Catégorie : Histoire & Culture

  • Le cortège de l’Italie : quand la Lancia Flaminia incarne l’élégance du pouvoir

    Le cortège de l’Italie : quand la Lancia Flaminia incarne l’élégance du pouvoir

    Chaque année, le 2 juin, Rome se transforme en une vaste scène protocolaire pour célébrer la Festa della Repubblica. C’est une tradition bien ancrée, mais aussi une vitrine de ce que l’Italie chérit : la continuité, le prestige et le raffinement. En ouverture du défilé militaire de 2025, le Président de la République, Sergio Mattarella, n’a pas dérogé à la règle. Il a pris place, comme ses prédécesseurs depuis plus de six décennies, à bord de la Lancia Flaminia présidentielle, fleuron de l’élégance italienne.

    Une berline d’apparat depuis 1961

    Présentée en 1957 au Salon de Genève, la Lancia Flaminia avait été pensée pour succéder à l’Aurelia dans un registre plus statutaire, plus bourgeois, avec une sophistication mécanique à la hauteur des ambitions du constructeur turinois. Dès 1961, cette berline à moteur V6 devient le véhicule officiel du chef de l’État italien. Elle n’a jamais quitté ce rôle. À travers les âges, elle a accompagné les gestes protocolaires des présidents, mais aussi salué les grands de ce monde : de la reine Elizabeth II à John Fitzgerald Kennedy, en passant par Charles de Gaulle.

    La version présidentielle, baptisée Flaminia 335 (du nom de son empattement allongé de 335 cm), a été carrossée par Pinin Farina dans une configuration découvrable, répondant à des exigences de visibilité et de représentation. Giovanni Gronchi, président de 1955 à 1962, sera le premier à l’adopter officiellement, inscrivant ainsi la Flaminia dans l’imaginaire politique italien.

    Cinq purs-sangs pour l’État

    Cinq exemplaires spécifiques seront construits entre 1961 et 1962 pour les Scuderie del Quirinale, chacun portant le nom d’un cheval de course : Belfiore, Belmonte, Belvedere, Belsito, Baiardo. Quatre d’entre eux sont encore conservés en Italie, magnifiquement restaurés, dans un état de présentation irréprochable. Deux – Belfiore et Belvedere – sont encore en service pour les cérémonies officielles. Les autres sont exposés dans les musées : Belmonte au Museo Nazionale dell’Automobile à Turin, Belsito au Musée des véhicules militaires de Rome. Tous arborent une teinte bleu nuit, un intérieur en cuir noir Connolly, une sellerie arrière à cinq places dont deux strapontins, et un système d’interphonie pour les échanges entre dignitaire et chauffeur.

    Par son usage limité, par le soin extrême porté à leur préservation, ces Flaminia sont devenues plus que de simples voitures : elles sont des objets rituels, des artefacts de l’institution. Leurs apparitions publiques sont rares, solennelles, millimétrées. À chaque cortège, elles rappellent que la République italienne, tout en se tournant vers l’avenir, n’oublie rien de son passé.

    Une source d’inspiration pour le futur de Lancia

    Le lien entre cette voiture d’État et l’avenir de la marque Lancia n’a rien de symbolique. Depuis plusieurs mois, le constructeur annonce son grand retour, avec un programme produit ambitieux porté par Stellantis. À Turin, les designers ont puisé dans l’histoire pour façonner la nouvelle identité stylistique de la marque. Neuf modèles du passé ont servi de matrice. Parmi eux, bien sûr, la Flaminia.

    Sa ligne fluide, son architecture statutaire, son équilibre entre classicisme et modernité ont directement inspiré les traits des futures Lancia. Une philosophie baptisée « Progressive Classic » par les designers, qui consiste à réinterpréter des canons historiques dans un langage contemporain, sans céder à la nostalgie.

    La Nouvelle Gamma en ligne de mire

    Premier modèle à incarner ce renouveau sur le segment des grandes berlines : la Nouvelle Lancia Gamma. Un nom chargé d’histoire, pour un véhicule conçu comme le nouveau vaisseau amiral de la marque. Produite à partir de 2026 à Melfi (dans l’usine lucanienne emblématique du savoir-faire automobile italien), la Gamma marquera un tournant stratégique. Elle sera disponible en versions 100 % électrique et hybride, avec l’ambition d’allier durabilité, technologie de pointe et raffinement italien.

    Mais au-delà de ses caractéristiques techniques, c’est un rôle symbolique que la Gamma est appelée à jouer : incarner, dans le monde d’aujourd’hui, ce que représentait la Flaminia dans les années 1960. Une synthèse entre la culture du luxe à l’italienne et l’engagement pour une mobilité plus responsable. Une voiture d’image, de prestige, de vision.

    Une stratégie au service du Made in Italy

    À travers la Gamma, c’est tout le Made in Italy que Lancia entend remettre sur le devant de la scène. La marque mise sur une renaissance enracinée dans le territoire national, au cœur du projet de relance des usines italiennes porté par Stellantis. Dans ce cadre, le rôle de Lancia dépasse le simple marché automobile : elle redevient une vitrine culturelle, esthétique et industrielle de l’Italie contemporaine.

    Alors que la Flaminia continue de sillonner les pavés du Quirinal les jours de fête nationale, sa silhouette intemporelle trace une ligne directe vers le futur. Un futur où la République ne renonce pas à l’élégance, et où la modernité se nourrit de mémoire.

  • L’importance de s’appeler Cooper

    L’importance de s’appeler Cooper

    Le nom Cooper évoque autant la révolution technique en Formule 1 que les exploits inattendus d’une minuscule citadine dans les Alpes. Il incarne une vision, une passion, un style. Et aujourd’hui, il vit encore à travers un homme : Charlie Cooper. Ni ingénieur, ni pilote, ce quadragénaire britannique reste pourtant un acteur clé de la préservation d’un patrimoine mécanique et émotionnel inestimable.

    Charlie n’a pas suivi le chemin de ses illustres aïeux. Il a étudié l’économie et le marketing, bien loin des circuits ou des bancs d’essai. Son destin, pourtant, était scellé dès l’enfance : il serait le garant d’un nom, d’un esprit. Celui de la Cooper Car Company, de John Cooper, de la Mini Cooper.

    Un héritage de génie

    Son grand-père, John Cooper, a changé à jamais le visage de la Formule 1. En 1957, il place le moteur derrière le pilote sur la Cooper T43. Une intuition de génie, qui bouleverse la hiérarchie. Deux titres mondiaux plus tard (1959 et 1960), la formule est adoptée par tous. Mais c’est une autre voiture, bien plus modeste en apparence, qui fera entrer le nom Cooper dans la légende populaire.

    L’alliance entre John Cooper et Alec Issigonis transforme la Mini en bête de course. Trois victoires au Rallye de Monte-Carlo (1964, 1965, 1967) face à des bolides bien plus puissants démontrent l’efficacité du concept. Légèreté, agilité, audace : la Mini Cooper incarne une autre idée de la performance, plus rusée que brutale. Ce cocktail séduit, encore et toujours.

