Catégorie : Histoire & Culture

  • Tom Matano, le père de la Mazda MX-5, est mort

    Tom Matano, le père de la Mazda MX-5, est mort

    Dans un monde automobile dominé par des SUV rarement passionnants, il existe une voiture qui symbolise à elle seule l’esprit de liberté et de plaisir de conduire : la Mazda MX-5. Une icône née de l’imagination d’un homme, Tsutomo « Tom » Matano, disparu le 20 septembre dernier à l’âge de 77 ans.

    Le souffle d’un passionné

    Né et élevé au Japon, Tom Matano ne s’est jamais contenté de suivre les chemins tracés. À la fin des années 1960, il quitte Tokyo non pas en avion, comme ses contemporains, mais à bord d’un cargo. Direction les États-Unis, pour y bâtir une carrière singulière. Diplômé en ingénierie de l’université Seikei, il s’oriente d’abord vers l’étude des langues à New York, avant de se tourner vers le design industriel et d’intégrer l’Art Center College of Design de Pasadena, véritable creuset de talents pour l’automobile mondiale.

    C’est là qu’il trouve sa voie. Très vite, General Motors l’embauche et l’envoie en Australie, chez Holden. Quelques années plus tard, il rejoint BMW en Europe, avant d’intégrer, au milieu des années 1980, le jeune studio californien de Mazda. Un virage décisif.

    « Je me souviens de lui comme d’un véritable passionné d’automobile autant que de design », témoigne Stewart Reed, ancien directeur du département de design transport à l’Art Center. « Ce n’est pas toujours le cas dans notre milieu. Beaucoup perdaient la flamme au fil des ans. Tom, lui, l’a toujours entretenue. »

    L’aventure MX-5

    Lorsque Bob Hall, journaliste puis consultant, pousse Mazda à développer un roadster simple, léger et abordable – une philosophie héritée des MGB et Triumph Spitfire – Tom Matano devient l’un des piliers du projet. Aux côtés de Mark Jordan, Masao Yagi et Wu-Huang Chin, il participe à définir l’esthétique de ce qui deviendra la MX-5.

    « Tom était un bon designer, mais il avait surtout le talent de mettre la bonne personne au bon endroit », rappelle Bob Hall. C’est cette capacité à fédérer les créatifs et à canaliser leur énergie qui permit à la petite Mazda de voir le jour.

    Commercialisée en 1989, la MX-5 (Miata aux États-Unis, Eunos Roadster au Japon) devient instantanément un succès mondial. Légère, fiable, accessible, elle ressuscite un type de voiture que l’on croyait disparu : le roadster plaisir, à la fois pur et utilisable au quotidien. Un « best of both worlds » qui bouleversera l’industrie et inspirera de nombreuses tentatives concurrentes.

    L’homme derrière la légende

    Mais réduire Tom Matano à la MX-5 serait injuste. Ses collègues se souviennent d’un homme chaleureux, accessible, et d’un épicurien qui savait transformer chaque rencontre en moment mémorable. Stewart Reed évoque leurs soirées à Irvine, où Matano l’invitait dans son restaurant italien préféré. Le chef avait même baptisé un plat en son honneur : la « Pasta à la Matano ».

    Sa passion pour l’automobile dépassait largement son propre travail. Ancien rédacteur en chef d’Autoweek, Matt DeLorenzo, se rappelle de sa fascination d’enfant pour les voitures américaines, découvertes dans les pages du magazine Life. Dans les années 1990, alors qu’il présentait le futur RX-7, Matano avait même fait coudre de gigantesques ailerons sur la housse du prototype, clin d’œil à cette passion juvénile pour les tailfins. Preuve d’un humour intact, jusque dans les projets les plus sérieux.

    Ce goût du partage se retrouvait aussi dans sa vie privée. Un passionné raconte comment, lors d’un événement automobile, il lui offrit un souvenir inoubliable : réaliser le rêve de sa femme Kako, monter à bord d’une Lamborghini Diablo. Un geste simple, mais que Matano n’a jamais cessé de remercier.

    Un héritage universel

    Pour les communautés de passionnés, la disparition de Tom Matano est une perte immense. Le groupe Miata Reunion a exprimé sa tristesse dans un message : « Son œuvre ne nous a pas seulement offert une voiture. Elle nous a donné des amitiés, des souvenirs et une famille qui s’étend aujourd’hui dans le monde entier. »

    Bob Hall, compagnon de route dans l’aventure MX-5, résume cette douleur : « Il était comme un frère pour moi. Vous ne réalisez pas combien vous aimez quelqu’un avant qu’il ne disparaisse. »

    L’histoire retiendra que Tom Matano a façonné l’une des voitures les plus importantes de la fin du XXe siècle. Mais ceux qui l’ont connu, eux, n’oublieront jamais l’homme derrière le designer. Un créateur habité par la passion, qui n’a jamais cessé de s’amuser, et qui a su transmettre cette joie à travers une automobile devenue intemporelle.

    La Mazda MX-5 continue de rouler sur toutes les routes du monde. Désormais, elle porte plus que jamais le souvenir de son père spirituel.

  • Audi A2 : 25 ans d’avance sur son temps

    Audi A2 : 25 ans d’avance sur son temps

    En septembre 1999, au Salon de Francfort, Audi levait le voile sur une compacte pas comme les autres. Entièrement en aluminium, profilée comme une goutte d’eau et pensée pour consommer le moins possible, l’A2 incarnait l’idée même d’innovation radicale. Vingt-cinq ans plus tard, la petite Audi est entrée dans l’histoire comme un ovni automobile, incompris à sa sortie mais devenu aujourd’hui un véritable objet de culte.

    La révolution de l’aluminium

    À la fin des années 1990, l’Audi Space Frame n’était pas qu’une signature marketing. Après l’A8, pionnière de la construction en aluminium, Ingolstadt osa l’appliquer à une citadine. Le résultat ? Une coque de seulement 153 kilos, soit environ 40 % plus légère qu’une carrosserie traditionnelle en acier. Un chiffre impressionnant, surtout à une époque où l’automobile commençait déjà à prendre de l’embonpoint.

    Avec ses 3,83 mètres de long et 1,67 mètre de large, l’A2 se plaçait sur le segment des polyvalentes, mais son habitabilité et son coffre planaient un cran au-dessus de la concurrence. Produite à Neckarsulm, dans une usine spécialement aménagée pour elle, l’A2 était un condensé de technologie embarquée dans une silhouette atypique.

    Le rêve du « trois litres »

    L’histoire de l’A2 s’inscrit dans un contexte précis : celui du programme du « trois litres » voulu par le groupe Volkswagen au début des années 1990. L’objectif : concevoir une voiture capable de ne consommer que 3 litres de carburant aux 100 kilomètres. Audi s’y attela avec sérieux, jusqu’à donner naissance en 2001 à la première berline quatre portes de série capable d’atteindre ce seuil, l’A2 1.2 TDI.

    Avec seulement 61 chevaux, un poids limité à 855 kilos et un Cx record de 0,25, elle ne brillait pas par ses performances mais par son efficience. Sa consommation homologuée de 2,99 l/100 km reste encore aujourd’hui un chiffre qui ferait pâlir bien des citadines hybrides modernes.

    Une esthétique clivante

    Comme souvent avec les voitures en avance sur leur temps, le style de l’A2 divisa. Luc Donckerwolke, futur auteur des Lamborghini Murciélago et Gallardo, avait signé une silhouette monovolume compacte, au pavillon haut et aux lignes tendues. Les prototypes Al2, dévoilés en 1997 à Francfort et Tokyo, avaient déjà suscité des réactions contrastées. La version de série ne fit pas exception : adorée par les uns pour sa modernité, jugée ingrate par les autres.

    L’arrivée en 2003 de la série spéciale colour.storm, avec ses teintes vives (Papaya orange, Imola yellow, Misano red…), ses arches de toit noires et son ambiance intérieure assortie, tenta de lui donner un côté plus émotionnel. Mais le public resta frileux.

    Des ventes en demi-teinte

    Sur le plan commercial, l’A2 ne réussit jamais à rencontrer le succès attendu. Malgré une gamme moteur élargie – de la 1.4 essence de 75 ch jusqu’à la 1.6 FSI de 110 ch, capable de dépasser les 200 km/h –, la petite Audi souffrait d’un positionnement délicat. Trop chère pour une compacte (son aluminium se payait au prix fort), pas assez statutaire pour incarner un vrai produit premium, et trop en avance sur une clientèle encore peu sensible aux vertus de l’allègement et de l’aérodynamisme.

