parabolica. Quelques secondes plus tard, juste avant le freinage de la chicane Rettifilo, il file à plus de 320 km/h dans la ligne droite des stands de Monza. Le plus frappant ? Il est au volant d’une voiture qui ressemble, à s’y méprendre, à une banale berline quatre portes ! Le son, nouveau et strident, qui déchire l’air devant les tribunes combles, racontait pourtant une tout autre histoire.

    Ce spectacle unique, offert lors du Grand Prix d’Italie 1988, fut la première et la dernière apparition publique de l’Alfa Romeo 164 Procar. Un mirage historique, fruit d’une ambition folle qui devait révolutionner le sport automobile : les berlines de tourisme dotées de la performance d’une Formule 1.

    La chimère de la Formule S

    Patrese venait de descendre de sa Williams à moteur V8 Judd pour s’installer dans une machine qui n’était pas si éloignée de sa monoplace. Sous sa carrosserie de 164 de série, l’Alfa Romeo Procar était, à toutes fins utiles, une F1 biplace. Elle reposait sur un châssis de course ultra-rigide et abritait surtout un V10 atmosphérique de 3,5 litres, une configuration de moteur qui deviendrait dominante au sommet du sport dans les saisons à venir.

    Cette bête de course était le fer de lance de ce qui devait être le Championnat FIA des Voitures de Production (Procar), ressuscité d’une série éponyme BMW M1 de 1979-80. Au cœur de ce projet se trouvait la Formule S (pour Silhouette).

    Le concept était audacieux : l’aspect extérieur devait imiter fidèlement une voiture de série produite à au moins 25 000 exemplaires, n’autorisant qu’un petit aileron arrière discret et quelques ajustements pour le refroidissement. Mais sous cette enveloppe familière, les règlements exigeaient une technologie F1 pure et dure, en l’occurrence les nouveaux moteurs atmosphériques de 3,5 litres.

    Quand Bernie et Max dictaient la musique

    Ce projet était l’œuvre de l’influent duo Bernie Ecclestone et Max Mosley. Ecclestone, nouvellement vice-président de la FIA chargé des affaires promotionnelles, et Mosley, revenu en tant que président de la commission des constructeurs de la FISA, travaillaient à restructurer le sport automobile. Leur objectif était clair : rendre les moteurs F1 de 3,5 litres obligatoires non seulement en Grand Prix, mais aussi en Groupe C (endurance) et dans ce nouveau Procar. L’idée était de forcer les constructeurs à investir dans un moteur unique, utilisable sur plusieurs fronts – un concept que Ecclestone ne cachait pas être une manœuvre pour attirer les grands constructeurs vers la F1.

    FIAT, qui venait de racheter Alfa Romeo fin 1986, s’est montré un collaborateur enthousiaste. Le nouveau patron, Vittorio Ghidella, fan de sport auto, voulait que l’image de course d’Alfa perdure, même si la F1 était désormais l’apanage de Ferrari. Or, Alfa Corse disposait d’un tout nouveau V10 3,5 litres – le Tipo 1035 – développé par Giuseppe D’Agostino, conçu pour être plus compact et léger qu’un V12, et plus puissant qu’un V8.

    Ce moteur, qui n’avait plus de débouché en F1 après la rupture spectaculaire du contrat avec Ligier (un casus belli monté de toutes pièces par FIAT), trouva un foyer inattendu dans la carrosserie de la 164.

    L’élégance mécanique : la BT57

    La construction de l’Alfa 164 Procar fut confiée à Brabham (qui était alors en pleine cession par Ecclestone), l’équipe qui avait déjà utilisé les moteurs Alfa en F1 de 1976 à 1979. Le châssis, connu en interne sous le nom de BT57, était l’œuvre de l’ingénieur John Baldwin. Il était construit autour d’une coque centrale rigide à laquelle étaient accrochés le moteur et les suspensions, permettant un véritable aménagement biplace.

    Assemblé par le mécanicien Tommy Ross, l’unique exemplaire fut testé en Italie, notamment par Giorgio Pianta. Pour sa démonstration publique à Monza, Patrese reçut des instructions strictes : prendre son temps, puis accélérer à fond dans la ligne droite pour exhiber la vitesse de pointe.

    La performance fut foudroyante : la 164 Procar a dépassé les 331 km/h (206 mph) dans la ligne droite, plus rapide que certaines F1 de l’époque, son poids minimal de 750 kg aidant. Patrese se souvient de la violence de l’expérience : « Tout tremblait beaucoup au-dessus de 300 km/h ».

    Un mort-né de 331 km/h

    Malheureusement, le coup de bluff d’Alfa Romeo ne convainquit pas les autres constructeurs. Leur scepticisme était clair : « Nous voulons courir avec ce que nous vendons », le concept de la silhouette étant jugé trop éloigné du produit de série.