    Un ambassadeur au nom chargé d’histoire

    Charlie Cooper n’était pas destiné à reprendre le flambeau. Son grand-père, marqué par les drames de la course, lui interdit de piloter. Mais les souvenirs d’enfance tracent une voie irrésistible : à quatre ans, il découvre l’étroit cockpit d’une Cooper T51. À onze, il voit Ron Dennis déambuler dans le salon familial. Il grandit dans une maison où l’odeur d’huile moteur se mêle à celle des souvenirs glorieux. Et lorsque l’heure vient de choisir une voie, il ne peut se résoudre à abandonner le nom qui est aussi le sien.

    Depuis sept ans, Charlie Cooper est l’ambassadeur de Mini pour les modèles John Cooper Works. Il porte le flambeau avec fierté, multipliant les interventions publiques, les participations à des événements, les récits pleins d’enthousiasme et d’anecdotes. Il a même dessiné le tout premier logo JCW, preuve tangible de son engagement personnel.

    De l’héritage à la piste

    Mais l’appel du pilotage finit par se faire entendre. Gentleman driver assumé, Charlie prend le volant en compétition : Mini Challenge, Goodwood Revival au volant de Mini historiques, et jusqu’à la mythique Nürburgring 24H en 2023, avec le prototype de l’actuelle Mini JCW. Un clin d’œil aux racines sportives du nom qu’il porte, mais aussi un témoignage vivant de la continuité entre passé, présent et futur.

    Son père, Mike Cooper, avait déjà repris le flambeau à sa manière, lançant les premiers kits d’amélioration pour Mini sous le label John Cooper Works dès les années 1990. En 2002, la collaboration officielle avec BMW débute. En 2008, le groupe allemand acquiert entièrement la marque JCW, intégrée à l’univers Mini. Mais la filiation reste forte, même au sein d’un groupe multinational. Parce que Mini a compris une chose essentielle : on ne peut pas vendre une voiture iconique sans en préserver l’âme.

    Ne jamais renier son passé

    Dans un monde automobile en mutation rapide, entre électrification, connectivité et refondations de marque parfois brutales, l’histoire de Charlie Cooper est un rappel précieux. Oui, l’innovation est nécessaire. Mais elle ne peut se faire au prix de l’amnésie. La force d’une marque comme Mini réside précisément dans son enracinement. Dans sa capacité à émouvoir en évoquant une course de rallye des années 1960 ou une silhouette devenue culte.

    Charlie incarne cette mémoire active. Il ne la fige pas dans la nostalgie, il la prolonge. Il la transmet. Avec sincérité, avec passion. Et avec une lucidité bienvenue : « On ne peut pas prétendre être une marque authentique sans raconter d’où l’on vient. »

    Dans un clin d’œil final, le journaliste italien à l’origine de cette rencontre évoque Jaguar, qui a récemment remercié une agence publicitaire coupable d’avoir trop violemment rompu avec l’héritage de la marque. Une décision qui résonne comme un avertissement. À vouloir trop gommer le passé, on finit parfois par effacer ce qui faisait la valeur du nom.

    Charlie Cooper, lui, l’a bien compris. Porter un nom, ce n’est pas seulement un privilège. C’est une responsabilité. Et pour Mini, c’est un gage d’authenticité.

  • Citroën et flex-office : quand le Garage Marbeuf réinvente l’art du bureau

    Citroën et flex-office : quand le Garage Marbeuf réinvente l’art du bureau

    Autrefois cathédrale Art déco dédiée à l’automobile française triomphante, l’ancienne concession Citroën du 32-34 rue Marbeuf entame une nouvelle vie. Transformé en immeuble de bureaux par la foncière Gecina, ce bâtiment emblématique du Triangle d’or parisien mêle mémoire industrielle et exigences contemporaines. Reportage dans ce que l’on pourrait bien appeler la Rolls des bureaux parisiens.

    À première vue, la spectaculaire façade vitrée du 32-34 rue Marbeuf, dans le très chic 8e arrondissement de Paris, pourrait passer pour une audace contemporaine. Pourtant, derrière ses lignes pures et sa transparence affirmée, c’est une véritable pièce du patrimoine automobile français qui s’offre une nouvelle jeunesse. Avant de devenir « Icône », son nouveau nom de baptême, ce bâtiment fut, dans l’entre-deux-guerres, le premier garage Citroën de la capitale, une vitrine monumentale du génie d’André Citroën et de l’optimisme industriel des années 20.

    Conçu par Albert Laprade entre 1926 et 1929, le « Garage Marbeuf » n’était pas un simple atelier mécanique ou une banale concession. Il s’agissait d’un temple Art déco de 19 mètres de haut, un espace spectaculaire où les voitures trônaient comme des œuvres d’art, avec un atrium baigné de lumière et des structures métalliques typées Eiffel en hommage au modernisme de l’époque. Longtemps défiguré par des rénovations successives, le bâtiment avait fini par se fondre dans l’anonymat d’immeubles de bureaux sans âme. Jusqu’à ce que Gecina décide, en pleine pandémie, de lui redonner son éclat.

    Une réinvention post-Covid

    Dès 2020, la foncière parisienne imagine un projet aussi ambitieux qu’audacieux : réhabiliter ce lieu emblématique en y injectant les nouvelles attentes du bureau post-Covid. Luminosité, espaces extérieurs, circulation fluide, modularité… L’objectif est clair : faire du retour au bureau une expérience désirable. « Il fallait que les gens aient envie de revenir travailler sur place. Il fallait créer un lieu vivant, ouvert, lumineux, chaleureux », explique Beñat Ortega, directeur général de Gecina.

    Pour cette métamorphose, le cabinet PCA-Stream, dirigé par Philippe Chiambaretta, a relevé le défi architectural avec une attention rare pour le passé du site. Le résultat : une restauration magistrale de l’ossature Eiffel, la suppression des faux plafonds, des façades allégées et des fenêtres redessinées pour magnifier la lumière. L’atrium central, anciennement obstrué, retrouve ses 14 mètres de hauteur et se pare d’un double escalier monumental en spirale, façon Chambord, mêlant prestige et fonctionnalité.

    De la DS à l’open space

    Le projet, fort d’un investissement de plus de 200 millions d’euros, redonne un souffle contemporain à un espace historiquement dédié à l’automobile. Si autrefois les DS, Traction Avant ou Rosalie s’y exposaient en majesté, ce sont désormais plus de 1000 salariés qui pourront s’y croiser au quotidien. Sur les 10.800 m² de surface, répartis sur dix niveaux, les bureaux s’organisent autour de l’atrium et s’ouvrent vers l’extérieur via 1700 m² de terrasses végétalisées.

    Des détails pensés pour favoriser les nouveaux usages du travail : mobilier extérieur équipé de prises électriques, vues imprenables sur la tour Eiffel, larges espaces collaboratifs, circulation fluide… Même les anciennes rampes menant aux parkings ont été réinterprétées : désormais, ce sont 200 emplacements vélo qui remplacent les places automobiles d’antan. Une évolution logique dans un Paris qui regarde vers la mobilité douce, sans renier son passé motorisé.