    Entre 2000 et 2005, seuls 176 377 exemplaires sortirent des chaînes de Neckarsulm, dont à peine 6 555 en version 1.2 TDI. Une déception pour Audi, qui mit un terme à l’expérience après cinq ans.

    Une seconde vie en youngtimer

    Pourtant, l’histoire ne s’arrête pas là. Car si l’A2 n’a pas trouvé son public à l’époque, elle bénéficie aujourd’hui d’une aura particulière. Ses qualités intrinsèques – fiabilité, économie, modernité – en font une compagne de route encore prisée de nombreux conducteurs. Sa carrosserie en aluminium la protège efficacement de la corrosion, et sa rareté lui donne déjà une certaine valeur sur le marché des collectionneurs.

    De plus en plus de passionnés voient en elle un jalon important de l’histoire automobile récente : un laboratoire roulant qui annonçait, à sa manière, les préoccupations actuelles autour de la réduction du poids, de l’efficacité énergétique et de l’optimisation aérodynamique.

    Vingt-cinq ans après, l’Audi A2 apparaît donc comme une pionnière injustement boudée. Une voiture de conviction, née d’une époque où l’industrie allemande rêvait encore de faire rimer innovation technologique et frugalité énergétique. Aujourd’hui, l’A2 se savoure comme une curiosité devenue icône, témoin d’une audace qu’on aimerait parfois retrouver davantage dans l’automobile contemporaine.

  • Stelvio : 200 ans de virages, de légendes et de moteurs

    Stelvio : 200 ans de virages, de légendes et de moteurs

    Un surrégime aide, forcément. Première, seconde, troisième, on rétrograde avant le prochain épingle. Le compte-tours s’affole, la roue intérieure crisse ou patine selon votre différentiel, et le souffle se raccourcit. Le Stelvio ne pardonne rien, mais il offre en retour une expérience unique. C’est l’un des cols les plus mythiques des Alpes, célébré par des générations de cyclistes, de motards et d’automobilistes. Et en 2025, il fête ses deux siècles d’existence.

    La grande œuvre de Carlo Donegani

    À 2 757 mètres d’altitude, le Stelvio – Stilfserjoch pour les Autrichiens – est le plus haut col routier de l’Est alpin. Sa construction débute en 1820 sous l’autorité de l’ingénieur Carlo Donegani, avec pour mission de relier le Tyrol autrichien à la Lombardie, récemment annexée par Vienne après le Congrès de 1815. L’ouverture de cette voie stratégique, en 1825, fut un exploit technique : tunnels taillés dans la roche, virages numérotés, murs de soutènement de pierre… Le Stelvio devint une fierté impériale, un outil politique autant qu’un chef-d’œuvre d’ingénierie.
    L’histoire géopolitique bouleversera cependant son rôle. À l’issue de la Première Guerre mondiale et du traité de Saint-Germain, les deux versants passent sous souveraineté italienne. Le col perd alors sa valeur stratégique, mais gagne une nouvelle destinée : celle de devenir un symbole de conquête sportive et mécanique.

    Le théâtre de la « guerre blanche »

    Pendant la Grande Guerre, le Stelvio est au cœur d’un front extrême : celui de la « guerre blanche ». Les troupes italiennes et austro-hongroises s’affrontent sur ces glaciers d’altitude, dans un enfer de neige et de glace. Les échanges d’artillerie sont si proches de la frontière suisse que les deux camps durent s’entendre : tirer uniquement selon des angles prédéfinis pour éviter que les obus ne tombent en territoire neutre. Une singularité tragique, qui ajoute encore à la légende du lieu.

    Des courses de côte aux rallyes mythiques

    Malgré sa renommée, le Stelvio n’a jamais été un haut lieu du sport automobile comme le Nürburgring ou Pikes Peak. Il a pourtant accueilli entre 1926 et 1939 la Corsa Internazionale dello Stelvio, une spectaculaire course de côte, et reste associé à des épreuves de longue haleine comme le Liège-Rome-Liège ou le Liège-Brescia-Liège. Côté cyclisme, son histoire s’écrit depuis 1953 avec le Giro d’Italia, dont il constitue régulièrement l’un des juges de paix.

    Mais l’automobile a toujours su s’y ménager une place. Jeremy Clarkson et ses compères de Top Gear y ont tourné une séquence restée célèbre, consacrant le Stelvio comme « la plus belle route du monde ». Alfa Romeo a baptisé son SUV du nom du col – même si la présentation initialement prévue sur place dut être délocalisée… faute d’accès, bloqué par la neige. Moto Guzzi a suivi la même logique, avec un trail routier portant fièrement l’écusson « Stelvio ».

    Les anecdotes de légendes

    Si le Stelvio attire chaque année des milliers de passionnés, certains y ont écrit des histoires hors normes. L’Américain Bobby Unser, triple vainqueur des 500 Miles d’Indianapolis et recordman de Pikes Peak, participa en 1990 au Pirelli Classic Marathon. Au volant d’une Jaguar Type E préparée par Lister, il réalisa l’ascension une minute plus vite que tous ses concurrents. L’exploit aurait été parfait… sans une rencontre malheureuse avec un bus scolaire en travers d’un village.
    Plus modestement, nombre d’amateurs y ont laissé des souvenirs mémorables. Comme ce Triumph TR3a de rallye historique, qui surchauffa trois fois en plein 15 août italien derrière un antique autocar fumant, décoré d’un sticker « One Life, Live It ». Ou encore ces motards allemands dont les BMW GS s’allongèrent au sol dans une épingle, relevées par une bande de Londoniens en Vespa. Le Stelvio, c’est un théâtre permanent, mélange de drame mécanique et de comédie humaine.

    Une route surpeuplée mais unique

    Selon les comptages, le col comporte entre 75 et 88 virages en épingle, surtout resserrés sur le versant nord. En plein été, c’est une procession ininterrompue de voitures de sport, de camping-cars, de cyclistes haletants et de motards intrépides. On y croise aussi bien des supercars rugissantes que des caravanes en trois points, des Minis anciennes par dizaines, ou… un muskrat surgissant de nulle part pour disparaître tel la taupe des Thunderbirds.
    L’expérience reste marquante, à condition de s’y préparer. Les 30 % d’oxygène en moins sollicitent autant les moteurs que les poumons. Les freins chauffent, les radiateurs bouillent, les conducteurs s’impatientent. Et au sommet, le charme est parfois terni par les parkings saturés et les boutiques à souvenirs. Le vrai secret consiste à s’arrêter un peu plus bas, dans l’une des auberges discrètes aux vues imprenables, bien plus authentiques que le tumulte du col.

    Les règles d’or pour un Stelvio réussi

    Les habitués le répètent : le Stelvio se mérite. Avant de s’élancer, il faut respecter quelques règles simples. Vérifier que le col est bien ouvert, partir à l’aube pour éviter les embouteillages, prévoir des vêtements chauds, faire le plein, et accepter l’imprévu – du bus qui bloque la route au cycliste qui chute juste devant vous. On ne va pas au Stelvio pour chasser le chrono, mais pour embrasser une expérience totale. Et si l’on veut vraiment retrouver la magie des pionniers, mieux vaut partir tôt, au lever du soleil, lorsque le silence règne encore sur les 48 épingles du versant nord.

    Deux siècles d’histoire et d’imaginaire

    Deux cents ans après son inauguration, le Stelvio demeure bien plus qu’une route : un mythe. Il concentre en lui l’audace de ses bâtisseurs, la rudesse des guerres alpines, la passion des cyclistes et l’imaginaire des automobilistes. Pour les uns, c’est une torture mécanique, pour les autres une apothéose du voyage. Tous, pourtant, repartent avec la même impression : avoir franchi un monument.

    Alors joyeux anniversaire, Stelvio. Et que tes virages continuent d’envoûter les moteurs comme les âmes.

  • Quelles Mercedes roulent avec un moteur Renault ?

    Quelles Mercedes roulent avec un moteur Renault ?

    L’automobile n’a jamais été un monde figé. Sous une carrosserie frappée d’un blason prestigieux, on peut parfois découvrir des éléments techniques issus d’une autre marque. Ce phénomène n’a rien de nouveau : une Škoda abrite de l’ingénierie Volkswagen, un Lamborghini Urus partage une bonne partie de ses organes avec des Audi, et certaines Aston Martin ont longtemps tourné grâce à des V8 AMG. Mais l’idée qu’une Mercedes puisse cacher un moteur Renault surprend encore nombre de passionnés. Et pourtant, c’est bien une réalité.

