Et si le futur de la mobilité urbaine ne reposait pas sur quatre roues mais sur trois ? C’est le pari un peu fou – ou plutôt radicalement pragmatique – que fait Fiat avec le Tris, un minuscule utilitaire électrique à trois roues. Conçu pour les livraisons du dernier kilomètre et pensé dès l’origine pour répondre aux contraintes des villes densément peuplées, le Tris illustre une tendance que les constructeurs généralistes commencent à prendre au sérieux : la micromobilité utilitaire.
En dévoilant le Tris dans sa gamme Fiat Professional, la marque italienne réinvestit un territoire qu’elle connaît bien : celui des véhicules simples, robustes et accessibles, taillés pour les usages quotidiens des petites entreprises. Mais cette fois, elle le fait avec une vision post-pétrole. Moins d’un an après le centenaire du Lingotto, Fiat offre à son public une vision électrifiée et minimaliste du camion de quartier. Avec ce Tris, la marque ne parle pas seulement d’électromobilité. Elle reparle enfin au peuple.
Trois roues, une mission
Le Fiat Tris ne cherche pas à séduire par la puissance ou les performances. Il revendique, au contraire, une humilité assumée. Son moteur électrique développe… 12 chevaux. Sa vitesse maximale ? 45 km/h, soit juste de quoi suivre un vélo cargo électrique en descente. Et pourtant, ce n’est pas un jouet. C’est un véhicule utilitaire à part entière, capable d’embarquer une palette standard dans sa benne et de parcourir jusqu’à 90 km avec une batterie de 6,9 kWh seulement.
L’engin ne fait que 3,18 mètres de long, ce qui en fait l’un des plus petits utilitaires jamais proposés par une marque généraliste. Mais derrière ce gabarit lilliputien, Fiat promet un outil sérieux : temps de recharge réduit à moins de cinq heures sur une simple prise domestique, charge utile généreuse, et modularité à toute épreuve. Le Tris pourra recevoir différents types de caisses ou de bennes : plateau, cellule isotherme, module pour la livraison de colis, voire même vivier pour la vente ambulante de poissons.
Le retour de l’esprit Piaggio
Ce Tris n’est pas sans rappeler un autre héros italien à trois roues : le mythique Piaggio Ape, longtemps compagnon des artisans, marchands ambulants et livreurs de fleurs du sud de l’Europe. Là où le petit tricycle motorisé né en 1948 proposait un prolongement du scooter Vespa, le Tris revendique, lui, une filiation avec les véhicules utilitaires modernes, tout en renouant avec cette simplicité pragmatique qui a fait le succès de tant d’icônes populaires.
La grande différence ? Le Tris est entièrement électrique, silencieux, propre, et surtout connecté. Il embarque un combiné numérique de 5,7 pouces, des phares à LED, un système de charge intelligente et surtout une compatibilité avec les services de gestion de flotte de Fiat Professional, y compris la géolocalisation et l’entretien à distance. Autrement dit : ce minuscule camion n’a rien à envier à un Ducato sur le plan technologique.
Une ambition : conquérir le Sud
Officiellement, le Tris est destiné aux marchés du Moyen-Orient et de l’Afrique, là où les besoins en mobilité légère sont souvent couverts par des moyens informels, et où les contraintes de coûts et de maintenance rendent les véhicules simples bien plus pertinents que les SUV suréquipés. Mais Fiat ne cache pas non plus son intérêt pour l’Europe du Sud, où les villes étroites, les zones à faibles émissions et les besoins logistiques locaux constituent un terrain fertile pour ce type de véhicule.
Rome, Naples, Marseille, Lisbonne, Athènes… Autant de villes qui pourraient voir dans le Tris une alternative crédible aux véhicules utilitaires traditionnels, souvent trop gros, trop lourds, et désormais bannis des centres historiques.
Quand la micromobilité devient sérieuse
Depuis le lancement de la Citroën Ami en 2020, les grandes marques de Stellantis se sont doucement rapprochées du terrain de jeu de la micromobilité. Mais là où l’Ami, puis l’Opel Rocks-e, s’adressaient surtout à des particuliers (urbains, jeunes, ou sans permis), le Tris va plus loin : il professionnalise l’approche, en ciblant ouvertement les acteurs de la livraison urbaine, de la restauration mobile ou des artisans de proximité.
Et Fiat n’est pas seule sur ce créneau. En quelques mois, on a vu apparaître des projets comme le Telo aux États-Unis, le Slate au Japon, ou encore une multitude de camionnettes électriques venues d’Inde ou de Chine, souvent vendues sous des noms inconnus mais selon un principe identique : trois roues, une caisse, un moteur électrique, et beaucoup d’idées.
Mais Fiat a pour elle un réseau, une image, une histoire. Et un CEO, Olivier François, qui résume ainsi l’ambition du Tris : « Alors que les villes grandissent et que le besoin d’une mobilité propre et accessible devient urgent, nous avons vu une opportunité d’offrir quelque chose de radicalement simple et profondément utile. »
Et en France ?
Pour l’instant, aucune commercialisation n’est prévue dans l’Hexagone. Fiat préfère tester son concept sur des marchés moins réglementés, avec des contraintes de vitesse plus souples et des attentes différentes. Mais il ne fait aucun doute que les collectivités, les plateformes de livraison, voire les autoentrepreneurs urbains pourraient voir d’un bon œil l’arrivée d’un tel engin.
Le Fiat Tris n’est pas un gadget. Ce n’est pas un scooter déguisé. Ce n’est pas non plus une utopie de designer déconnecté du terrain. C’est un véritable outil de travail, conçu avec rigueur, pensé pour un usage réel, et chargé de symboles.
Il dit quelque chose de notre époque : que l’innovation ne passe pas toujours par le plus grand, le plus puissant ou le plus connecté. Parfois, innover, c’est faire moins, faire plus simple, et le faire bien.
Et si le futur du véhicule utilitaire, c’était ça : un trois-roues Fiat à batterie de 6,9 kWh ? Il ne manque plus qu’un sticker « Tris, c’est la vie » sur la lunette arrière…