    Un héritage automobile respecté

    Là où d’autres auraient rasé pour reconstruire, Gecina et PCA-Stream ont préféré respecter et révéler le patrimoine, assumant la filiation entre industrie automobile et architecture tertiaire. Le résultat n’est pas un pastiche mais une synthèse réussie : l’ancien Garage Marbeuf devient un immeuble de bureaux haut de gamme, fidèle à son ADN d’origine — la modernité.

    Le clin d’œil au passé n’est jamais appuyé, mais perceptible : la monumentalité des volumes, la lumière naturelle, la transparence et la logique constructive font écho aux valeurs qui animaient Citroën dans les années 30. À quelques centaines de mètres, le C42, autre flagship historique de la marque aux chevrons, a été fermé en 2018 et remplacé par une enseigne de sportswear. Le bâtiment de la rue Marbeuf, lui, demeure un témoin vivant de l’épopée automobile française, même s’il a troqué ses carrosseries étincelantes contre des écrans d’ordinateur.

    Luxe et confidentialité

    Le bâtiment n’aura pas mis longtemps à séduire. Un locataire unique – pour l’heure non dévoilé – a réservé l’intégralité des espaces, signe de l’attractivité de ce lieu d’exception. Si le montant du bail est tenu confidentiel, les connaisseurs du marché tertiaire estiment que les loyers y atteindront les plus hauts standards du quartier, déjà le plus cher de Paris. Une adresse comme celle-ci ne se vend pas : elle se garde, assure-t-on chez Gecina.

    Le 32-34 rue Marbeuf est bien plus qu’un immeuble de bureaux. C’est un symbole de transformation urbaine réussie, un hommage discret à l’histoire industrielle de Paris et une démonstration de ce que peut être l’architecture de bureau du XXIe siècle : respectueuse du passé, adaptée aux besoins du présent, et prête à accueillir l’avenir.

    Ici, Citroën ne rugit plus, mais inspire encore.

  • Volkswagen ravive l’esprit Harlequin pour les 50 ans de la Polo… sur une voiture de rallycross !

    Volkswagen ravive l’esprit Harlequin pour les 50 ans de la Polo… sur une voiture de rallycross !

    Il y a des voitures qui deviennent cultes parce qu’elles sont rares, performantes ou coûteuses. Et puis il y a les Harlequin de Volkswagen. Des citadines bariolées nées d’une blague d’ingénieur, devenues icônes grâce à leur look délirant et à un parfum d’insolence assumée. Pour les 50 ans de la Polo, VW UK remet ça : une livrée Harlequin — mais cette fois, sur un monstre de rallycross.

    Un anniversaire en roue libre

    Volkswagen n’a pas choisi une Polo GTI ni un modèle de série pour célébrer les cinq décennies de sa petite berline. Non. Le constructeur allemand a préféré se tourner vers son glorieux passé en compétition pour habiller une Polo R World Rallycross Car de 2018 aux couleurs Harlequin. Le résultat ? Une voiture de course surbaissée, bodybuildée, coiffée d’un aileron en carbone, arborant quatre teintes criardes sur ses panneaux de carrosserie : Chagallblau, Flashrot, Ginstergelb et Pistazie. Le tout ponctué de graphismes façon BD.

    Un clin d’œil qui ne doit rien au hasard. Car si la Polo a connu bien des déclinaisons sportives — GT, G40, GTI, R WRC… —, la version Harlequin est sans doute la plus reconnaissable de toutes.

    1995 : la naissance d’une légende multicolore

    Retour en 1994. À l’époque, Volkswagen cherche un moyen ludique d’illustrer la modularité de ses chaînes de production. L’idée est simple : assembler quelques Polo avec des panneaux de carrosserie dépareillés. Neuf prototypes sont réalisés. Le public est conquis. En 1995, VW lance officiellement la Polo Harlekin, une série spéciale… qui n’a rien de sobre.

    Chaque exemplaire repose sur une base colorée — bleu, rouge, jaune ou vert — à laquelle sont ajoutés des panneaux dans les trois autres teintes. En tout, 3 806 exemplaires seront vendus en Europe, avant que le concept ne traverse l’Atlantique, sous forme de Golf Harlequin. C’est peu, mais suffisant pour faire entrer cette édition dans le panthéon des bizarreries automobiles adorées des collectionneurs.

    Au-delà de l’exercice de style, la Harlekin devient une déclaration. Un pied de nez à l’uniformité croissante du marché automobile. Et un formidable outil de différenciation pour VW, qui prouve alors qu’on peut être sérieux sans se prendre au sérieux.

    Du bitume au gravier, même esprit

    Trente ans plus tard, la nouvelle Harlequin ne roule pas dans les rues mais sur les circuits de rallycross. Une discipline où la Polo s’est imposée comme une référence, notamment entre 2017 et 2020, avec plusieurs titres mondiaux en poche. Avant cela, la version WRC de la Polo avait dominé le championnat du monde des rallyes entre 2013 et 2016.

    Le modèle choisi pour cette livrée anniversaire est une Polo WRX de 2018, développée spécifiquement pour le rallycross. Par rapport à la WRC, elle adopte une aérodynamique plus agressive, un empattement raccourci et des suspensions calibrées pour encaisser les jumps et les réceptions brutales. Bref, un engin spectaculaire… que cette robe multicolore rend presque joyeusement absurde.

    Le résultat est saisissant : entre nostalgie assumée et performance brute, cette Harlequin de course devient un ovni roulant. Et une formidable opération de communication, tant pour les amateurs de youngtimers que pour les fans de sport auto.

    Une célébration en trois actes

    Avec cette Harlequin WRX, Volkswagen rend hommage à trois piliers de son identité :

    • La Polo, qui fête ses 50 ans et s’est écoulée à plus de 18 millions d’exemplaires depuis 1975.
    • La série Harlequin, devenu symbole de créativité et de dérision dans le monde très normé de l’automobile.
    • La compétition, où la marque a su allier rigueur allemande et flamboyance sur les pistes.

    Ce mélange improbable entre la dérision colorée et la rigueur du sport mécanique illustre à merveille le paradoxe Volkswagen. Une marque capable d’inventer l’automobile sérieuse et rationnelle… tout en la repeignant comme un jouet de collectionneur.


    La culture Harlequin, toujours vivante ?

    L’engouement pour les Harlequin d’origine ne s’est jamais vraiment éteint. Aujourd’hui encore, des collectionneurs s’arrachent les quelques exemplaires d’époque — surtout ceux dont les panneaux n’ont pas été repeints pour retrouver une certaine « harmonie ». Sur les réseaux sociaux, les #HarlequinVW sont légion. Et ce genre de célébration, même unique, entretient le mythe.