    Mercedes, spécialiste des gros moteurs

    Historiquement, Mercedes-Benz s’est concentré sur des motorisations de moyenne et grosse cylindrée : des quatre-cylindres costauds, des six-cylindres en ligne, des V8 puissants et, pour les clients les plus exigeants (et les plus proches de leur pompiste), le légendaire V12. Ces blocs, conçus pour des implantations longitudinales, privilégient la propulsion ou la transmission intégrale sophistiquée des modèles de la Classe C et au-delà.

    Mais en dessous de ce segment, Mercedes a dû s’adapter. Sur le marché des compactes, où les volumes se jouent en A, B, CLA et GLA, une offre moteur plus modeste est indispensable. Développer un petit bloc spécifique aurait coûté cher pour un rendement limité. C’est là que le partenariat avec Renault est entré en jeu. Le constructeur français, spécialiste des moteurs conçus pour une implantation transversale et pour des modèles grand public, est venu combler ce vide.

    Les compactes Mercedes concernées

    La « famille compacte » de Mercedes – Classe A, Classe B, CLA et GLA – repose sur une architecture différente de celle des modèles supérieurs. Ici, moteur transversal et traction avant dominent. C’est précisément dans cette catégorie que l’on retrouve les motorisations issues de Renault.

    OM 607 – le diesel 1.5 dCi

    Première incursion notable du losange sous le capot d’une étoile : le 1,5 litre diesel, bien connu chez Renault et commercialisé sous l’appellation OM 607 chez Mercedes. Ce bloc a animé nombre de Classe A et B, mais aussi des CLA et GLA, principalement dans les versions « 180 ». Attention : seules les déclinaisons avec boîte manuelle étaient équipées du moteur Renault.

    Exemples :

    • A 180 CDI (109 ch) de 2012 à 2015
    • B 180 CDI (109 ch) de 2011 à 2014
    • CLA 180 CDI (109 ch) de 2013 à 2016
    • GLA 180 d (109 ch) de 2014 à 2017

    Un indice infaillible : la cylindrée de 1 461 cm³ signe toujours un moteur Renault.

    OM 608 – l’évolution du diesel Renault

    Successeur du précédent, l’OM 608 est apparu en 2018. Toujours un 1,5 litre, porté à 116 ch et 260 Nm. Mais à cette époque, le diesel était déjà en net recul dans les compactes premium. Ce moteur se retrouve dans quelques Classe A, B et CLA produites entre 2018 et 2021.

    OM 282 – le 1.33 turbo essence co-développé

    Côté essence, Mercedes a intégré un moteur développé conjointement par Renault, Nissan et Daimler : le fameux 1,33 litre turbo, baptisé OM 282. Bien que les appellations commerciales (A 180, A 200, B 200, CLA 200…) puissent laisser croire à des cylindrées plus importantes, il s’agit toujours du même bloc, décliné en plusieurs puissances (109 à 163 ch).

    On le retrouve également dans les versions hybrides rechargeables A 250 e, B 250 e, CLA 250 e et GLA 250 e, où il sert de base thermique.

    La Citan – un Kangoo étoilé

    Enfin, impossible de passer à côté de la Citan. Plus qu’un moteur, c’est tout le véhicule qui vient de Renault. Le ludospace Mercedes n’est en réalité qu’une version rebadgée du Kangoo, tant dans sa première génération (W415, 2012–2021) que dans l’actuelle (W420, depuis 2021). On y trouve naturellement les moteurs Renault, en essence comme en diesel.

    Un partenariat pragmatique

    Pour Mercedes, recourir aux blocs Renault n’a rien de honteux : il s’agit d’une stratégie industrielle logique, dictée par la rationalisation des coûts et la nécessité d’élargir la gamme vers le bas sans dilapider des ressources de développement. Du côté de Renault, fournir des moteurs à un constructeur premium renforce la légitimité technique de ses propres blocs.

    Mais pour les clients, la perception est plus complexe.

    Le choc psychologique d’une « Mercedes à moteur Renault »

    Acheter une Mercedes, c’est souvent acquérir un symbole : celui de la réussite sociale, de la rigueur allemande et d’une mécanique réputée robuste. Découvrir que son véhicule partage le cœur mécanique d’une Clio ou d’un Kangoo peut donc être déstabilisant. Dans les concessions, le sujet a longtemps été traité avec une certaine prudence. Les vendeurs préféraient insister sur l’efficience, les faibles émissions de CO₂ et la sobriété des moteurs plutôt que de rappeler leur provenance.

    Cette question de perception illustre parfaitement la tension entre l’image de marque et la réalité industrielle. Pour le client rationnel, savoir que son A 180 d consomme peu et coûte moins cher à entretenir est un avantage. Pour le client passionné ou attaché au prestige, l’idée d’une motorisation Renault dans une Mercedes pouvait être vécue comme une forme de trahison symbolique.

    En pratique, peu de propriétaires ont rencontré de réels problèmes avec ces blocs. Au contraire, leur fiabilité s’est montrée honorable, et leur diffusion massive chez Renault a assuré une maintenance simplifiée. Mais dans l’imaginaire collectif, une « vraie » Mercedes doit conserver une mécanique conçue à Stuttgart, pas à Boulogne-Billancourt.

    L’avenir de ces collaborations

    Aujourd’hui, alors que Mercedes accélère sa transition vers l’électrique, la question du partage de moteurs thermiques devient moins centrale. Les compactes de demain seront avant tout définies par leur plateforme électrique et leurs logiciels. Dans ce contexte, les débats sur la provenance d’un 1,5 diesel ou d’un 1,33 turbo paraîtront bien anecdotiques.

    Mais cette période reste un chapitre fascinant de l’histoire récente de l’automobile : celui où un constructeur premium allemand et un généraliste français ont uni leurs forces pour répondre aux contraintes réglementaires et aux réalités du marché. Et où, le temps d’une décennie, certains clients ont eu le privilège – ou le dilemme – de rouler dans une Mercedes… à moteur Renault.

  • Dieselgate : dix ans après, la mort annoncée du diesel ?

    Dieselgate : dix ans après, la mort annoncée du diesel ?

    Il y a tout juste dix ans, le 18 septembre 2015, l’Agence de protection de l’environnement américaine (EPA) publiait un rapport qui allait ébranler l’industrie automobile mondiale. Le scandale qui s’ensuivit, rapidement baptisé Dieselgate, ne se limita pas à un simple dossier technique : il marqua un tournant majeur pour la crédibilité des constructeurs, la réglementation environnementale et l’avenir même du moteur diesel. Une décennie plus tard, une question demeure : le Dieselgate a-t-il accéléré la fin du diesel en tant que carburant de masse ?

    Le cœur du scandale

    Entre 2008 et 2015, Volkswagen avait équipé plusieurs millions de ses modèles de logiciels dits défectueux, capables de détecter les conditions d’un test d’homologation et d’adapter temporairement le fonctionnement du moteur. Résultat : des émissions d’oxydes d’azote (NOx) réduites en laboratoire, mais jusqu’à quarante fois supérieures aux normes en conditions réelles.

    Le dispositif visait à préserver un argument commercial clé du diesel : sa sobriété en carburant. Car les technologies permettant de réduire efficacement les émissions — pièges à NOx ou systèmes SCR à injection d’urée — alourdissaient les coûts et dégradaient parfois la consommation. Volkswagen avait donc choisi de tricher pour rester compétitif face à une réglementation de plus en plus stricte, notamment avec les normes Euro 5 (2011) et Euro 6 (2015).

    Si VW fut la cible principale, il n’était pas seul. Des enquêtes menées depuis ont révélé que d’autres constructeurs avaient, eux aussi, flirté avec les limites de la légalité, voire les avaient franchies. Le scandale s’est vite mué en crise systémique pour l’ensemble du secteur.

    Un coût colossal

    Au-delà du choc réputationnel, Dieselgate a eu un coût financier astronomique. Pour le seul groupe Volkswagen, l’addition a dépassé les 33 milliards de dollars en amendes, indemnisations et rappels. D’autres constructeurs, de Mercedes-Benz à Renault en passant par Nissan, continuent à affronter des procédures judiciaires ou des recours collectifs.

