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  • Tiger et la Bengal : quand Buick pariait sur le golf pour rajeunir son image

    Tiger et la Bengal : quand Buick pariait sur le golf pour rajeunir son image

    Au tout début des années 2000, General Motors traverse une crise identitaire. Ses marques historiques souffrent d’un désamour grandissant auprès du jeune public américain. Buick, symbole d’un certain classicisme automobile, cherche alors à rajeunir son image. Et c’est sur un green que la marque à l’écusson tri-shield décide de miser gros. En 2000, elle signe un contrat de sponsoring avec le golfeur prodige Tiger Woods. L’année suivante, elle dévoile un concept-car futuriste qui lui est dédié : la Buick Bengal. Une stratégie marketing aussi audacieuse qu’éphémère.

    Une alliance inattendue : Woods et Buick

    L’association paraît contre-nature. En 2000, Tiger Woods incarne la jeunesse, la performance, l’excellence. À 24 ans, il domine déjà le golf mondial avec une aisance jamais vue. Buick, elle, incarne plutôt la voiture de retraité floridien. Pourtant, General Motors y croit. L’accord signé avec le golfeur se chiffre à 5 millions de dollars annuels, pour une durée de huit ans.

    L’objectif est clair : redonner à Buick de la visibilité auprès d’un public plus jeune et plus diversifié. Et pour que l’histoire fonctionne, il faut un symbole. Il viendra dès l’année suivante.

    Le concept Buick Bengal : la Buick de Tiger

    Au Salon de Detroit 2001, Buick crée la surprise en levant le voile sur la Bengal Concept. Un nom évocateur – Tiger est surnommé « le Tigre » – et une philosophie de design résolument tournée vers l’avenir. Ce cabriolet 2+2, conçu pour séduire les trentenaires urbains, se distingue par plusieurs audaces techniques.

    La Bengal est animée par un V6 3.4 litres suralimenté, placé en avant d’une boîte automatique à variation continue installée devant les roues avant. Résultat : une traction avant, mais avec un comportement dynamique travaillé. À bord, les commandes vocales remplacent une bonne partie des boutons, et l’habitacle fait appel à des matériaux haut de gamme pour l’époque.

    Mais surtout, le design étonne. Lignes tendues, calandre flottante, phares minces : la Bengal anticipe des tendances qui se généraliseront bien plus tard. Le tout dans un format compact et sportif, loin des berlines douillettes chères à la marque.

    Une Bengal pour Tiger

    Après sa victoire lors du Buick Invitational 2001, Tiger Woods se voit remettre un exemplaire unique du concept. Un geste fort, autant symbolique que publicitaire. Si Buick ne compte pas produire le véhicule, elle capitalise sur son image et sur l’idée que Woods puisse rouler dans « sa » Buick, celle d’un champion jeune et conquérant.

    Mais la stratégie, si séduisante soit-elle sur le papier, ne résistera pas aux tempêtes à venir.

    Une décennie troublée

    En 2008, en pleine crise financière mondiale, Buick met fin à son partenariat avec Tiger Woods. Officiellement, la séparation est « mutuelle », mais les difficultés économiques de General Motors laissent peu de place aux contrats coûteux. Dans le même temps, Tiger Woods traverse lui aussi une période sombre, entre blessures, pertes de performance et scandales personnels.

    La Bengal, elle, n’a jamais dépassé le stade du concept. Trop chère à produire, trop éloignée des réalités industrielles du moment, elle restera une icône fantôme, comme tant d’autres rêves figés dans le formol des salons automobiles.

    Une parenthèse révélatrice

    Avec le recul, l’histoire de la Buick Bengal et de son lien avec Tiger Woods raconte bien plus qu’une opération marketing. Elle illustre une époque où les constructeurs américains tentaient désespérément de retrouver le feu sacré face à l’essor des marques japonaises et européennes. Elle montre aussi comment un seul nom, un seul athlète, pouvait cristalliser l’espoir de tout un pan de l’industrie automobile.

    La Bengal n’a pas sauvé Buick. Le partenariat avec Tiger Woods n’a pas suffi à redorer le blason de la marque. Mais ensemble, ils auront offert un instant de grâce, un moment suspendu où le sport, le luxe et la technologie ont cru pouvoir réinventer un futur. Ce futur n’a pas eu lieu, mais il mérite d’être raconté.

  • Ferrari SP12 EC : une guitare à douze cylindres signée Maranello

    Ferrari SP12 EC : une guitare à douze cylindres signée Maranello

    La Ferrari SP12 EC n’est pas une voiture comme les autres. Ni concept-car, ni série spéciale, ni prototype de développement. C’est une pièce unique, façonnée sur mesure pour un seul homme : Eric Clapton, icône de la guitare et passionné notoire de la marque au cheval cabré. Présentée en 2012, cette Ferrari sur commande s’inscrit dans le cadre du programme Special Projects, initié par la marque italienne pour ses clients les plus fidèles et fortunés. Un hommage roulant à la 512 BB des années 1970, mâtiné de technologie moderne et de design néo-rétro.

