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  • Italdesign i2C : l’Indonésie trace sa route

    Italdesign i2C : l’Indonésie trace sa route

    L’histoire de l’automobile s’est souvent écrite sous l’impulsion d’une volonté politique. Des 2CV aux Trabant, en passant par la Tata Nano ou les Pick-Up Mahindra, nombreux sont les véhicules à avoir incarné les desseins d’un État. C’est aujourd’hui l’Indonésie qui entre dans la danse avec un projet ambitieux confié à un acteur reconnu : Italdesign. À l’occasion du salon GIIAS 2025, le bureau de design turinois dévoile les contours de la première voiture de tourisme indigène indonésienne, un concept baptisé Project i2C.

    Un projet au croisement de la culture, de la technologie et de la souveraineté industrielle

    Dans un paysage automobile dominé par les constructeurs japonais – Toyota, Daihatsu, Honda, Mitsubishi, Suzuki – et où la montée en puissance des marques chinoises comme BYD se fait de plus en plus visible, le gouvernement central indonésien entend reprendre la main. Il s’agit d’initier une production locale de véhicules, en commençant par un modèle destiné aux institutions, mais conçu pour préfigurer une offre plus large à l’échelle nationale. Un SUV 100 % électrique, développé avec la volonté de refléter l’identité culturelle plurielle de l’archipel tout en répondant aux enjeux contemporains de mobilité durable.

    Le programme i2C ne se limite pas à l’objet automobile. Il s’affirme comme un symbole d’unité nationale, dans un pays aux milliers d’îles et aux centaines de groupes ethniques. Son acronyme – Indigenous Indonesian Car – résume toute l’ambition du projet : une voiture créée par et pour les Indonésiens, en mêlant savoir-faire local et expertise internationale.

    Italdesign, artisan d’une renaissance industrielle

    C’est à Italdesign qu’a été confié le soin de concrétiser cette vision. L’entreprise fondée par Giorgetto Giugiaro, désormais intégrée au groupe Volkswagen via Audi, n’en est pas à son coup d’essai. On lui doit déjà des projets structurants pour Hyundai (Pony), Daewoo (Matiz), Vinfast (Lux A et Lux SA) ou encore Voyah (Free).

    Pour Andrea Porta, business developer chez Italdesign, « le projet i2C est une étape essentielle dans la stratégie industrielle de l’Indonésie. Il marque le début d’une collaboration à long terme fondée sur des objectifs communs. »

    Le design a été mené en étroite coopération avec des ingénieurs indonésiens, encadrés par les équipes turinoises. Un prototype grandeur nature, réalisé en clay model selon la tradition des carrossiers italiens, a été présenté sur le stand SN2 du salon GAIKINDO Indonesia International Auto Show (GIIAS), organisé du 24 juillet au 3 août 2025 à BSD City.

    Un style enraciné dans la culture indonésienne

    Le véhicule se présente sous la forme d’un SUV familial 6/7 places, basé sur une plateforme électrique existante. L’objectif est de garantir une industrialisation rapide, en capitalisant sur une architecture éprouvée. Mais au-delà de l’efficience technique, c’est l’esthétique qui frappe : des volumes boxy, une silhouette solide, des surfaces nettes et tendues… L’i2C affiche une présence forte, pensée pour refléter à la fois l’élégance et la robustesse.

    L’élément culturel est omniprésent. Le design s’inspire du Garuda, oiseau mythique symbole de sagesse et de souveraineté, déjà utilisé dans l’emblème national. Il est évoqué à travers le traitement du capot et des ailes avant, conférant une prestance royale à l’ensemble. À bord, le dessin des panneaux de porte ou des assises évoque les motifs de batik, l’art textile traditionnel indonésien, traité ici dans un langage graphique contemporain.

    Le mobilier intérieur se distingue par sa sobriété fonctionnelle, dans un esprit presque japonais : lignes tendues, commandes réduites, harmonie des matériaux. Quelques touches affirmées viennent toutefois apporter du relief à cet ensemble rationnel, comme les surpiqûres colorées ou les incrustations de bois teinté. Une manière de combiner modernité, patrimoine et efficacité dans un même habitacle.

    Un projet politique avant d’être industriel

    L’i2C se veut le prélude à une gamme de véhicules conçus localement, en lien avec la vision du président indonésien Prabowo Subianto. Le développement est piloté par PT TMI (Teknologi Mobilitas Indonesia), une entité étatique chargée de structurer la filière automobile nationale autour des mobilités innovantes.

    Pour Harsusanto, président de PT TMI, « cette collaboration est une étape clé pour démontrer le potentiel de nos compétences et traduire en actions concrètes la vision présidentielle d’une mobilité propre et indépendante. »

    Une version définitive du concept est attendue pour l’édition 2026 du salon GIIAS, avec l’ambition affichée de lancer une production nationale à moyen terme. La voiture pourrait alors servir non seulement les usages gouvernementaux, mais également inaugurer une offre civile en réponse aux besoins de mobilité locale.