    Le choc fut tel qu’il redessina les priorités stratégiques des groupes automobiles. Beaucoup se sont engagés dans une simplification radicale de leurs gammes, une sorte « d’iPhoneification » selon l’expression de Philip Nothard (Cox Automotive), afin de réduire les coûts de développement et d’industrialisation. Dieselgate a aussi accéléré l’adoption de cycles d’homologation plus réalistes, comme le WLTP entré en vigueur en 2017.

    Le diesel, victime collatérale ?

    En Europe, le diesel représentait encore plus de la moitié des ventes de voitures neuves en 2015. Dix ans plus tard, il pèse moins de 15 %. Si la transition énergétique et l’essor des hybrides et des électriques expliquent en grande partie ce déclin, Dieselgate a clairement servi de catalyseur. La méfiance à l’égard des motorisations à gazole s’est installée, renforcée par les politiques publiques de restriction de circulation et par une fiscalité moins favorable.

    Pourtant, sur le plan technique, le diesel n’a jamais été aussi propre qu’aujourd’hui. Les systèmes de dépollution modernes réduisent drastiquement les émissions de NOx, au point que certains experts considèrent les diesels récents plus vertueux que leurs équivalents essence en matière de pollution locale. « Dieselgate a terni une technologie qui, dans sa forme actuelle, est extrêmement propre », rappelle Nick Molden, fondateur d’Emissions Analytics.


    Un impact sanitaire

    Le scandale ne se limite pas à une tricherie comptable ou à une bataille juridique. Plusieurs études ont estimé que l’excès d’émissions de NOx lié aux logiciels truqueurs aurait contribué à des milliers de décès prématurés en Europe, notamment en raison des maladies respiratoires.


    La confiance des automobilistes en question

    Sur le plan de l’opinion publique, l’effet est plus nuancé. Le recul du diesel semble davantage lié aux contraintes réglementaires et au manque d’offre que proprement à la défiance des consommateurs. Beaucoup d’automobilistes reconnaissent encore l’avantage du diesel pour les gros rouleurs, notamment en matière d’autonomie et de consommation.

    Volkswagen, un géant qui a survécu

    Ironie de l’histoire, le groupe Volkswagen est resté le premier constructeur européen et affiche une santé financière solide. Le Dieselgate fut un traumatisme, mais aussi un accélérateur de transformation : gouvernance renforcée, milliers de collaborateurs formés aux nouvelles pratiques de conformité, et surtout un virage stratégique massif vers l’électrique, incarné par la gamme ID.

    « Dieselgate représente un tournant majeur de l’histoire du groupe », déclarait récemment un porte-parole de Volkswagen, soulignant les progrès accomplis en matière de transparence et d’éthique.

    Une page tournée ?

    Dix ans après, le Dieselgate reste un cas d’école. Pour l’industrie automobile, il aura agi comme un révélateur et un accélérateur : révélateur des failles dans la relation de confiance entre constructeurs et clients ; accélérateur dans la marche vers une mobilité plus propre, que ce soit par contrainte ou par opportunisme.

    Le diesel n’est pas mort, mais il a perdu sa légitimité en tant que technologie dominante. Cantonné désormais aux véhicules lourds, aux utilitaires ou aux gros SUV, il a laissé la voie libre à l’hybride et à l’électrique. La fraude de Volkswagen aura donc, paradoxalement, contribué à précipiter une mutation historique dont nous vivons encore les répercussions.

  • Le paradoxe de Monty Hall : quand un jeu télévisé et une voiture ont changé les mathématiques

    Le paradoxe de Monty Hall : quand un jeu télévisé et une voiture ont changé les mathématiques

    Dans l’Amérique des sixties et des seventies, l’automobile était plus qu’un moyen de transport : elle incarnait le rêve, la prospérité et l’aboutissement d’un idéal de société. Les chromes étincelants, les carrosseries interminables et les V8 grondants faisaient partie de l’imaginaire collectif. Rien d’étonnant alors que la télévision, ce nouveau temple de la culture populaire, ait fait de la voiture son trophée ultime. C’est ainsi qu’un jeu télévisé est entré dans la légende, non seulement pour ses mises en scène spectaculaires, mais aussi parce qu’il a donné naissance à l’un des paradoxes mathématiques les plus célèbres du XXe siècle : le paradoxe de Monty Hall.

    Let’s Make a Deal : l’Amérique du spectacle et de l’abondance

    Créée en 1963 par le producteur Stefan Hatos et l’animateur canadien Monty Hall, l’émission Let’s Make a Deal devient rapidement un phénomène de société. Le principe est simple : le public, déguisé en costumes extravagants, participe à un jeu de hasard orchestré par Monty Hall, qui multiplie les offres et contre-offres. Les participants peuvent repartir avec quelques dollars, des objets absurdes ou… une automobile flambant neuve, exposée sur le plateau comme un Graal.

    Les voitures offertes reflètent alors la puissance de l’industrie américaine. Pontiac GTO, Ford Mustang, Cadillac Eldorado ou encore Buick Riviera : ces modèles symbolisent à la fois le succès et l’horizon d’une vie meilleure. L’image d’un candidat ouvrant une porte pour découvrir derrière elle une berline de Detroit à la peinture métallisée et aux sièges en cuir est devenue l’icône d’un âge d’or télévisuel.

    Mais c’est une mécanique bien particulière du jeu qui a retenu l’attention des mathématiciens, des statisticiens et… des amateurs de paradoxes.

    Trois portes, une voiture et deux chèvres

    L’un des moments phares du show consistait à choisir entre trois portes. Derrière l’une d’elles, une automobile de rêve. Derrière les deux autres, des lots de consolation, souvent des chèvres vivantes. Monty Hall, avec son sourire espiègle et son sens du suspense, proposait au joueur d’ouvrir une porte. Puis, sachant ce qui se cachait derrière chacune, il dévoilait une autre porte contenant forcément une chèvre. Et enfin, il posait la question fatidique : « Voulez-vous changer de porte ? »

    À première vue, le dilemme paraît équitable. Deux portes, une voiture : une chance sur deux, pense-t-on spontanément. Mais la réalité mathématique est tout autre. En conservant son choix initial, le joueur n’a qu’une chance sur trois de gagner. En revanche, en changeant, il double ses chances pour atteindre deux chances sur trois. Ce résultat, contre-intuitif, deviendra le fameux paradoxe de Monty Hall.

    De la télévision aux mathématiques

    Le problème a longtemps circulé comme une curiosité probabiliste parmi les amateurs de jeux et les étudiants en statistiques. Mais il a explosé dans l’opinion publique à la fin des années 1980, lorsqu’une lectrice posa la question dans la rubrique de Marilyn vos Savant, considérée comme la femme la plus intelligente du monde par le Guinness Book. Dans son magazine, elle expliqua que la stratégie gagnante était bien de changer de porte. Tollé général. Des centaines de lecteurs, dont des professeurs de mathématiques et des chercheurs, lui écrivirent pour la contredire. Pourtant, les expériences répétées et les simulations informatiques confirmèrent son raisonnement : Monty Hall avait, bien malgré lui, popularisé une démonstration implacable des lois des probabilités.

    La voiture comme symbole

    Si le paradoxe a marqué autant les esprits, c’est aussi parce qu’il mettait en jeu une automobile. Dans l’Amérique de Let’s Make a Deal, gagner une voiture n’était pas un simple prix : c’était un changement de vie. Devenir propriétaire d’une Cadillac flambant neuve représentait un ascenseur social en accéléré, un signe extérieur de réussite. La tension dramatique venait de là : derrière une porte, une existence transformée ; derrière les deux autres, une chèvre broutant placidement la moquette du plateau.

    Le parallèle entre le rationnel (les probabilités) et l’émotionnel (le désir de la voiture) est sans doute ce qui a rendu le paradoxe de Monty Hall aussi marquant. Les spectateurs se mettaient à la place du joueur : aurais-je osé changer de porte, quitte à perdre ce que j’avais déjà désigné ? Ou serais-je resté fidèle à mon premier choix, au risque de passer à côté du rêve automobile ?

    Monty Hall, malgré lui, éternel

    Ironie de l’histoire, Monty Hall lui-même n’aimait pas que son nom soit attaché à ce paradoxe. Il estimait que le raisonnement mathématique ne traduisait pas parfaitement la réalité de son jeu, où les candidats étaient influencés par sa manière d’animer, ses hésitations feintes ou ses incitations subtiles. Mais le mal était fait : son nom restera à jamais lié à l’une des énigmes les plus célèbres de la culture populaire.