    Avec cette Polo de rallycross, VW montre qu’elle n’a pas oublié comment faire sourire les passionnés. Et qu’elle n’a pas peur de faire dialoguer les époques : une voiture de course ultra-technique, habillée d’une blague de designer des années 90. Parfait pour les 50 ans d’un modèle qui a toujours su ménager la chèvre (sportive) et le chou (citadine raisonnable).

  • 1925 – 2025 : la Rolls-Royce Phantom a cent ans, et elle est toujours au sommet

    1925 – 2025 : la Rolls-Royce Phantom a cent ans, et elle est toujours au sommet

    Il y a cent ans, Rolls-Royce lançait un modèle appelé à incarner le sommet de l’automobile : la Phantom. Une voiture née avec une ambition démesurée — être la meilleure voiture du monde — et qui n’a jamais cessé de réinventer cette idée du sommet. Cent ans plus tard, alors que Rolls-Royce multiplie les œuvres roulantes en série ultra-limitée, la Phantom reste ce que Sir Henry Royce voulait qu’elle soit : un objet de perfection, mais aussi un miroir de l’époque.

    Un monument en mouvement

    La Phantom n’a jamais été qu’une voiture. Depuis 1925, elle est le reflet de l’air du temps… mais vu depuis le sommet. À chaque génération, la Phantom se présente comme une page blanche sur laquelle l’histoire des puissants vient s’écrire.

    La toute première, la Phantom I, succède à la Silver Ghost dans un monde encore marqué par la Grande Guerre. Elle est déjà pensée pour des clients au goût raffiné, plus souvent conduits que conducteurs. Dès l’origine, la Phantom est un châssis livré nu, habillé ensuite par les meilleurs carrossiers. Elle devient une pièce unique à chaque exemplaire, bien avant que le sur-mesure ne devienne un argument marketing.

    Phantom II, III, IV… les générations s’enchaînent au fil des décennies, souvent dans l’ombre mais toujours en majesté. La Phantom IV n’est vendue qu’à la royauté. La V devient la voiture des têtes couronnées, mais aussi des stars : John Lennon la transforme en manifeste psychédélique, Elvis Presley en fait son carrosse blanc.

    Une voiture comme un sceptre

    La Phantom n’est pas seulement une limousine : c’est un symbole de pouvoir. Pendant la Seconde Guerre mondiale, le général Montgomery sillonne le front dans une Phantom III peinte en kaki. Dans les années 1950, elle accompagne les déplacements de la reine Elizabeth II. En 2003, la renaissance de la Phantom sous pavillon BMW inaugure une nouvelle ère : celle du luxe comme expérience.

    Derrière son design néoclassique dessiné sous la direction d’Ian Cameron, la Phantom VII marie technologie allemande et artisanat britannique. Pour Rolls-Royce, il ne s’agit plus de concevoir une automobile, mais un « objet de contemplation ». Ce sera le credo de la marque jusqu’à aujourd’hui.

    Rolls-Royce n’évolue pas, elle s’élève

    En 2025, pour célébrer les cent ans de la Phantom, Rolls-Royce ne sort pas une série limitée banale. Elle crée une œuvre d’art mécanique, la Phantom Series II Scintilla, hommage à la Victoire de Samothrace. Couleurs inspirées de la statuaire grecque, broderies composées de près de 900 000 points, sculpture intérieure dans la galerie de planche de bord… tout ici évoque un luxe extrême, contemplatif, presque sacré. La marque n’a pas cherché à faire plus rapide ou plus technologique, mais plus signifiant. Parce que c’est ça, la Phantom.

    Il n’y a que dix exemplaires. Pas besoin d’en faire plus. La Phantom s’adresse à une élite qui n’a pas besoin de visibilité pour affirmer son prestige.

    Le luxe comme patrimoine

    Sur Autocult.fr, on aime raconter comment l’automobile est un révélateur de son époque. À ce titre, la Phantom est un cas d’école : chaque génération nous dit quelque chose sur la société qui l’a produite.

    – La Phantom I illustre le passage de l’ère industrielle à l’ère aristocratique de l’automobile.
    – La Phantom V des années 1960 est celle de l’exubérance, de la pop culture, du star system.
    – La Phantom VII est celle du renouveau du luxe dans les années 2000, entre tradition et mondialisation.
    – La Phantom VIII, aujourd’hui, incarne l’ère du luxe postmatériel : on ne la regarde plus pour ce qu’elle fait, mais pour ce qu’elle représente.

    Ce centenaire est donc plus qu’un anniversaire. C’est un jalon dans une histoire unique, celle d’une automobile qui n’a jamais accepté d’être banale, jamais accepté de s’adapter à des tendances passagères.

    Ce qui vient après le sommet

    Et maintenant ? La prochaine Phantom sera-t-elle électrique ? Probablement. Mais elle ne deviendra pas plus démocratique pour autant. Rolls-Royce a déjà franchi le pas avec la Spectre, un coupé à batteries qui prolonge cette philosophie du silence et de l’effort imperceptible. La Phantom, elle, restera au sommet.

    Dans une époque où tout change, où les icônes tombent, où les certitudes s’effritent, la Rolls-Royce Phantom persiste. Elle est le dernier rempart d’un luxe qui n’a pas besoin de justification. Une anomalie ? Non. Un repère.

  • Citation : Jean Yanne

    Citation : Jean Yanne

    Jean Yanne : « Au volant, n’importe qui devient un chef, soucieux d’imposer la justice, sa justice, aux autres conducteurs… Les complexes se défoulent, les fantasmes se rentrent dedans à cent à l’heure. »

    D’accord avec cette vision, même si elle commence à dater ?

  • La renaissance du tout premier prototype Bentley Speed 8 : une pièce oubliée de l’histoire ressuscitée

    La renaissance du tout premier prototype Bentley Speed 8 : une pièce oubliée de l’histoire ressuscitée

    Dans l’univers feutré des prototypes d’endurance, rares sont les voitures qui portent à elles seules le poids d’une histoire méconnue, presque oubliée. Pourtant, sur la piste de l’aérodrome de Turweston, en Angleterre, un grondement strident a récemment brisé le silence, marquant le retour à la vie d’un fantôme de Crewe : le tout premier prototype Bentley Speed 8.

    Ce n’est ni la voiture victorieuse des 24 Heures du Mans en 2003, ni l’un des neuf autres châssis LMGTP développés par Bentley entre 2001 et 2003. Ce prototype singulier, identifié par la plaque « CHASSIS NO. RTN 001.01 » fixée sur son monocoque en carbone, est en réalité le tout premier jalon posé par Bentley dans son ambitieux retour au Mans, bien avant que le conseil d’administration de Volkswagen ne donne son feu vert officiel au projet.

    Un chant mécanique venu d’une autre époque

    À peine le moteur lancé, les spécialistes présents comprennent immédiatement que quelque chose cloche. Ce n’est pas le feutré V8 biturbo d’origine Audi qui vrombit sous la carrosserie, mais un hurlement aigu, brut, presque sauvage. En s’approchant, la confirmation est immédiate : un Ford-Cosworth DFR de Formule 1, un V8 atmosphérique à vilebrequin plat de 3,8 litres, prend place derrière le pilote. Ce moteur, construit à l’époque par Nicholson McLaren, fut choisi pour les essais initiaux du projet, avant que Bentley n’opte définitivement pour la mécanique Audi plus adaptée aux exigences de l’endurance.