    Une voiture pour Slowhand

    Eric Clapton n’a jamais caché son amour pour Ferrari. On dit qu’il en possède ou a possédé une bonne dizaine, avec une prédilection pour les modèles à moteur V12 à plat. Mais c’est la 512 Berlinetta Boxer, produite entre 1976 et 1984, qui occupe une place particulière dans son panthéon personnel. Il en a possédé plusieurs, toutes rouges, et en a fait sa référence esthétique et mécanique.

    C’est donc tout naturellement que lorsqu’il s’est vu proposer l’opportunité de participer au programme Ferrari One-Off, Clapton a voulu une voiture qui ressuscite l’esprit de la 512 BB. Le résultat s’appelle SP12 EC : SP pour Special Projects, 12 pour le moteur à douze cylindres souhaité (mais non retenu), et EC pour ses initiales. Un objet profondément personnel, qui mêle références visuelles et contraintes techniques contemporaines.

    Un hommage visuel, pas mécanique

    Sous ses lignes évoquant la 512 BB, avec ses doubles optiques, ses strates horizontales, sa poupe tronquée et ses jantes à cinq branches inspirées des années 1980, la SP12 EC cache en réalité une base de 458 Italia. Maranello n’a pas cédé à la demande initiale d’Eric Clapton d’y greffer un V12, notamment pour des raisons d’intégration mécanique et de conformité réglementaire. Elle reste donc propulsée par le V8 atmosphérique de 4,5 litres, positionné en position centrale arrière.

    Le design est signé par Centro Stile Ferrari en collaboration avec Pininfarina, dans une démarche qui rappelle celle de Leonardo Fioravanti, l’un des grands stylistes de l’âge d’or de Ferrari. L’ensemble évoque une rétro-modernité maîtrisée, sans céder aux clichés du néo-rétro facile. L’auto paraît à la fois familière et résolument unique.

    Ferrari Special Projects : l’art du sur-mesure

    La SP12 EC est l’une des premières réalisations visibles du programme Special Projects, officiellement lancé en 2007 mais dont les racines remontent aux années 1950. À l’époque, il était courant pour les clients fortunés de commander un châssis Ferrari nu, qu’ils faisaient ensuite habiller par des carrossiers comme Touring, Vignale, Pinin Farina, Zagato ou Ghia. On appelait cela les Ferrari « fuoriserie », littéralement « hors-série ».

    Le programme moderne reprend cette logique, en la plaçant sous contrôle étroit du département design de Maranello. Chaque projet fait l’objet d’un processus rigoureux : sélection du client (généralement un collectionneur ou fidèle client), brief stylistique, validation des maquettes 1:1, fabrication artisanale, homologation routière, et bien sûr confidentialité (au moins jusqu’à la livraison).

    Depuis la SP12 EC, Ferrari a réalisé plus d’une quarantaine de One-Off, parfois sur base V12 (comme la SP3JC ou la P80/C), parfois sur base V8 (SP38 Deborah, SP48 Unica). Chaque voiture est un exemplaire unique, non reproductible, propriété exclusive de son commanditaire.

    Plus qu’une voiture, une déclaration

    La SP12 EC n’a jamais été destinée à être commercialisée, ni même présentée au public dans un cadre officiel. Elle a fait l’objet d’un communiqué discret de Ferrari, accompagné de quelques images studio, avant d’apparaître furtivement dans quelques événements privés ou vidéos promotionnelles.

    Ce silence en dit long sur l’esprit du programme : il ne s’agit pas de flamber, mais de célébrer une passion intime, traduite dans la matière. Pour Clapton, la SP12 EC est autant un hommage à sa jeunesse qu’un acte de fidélité à une marque dont il chérit l’ADN mécanique et artistique.

    Une valeur inestimable

    Le prix de la SP12 EC n’a jamais été officiellement révélé, mais les estimations gravitent autour de 4 à 5 millions d’euros. Une somme à relativiser au regard de l’unicité du projet, de l’exclusivité du processus, et de la conservation quasi muséale de la voiture depuis sa livraison.

    Elle ne court pas les routes – à vrai dire, elle ne court presque rien du tout – mais incarne parfaitement cette idée que le luxe ultime n’est plus de posséder un objet rare, mais d’en être le seul détenteur au monde.

    Le One-Off comme dernier refuge de l’automobile émotionnelle

    À l’heure où les gammes se rationalisent, où l’électrification impose des architectures de plus en plus semblables, et où le style devient tributaire de l’aérodynamique et de la technologie embarquée, les Ferrari One-Off apparaissent comme les dernières bastions de la pure expression automobile.

