À l’expiration des premiers contrats de leasing du Mitsubishi Outlander PHEV, une blague circulait dans les concessions : on pouvait parfois retrouver le câble de recharge encore intact, jamais sorti de son emballage. Une façon de rappeler qu’une large partie des conducteurs d’hybrides rechargeables n’utilisaient jamais la fonction essentielle de leur véhicule : la recharge électrique. Résultat, un PHEV (Plug-in Hybrid Electric Vehicle) utilisé sans recharge devient simplement une voiture à essence lestée de centaines de kilos de batteries inutilisées.
Pour Toyota, qui figure aujourd’hui parmi les plus gros acteurs mondiaux de l’automobile, le problème est stratégique. Un PHEV correctement rechargé peut être redoutablement efficient, parcourir de longues distances en mode électrique et abaisser drastiquement la consommation de carburant. Mais encore faut-il inciter l’utilisateur à brancher sa voiture au quotidien.
Quand l’auto apprend du numérique
C’est là qu’intervient ChargeMinder, une nouvelle application développée par Toyota. L’idée : s’inspirer des mécaniques de motivation issues du numérique, à la manière de Duolingo, l’application d’apprentissage des langues. ChargeMinder ne se contente pas d’envoyer une alerte générique. Elle utilise la géolocalisation pour déclencher des rappels « just in time » – par exemple, lorsqu’un conducteur gare son PHEV à proximité d’une borne de recharge au bureau ou au supermarché.
En parallèle, l’application valorise les comportements vertueux. Chaque recharge réussie alimente une série, une « streak » comme sur Duolingo, qui devient vite addictive : personne ne veut voir sa suite de jours consécutifs s’interrompre. Des messages d’encouragement et des bilans hebdomadaires viennent compléter le dispositif, rendant la recharge presque ludique.
Des résultats mesurables
Les premiers essais menés aux États-Unis montrent une hausse de 10 % du nombre de recharges chez les utilisateurs de ChargeMinder. Au Japon, l’application va encore plus loin : elle a permis de décaler 59 % des sessions de recharge vers les plages horaires les plus favorables aux énergies renouvelables. À la clé, près de 30 minutes de recharge supplémentaire par jour et par véhicule en période diurne, ce qui contribue à lisser la demande énergétique et à améliorer l’empreinte carbone.
Une idée… qui n’est pas si nouvelle
L’approche séduit par son efficacité, mais Toyota n’est pas le seul constructeur à s’intéresser au sujet. Stellantis, de son côté, propose depuis plusieurs années déjà un rappel de recharge directement intégré à l’écran de ses véhicules hybrides rechargeables. Une solution plus discrète, mais qui vise le même objectif : rappeler à l’utilisateur que son PHEV n’est efficient que s’il est utilisé comme prévu, c’est-à-dire branché régulièrement.
Un enjeu d’image et de crédibilité
Pour l’industrie, ces initiatives sont loin d’être anecdotiques. Les hybrides rechargeables sont régulièrement critiqués pour leur consommation réelle, bien supérieure aux chiffres officiels lorsque les batteries ne sont pas utilisées. Les pouvoirs publics européens ont déjà commencé à revoir les conditions d’homologation et les avantages fiscaux de ces modèles.
Encourager la recharge quotidienne est donc un moyen, pour les constructeurs, de protéger la crédibilité du PHEV et de maintenir sa pertinence dans un marché où l’électrique à batterie pure gagne rapidement du terrain.
Vers une gamification de l’automobile ?
Avec ChargeMinder, Toyota emprunte un chemin inattendu : celui de la gamification. Les leviers psychologiques issus du monde des applis mobiles – séries, récompenses, notifications contextualisées – pourraient bien devenir les alliés inattendus de l’électrification. Après tout, si Duolingo parvient à faire réviser l’espagnol à des millions d’utilisateurs chaque soir, pourquoi une application ne parviendrait-elle pas à faire brancher un câble de recharge à un automobiliste pressé ?
La prochaine étape pourrait consister à intégrer ces logiques directement dans l’infotainment des véhicules, à l’image de ce que Stellantis propose déjà avec ses rappels intégrés. Entre pédagogie douce et incitation ludique, la voiture connectée semble avoir trouvé un nouveau terrain d’expérimentation : celui de la discipline énergétique au quotidien.