    C’est cette voix rauque et survoltée qui a ressuscité la mémoire de cette voiture oubliée, après deux décennies d’immobilisation dans un entrepôt de Crewe.

    Une restauration minutieuse et un engagement passionné

    Le miracle de cette renaissance porte la signature de Shaun Lynn, gentleman driver averti et père d’Alex Lynn, pilote officiel Cadillac en Hypercar. Collectionneur passionné, Lynn possède aujourd’hui quatre des cinq Bentley Speed 8 construites pour la saison 2003, ne laissant à la marque que l’exemplaire victorieux du Mans.

    En 2018, Bentley accepte de céder ce prototype unique à Lynn, à une condition ferme : le remettre en état de marche. Une mission confiée à Progressive Motorsport, dirigée par Howden Haynes et Dave Ward, tous deux membres de l’équipe Bentley victorieuse du début des années 2000. Il aura fallu plus de 2 000 heures de travail, la reconstitution de plus de 5 500 pièces, et le respect scrupuleux des méthodes de fabrication de l’époque pour redonner vie au châssis RTN 001.01.

    « Ce projet s’est arrêté brutalement à l’époque, sans jamais être finalisé. Notre travail a consisté à tout remettre exactement comme à l’origine », explique David Brown, responsable de l’ingénierie chez Progressive.

    Une genèse complexe sous l’ombrelle Volkswagen

    À l’origine, ce prototype n’était pas destiné à Bentley. En 1999, dans la foulée de l’accident spectaculaire de Peter Dumbreck au volant de la Mercedes CLR, les règlements de l’ACO changent drastiquement. Volkswagen, qui travaille alors sur une voiture de course autour de son moteur W12 pour Le Mans, se voit contraint d’adapter sa stratégie. Le projet initial, baptisé Audi R8C et conçu chez Racing Technology Norfolk (RTN), se mue progressivement en un nouveau concept.

    Sous l’impulsion de Brian Gush, alors directeur des opérations d’ingénierie chez Bentley, et avec le soutien discret de Ferdinand Piëch, ce prototype est habillé aux couleurs de Bentley pour convaincre la direction du groupe Volkswagen. La manœuvre réussit : le projet Bentley Speed 8 est officiellement lancé.

    Conçu par Peter Elleray, le châssis du prototype se démarque par son architecture mêlant des arceaux composites avant et arrière avec une structure tubulaire acier pour le cockpit – un compromis entre les anciennes et nouvelles normes de sécurité imposées aux prototypes fermés après l’épisode des envols spectaculaires au Mans.

    Une histoire méconnue, un destin singulier

    Ce premier prototype n’a jamais couru en compétition. Il a simplement servi aux premiers essais privés, notamment à Silverstone, Monza, et sur la piste du Bugatti au Mans. Recouvert d’une livrée noire lors de ses premiers tours de roues, il sera brièvement présenté au public lors du Salon de Genève 2001 avant d’être relégué au rôle de voiture de présentation statique.

    Par la suite, Bentley met en place une stratégie plus claire : engager de véritables Speed 8 motorisées par le V8 Audi et dotées d’une boîte séquentielle Megaline. Le résultat est connu : podium dès 2001, victoire en 2003, puis retrait officiel après avoir accompli la mission de redorer le blason de la marque.

    Aujourd’hui, grâce à la vision de Shaun Lynn et au savoir-faire de Progressive Motorsport, ce chapitre oublié de l’histoire de Bentley retrouve enfin la place qu’il mérite. Son moteur hurlant a résonné à nouveau sur le circuit du Mugello lors du Mugello Classic, piloté par Max Lynn – sous les yeux attentifs de son père, qui a aligné, lui, une véritable Speed 8 de 2003.

  • Aston Martin Vantage : soixante-dix ans d’une lignée d’exception

    Aston Martin Vantage : soixante-dix ans d’une lignée d’exception

    Quel ingénieur ou responsable marketing d’Aston Martin a eu l’idée du nom « Vantage » ? L’histoire ne le dit pas. Mais ce que l’on sait, c’est qu’à la fin de l’année 1950, le constructeur britannique préparait une variante plus performante de son moteur six cylindres en ligne. Pour accompagner cette évolution, il fallait un nom évocateur, capable de séduire les clients amateurs de performances. Une liste fut dressée, et le mot « Vantage » fut retenu. Selon le dictionnaire, il désigne un état de supériorité ou d’avantage. Le ton était donné.

    Pendant près de deux décennies, le badge Vantage allait ainsi désigner les motorisations les plus puissantes des modèles Aston Martin.

    Les débuts : DB2 et premiers succès sportifs

    La première à bénéficier d’une version Vantage fut la DB2. Lors de son lancement en avril 1950, elle était équipée d’un 2.6 litres à faible taux de compression (6,5:1), développant seulement 105 ch — une contrainte imposée par les faibles qualités du carburant disponible après-guerre. Cependant, avec le retour de l’essence à haut indice d’octane et l’essor du sport automobile, une version plus pimentée était indispensable.

    Grâce à de plus gros carburateurs et à un taux de compression porté à 8,16:1, le moteur « Vantage » passait à 125 ch. Résultat : un 0 à 96 km/h (0-60 mph) amélioré, de 12,4 secondes à 10,7 secondes, et une vitesse maximale portée de 177 km/h à 188 km/h. La légende Vantage était née.

    La montée en puissance : DB4, DB5, DB6

    La continuité ne fut pas immédiate. La DB4, par exemple, ne proposa de variante Vantage qu’à partir de la série 4 en 1961. Sous le capot, le six-cylindres en ligne tout aluminium de 3,7 litres, signé Tadek Marek, gagnait en vigueur grâce à trois carburateurs SU au lieu de deux, portant la puissance de 240 ch à 266 ch. Esthétiquement, la DB4 Vantage se distinguait souvent par ses phares carénés, empruntés à la DB4 GT, lui donnant des allures de précurseur de la mythique DB5.

    Justement, la DB5 Vantage reste aujourd’hui l’une des plus prisées. Dotée d’un moteur porté à 4,0 litres et de carburateurs Weber triple corps, elle atteignait 314 ch pour une vitesse maximale de 241 km/h. Toutefois, seuls 65 exemplaires furent livrés avec la spécification Vantage d’origine — un détail qui vaut aujourd’hui un surcoût de près de 20 % sur le marché de la collection par rapport à une DB5 classique.

    À noter : la DB5 fut la première Aston à arborer physiquement un badge « Vantage », sur l’ailette d’évacuation d’air du passage de roue avant, une habitude conservée sur la DB6. Cette dernière, toujours motorisée par un 4.0 litres et trois carburateurs Weber, revendiquait 325 ch, contre 282 ch pour la version standard. Mieux encore, ce surcroît de puissance était proposé sans surcoût — une approche impensable dans le marketing automobile actuel.