    Quand le design devient un vecteur d’identité

    Avec i2C, Italdesign prouve une nouvelle fois sa capacité à conjuguer création formelle, pertinence stratégique et enracinement culturel. Le projet va bien au-delà du simple exercice de style : il s’inscrit dans une démarche géopolitique, industrielle et sociétale, où la voiture devient un ambassadeur roulant de l’identité indonésienne.

    Une ambition qui rappelle à quel point l’automobile reste un objet politique, même à l’heure de la transition électrique. Et si l’avenir passait aussi par une relocalisation du design ?

  • Italdesign redonne vie à un concept Audi des années 1970 qui a inspiré la VW Scirocco

    Italdesign redonne vie à un concept Audi des années 1970 qui a inspiré la VW Scirocco

    Italdesign a insufflé une nouvelle vie à l’une de ses conceptions emblématiques des années 1970 avec un tout nouveau concept numérique, baptisé de manière appropriée « Aso di Picche In Movimento », ce qui se traduit par « As de Pique en Mouvement » en italien. Cette interprétation moderne est l’héritière directe du concept Asso di Picche de 1973. Tout comme son prédécesseur, cette dernière création d’Italdesign présente des éléments de design audacieux et une carrosserie monolithique. Le concept de 1973 est né à la demande de Karmann pour un coupé sport à quatre places.

    À la base du concept original Asso di Picche se trouvait l’Audi 80 (B1) de l’époque, mais la plupart ne le saurait pas en regardant les détails plus fins de la voiture. Un fait intéressant à propos du concept original était que, malgré son étiquette en tant qu’Audi, il n’a jamais évolué vers un modèle de production pour la marque aux quatre anneaux. Au lieu de cela, il a eu une influence notable sur le développement d’un autre véhicule du groupe VW : la première génération de la Volkswagen Scirocco.

    De plus, des éléments de design du concept Asso di Picche ont trouvé leur place dans la création des premières itérations de la Lotus Esprit et de la Lancia Delta, toutes deux orchestrées par Italdesign. Ce nouveau concept n’est cependant pas lié à la nécessité de présenter le logo d’une marque spécifique, car il a été conçu en tant que projet Italdesign. En conséquence, cette création purement numérique mélange à la fois les lignes franches de la voiture d’origine avec quelques courbes très subtiles que Italdesign estime adaptées à une plateforme EV de « nouvelle génération ».

    Bien qu’Italdesign n’ait pas approfondi les détails spécifiques, étant donné son statut de filiale de Lamborghini depuis 2010, elle-même détenue par VW, il est raisonnable de supposer que, s’il devait se concrétiser, il serait basé sur la plateforme électrique Premium (PPE) ou la plateforme de systèmes évolutifs (SSP) du groupe allemand.

    À l’avant de l’Aso di Picche In Movimento se trouve un espace de rangement, et ce qui était une prise d’air dans le concept original est maintenant le port de charge. Les portes utilisent un mécanisme à double charnière pour permettre une entrée et une sortie plus faciles, et cela est essentiel car il s’agit d’un véritable coupé 2+2. Au-dessus des quatre passagers se trouve un panneau transparent structurel qui bloque 100 % de la lumière UVA. L’habitacle est censé être un lieu tranquille pour tous les passagers, et ainsi, Italdesign affirme que peu de caractéristiques de base sont constamment visibles. Un tableau de bord arrondi pivote pour dérouler un écran fin qui se trouve juste devant le conducteur. Le volant est carré pour améliorer la visibilité, et les poignées de porte rappellent les ceintures en cuir qui servaient de rangement sécurisé dans le concept d’origine.

  • La voiture piégée de Volkswagen Porsche

    La voiture piégée de Volkswagen Porsche

    Parfois, un concept car peut connaître une vie civile… Acheté par un riche amoureux d’automobiles, il peut goûter à la circulation et détourner tous les regards sur son passage. Dans le cas d’une création d’ItalDesign, un concept a aussi pu attirer le terrorisme.

    À la fin des années 1960, Porsche cherche à développer un nouveau modèle. Après la 356, la 911 a accompagné une profonde montée en gamme. Une partie de l’ancienne clientèle réclame une version plus accessible…

    La problématique rejoint celle de Volkswagen. La magique Karmann Ghia arrive en fin de carrière. Il devient nécessaire de créer un nouveau coupé bon marché.

    D’un côté accessible, de l’autre bon marché… Si les références ne sont pas les mêmes, il existe une possibilité d’un développement commun. Les origines des deux marques facilitent évidemment ce rapprochement.

    Si Ferdinand Porsche n’est plus de ce monde depuis 1951, il a créé la Volkswagen Coccinelle. Son fils Ferry a récupéré l’exclusivité de la commercialisation des Volkswagen en Autriche et il produit la Porsche 356 sur base d’une Coccinelle.