    Entre probabilité et passion

    Le paradoxe de Monty Hall est plus qu’un problème mathématique. C’est une histoire où se croisent la télévision, la culture populaire américaine, le rêve automobile et la rationalité scientifique. Il nous rappelle qu’une voiture, bien plus qu’un objet mécanique, peut devenir le pivot d’un récit collectif, d’une tension dramatique et d’un apprentissage intellectuel.

    Alors, si vous vous retrouviez un jour devant trois portes, avec une Cadillac des sixties derrière l’une d’elles et deux chèvres derrière les autres… que feriez-vous ?

  • Porsche 911 Targa : l’icône à ciel ouvert fête ses 60 ans

    Porsche 911 Targa : l’icône à ciel ouvert fête ses 60 ans

    Il y a soixante ans, en septembre 1965, Porsche présentait au Salon de Francfort une nouvelle déclinaison de la 911 qui allait devenir un symbole à part entière : la Targa. Ni cabriolet, ni coupé, mais un peu des deux, elle incarnait une solution audacieuse à un défi réglementaire et technique. Aujourd’hui, l’arceau Targa est plus qu’un élément de carrosserie : c’est une signature intemporelle, qui a traversé toutes les générations de la 911.

    Une idée née dès la 901

    Dès le développement de la Porsche 901 – qui deviendra la 911 –, les ingénieurs et designers savaient qu’une version ouverte devrait compléter la gamme. En 1962, Porsche, Reutter et Karmann envisagent trois options : un cabriolet classique, un roadster à structure allégée et un cabriolet doté d’un arceau fixe. C’est ce dernier concept qui s’impose, même si le projet reste dans les cartons, faute de moyens.

    Lorsque les États-Unis imposent des règles de sécurité plus strictes au milieu des années 1960, Porsche dispose déjà de la réponse : un cabriolet sécurisé par un arceau en acier inoxydable brossé, intégré au design. Une idée qui combine style, technologie et sécurité.

    La première Targa : liberté et sécurité

    La 911 Targa est dévoilée en 1965, suivie de la 912 Targa en 1967. Le concept séduit immédiatement : un toit amovible au-dessus des sièges avant, une lunette arrière souple en plastique que l’on pouvait replier ou retirer, et quatre configurations possibles. Porsche résume la promesse dans une formule devenue culte :
    « La liberté du cabriolet, la sécurité d’un coupé. »

    Le nom, proposé par Harald Wagner, directeur des ventes de l’époque, rend hommage à la course sicilienne Targa Florio, où Porsche s’illustrait régulièrement. Et sous le crayon de Ferdinand Alexander Porsche, l’arceau n’est pas qu’un élément fonctionnel : il devient un signe distinctif, fusion parfaite de la forme et de la fonction.

    Des évolutions techniques et stylistiques

    Dès 1969, la lunette arrière souple est remplacée par un grand vitrage fixe, mais le principe reste inchangé : arceau fixe + toit amovible. Cette formule perdure jusqu’à la génération 964 (1989-1993).

    En 1995, la 911 993 introduit une rupture : la Targa adopte un toit vitré coulissant, soutenu par des montants longitudinaux. L’arceau disparaît, la ligne se rapproche du coupé, mais le modèle conserve son nom. Les générations 996 et 997 poursuivent cette formule, séduisant une clientèle appréciant la luminosité et l’originalité du grand toit panoramique. Pourtant, pour les passionnés, quelque chose manque : la Targa sans arceau n’a pas tout à fait le même charisme.

    Le grand retour de l’arceau

    En 2014, avec la 911 type 991, Porsche opère un virage décisif : l’arceau Targa fait son grand retour. L’arrière s’habille d’une lunette panoramique sans montants latéraux, et un mécanisme spectaculaire orchestre l’ouverture et la fermeture du toit en quelques secondes. La capote se replie derrière les sièges arrière, dans une chorégraphie digne d’un ballet mécanique.

    Ce retour aux origines, salué par les puristes, repositionne la Targa comme un modèle à part entière, distinct du cabriolet et du coupé. La génération actuelle, la 992 Targa, conserve cette architecture, tout en y associant les dernières évolutions techniques, de la transmission intégrale aux motorisations les plus modernes.

    Une icône de style et d’ingénierie

    La Targa a toujours incarné une philosophie singulière chez Porsche : conjuguer l’ouverture et la protection, la liberté et la rigueur technique. Elle a inspiré d’autres modèles de la marque – la 914, la Carrera GT – et influencé plusieurs constructeurs tentés par l’idée d’un cabriolet plus sûr et plus utilisable au quotidien.

    Mais chez Porsche, la Targa n’a jamais été un simple compromis. Elle est devenue un marqueur identitaire, au même titre que les phares ronds ou la poupe inclinée. C’est une 911 immédiatement reconnaissable, que l’on aime pour son mélange de tradition et d’innovation.

    60 ans et toujours unique

    En 2025, Porsche célèbre les 60 ans de la 911 Targa. Rarement un concept technique a su traverser six décennies tout en s’adaptant aux évolutions réglementaires, stylistiques et technologiques. De l’arceau inox brossé de 1965 au mécanisme électrique de la 992, la Targa incarne l’ingénierie allemande autant que l’art du détail.

    Elle n’est pas qu’une déclinaison : elle est devenue un modèle en soi, apprécié de ceux qui veulent conjuguer élégance, sportivité et plaisir de conduite à ciel ouvert.

    La Targa, c’est la preuve que l’ouverture peut être pensée avec substance. Et qu’à Zuffenhausen, l’émotion se conjugue toujours au présent.

  • Mardi 13 septembre 1994 : la fin de la Régie Renault

    Mardi 13 septembre 1994 : la fin de la Régie Renault

    Le 13 septembre 1994, le gouvernement Balladur annonce officiellement la privatisation partielle de Renault. Une décision qui marque la fin d’un symbole : celui du capitalisme d’État incarné par la Régie nationale des usines Renault depuis la Libération. Plus qu’un simple changement de statut, c’est une page entière de l’histoire industrielle française qui se tourne, dans un climat politique, économique et social tendu.

    Une nationalisation devenue anachronique

    Renault avait été sauvée de la faillite en 1985 grâce à son statut d’entreprise publique. Mais à l’orée des années 1990, la nationalisation apparaît de moins en moins compatible avec les règles européennes. La Commission de Bruxelles, veillant scrupuleusement au respect de la concurrence, ne peut plus distinguer la recapitalisation d’une entreprise publique de l’octroi d’aides d’État. Dans ce contexte, maintenir la Régie sous le giron de l’État devient une anomalie.

    D’ailleurs, partout en Europe, le mouvement est lancé : Jaguar et Rover passent dans le giron du privé en Grande-Bretagne, le Land de Basse-Saxe réduit sa participation dans Volkswagen, l’Italie vend Alfa Romeo à FIAT, et les anciens constructeurs de l’Est européen tombent aux mains de groupes privés. Renault ne pouvait rester à l’écart de ce courant.

    Des hésitations politiques à répétition

    Le basculement de Renault vers le privé aurait pu intervenir bien plus tôt. En 1986, Jacques Chirac, alors Premier ministre, annonce la privatisation de la Régie. Mais face à l’opposition du président François Mitterrand, il recule. Réélu en 1988, ce dernier instaure un « ni-ni » : ni privatisation, ni nouvelle nationalisation. Renault reste alors dans un entre-deux inconfortable, dépendant de l’État mais privé de perspectives.

    À partir de 1990, les gouvernements successifs tergiversent. Michel Rocard, Édith Cresson, Pierre Bérégovoy, puis Édouard Balladur repoussent tour à tour la décision. Pourtant, la loi du 19 juillet 1993 inscrit Renault sur la liste des entreprises privatisables. Mais Balladur, potentiel candidat à l’élection présidentielle de 1995, redoute que l’annonce ne déclenche des grèves massives dans une entreprise marquée par une longue tradition de luttes sociales.

    L’échec de l’alliance avec Volvo

    Pendant ce temps, Raymond Lévy, président de Renault entre 1986 et 1992, cherche une solution alternative pour sortir l’entreprise de son isolement. Le 4 juillet 1990, la Régie devient une société anonyme au capital partagé entre l’État (80 %) et Volvo (20 %). Mais cette alliance tourne rapidement à la désillusion. Les Suédois comprennent vite que ce partenariat n’est pas une union équilibrée, mais bien une reprise en main de l’État français. En 1993, Volvo claque la porte, laissant Renault sans allié industriel et affaibli.