    La transition vers la DBS en 1967 confirma cette politique : l’élégant coupé à quatre phares était disponible aussi bien en motorisation standard qu’en version Vantage.

    L’anomalie AM Vantage et le renouveau

    Avec le départ de David Brown en 1972, Aston Martin entamait une phase plus chaotique. La DBS V8 devint l’AM V8, tandis que la version six cylindres était rebaptisée AM Vantage. Ironiquement, le badge Vantage, autrefois réservé aux modèles les plus puissants, se retrouvait associé au modèle d’entrée de gamme. De plus, la voiture conservait des roues à rayons dépassées, à l’heure où les jantes en alliage devenaient la norme. Une courte page peu glorieuse de l’histoire Aston.

    La situation fut heureusement corrigée en 1976, avec la renaissance du véritable V8 Vantage. Cette fois, le V8 5,3 litres, équipé de quatre carburateurs Weber inversés, voyait sa puissance grimper à 370 ch. Les performances étaient d’un tout autre calibre : un 0 à 96 km/h en 5,4 secondes et une vitesse de pointe de 274 km/h. Pour accompagner cette cavalerie, Aston renforçait le châssis avec des amortisseurs télescopiques Koni, des ressorts plus courts et plus durs, une barre antiroulis plus épaisse et une voie élargie.

    Visuellement, les spoilers avant et arrière ainsi que la calandre obturée annonçaient la couleur : la Vantage devenait un véritable modèle à part entière. Mieux : elle offrait à la Grande-Bretagne son premier supercar capable de rivaliser avec la Porsche 911 Turbo et la Ferrari Berlinetta Boxer.

    En 1986, l’apparition du Vantage X-Pack, revendiquant environ 410 ch, poussa encore plus loin l’exclusivité. Cette mécanique survoltée fut également montée dans l’extrême Vantage Zagato, un coupé radical capable d’atteindre 299 km/h.

    La transition vers l’ère moderne

    À la fin des années 1980, Aston Martin renouvela toute sa gamme avec l’arrivée de la Virage, mais peina à convaincre. Ce n’est qu’en 1993 que le nom Vantage retrouva son aura avec un imposant coupé à la carrure de cuirassé : twin-supercharged V8, 550 ch et 550 lb-pi (747 Nm) de couple. Baptisé simplement Vantage, il offrait des performances stratosphériques, flirtant avec les 322 km/h dans sa version ultime V600.

    Parallèlement, la DB7, produite dans les anciens locaux de TWR à Bloxham, offrait une nouvelle approche plus légère et plus accessible d’Aston Martin. En 1999, le lancement de la DB7 Vantage, animée par un V12 de 5,9 litres développant 420 ch, permit à Aston d’atteindre 298 km/h et de redynamiser ses ventes.

    La démocratisation du nom Vantage

    Traditionnellement associé aux versions hautes performances, le badge Vantage fut attribué en 2005 au nouveau modèle d’accès de la marque. Si certains puristes ont grincé des dents, la beauté et la sportivité de la VH Vantage ont rapidement conquis les cœurs. Avec une production s’étalant sur 13 ans et un record de ventes à la clé, cette Vantage est devenue l’un des piliers du renouveau Aston Martin.

    En 2018, une nouvelle page s’ouvrit avec l’arrivée de la Vantage équipée du V8 biturbo AMG, forte de 510 ch. Bien que saluée pour son efficacité, elle divisa avec son esthétique controversée et son habitacle jugé daté.

  • Taiichi Ohno : l’homme qui a réinventé la production automobile

    Taiichi Ohno : l’homme qui a réinventé la production automobile

    Dans l’après-guerre, alors que l’industrie automobile mondiale continue de vouer un culte au modèle américain, un ingénieur japonais va discrètement poser les bases d’une révolution silencieuse. Taiichi Ohno, figure aujourd’hui incontournable de l’histoire industrielle, n’a pas cherché à copier les méthodes de Detroit : il a su en comprendre les limites pour inventer un nouveau paradigme. À travers lui, Toyota allait tracer une voie singulière, devenue l’étalon mondial de la performance industrielle.

    De la sidération à la réflexion

    Quand Taiichi Ohno débarque aux États-Unis en 1947, il n’est encore qu’un ingénieur parmi d’autres au sein de la jeune Toyota Motor Company. Fils d’un pays ravagé par la guerre et par la crise économique, il observe avec un œil critique la formidable efficacité du système Ford, notamment à l’usine de River Rouge. Là-bas, la production de masse tourne à plein régime, l’opulence semble inépuisable, et l’organisation du travail repose sur une stricte spécialisation des tâches.

    Pourtant, Ohno sent d’instinct que ce modèle ne saurait être transposé au Japon. Le marché domestique est encore embryonnaire, la diversité des besoins est immense, et l’économie vit sous la contrainte des devises étrangères rares. Surtout, les réalités sociales n’ont rien de commun avec celles des États-Unis : au Japon, l’idée d’un ouvrier interchangeable, licenciable à volonté, est culturellement inacceptable.

    Adapter l’industrie à la réalité japonaise

    Face à ce constat, Ohno n’a pas cherché à critiquer, mais à apprendre. S’il admire la puissance du système fordien, il en mesure aussi les faiblesses. Chez Ford, une presse est dédiée à la fabrication massive d’une seule pièce ; chez Toyota, où les volumes sont dérisoires, un tel investissement serait absurde. Ohno va donc s’attaquer à un problème majeur : comment adapter les outils lourds de production à des petites séries tout en maintenant une productivité élevée.

    Sa réponse ? Réduire au maximum le temps de changement des outils de presse, jusqu’à permettre aux ouvriers eux-mêmes d’effectuer ces opérations complexes. Ce processus, qui prendra des années à perfectionner, débouche sur une avancée majeure : le SMED (Single-Minute Exchange of Die), ou changement rapide d’outillage. Une innovation qui transformera radicalement la flexibilité industrielle.

    De la production de masse au flux tendu

    Plus profondément encore, Taiichi Ohno s’interroge sur l’essence même de la production. À Detroit, les lignes tournent sans interruption, les défauts s’accumulent en bout de chaîne, corrigés par des armées de retoucheurs. Cette gabegie paraît insensée dans une économie où chaque yen compte.

    Ainsi naît l’idée fondatrice du Toyota Production System (TPS) : la qualité doit être intégrée dès la production. Plutôt que de laisser filer les erreurs, chaque ouvrier est autorisé – et même encouragé – à stopper la ligne de montage s’il détecte un problème. Mieux encore, les équipes sont invitées à collaborer, à s’entraider, à analyser ensemble les causes des erreurs pour éviter qu’elles ne se reproduisent.

    Ce concept de Kaizen – amélioration continue – rompt avec les habitudes occidentales. À la spécialisation extrême et à l’isolement des ouvriers, Ohno oppose la polyvalence, la responsabilité collective et l’enrichissement du travail.

