Quel ingénieur ou responsable marketing d’Aston Martin a eu l’idée du nom « Vantage » ? L’histoire ne le dit pas. Mais ce que l’on sait, c’est qu’à la fin de l’année 1950, le constructeur britannique préparait une variante plus performante de son moteur six cylindres en ligne. Pour accompagner cette évolution, il fallait un nom évocateur, capable de séduire les clients amateurs de performances. Une liste fut dressée, et le mot « Vantage » fut retenu. Selon le dictionnaire, il désigne un état de supériorité ou d’avantage. Le ton était donné.
Pendant près de deux décennies, le badge Vantage allait ainsi désigner les motorisations les plus puissantes des modèles Aston Martin.
Les débuts : DB2 et premiers succès sportifs
La première à bénéficier d’une version Vantage fut la DB2. Lors de son lancement en avril 1950, elle était équipée d’un 2.6 litres à faible taux de compression (6,5:1), développant seulement 105 ch — une contrainte imposée par les faibles qualités du carburant disponible après-guerre. Cependant, avec le retour de l’essence à haut indice d’octane et l’essor du sport automobile, une version plus pimentée était indispensable.
Grâce à de plus gros carburateurs et à un taux de compression porté à 8,16:1, le moteur « Vantage » passait à 125 ch. Résultat : un 0 à 96 km/h (0-60 mph) amélioré, de 12,4 secondes à 10,7 secondes, et une vitesse maximale portée de 177 km/h à 188 km/h. La légende Vantage était née.
La montée en puissance : DB4, DB5, DB6
La continuité ne fut pas immédiate. La DB4, par exemple, ne proposa de variante Vantage qu’à partir de la série 4 en 1961. Sous le capot, le six-cylindres en ligne tout aluminium de 3,7 litres, signé Tadek Marek, gagnait en vigueur grâce à trois carburateurs SU au lieu de deux, portant la puissance de 240 ch à 266 ch. Esthétiquement, la DB4 Vantage se distinguait souvent par ses phares carénés, empruntés à la DB4 GT, lui donnant des allures de précurseur de la mythique DB5.
Justement, la DB5 Vantage reste aujourd’hui l’une des plus prisées. Dotée d’un moteur porté à 4,0 litres et de carburateurs Weber triple corps, elle atteignait 314 ch pour une vitesse maximale de 241 km/h. Toutefois, seuls 65 exemplaires furent livrés avec la spécification Vantage d’origine — un détail qui vaut aujourd’hui un surcoût de près de 20 % sur le marché de la collection par rapport à une DB5 classique.
À noter : la DB5 fut la première Aston à arborer physiquement un badge « Vantage », sur l’ailette d’évacuation d’air du passage de roue avant, une habitude conservée sur la DB6. Cette dernière, toujours motorisée par un 4.0 litres et trois carburateurs Weber, revendiquait 325 ch, contre 282 ch pour la version standard. Mieux encore, ce surcroît de puissance était proposé sans surcoût — une approche impensable dans le marketing automobile actuel.
La transition vers la DBS en 1967 confirma cette politique : l’élégant coupé à quatre phares était disponible aussi bien en motorisation standard qu’en version Vantage.
L’anomalie AM Vantage et le renouveau
Avec le départ de David Brown en 1972, Aston Martin entamait une phase plus chaotique. La DBS V8 devint l’AM V8, tandis que la version six cylindres était rebaptisée AM Vantage. Ironiquement, le badge Vantage, autrefois réservé aux modèles les plus puissants, se retrouvait associé au modèle d’entrée de gamme. De plus, la voiture conservait des roues à rayons dépassées, à l’heure où les jantes en alliage devenaient la norme. Une courte page peu glorieuse de l’histoire Aston.
La situation fut heureusement corrigée en 1976, avec la renaissance du véritable V8 Vantage. Cette fois, le V8 5,3 litres, équipé de quatre carburateurs Weber inversés, voyait sa puissance grimper à 370 ch. Les performances étaient d’un tout autre calibre : un 0 à 96 km/h en 5,4 secondes et une vitesse de pointe de 274 km/h. Pour accompagner cette cavalerie, Aston renforçait le châssis avec des amortisseurs télescopiques Koni, des ressorts plus courts et plus durs, une barre antiroulis plus épaisse et une voie élargie.
Visuellement, les spoilers avant et arrière ainsi que la calandre obturée annonçaient la couleur : la Vantage devenait un véritable modèle à part entière. Mieux : elle offrait à la Grande-Bretagne son premier supercar capable de rivaliser avec la Porsche 911 Turbo et la Ferrari Berlinetta Boxer.
En 1986, l’apparition du Vantage X-Pack, revendiquant environ 410 ch, poussa encore plus loin l’exclusivité. Cette mécanique survoltée fut également montée dans l’extrême Vantage Zagato, un coupé radical capable d’atteindre 299 km/h.
La transition vers l’ère moderne
À la fin des années 1980, Aston Martin renouvela toute sa gamme avec l’arrivée de la Virage, mais peina à convaincre. Ce n’est qu’en 1993 que le nom Vantage retrouva son aura avec un imposant coupé à la carrure de cuirassé : twin-supercharged V8, 550 ch et 550 lb-pi (747 Nm) de couple. Baptisé simplement Vantage, il offrait des performances stratosphériques, flirtant avec les 322 km/h dans sa version ultime V600.
Parallèlement, la DB7, produite dans les anciens locaux de TWR à Bloxham, offrait une nouvelle approche plus légère et plus accessible d’Aston Martin. En 1999, le lancement de la DB7 Vantage, animée par un V12 de 5,9 litres développant 420 ch, permit à Aston d’atteindre 298 km/h et de redynamiser ses ventes.
La démocratisation du nom Vantage
Traditionnellement associé aux versions hautes performances, le badge Vantage fut attribué en 2005 au nouveau modèle d’accès de la marque. Si certains puristes ont grincé des dents, la beauté et la sportivité de la VH Vantage ont rapidement conquis les cœurs. Avec une production s’étalant sur 13 ans et un record de ventes à la clé, cette Vantage est devenue l’un des piliers du renouveau Aston Martin.
En 2018, une nouvelle page s’ouvrit avec l’arrivée de la Vantage équipée du V8 biturbo AMG, forte de 510 ch. Bien que saluée pour son efficacité, elle divisa avec son esthétique controversée et son habitacle jugé daté.
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