    Cet échec accélère le processus de privatisation. Pour le gouvernement, l’ouverture du capital devient incontournable. Mais ce sera une privatisation partielle, l’État gardant une majorité.

    L’ouverture du capital en 1994

    Le 13 septembre 1994, Renault met 35,64 % de son capital sur le marché. Les actions sont proposées à 176 francs l’unité (165 francs pour les salariés). L’opération est un immense succès : la demande est 15,5 fois supérieure à l’offre pour les investisseurs institutionnels, et 61 % des salariés deviennent actionnaires. Un résultat surprenant pour une entreprise où l’on craignait une hostilité massive au processus.

    Le 17 novembre 1994, la première cotation est euphorique : 180,90 francs, avant de grimper à 184,60 en février 1995, veille de l’entrée de Renault au CAC 40. Un noyau dur d’actionnaires français se forme autour d’Elf Aquitaine, Matra, Rhône-Poulenc et la BNP. Mais déjà, l’État prépare la suite.

    De la Régie à Renault SA

    Le 15 juillet 1995, une nouvelle étape est franchie. L’État réduit sa participation à 46 %. Renault devient officiellement une entreprise privée, même si l’actionnariat reste encore marqué par des institutions françaises. Les fonds internationaux, américains notamment, commencent à prendre position. L’été suivant, le 26 juillet 1995, l’assemblée générale entérine la transformation : Louis Schweitzer devient le premier président-directeur général de Renault SA, après avoir été le dernier président de la Régie nationale.

    Louis Schweitzer, l’homme du passage

    Louis Schweitzer occupe une place singulière dans l’histoire de Renault. Haut fonctionnaire passé par le cabinet de Laurent Fabius, homme de gauche assumé, protestant inspiré par les valeurs wébériennes du travail et de la responsabilité, il devient paradoxalement l’artisan de la privatisation. Plus proche dans l’esprit de Pierre Dreyfus que de Raymond Lévy, il veut une entreprise « plus libre et plus responsable ».

    Mais Schweitzer doit composer avec une inquiétude majeure : les 46 % de capital non détenus par l’État sont susceptibles d’être rachetés par un concurrent étranger. À l’heure où General Motors, Toyota, Ford, Daimler-Benz ou Volkswagen lorgnent sur l’Europe, Renault pourrait devenir une proie facile. L’État promet de conserver entre 10 et 20 % du capital pour prévenir une OPA hostile, mais cela ne suffit pas à rassurer.

    Alliances ou indépendance ?

    Après l’échec avec Volvo, Renault explore d’autres pistes. Des discussions s’ouvrent avec Fiat, mais sont torpillées par Gérard Longuet, ministre de l’Industrie, qui rêve d’une union franco-allemande avec Daimler-Benz. Schweitzer, lui, s’y oppose fermement, préférant éviter une fusion imposée par la politique. Il prône des coopérations ciblées : moteurs, boîtes de vitesses, utilitaires, monospaces. « Les alliances ciblées ouvriront un jour d’autres portes. C’est une question d’opportunité », confie-t-il alors.

    Cette stratégie de patience finira par porter ses fruits. À la fin des années 1990, Renault s’alliera avec Nissan, ouvrant une nouvelle ère de coopération internationale.

    Une page d’histoire se tourne

    La privatisation de Renault n’est pas seulement un changement juridique. C’est la fin d’un modèle, celui de la grande entreprise publique incarnant la reconstruction d’après-guerre et le capitalisme d’État français. C’est aussi un moment charnière où l’industrie automobile bascule dans la mondialisation et où les constructeurs doivent s’allier pour survivre.

    Trente ans plus tard, l’épisode de septembre 1994 apparaît comme une évidence rétrospective. Mais sur le moment, ce fut une rupture, vécue comme une trahison par certains, comme une libération par d’autres. En réalité, c’était simplement la fin d’une époque : celle de la Régie Renault.

  • Toyota Gazoo Racing ressuscite le cœur de l’AE86

    Toyota Gazoo Racing ressuscite le cœur de l’AE86

    Le moteur 4A-GE retrouve des pièces neuves grâce au GR Heritage Parts Project

    Quarante ans après sa naissance, l’AE86 continue de vivre. Véritable icône de la culture automobile japonaise, célébrée aussi bien sur les circuits que dans le manga Initial D, la Toyota Corolla Levin et la Sprinter Trueno marquent une nouvelle étape dans leur long parcours : Toyota Gazoo Racing (TGR) a annoncé la reproduction et la réédition de pièces essentielles de leur moteur mythique, le 4A-GE.

    Deux sous-ensembles majeurs rejoignent en effet le catalogue du GR Heritage Parts Project : la culasse et le bloc-cylindres. Ils seront dévoilés en première mondiale lors de l’événement anniversaire des 30 ans d’Initial D, organisé les 13 et 14 septembre prochains sur le Fuji Speedway. C’est également à cette occasion que les précommandes seront ouvertes, avant une commercialisation prévue aux alentours de mai 2026.

    Le GR Heritage Parts Project : préserver l’histoire vivante de Toyota

    Lancé par Toyota Gazoo Racing, ce programme vise à donner une seconde vie aux modèles historiques de la marque en reproduisant des pièces introuvables depuis longtemps. Ces composants, proposés comme des pièces d’origine neuves, permettent aux propriétaires de continuer à faire rouler leurs voitures « pleines de souvenirs », selon la philosophie officielle du projet.

    Aujourd’hui, plus de 200 références couvrant huit modèles sont déjà disponibles. L’ajout de la culasse et du bloc du 4A-GE pour l’AE86 représente une étape symbolique : c’est toucher au cœur même de la légende.

    Moderniser sans trahir

    Bien que fidèles au dessin et aux spécifications d’époque, ces deux ensembles mécaniques bénéficient des dernières avancées en matière de simulation numérique, de procédés de fabrication et de matériaux. L’objectif est clair : assurer une fiabilité et une durabilité optimales pour que les passionnés puissent continuer à faire vivre leurs autos pendant de longues années.

    • Culasse (Head Sub-Assy, Cylinder) :
      Les chambres de combustion ont été usinées pour réduire les variations de taux de compression entre moteurs. Les conduits d’admission reçoivent un traitement de surface limitant les irrégularités, et les pions de calage des paliers d’arbres à cames, partiellement présents à l’époque, sont désormais généralisés pour faciliter le montage.
    • Bloc-cylindres (Block Sub-Assy, Cylinder) :
      Les alésages bénéficient d’un honage moderne, gage de précision accrue. Le matériau, une fonte à plus haute rigidité, améliore la résistance. Enfin, la structure des paliers de vilebrequin a été optimisée grâce à la simulation.

    Ces améliorations permettent d’obtenir un moteur plus homogène, plus durable, mais toujours fidèle à l’esprit du 4A-GE.

    Quand les fans dictent les évolutions

    Toyota a aussi tenu compte des retours des passionnés. Certains conduits d’admission et d’échappement de la culasse ont été renforcés par des parois plus épaisses. Quant au bloc, il est désormais pourvu de bossages et nervures pour un montage transversal. De quoi élargir son champ d’application, y compris dans des modèles à traction avant, au-delà de l’AE86 originelle.

    Une annonce ancrée dans la culture pop

    Il ne pouvait y avoir meilleur cadre que l’Initial D 30th Anniversary 2days pour présenter ces pièces. Car si l’AE86 est devenue une icône mondiale, c’est en grande partie grâce au manga et à l’anime Initial D, qui ont mis en scène la petite Trueno dans des courses de montagne endiablées.
    Lors de l’événement au Fuji Speedway, une AE86 restaurée et équipée de ces nouvelles pièces sera exposée aux côtés des composants GR Heritage Parts. Les visiteurs pourront également passer les premières précommandes directement sur place.

    Un lancement attendu en 2026

    Toyota prévoit d’ouvrir les ventes autour de mai 2026, sous réserve d’un volume de commandes suffisant. Comme toujours avec le GR Heritage Parts Project, les quantités produites dépendront de la demande, ce qui rendra ces pièces encore plus précieuses pour les collectionneurs et les préparateurs.