    La dimension sociale, un levier décisif

    Le Japon d’après-guerre a vu émerger un pacte social unique : l’emploi à vie, l’augmentation salariale à l’ancienneté, et un lien fort entre l’entreprise et ses salariés. Ohno intègre pleinement cette réalité dans son modèle. Les ouvriers ne sont plus des variables d’ajustement mais des acteurs de la performance de l’usine.

    En capitalisant sur l’expérience et les compétences accumulées au fil des ans, Toyota construit une culture d’entreprise où chaque travailleur est un expert en puissance, capable d’identifier les problèmes, de proposer des solutions, et d’innover sur son poste. Loin du taylorisme classique, le TPS repose ainsi sur une humanisation du travail industriel.

    Les fournisseurs au cœur du système

    Autre pilier du modèle développé par Ohno : l’organisation de la sous-traitance. Là où les industriels américains hésitent entre produire en interne ou acheter à l’extérieur (make or buy), Toyota structure son écosystème autour de partenaires de confiance. Les fournisseurs dits de « premier rang » deviennent des prolongements naturels de l’usine, formés aux mêmes méthodes de production et au même souci de la qualité.

    Ce réseau agile permet à Toyota d’optimiser ses coûts, de raccourcir ses délais, et surtout de maintenir une flexibilité inégalée face à l’évolution du marché.

    Une révolution mondiale discrète

    Le Just-In-Time, le Kaizen, le respect des opérateurs : ces concepts, encore méconnus dans les années 1960, finiront par devenir des standards mondiaux dans les décennies suivantes. Ford, General Motors, Renault, Volkswagen : tous finiront par se convertir aux méthodes de Toyota, parfois à contrecœur, souvent avec admiration.

    À travers son approche méthodique, humble et profondément humaine, Taiichi Ohno n’a pas seulement transformé Toyota. Il a prouvé qu’une industrie pouvait prospérer autrement que par la course à la quantité, en mettant la qualité, l’intelligence collective et la flexibilité au cœur du système.

  • Comment nommer une nouvelle voiture ? Plongée dans les secrets du naming automobile

    Comment nommer une nouvelle voiture ? Plongée dans les secrets du naming automobile

    Être parent pour la première fois est une aventure faite d’émotions fortes : nuits sans sommeil, pleurs imprévisibles… et surtout le choix d’un prénom, un acte qui marquera un être humain pour la vie. Une pression comparable existe dans l’industrie automobile : trouver le nom d’un nouveau modèle est une opération hautement stratégique. Un mauvais choix peut transformer un futur best-seller en un bide retentissant… ou pire encore, en sujet de moqueries nationales. Ford en a récemment fait l’amère expérience avec son nouveau Capri.

    Quelle est la recette d’un bon nom de voiture ?

    Pour Lee Waterhouse, fondateur de l’agence britannique WDA Automotive spécialisée en branding automobile, « le succès repose sur la création d’une connexion immédiate avec le public tout en assurant une différenciation claire ». En un instant, le futur acheteur doit se dire : « Ce véhicule est fait pour moi, il coche toutes mes attentes, aucun autre ne pourra le remplacer. »

    Chez Renault, Arnaud Belloni, vice-président marketing global, supervise la stratégie de nommage. Il avoue qu’une époque pas si lointaine voyait certains modèles baptisés par… des ordinateurs. L’exemple du Kadjar est révélateur : « Ce nom n’a absolument aucune signification. Il a été généré par un algorithme, bien avant que l’IA ne devienne un sujet populaire », confie-t-il récemment à la presse britannique.

    Aujourd’hui, Renault mise sur des noms porteurs de sens. Le tout nouveau Rafale illustre ce virage. Issu de l’histoire de Renault et de son rachat de Caudron dans les années 1930, le Rafale était un avion de course dont le nom évoque un coup de vent ou une bouffée de feu — des images fortes pour incarner le nouveau porte-étendard de la marque.

    Alphanumérique ou symbolique ?

    Face à des appellations évocatrices comme Rafale, les gammes alphanumériques (type Audi A3, A4, A5) peuvent sembler bien fades. Pourtant, leur logique est implacable : selon Waterhouse, « elles permettent d’ordonner une large gamme et incitent à monter en gamme ». A4, A6, A8 : plus le chiffre grimpe, plus l’image de prestige augmente.

    Chez Renault, Belloni articule l’offre autour de trois « piliers » :

    • Les modèles historiques (Clio, Mégane) qui traversent les générations ;

    • Les nouveautés avec des noms inédits (Austral, Rafale) ;

    • Les Icons, modèles néo-rétro qui ressuscitent des légendes (4L, R5).

    Le constructeur possède d’ailleurs plus de 1 000 noms historiques en réserve, soigneusement archivés. Un patrimoine précieux… mais qui pourrait embrouiller le client ? Belloni balaie la critique : « On ne peut pas lutter contre son histoire. Renault a 126 ans d’existence, avec des périodes de lettres, de chiffres et de vrais noms. »

    Le retour en grâce des noms rétro : une bonne idée ?

    La renaissance de la Renault 5 électrique démontre l’intérêt d’exhumer des icônes. Belloni lui-même admet : « On aurait dû faire revivre la R5 bien plus tôt. » L’atout d’un nom historique, rappelle Waterhouse, est de capitaliser immédiatement sur une image positive déjà ancrée dans la mémoire collective.

    Attention toutefois aux faux pas. Le retour du Ford Capri, sous forme de SUV électrique coupé, a essuyé un torrent de critiques. De même, l’utilisation du nom Mustang pour le Mach-E divise : « Le Mustang incarne la muscle car V8 rebelle par excellence. En l’accolant à un SUV familial électrique, on dilue l’héritage », déplore Waterhouse.

    Un champ de mines juridique

    Nommer un modèle, c’est aussi affronter des défis légaux considérables. Renault, par exemple, risque de perdre ses droits sur certains noms s’il ne les utilise pas régulièrement. Et déposer un nouveau nom devient un casse-tête mondial : « En Amérique latine, le délai de protection est de 18 mois. Jusqu’à la dernière heure du dernier jour, un litige peut survenir », explique Belloni.

    Face à cette complexité, certaines marques privilégient désormais la validation par le public : plutôt que d’enregistrer un nom dès sa création, elles le lancent directement, espérant qu’un succès commercial assurera leur protection juridique par l’usage.

    Mais cette méthode comporte des risques, comme en témoigne l’Alfa Romeo Milano, rapidement rebaptisée Junior après un différend juridique avec les autorités italienne. Mais ce n’était pas tant sur le nom que le gouvernement italien se voulait intransigeant. C’était surtout contre le système Tavares à la gouvernance de Stellantis. Preuve ? Dans le même temps, Ford a sorti une Capri loin de l’Italie…

    Demain : entre codes chiffrés et noms fabriqués ?

    Dans un marché saturé et sous contrainte légale, l’avenir du naming automobile semble osciller entre deux tendances :

    • Le recours croissant aux appellations alphanumériques (A1, A2, etc.) pour leur clarté et leur neutralité juridique ;

    • La création de noms originaux, voire inventés, pour rester mémorables et propres à une marque.