    La première vraie collaboration entre les deux entreprises remonte donc à 1969. Le petit coupé est baptisé 914 et deux versions sont proposées : 914-4 avec un moteur 4 cylindres Volkswagen et 914-6 avec un moteur 6 cylindres Porsche.

    Une Porsche 914-6 dans le musée Porsche.

    La première est fabriquée chez Karmann. Chez Porsche, on se fait livrer les caisses à Zuffenhausen pour les intégrer à la chaine de montage des 911, afin d’y installer les moteurs et les trains roulants.

    En Europe, la marque Volkswagen-Porsche est créée. Pour la France, elle est distribuée par Sonauto, dans le réseau Porsche. Mais l’initiative n’est pas globale… Aux États-Unis, les deux modèles portent l’appellation unique Porsche pour ne pas brouiller la communication de Volkswagen qui doit rester une marque des modèles bon marché.

    Le succès n’est pas vraiment au rendez-vous sur le Vieux Continent, mais le marché américain reçoit relativement bien la Porsche 914-4. Au total, 115 000 quatre cylindres et 3 500 six cylindres sont produites.

    De ce modèle, Giorgetto Giugiaro va imaginer l’un de ses premiers prototypes. Avec ItalDesign, tout juste fondé, il reprend la base d’une Volkswagen-Porsche 914-6 pour y tester une idée cunéiforme.

    Programmé pour le Salon de Turin 1970, le quatrième projet d’ItalDesign se veut extrême en termes de design et de solutions techniques. Mais il est pensé, dès le début, pour une production de masse.

    Visuellement, la création n’a aucune similitude avec la Volkswagen-Porsche. Le trait hérite des travaux sur la de Tomaso Mangusta…

    La mode « Wedge » est lancée !

    Les lignes sont franchement abruptes, avec des angles droits et des coins prononcés. Les articulations papillon sont utilisées pour entrer dans l’habitacle et atteindre le moteur arrière. Elles imposent la conception d’une structure centrale en croix, faite d’acier, qui porte longitudinalement les charnières des portes et des capots, tandis qu’une barre est installée transversalement…

    Le nez est profilé. Il accueille les logos Volkswagen et Porsche. Il s’allonge devant un parebrise excessivement incliné. Comme sur une 914, les phares sont intégrés à la ligne et sortent via une commande électrique.

    Giugiaro voit un tapir dans cette ligne très pointue… Il nomme son concept Tapiro sous la marque Volkswagen-Porsche.

    L’habitacle et le compartiment moteur sont séparés par un arceau du même type qu’une Porsche 911 Targa. L’arrière évoque une cassure nette que l’on retrouvera, quasiment trait pour trait, sur la DeLorean dix ans plus tard.

    Le moteur Porsche 2,0 litres de 110 chevaux est abandonné. C’est un nouveau Flat-6 de 2,4 litres Porsche, préparé chez Ennio Bonomelli, qui sort 220 chevaux pour trouver sa place devant le train arrière.

    L’intérieur est très épuré. Les deux occupants sont séparés par un encombrant tunnel central. Derrière le volant, un compteur de vitesse s’empare de l’espace et des jauges l’accompagnent…

    Pas de production en série

    Objectif avoué d’ItalDesign, la Tapiro n’atteindra jamais l’étape de la production. Mais après la tournée promotionnelle dans de nombreux salons, ce concept a été vendu à un riche industriel d’origine espagnole.

    Notre nouveau propriétaire l’aurait utilisé quotidiennement jusqu’au drame…

    Chez ItalDesign, il n’existe qu’une histoire. Son conducteur a eu un accident de la circulation et la voiture a pris feu. Dans les années 1980, la Volkswagen-Porsche Tapiro a été rapatriée à l’état d’épave et elle est désormais exposée dans le musée privé de Giorgetto Giugiaro, dans sa forme brûlée.

    Sans qu’aucune source ne puisse le confirmer, la Volkswagen-Porsche Tapiro aurait pu être victime d’un conflit syndical. Un groupe de salariés d’une entreprise du propriétaire du concept aurait utilisé une bombe incendiaire contre le quatrième concept ItalDesign… Un acte de terrorisme contre un concept car.

    Par la suite, Volkswagen et Porsche continueront de collaborer sur le plan technique pour la Porsche 912E commercialisée aux États-Unis en 1976 et pour la Porsche 924, qui utilisait de nombreuses pièces conçues par Audi et qui était assemblée dans une usine aux quatre anneaux, comme la Porsche 944 et ses composants Volkswagen. Ces dernières années, les échangent se sont multipliés avec des plateformes communes. Le Porsche Cayenne est – par exemple – assemblé en Slovaquie, sur une chaine partagée avec les Volkswagen Touareg et Audi Q7.