    La SP12 EC n’est ni la plus puissante, ni la plus technologique des Ferrari. Mais elle est peut-être l’une des plus sincères. Elle témoigne d’un lien affectif fort entre un homme et une marque, matérialisé dans une œuvre roulante. Une guitare rouge à douze cylindres, pour un solo qui ne se jouera qu’une fois.

  • Ferrari Amalfi : une nouvelle ère pour le « modèle d’accès » au Cheval Cabré

    Ferrari Amalfi : une nouvelle ère pour le « modèle d’accès » au Cheval Cabré

    Adieu Roma, bonjour Amalfi. Ferrari remplace son coupé d’entrée de gamme par une GT retravaillée de fond en comble, affichant 631 ch, une ergonomie repensée et une nouvelle identité stylistique. L’Amalfi ouvre un nouveau chapitre pour la marque, avec le retour des commandes physiques plébiscitées par les clients.


    Ferrari tourne une page importante de son histoire en présentant officiellement l’Amalfi, remplaçante de la Roma. Si la silhouette générale évoque sa devancière, chaque panneau de carrosserie – à l’exception du vitrage – est inédit. Le style devient plus affirmé, notamment à l’avant, où le museau effilé de la Roma laisse place à une proue plus musclée, inspirée du SUV Purosangue.

    Cette évolution n’est pas qu’esthétique. L’Amalfi incarne une stratégie nouvelle, à la fois dans sa philosophie de design et dans sa manière d’intégrer la technologie. Ferrari revendique une approche « plus pure, plus simple », selon les mots du directeur du design Flavio Manzoni, tout en assumant une montée en gamme mécanique et technologique.

    631 chevaux pour GT accessible ?

    Sous le capot, on retrouve un V8 biturbo, qui développe désormais 631 ch. Une valeur en hausse sensible par rapport aux 620 ch de la Roma, tout en conservant une architecture moteur similaire. Ferrari ne précise pas encore si d’autres modifications techniques (poids, boîte, châssis, liaisons au sol) viennent compléter ce gain de puissance, mais promet un comportement routier encore plus incisif, sans sacrifier l’élégance et le confort propres à ce segment GT.

    Les livraisons débuteront en début d’année prochaine pour les marchés en conduite à gauche, avec une arrivée des versions à conduite à droite peu après. Le tarif en Italie débute à 240 000 €, ce qui positionne l’Amalfi légèrement au-dessus de la Roma dans la hiérarchie Ferrari, sans remettre en cause son statut de modèle « d’accès ».

    La revanche des boutons

    S’il est une évolution qui en dit long sur l’écoute client chez Ferrari, c’est le retour des commandes physiques sur le volant. L’Amalfi inaugure un nouveau poste de conduite, dominé par une console centrale – surnommée le « pont » – usinée dans un bloc d’aluminium massif. Ce pont sépare clairement le conducteur et le passager et intègre la commande de boîte, tandis que les écrans numériques sont désormais au nombre de trois : un combiné conducteur de 15,6 pouces, un écran tactile central de 10,25 pouces et un troisième écran passager de 8,8 pouces.

    Mais la nouveauté la plus saluée concerne la suppression des commandes haptiques qui avaient fait polémique. Introduites sur la SF90 pour créer une interface futuriste, elles avaient été mal accueillies par les clients, jugées peu ergonomiques, notamment en conduite dynamique. Ferrari admet aujourd’hui que cette solution, pensée comme un parallèle avec les interfaces de smartphones, allait à l’encontre de l’objectif premier : garder les yeux sur la route et les mains sur le volant.

    « Nous avons poussé notre équipe à redessiner l’interaction digitale. L’exécution était innovante, mais le résultat allait à l’encontre de notre philosophie de conduite », reconnaît Enrico Galliera, responsable commercial de Ferrari.

    La marque de Maranello annonce donc un rééquilibrage de toutes ses futures interfaces, avec une part plus importante donnée aux commandes physiques. Un changement de cap qui débute avec l’Amalfi, mais qui concernera progressivement l’ensemble de la gamme.

    Une nouvelle identité… et un nouveau nom

    Si Ferrari assume la filiation avec la Roma, le constructeur a préféré donner un nouveau nom à son coupé GT. « Quand on achète une œuvre d’art, elle mérite un nom inédit », justifie Galliera. En choisissant Amalfi, Ferrari évoque une région italienne synonyme de beauté, d’exclusivité et de routes sinueuses – tout l’imaginaire auquel aspire une GT de ce calibre.

    Cette volonté de renouveau touche aussi la stratégie produit : si l’Amalfi incarne la nouvelle vision du coupé Ferrari, la Roma Spider restera temporairement au catalogue, en attendant une version découvrable dérivée du nouveau modèle.