    « Trouver un nom compréhensible, marquant et juridiquement protégé est aujourd’hui un exploit », constate Waterhouse. Le naming automobile, longtemps vu comme un exercice créatif simple, s’impose désormais comme l’une des disciplines les plus stratégiques de l’industrie.

  • Citation : Jeremy Clarkson

    Citation : Jeremy Clarkson

    Jeremy Clarkson : « Il n’existe aucune situation dans la vie qui ne s’améliore pas en appuyant un peu plus fort sur l’accélérateur. »

    Le présentateur de Top Gear, puis The Grand Tour est un adepte des petites phrases accrocheuses… Celle-ci reflète bien son style humoristique et sa passion pour la vitesse et les voitures puissantes.

  • Alfa Romeo Giulietta Berlina : 70 ans d’audace industrielle et de charme populaire

    Alfa Romeo Giulietta Berlina : 70 ans d’audace industrielle et de charme populaire

    Turin, 20 avril 1955. Sur le stand Alfa Romeo du Salon de l’Automobile, les visiteurs découvrent une berline compacte au design sobre et élégant, animée par une mécanique habituellement réservée aux voitures de sport. Ce jour-là, la Giulietta Berlina entre dans l’histoire. Soixante-dix ans plus tard, elle incarne toujours l’instant charnière où Alfa Romeo s’est muée en constructeur moderne, capable de conjuguer grande série et âme sportive. Retour sur une icône fondatrice, à la fois témoin et moteur de l’Italie renaissante d’après-guerre.

    De la course à la route, le pari de l’industrialisation

    À l’orée des années 1950, Alfa Romeo est avant tout un constructeur de prestige, auréolé de ses victoires en Formule 1 — avec Farina en 1950, Fangio en 1951 — mais encore très artisanal dans sa production. La 1900, lancée en 1950, amorce un virage vers une fabrication plus rationalisée. La Giulietta va enfoncer le clou. Pensée pour une clientèle plus large sans renier l’ADN technique de la marque au Biscione, elle va révolutionner la voiture moyenne européenne.

    Si l’histoire retient que la Giulietta Berlina a été officiellement présentée en avril 1955, c’est en réalité son alter ego plus sportif, le coupé Giulietta Sprint, qui la précède d’un an. Présentée en 1954 au Salon de Turin, la Sprint dessinée par Franco Scaglione chez Bertone fait sensation. Ses lignes fluides, son gabarit compact et surtout son moteur double arbre de 1 290 cm³ en aluminium ouvrent une nouvelle ère. C’est cette base mécanique, raffinée et performante, que l’on retrouvera sous le capot de la Giulietta Berlina.

    Une familiale qui gagne des courses

    Avec sa Giulietta Berlina, Alfa Romeo invente presque à elle seule le concept de berline sportive accessible. Son slogan ? « L’auto di famiglia che vince le corse » — la voiture familiale qui gagne des courses. Derrière cette formule audacieuse se cache une réalité mécanique : la Giulietta adopte un moteur quatre-cylindres à double arbre à cames en tête, un raffinement rare sur des modèles de grande diffusion. Développant 53 ch dans sa première version, ce bloc permet à la berline de frôler les 140 km/h, une performance remarquable pour une voiture de moins de 900 kg.

    Son comportement dynamique n’est pas en reste : propulsion, suspension indépendante à l’avant avec triangles superposés, pont arrière avec ressorts hélicoïdaux et barres Panhard, freins à tambours sur les quatre roues. La boîte de vitesses est montée sur le volant (au plancher dès 1957), et la planche de bord dégage une certaine modernité, dans le ton de l’époque.

    Une ligne discrète, mais soignée

    Esthétiquement, la Giulietta Berlina cultive une forme de retenue, surtout comparée aux exubérances américaines du moment. Dessinée en interne par le Centro Stile Alfa Romeo, elle reprend quelques éléments visuels de la Sprint, notamment dans le traitement de la face avant, esquissant déjà ce que l’on nomme aujourd’hui le family feeling. Compacte (4,1 mètres de long), elle parvient à offrir cinq vraies places et un coffre logeable, sans sacrifier ses ambitions sportives.

    Mais c’est bien sous sa robe discrète que se cachent les trésors de technologie. Le bloc moteur est en aluminium, tout comme la boîte de vitesses et le carter de différentiel. Les chemises des cylindres sont insérées sous pression dans une fonte spéciale. La distribution par double arbre à cames, alimentée par un carburateur simple corps Solex, confère au petit moteur une vivacité rare. Le vilebrequin repose sur cinq paliers, garantissant une fiabilité exemplaire.

    Une révolution industrielle silencieuse

    La Giulietta ne se contente pas de faire entrer Alfa Romeo dans les foyers italiens, elle transforme aussi profondément l’usine du Portello à Milan. Sous l’impulsion de l’ingénieur autrichien Rudolf Hruska, l’outil industriel est repensé de fond en comble. Là où la production était encore artisanale au début des années 50 (50 voitures par jour), elle passe à 200 unités quotidiennes quelques années plus tard. La Giulietta Berlina devient ainsi l’étendard d’un constructeur en voie de modernisation, et par extension, le symbole d’une Italie qui se relève.

    Une star à l’écran, une muse dans la rue

    Le succès commercial est immédiat. Plus de 130 000 exemplaires de la Giulietta Berlina seront produits entre 1955 et 1964, sur un total de 177 690 Giulietta toutes variantes confondues (Sprint, Spider, Sprint Speciale, SZ…). La Giulietta entre dans la culture populaire. Elle apparaît dans des films de Dino Risi, auprès de Mastroianni et Gassman. En 1960, le 100 001e exemplaire est remis à Giulietta Masina, muse de Fellini. En février 1956, elle trône sur la première couverture du magazine Quattroruote.

    Son nom lui-même est empreint de romantisme. Deux légendes coexistent : l’une évoque la femme du poète Leonardo Sinisgalli, l’autre un prince russe qui, lors d’un dîner parisien, aurait lancé à des dirigeants d’Alfa Romeo : « Vous êtes huit Roméo, mais pas une seule Juliette ! »

    L’héritage d’un mythe

    La Giulietta Berlina a pavé la voie à la Giulia, qui en 1962 reprend la recette avec encore plus d’efficacité et d’aérodynamisme (le fameux « coda tronca »). Mais elle demeure l’initiatrice d’une catégorie à part entière : celle des berlines sportives compactes, qui trouvera ses héritières chez BMW avec la 1600, puis 2002, ou chez Lancia avec la Fulvia Berlina.

    Aujourd’hui, à l’occasion de son 70e anniversaire, Alfa Romeo et Stellantis Heritage rendent hommage à ce modèle qui incarne tout ce que la marque sait faire de mieux : associer la rigueur mécanique à la passion latine, faire vibrer la fibre sportive sans renoncer au quotidien, et surtout, faire rêver en roulant.