    La Formule S et le Championnat Procar furent abandonnés discrètement. L’Alfa 164 Procar a ainsi été rapidement reléguée au musée. L’unique fois où son magnifique moteur V10 atmosphérique fut entendu par le public, ce fut lors de ces quelques tours de démonstration. L’histoire se souvient de cette berline unique comme d’une fin de non-recevoir à 331 km/h.

  • Porsche Carrera GT : une supercar légendaire fête ses 25 ans

    Porsche Carrera GT : une supercar légendaire fête ses 25 ans

    Il y a un quart de siècle, Porsche dévoilait à Paris une étude qui allait marquer durablement l’histoire de l’automobile sportive. La Carrera GT, présentée au Mondial de l’Automobile en septembre 2000, incarnait à la fois l’excellence technologique, la pureté du design et l’esprit de la conduite dynamique. Issue d’un moteur V10 initialement développé pour Le Mans, la voiture tirait ses racines du LMP 2000, un prototype jamais aligné en course mais qui allait renaître sous la forme d’un supercar routier.

    De la piste à la route

    La genèse de la Carrera GT est intimement liée au sport automobile. Porsche voulait prolonger sa domination au Mans et, à la fin des années 1990, le projet LMP 2000 visait à concevoir un prototype d’endurance révolutionnaire. Le moteur V10, 5,5 litres, refroidi par eau et ne pesant que 165 kg, était conçu pour atteindre 8 900 tr/min. Mais en 1999, Porsche décida de concentrer ses ressources sur de nouveaux modèles de série, et le projet fut interrompu.

    Pourtant, ce moteur d’exception méritait une seconde vie. Porsche le transforma en cœur d’un supercar routier, fidèle à la philosophie de la marque : appliquer la technologie de course à une voiture accessible au grand public. Comme le souligne Roland Kussmaul, ancien pilote d’essai et ingénieur chez Porsche : « Nous avions un moteur construit pour l’extrême, nous lui avons donné un nouveau défi : le quotidien. Le LMP 2000 était notre vision du futur, la Carrera GT l’a mise sur route. »

    La touche de Walter Röhrl

    Pour maîtriser un tel concentré de performance, Porsche fit appel à Walter Röhrl, double champion du monde des rallyes, pour le réglage du châssis. L’objectif : créer une voiture exigeante mais accessible, capable de transmettre toutes ses sensations sans submerger son conducteur. La Carrera GT est ainsi devenue un équilibre subtil entre audace et contrôle, où chaque composant — de la monocoque carbone aux suspensions — reflète un savoir-faire hérité du sport automobile.

    Une supercar avant-gardiste

    La version de série, produite de 2003 à 2006, conserve l’ADN de la compétition. Le moteur V10 de 5,7 litres développe 612 chevaux et 590 Nm de couple, propulsant la voiture à 330 km/h pour un poids contenu de 1 380 kg. La monocoque en carbone, le toit amovible, le différentiel et la boîte manuelle à six rapports avec embrayage céramique ne sont que quelques-uns des éléments directement inspirés de la course. Avec seulement 1 270 exemplaires fabriqués à Zuffenhausen et Leipzig, la Carrera GT est devenue une icône de collection, symbole de pureté technique et de sensations.

    Le designer Anthony-Robert “Tony” Hatter, responsable de l’extérieur, résume : « Cette voiture est un cadeau pour tous ceux qui veulent comprendre d’où vient Porsche et où nous voulons aller. Nous avons pris le sport automobile dans sa forme la plus pure et l’avons transformé en voiture de route. »

    L’héritage et la célébration

    Pour célébrer ce 25e anniversaire, Porsche a collaboré avec le designer parisien Arthur Kar pour créer une collection capsule rendant hommage à la Carrera GT. Comme le souligne Kar : « Depuis son lancement, la Carrera GT a toujours été ma voiture préférée. Ce n’est pas qu’une machine : c’est un symbole d’innovation, de design et d’émotion pure. »

    Aujourd’hui, la Carrera GT reste une référence dans l’histoire des supercars : légère, puissante, technique et émotionnelle, elle représente un moment charnière où Porsche a su transformer une technologie de compétition en un objet de route accessible, tout en conservant le frisson de la course.

    Fiche technique – Porsche Carrera GT (2004)

    • Moteur : V10 atmosphérique, angle de cylindre 68°
    • Cylindrée / compression : 5 733 cm³ / 12,0:1
    • Puissance : 450 kW (612 ch) à 8 000 tr/min
    • Couple : 590 Nm à 5 750 tr/min
    • Boîte : 6 vitesses manuelle, embrayage céramique
    • 0-100 km/h : 3,9 s ; 0-200 km/h : 9,9 s
    • Vitesse max : 330 km/h
    • Poids à vide : 1 380 kg
    • Dimensions L/l/h / empattement : 4 613 / 1 921 / 1 166 mm / 2 730 mm
    • Production : 2003-2006, 1 270 exemplaires, usines Zuffenhausen & Leipzig
    • Prix neuf : 452 690 €
  • Tom Matano, le père de la Mazda MX-5, est mort

    Tom Matano, le père de la Mazda MX-5, est mort

    Dans un monde automobile dominé par des SUV rarement passionnants, il existe une voiture qui symbolise à elle seule l’esprit de liberté et de plaisir de conduire : la Mazda MX-5. Une icône née de l’imagination d’un homme, Tsutomo « Tom » Matano, disparu le 20 septembre dernier à l’âge de 77 ans.