    AE86 : une légende intemporelle

    Présentée en mai 1983, l’AE86 a marqué son époque par sa légèreté, sa propulsion et son moteur atmosphérique vif, le fameux 4A-GE. Mais c’est sa longévité culturelle qui impressionne le plus : voiture culte des drifteurs, héroïne de manga et d’anime, elle reste une source d’inspiration pour Toyota, qui a même lancé la GR86 comme héritière spirituelle.

    Avec la réédition de pièces aussi cruciales que la culasse et le bloc, Toyota ne se contente pas de préserver son patrimoine. La marque offre à une nouvelle génération de passionnés la possibilité de prolonger la vie d’une icône qui continue d’écrire l’histoire de l’automobile.

  • Rolls-Royce Phantom : cent ans au rythme de la musique

    Rolls-Royce Phantom : cent ans au rythme de la musique

    Il y a des voitures qui traversent l’histoire en silence, et d’autres qui l’écrivent en musique. Depuis cent ans, la Rolls-Royce Phantom est indissociable du monde artistique et en particulier de la scène musicale, des big bands de l’entre-deux-guerres aux stars du rap et du R&B contemporains. À travers huit générations et un siècle d’évolution, la Phantom s’est imposée non seulement comme le sommet de l’automobile de luxe, mais aussi comme une toile vierge où les musiciens les plus créatifs ont projeté leur identité.

    « De l’âge d’or d’Hollywood à l’ascension du hip-hop, les artistes ont utilisé la Phantom pour affirmer leur personnalité et bousculer les conventions. Leurs voitures sont devenues des icônes à part entière », résume Chris Brownridge, directeur général de Rolls-Royce Motor Cars. L’histoire de la Phantom se lit donc comme une discographie parallèle, où chaque génération trouve son rythme et ses musiciens.

    Des premières notes à Hollywood

    Bien avant que le rock ou le rap ne s’approprient le mythe Rolls-Royce, les pionniers du jazz et de la chanson avaient déjà adopté la Phantom comme symbole d’élégance et de réussite. Duke Ellington, Fred Astaire, Count Basie, Ravi Shankar, Édith Piaf ou encore Sam Cooke ont tous roulé dans une Rolls, inscrivant la marque dans l’imaginaire collectif comme le véhicule ultime des artistes.

    En 1930, Marlene Dietrich débarque à Hollywood auréolée de son rôle dans L’Ange bleu. Paramount lui offre alors une Phantom I verte pour son arrivée sur le tournage de Morocco. Plus qu’un simple moyen de transport, la voiture devient un personnage de cinéma, immortalisé dans les dernières scènes du film et ses photos promotionnelles. Déjà, la Phantom s’impose comme un prolongement de la mise en scène.

    Rock ‘n’ roll et extravagance

    Dans les années 1950 et 1960, le rock transforme la Phantom en instrument de liberté. Elvis Presley, au sommet de sa carrière, commande en 1963 une Phantom V Midnight Blue truffée de détails sur mesure : micro embarqué, bloc-notes intégré à l’accoudoir, miroir et brosse à vêtements. Anecdote savoureuse : la carrosserie miroitante attire les poules de sa mère, qui picorent frénétiquement leur reflet. Pour éviter les éclats, Elvis finit par faire repeindre sa voiture en bleu clair métallisé.

    John Lennon va encore plus loin. En 1964, il s’offre une Phantom V noire intégrale, équipée d’un bar et d’une télévision. Trois ans plus tard, à l’heure de Sgt Pepper’s, il fait repeindre la voiture en jaune éclatant, décorée de motifs psychédéliques peints à la main. Pour les jeunes, c’est l’incarnation de l’« été de l’amour » ; pour les conservateurs, un sacrilège. Lorsqu’elle est vendue en 1985, cette Phantom devient la pièce de rock memorabilia la plus chère de l’histoire, adjugée plus de 2,2 millions de dollars. Lennon possédera aussi une autre Phantom V, entièrement blanche, en accord avec son esthétique minimaliste des années Yoko Ono, équipée d’un tourne-disque, d’un téléphone et d’un téléviseur.

    Extravagances et showmanship

    La Phantom attire aussi ceux qui ont fait de la démesure une signature. Liberace, pianiste flamboyant surnommé « Mr Showmanship », fit recouvrir sa Phantom V de milliers de miroirs pour en faire un accessoire de scène. Plus tard, Elton John – grand admirateur de Liberace – suivra la même voie. Dans les années 1970, il multiplie les Phantoms personnalisées : une Phantom VI avec installation audio si puissante que la lunette arrière devait être renforcée, une Phantom bicolore rose et blanche offerte à son percussionniste Ray Cooper… Cette dernière fera même un retour en musique en 2020, lorsque Damon Albarn et Gorillaz invitent Elton John sur le morceau The Pink Phantom.

    Les mythes du rock

    Le nom de Rolls-Royce est aussi associé aux excès les plus célèbres du rock. Keith Moon, batteur des Who, est censé avoir précipité une Rolls-Royce dans la piscine d’un hôtel lors de son 21ᵉ anniversaire. La véracité de l’anecdote reste floue, mais la légende est si puissante qu’elle fait désormais partie intégrante de l’imagerie rock. Pour marquer le centenaire de la Phantom, Rolls-Royce a d’ailleurs recréé la scène en immergeant une coque de Phantom à la piscine Art déco de Tinside Lido, à Plymouth, un lieu immortalisé par les Beatles en 1967 lors du tournage de Magical Mystery Tour.

    Du rap aux étoiles

    Avec l’essor du hip-hop, la Phantom a trouvé un nouvel écho. Depuis le début des années 2000, la marque est devenue la plus citée dans les paroles de chansons. Pharrell Williams et Snoop Dogg installent une Phantom VII dans le clip de Drop It Like It’s Hot en 2004, Lil Wayne en met une sur la pochette de Tha Carter II, tandis que 50 Cent immortalise son cabriolet Phantom Drophead Coupé dans la série Entourage. Plus qu’un simple objet de luxe, la Rolls devient symbole de réussite et instrument de narration.

    Un détail de design est devenu culte : le Starlight Headliner, ciel de toit constellé de fibres optiques, largement repris dans les lyrics sous l’expression « stars in the roof ». Preuve que, dans la culture urbaine, la Phantom n’est pas seulement une voiture : c’est un univers en soi.

    Une icône qui joue toujours

    Cent ans après sa naissance, la Phantom conserve une place unique dans l’histoire de la musique. Du jazz aux beats du hip-hop, elle a traversé les genres et les époques, toujours choisie par ceux qui voulaient marquer leur temps. Plus qu’une automobile, elle est un symbole : celui du succès, de la créativité et de l’expression personnelle.

    Alors que la Phantom entame son deuxième siècle, elle reste fidèle à cette mission : incarner le luxe absolu, tout en offrant à ceux qui l’adoptent un espace d’expression. Une Rolls-Royce ne se contente pas de transporter ; elle raconte une histoire. Et quand il s’agit de Phantom, cette histoire est souvent musicale.

  • Nuvolari au Nürburgring : l’exploit italien qui fit plier le Reich

    Nuvolari au Nürburgring : l’exploit italien qui fit plier le Reich

    90 ans après la plus incroyable victoire d’Alfa Romeo face aux puissances allemandes, cet article rend hommage à un moment de légende du sport automobile : un triomphe technique et humain, sur fond de tension politique et de domination technologique allemande. Le 28 juillet 1935, au Nürburgring, Tazio Nuvolari prouve que la bravoure et le talent peuvent renverser l’ordre établi.

    Le 28 juillet 1935, le Nürburgring n’est pas seulement le théâtre d’un Grand Prix. C’est une arène géopolitique, une vitrine technologique, un affrontement idéologique. L’Allemagne nazie entend imposer sa suprématie à travers ses machines, ses pilotes, son organisation. Mercedes-Benz et Auto Union, soutenues à bout de bras par le régime, alignent des bolides argentés futuristes, forts d’innovations comme le moteur arrière chez Auto Union — une solution qui ne s’imposera en Formule 1 que deux décennies plus tard.

    Face à elles, une équipe italienne jugée dépassée, la Scuderia Ferrari, alors simple structure satellite d’Alfa Romeo, venue avec des Alfa P3 âgées, simplement mises à jour. Des machines rouges, dépassées en tout point… sauf dans les mains d’un homme.

    Tazio Nuvolari a 42 ans. Son corps a connu la guerre, les blessures, les souffrances mécaniques des années 1920. Mais ce 28 juillet, « Nivola » entre dans la légende.

