Dans un monde automobile dominé par des SUV rarement passionnants, il existe une voiture qui symbolise à elle seule l’esprit de liberté et de plaisir de conduire : la Mazda MX-5. Une icône née de l’imagination d’un homme, Tsutomo « Tom » Matano, disparu le 20 septembre dernier à l’âge de 77 ans.
Le souffle d’un passionné
Né et élevé au Japon, Tom Matano ne s’est jamais contenté de suivre les chemins tracés. À la fin des années 1960, il quitte Tokyo non pas en avion, comme ses contemporains, mais à bord d’un cargo. Direction les États-Unis, pour y bâtir une carrière singulière. Diplômé en ingénierie de l’université Seikei, il s’oriente d’abord vers l’étude des langues à New York, avant de se tourner vers le design industriel et d’intégrer l’Art Center College of Design de Pasadena, véritable creuset de talents pour l’automobile mondiale.
C’est là qu’il trouve sa voie. Très vite, General Motors l’embauche et l’envoie en Australie, chez Holden. Quelques années plus tard, il rejoint BMW en Europe, avant d’intégrer, au milieu des années 1980, le jeune studio californien de Mazda. Un virage décisif.
« Je me souviens de lui comme d’un véritable passionné d’automobile autant que de design », témoigne Stewart Reed, ancien directeur du département de design transport à l’Art Center. « Ce n’est pas toujours le cas dans notre milieu. Beaucoup perdaient la flamme au fil des ans. Tom, lui, l’a toujours entretenue. »
L’aventure MX-5
Lorsque Bob Hall, journaliste puis consultant, pousse Mazda à développer un roadster simple, léger et abordable – une philosophie héritée des MGB et Triumph Spitfire – Tom Matano devient l’un des piliers du projet. Aux côtés de Mark Jordan, Masao Yagi et Wu-Huang Chin, il participe à définir l’esthétique de ce qui deviendra la MX-5.
« Tom était un bon designer, mais il avait surtout le talent de mettre la bonne personne au bon endroit », rappelle Bob Hall. C’est cette capacité à fédérer les créatifs et à canaliser leur énergie qui permit à la petite Mazda de voir le jour.
Commercialisée en 1989, la MX-5 (Miata aux États-Unis, Eunos Roadster au Japon) devient instantanément un succès mondial. Légère, fiable, accessible, elle ressuscite un type de voiture que l’on croyait disparu : le roadster plaisir, à la fois pur et utilisable au quotidien. Un « best of both worlds » qui bouleversera l’industrie et inspirera de nombreuses tentatives concurrentes.
L’homme derrière la légende
Mais réduire Tom Matano à la MX-5 serait injuste. Ses collègues se souviennent d’un homme chaleureux, accessible, et d’un épicurien qui savait transformer chaque rencontre en moment mémorable. Stewart Reed évoque leurs soirées à Irvine, où Matano l’invitait dans son restaurant italien préféré. Le chef avait même baptisé un plat en son honneur : la « Pasta à la Matano ».
Sa passion pour l’automobile dépassait largement son propre travail. Ancien rédacteur en chef d’Autoweek, Matt DeLorenzo, se rappelle de sa fascination d’enfant pour les voitures américaines, découvertes dans les pages du magazine Life. Dans les années 1990, alors qu’il présentait le futur RX-7, Matano avait même fait coudre de gigantesques ailerons sur la housse du prototype, clin d’œil à cette passion juvénile pour les tailfins. Preuve d’un humour intact, jusque dans les projets les plus sérieux.
Ce goût du partage se retrouvait aussi dans sa vie privée. Un passionné raconte comment, lors d’un événement automobile, il lui offrit un souvenir inoubliable : réaliser le rêve de sa femme Kako, monter à bord d’une Lamborghini Diablo. Un geste simple, mais que Matano n’a jamais cessé de remercier.
Un héritage universel
Pour les communautés de passionnés, la disparition de Tom Matano est une perte immense. Le groupe Miata Reunion a exprimé sa tristesse dans un message : « Son œuvre ne nous a pas seulement offert une voiture. Elle nous a donné des amitiés, des souvenirs et une famille qui s’étend aujourd’hui dans le monde entier. »
Bob Hall, compagnon de route dans l’aventure MX-5, résume cette douleur : « Il était comme un frère pour moi. Vous ne réalisez pas combien vous aimez quelqu’un avant qu’il ne disparaisse. »
L’histoire retiendra que Tom Matano a façonné l’une des voitures les plus importantes de la fin du XXe siècle. Mais ceux qui l’ont connu, eux, n’oublieront jamais l’homme derrière le designer. Un créateur habité par la passion, qui n’a jamais cessé de s’amuser, et qui a su transmettre cette joie à travers une automobile devenue intemporelle.
La Mazda MX-5 continue de rouler sur toutes les routes du monde. Désormais, elle porte plus que jamais le souvenir de son père spirituel.