    Le souffle d’un passionné

    Né et élevé au Japon, Tom Matano ne s’est jamais contenté de suivre les chemins tracés. À la fin des années 1960, il quitte Tokyo non pas en avion, comme ses contemporains, mais à bord d’un cargo. Direction les États-Unis, pour y bâtir une carrière singulière. Diplômé en ingénierie de l’université Seikei, il s’oriente d’abord vers l’étude des langues à New York, avant de se tourner vers le design industriel et d’intégrer l’Art Center College of Design de Pasadena, véritable creuset de talents pour l’automobile mondiale.

    C’est là qu’il trouve sa voie. Très vite, General Motors l’embauche et l’envoie en Australie, chez Holden. Quelques années plus tard, il rejoint BMW en Europe, avant d’intégrer, au milieu des années 1980, le jeune studio californien de Mazda. Un virage décisif.

    « Je me souviens de lui comme d’un véritable passionné d’automobile autant que de design », témoigne Stewart Reed, ancien directeur du département de design transport à l’Art Center. « Ce n’est pas toujours le cas dans notre milieu. Beaucoup perdaient la flamme au fil des ans. Tom, lui, l’a toujours entretenue. »

    L’aventure MX-5

    Lorsque Bob Hall, journaliste puis consultant, pousse Mazda à développer un roadster simple, léger et abordable – une philosophie héritée des MGB et Triumph Spitfire – Tom Matano devient l’un des piliers du projet. Aux côtés de Mark Jordan, Masao Yagi et Wu-Huang Chin, il participe à définir l’esthétique de ce qui deviendra la MX-5.

    « Tom était un bon designer, mais il avait surtout le talent de mettre la bonne personne au bon endroit », rappelle Bob Hall. C’est cette capacité à fédérer les créatifs et à canaliser leur énergie qui permit à la petite Mazda de voir le jour.

    Commercialisée en 1989, la MX-5 (Miata aux États-Unis, Eunos Roadster au Japon) devient instantanément un succès mondial. Légère, fiable, accessible, elle ressuscite un type de voiture que l’on croyait disparu : le roadster plaisir, à la fois pur et utilisable au quotidien. Un « best of both worlds » qui bouleversera l’industrie et inspirera de nombreuses tentatives concurrentes.

    L’homme derrière la légende

    Mais réduire Tom Matano à la MX-5 serait injuste. Ses collègues se souviennent d’un homme chaleureux, accessible, et d’un épicurien qui savait transformer chaque rencontre en moment mémorable. Stewart Reed évoque leurs soirées à Irvine, où Matano l’invitait dans son restaurant italien préféré. Le chef avait même baptisé un plat en son honneur : la « Pasta à la Matano ».

    Sa passion pour l’automobile dépassait largement son propre travail. Ancien rédacteur en chef d’Autoweek, Matt DeLorenzo, se rappelle de sa fascination d’enfant pour les voitures américaines, découvertes dans les pages du magazine Life. Dans les années 1990, alors qu’il présentait le futur RX-7, Matano avait même fait coudre de gigantesques ailerons sur la housse du prototype, clin d’œil à cette passion juvénile pour les tailfins. Preuve d’un humour intact, jusque dans les projets les plus sérieux.

    Ce goût du partage se retrouvait aussi dans sa vie privée. Un passionné raconte comment, lors d’un événement automobile, il lui offrit un souvenir inoubliable : réaliser le rêve de sa femme Kako, monter à bord d’une Lamborghini Diablo. Un geste simple, mais que Matano n’a jamais cessé de remercier.

    Un héritage universel

    Pour les communautés de passionnés, la disparition de Tom Matano est une perte immense. Le groupe Miata Reunion a exprimé sa tristesse dans un message : « Son œuvre ne nous a pas seulement offert une voiture. Elle nous a donné des amitiés, des souvenirs et une famille qui s’étend aujourd’hui dans le monde entier. »

    Bob Hall, compagnon de route dans l’aventure MX-5, résume cette douleur : « Il était comme un frère pour moi. Vous ne réalisez pas combien vous aimez quelqu’un avant qu’il ne disparaisse. »

    L’histoire retiendra que Tom Matano a façonné l’une des voitures les plus importantes de la fin du XXe siècle. Mais ceux qui l’ont connu, eux, n’oublieront jamais l’homme derrière le designer. Un créateur habité par la passion, qui n’a jamais cessé de s’amuser, et qui a su transmettre cette joie à travers une automobile devenue intemporelle.

    La Mazda MX-5 continue de rouler sur toutes les routes du monde. Désormais, elle porte plus que jamais le souvenir de son père spirituel.