    David contre trois Goliaths argentés

    Sur la grille, la bataille semble perdue d’avance. Les spectateurs allemands — plus de 200 000 — s’attendent à un podium 100 % national. Les Auto Union de Stuck, Rosemeyer et Varzi, les Mercedes de von Brauchitsch, Caracciola et Fagioli, semblent inaccessibles. Le contraste est saisissant dans les stands : carrosseries profilées contre caisses traditionnelles, structures d’État contre artisanat d’élite.

    La course est un calvaire : 500 kilomètres sur la Nordschleife, soit plus de 4 heures d’effort sur ce ruban de 22,8 kilomètres, aussi tortueux que meurtrier. Une épreuve d’endurance autant que de vitesse.

    Dès les premiers tours, les forces en présence se dégagent : Balestrero et Brivio abandonnent, puis Chiron. Seule l’Alfa de Nuvolari reste en lice. Il est seul contre les Allemands.

    Et il attaque.

    Un rythme infernal, un homme transcendé

    Varzi heurte un mécanicien au départ. Rosemeyer sort de la piste. Von Brauchitsch, Caracciola et Rosemeyer imposent un rythme de métronome, tandis que Nuvolari hausse progressivement le ton : 10’57” au tour, puis 10’45”, jusqu’à 10’32” pour signer le meilleur chrono de la course, à près de 130 km/h de moyenne sur cette piste d’un autre temps.

    Lors des ravitaillements au 12e tour, les trois Mercedes repartent avant l’Italien. Mais les pneus de von Brauchitsch se dégradent. Le pilote Mercedes tente de contrôler l’écart, mais Tazio revient, tour après tour. Il reprend jusqu’à 16 secondes par boucle.

    Alfred Neubauer, le célèbre patron de Mercedes, panique. Il multiplie les signaux à son pilote. Rien n’y fait. Nuvolari grignote l’écart, second après second.

    Le dernier tour de la légende

    À l’entame du dernier tour, von Brauchitsch compte encore 30 secondes d’avance. Mais son pneu arrière cède. À neuf kilomètres de l’arrivée, au niveau du Karussell, les commissaires voient passer… Nuvolari. Le silence s’installe dans les tribunes. Puis la clameur explose.

    L’Italien franchit la ligne le poing levé, sous les yeux incrédules d’un public médusé.

    Une victoire impensable. Dérangeante. Une Alfa Romeo rouge dans l’antre du national-socialisme. Un héros moustachu de 42 ans, au volant d’une machine d’un autre temps, qui vient de défier la logique industrielle, les pronostics politiques et la toute-puissance technologique du Reich.

    Une défaite intolérable… un mythe éternel

    Il faudra du temps aux autorités allemandes pour digérer l’affront. Certains prétendront qu’Hitler en personne aurait refusé de remettre la coupe. Nuvolari, dit-on, sortira un petit drapeau italien de sa poche pour le brandir seul sur le podium. D’autres parlent d’un trophée expédié par la poste.

    Les détails comptent peu face à la portée symbolique du geste. Cette victoire est sans doute la plus éclatante de l’histoire d’Alfa Romeo. Elle ancre le nom de Nuvolari dans la légende, comme celui d’un pilote capable de transcender la mécanique, les conditions, et même l’époque.

  • La fin de la voiture mondiale

    La fin de la voiture mondiale

    Pendant plusieurs décennies, l’industrie automobile a couru après un idéal : celui de la voiture mondiale. Un même modèle, vendu sur tous les marchés, avec des composants standardisés et des plateformes communes, produit de manière interchangeable d’un continent à l’autre. Cette vision, portée notamment par les constructeurs japonais dans les années 1980 puis par les groupes mondiaux tels que General Motors, Volkswagen ou Toyota, promettait des économies d’échelle, une meilleure rentabilité et une rationalisation logistique. Aujourd’hui, cet idéal semble avoir vécu.

    Une mondialisation à bout de souffle

    La voiture mondiale, c’est la Toyota Corolla assemblée dans vingt pays différents, la Ford Focus qui fut un temps identique aux États-Unis et en Europe, ou encore la Volkswagen Golf conçue pour satisfaire à la fois les clients allemands, chinois et brésiliens. Dans les années 1990 et 2000, les plateformes globales ont permis aux groupes automobiles de maximiser leur présence sur les marchés en simplifiant les développements techniques et en optimisant les usines. Mais cette approche s’est progressivement heurtée à des réalités plus complexes.

    D’un côté, les clients ont continué d’exprimer des préférences locales : un conducteur chinois ne veut pas nécessairement le même habitacle qu’un Européen, et un pick-up américain ne se conçoit pas sur les standards d’un utilitaire japonais. De l’autre, les réglementations se sont durcies et différenciées, en particulier en matière d’émissions, de sécurité et d’équipement technologique.

    La revanche du local

    Les crises récentes ont accéléré une prise de conscience. La pandémie de COVID-19, les tensions sino-américaines, la guerre en Ukraine, la montée des tarifs douaniers et les fragilités des chaînes d’approvisionnement ont mis à mal la logique de production dispersée. À cela s’ajoutent des incitations fiscales très localisées, à l’image de l’Inflation Reduction Act américain qui subventionne généreusement la production d’électriques sur le sol des États-Unis.

    Les constructeurs ont donc changé d’approche. Ils cherchent désormais à produire au plus près de leurs marchés, à relocaliser certaines fonctions industrielles, et à adapter leur offre en fonction des spécificités régionales. Volvo assemble des XC60 en Suède pour l’Europe et en Chine pour l’Asie. Volkswagen travaille avec Xpeng pour concevoir des voitures destinées uniquement au marché chinois. Stellantis développe des modèles spécifiques pour l’Amérique du Sud. Et Ford a définitivement tourné la page des petites voitures en Europe pour se recentrer sur une offre plus ciblée.

    Une logique économique, mais aussi stratégique

    Produire localement, ce n’est pas seulement une réponse à la géopolitique ou aux incitations fiscales. C’est aussi une façon de mieux répondre aux attentes des clients. En Chine, par exemple, l’appétence pour les écrans géants, les assistants vocaux et les mises à jour à distance impose une électronique embarquée différente de celle qu’on retrouve dans une Peugeot européenne ou une Dodge mexicaine.

    La montée en puissance des véhicules électriques renforce ce besoin d’adaptation. Les réseaux de recharge, les comportements d’usage, les types de trajets et les politiques d’aide varient considérablement d’un pays à l’autre. Une compacte à batterie de 40 kWh peut être pertinente en Italie, mais inutile dans les grandes plaines américaines.

    Le retour des « régions automobiles »

    Il faut aussi noter que cette tendance remet à l’honneur des zones historiques de production. Le Sud des États-Unis, autrefois marginal dans l’industrie, est devenu un nouveau cœur industriel avec Tesla au Texas, Volkswagen au Tennessee, BMW en Caroline du Sud et Hyundai en Géorgie. L’Europe réinvestit la Slovaquie, la Pologne et l’Espagne, tandis que la Chine pousse à une production nationale encore plus intégrée.

    Cette régionalisation n’annonce pas nécessairement la fin des groupes mondiaux, mais elle pousse à une organisation plus polycentrique. Chaque grande région — Amérique du Nord, Europe, Chine, Asie du Sud-Est — tend à devenir autonome en conception, production et distribution.

    La voiture mondiale est-elle morte ?

    Pas tout à fait. Certains véhicules continueront à jouer un rôle global, à l’image de la Toyota Yaris Cross, produite au Japon, en France et au Brésil, le nouveau Jeep Compass qui sera produit en Italie et aux Etats-Unis, ou des modèles haut de gamme comme les Porsche ou les Rolls-Royce qui gardent un prestige transnational. Mais ils ne représentent plus la norme.

    Ce n’est plus l’uniformité qui guide l’industrie, mais l’agilité. Adapter ses produits, ses sites et ses stratégies à la réalité du terrain. L’époque où une Citroën C-Elysée ou une Chevrolet Aveo pouvait prétendre à séduire à la fois des conducteurs de Wuhan, de Varsovie et de Montevideo semble révolue.

    Le retour à une logique régionale signe donc une rupture. Après des années de quête d’un modèle unique pour tous, l’industrie automobile redécouvre l’intérêt de la diversité. Une diversité qui, à défaut de simplifier les opérations, ouvre peut-être la voie à une meilleure compréhension des besoins des automobilistes. Ce qui, après tout, reste l’essence même du métier.