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  • Lewis Hamilton et Ferrari : Le grand désenchantement

    Lewis Hamilton et Ferrari : Le grand désenchantement

    C’était le mariage du siècle. L’association du pilote le plus titré de l’histoire avec l’écurie la plus légendaire. Mais pour Lewis Hamilton, la « Dolce Vita » promise à Maranello ressemble pour l’instant à une longue traversée du désert technique et politique.

    Le regretté Dr Harvey Postlethwaite, ingénieur de génie, racontait souvent comment il survivait à la politique interne étouffante de Ferrari dans les années 80. Il avait écrit le montant de son (généreux) salaire sur un bout de papier qu’il gardait dans le tiroir de son bureau. Quand les machinations machiavéliques de Maranello devenaient insupportables, il ouvrait simplement ce tiroir pour se rappeler pourquoi il pointait tous les matins.

    Lewis Hamilton, lui aussi grassement rémunéré, ferait bien de développer une stratégie similaire. Car sa lune de miel en rouge est définitivement terminée après une première saison 2025 que l’on pourrait qualifier de calamiteuse.

    Du style, mais peu de substance

    On dit souvent que c’est l’attente qui tue. L’annonce du transfert d’Hamilton en février 2024 avait laissé le monde de la F1 en apnée pendant près d’un an. Et l’anglais n’a pas déçu lors de son arrivée : costume croisé vintage à rayures, manteau Ferragamo, chaussures Louboutin à semelles rouges, posant fièrement devant une F40. Les fans et les chroniqueurs mode étaient en pâmoison.

    Mais une fois la visière baissée, la réalité a repris ses droits. Une laborieuse 10e place en ouverture en Australie a donné le ton. Ce qui devait être un accident de parcours est devenu la norme. Alors que la Ferrari de fin 2024 semblait être la voiture à battre, la F1-25 s’est révélée être un cadeau empoisonné.

    Conçue agressivement, la monoplace souffre d’un défaut structurel majeur : elle ne fonctionne pas aux hauteurs de caisse ultra-basses pour lesquelles son fond plat et ses suspensions ont été optimisés. Résultat ? Ferrari a reculé dans la hiérarchie, incapable de suivre le rythme de McLaren, qui a su créer une voiture rapide sans être aussi dépendante d’une hauteur de caisse critique.

    L’impasse technique : Pourquoi Hamilton souffre plus que les autres

    Les critiques les plus simplistes diront qu’Hamilton, à 40 ans passés, est « fini ». La réalité est bien plus subtile et technique. Hamilton a bâti sa légende sur un feeling surnaturel du transfert de masse au freinage : cette capacité à charger le train avant, faire pivoter la voiture en relâchant les freins tout en gardant un équilibre neutre.

    Or, cette génération de F1 à effet de sol est l’antithèse de ce style de pilotage :

    1. Raideur excessive : Les voitures sont lourdes et suspendues comme des briques, privant le pilote du retour d’information nécessaire pour juger ce transfert de masse.
    2. Géométrie anti-plongée (Anti-dive) : Pour stabiliser l’aéro, les suspensions sont conçues pour empêcher la voiture de plonger au freinage. C’est efficace pour le chrono, mais terrible pour le feeling d’Hamilton.
    3. Frein moteur : En passant de Mercedes à Ferrari, Hamilton a perdu ses repères de « mémoire musculaire ». La gestion du freinage hybride (le mélange entre freinage physique et régénération d’énergie) du Power Unit Ferrari est radicalement différente de celle du bloc allemand.

    Ajoutez à cela une fenêtre de réglage microscopique. En Chine, Hamilton a payé le prix fort : une disqualification pour usure excessive du patin, signe d’une voiture réglée trop bas pour tenter de compenser le manque d’appui.

    Le spectre de la politique interne

    Comme si les problèmes techniques ne suffisaient pas, la vieille politique Ferrari refait surface. Alors que Hamilton envoie des mémos de plusieurs pages aux ingénieurs pour suggérer des améliorations, la direction semble se replier sur ses vieux réflexes : blâmer les pilotes.

    Après le fiasco du Grand Prix de Sao Paulo, John Elkann, le président de Ferrari, a jeté de l’huile sur le feu. Louant le programme d’Endurance (WEC), il a suggéré que ses pilotes de F1 « devraient se concentrer sur le pilotage et parler moins ». Une remarque cinglante, d’autant plus ironique quand on sait que le programme WEC est en grande partie géré par une structure privée (AF Corse) avec un châssis Dallara.

    Frédéric Vasseur a beau avouer que Ferrari a stoppé le développement de la voiture 2025 dès le mois d’avril pour tout miser sur le nouveau règlement de 2026, cela n’efface pas la douleur du présent.

    Hamilton se retrouve aujourd’hui dans une position délicate : battu régulièrement par un Charles Leclerc qui connait la maison par cœur, au volant d’une voiture qui ne lui parle pas, et au sein d’une équipe qui semble déjà avoir la tête ailleurs.

    Dans le paddock, lors des dernières courses, Hamilton ne ressemblait plus au conquérant stylé du début d’année, mais à un homme pressé d’en finir. Espérons pour la F1 et pour les Tifosi que le pari de 2026 soit le bon. Car le tiroir de Lewis, aussi rempli soit-il, ne suffira pas éternellement à compenser la frustration de la défaite.

  • Séisme en endurance : Porsche quitte le WEC, un adieu dorcé par la BoP ?

    Séisme en endurance : Porsche quitte le WEC, un adieu dorcé par la BoP ?

    Le sport automobile mondial vient d’encaisser un choc de taille : Porsche, le constructeur le plus titré aux 24 Heures du Mans, a annoncé son retrait de la catégorie Hypercar du Championnat du Monde d’Endurance (WEC) à l’issue de la saison. C’est plus qu’un départ ; c’est un signal d’alarme sur l’état du championnat, dicté par une combinaison de contraintes financières et, plus directement, de frustrations sportives non dissimulées.

    La priorité au marché nord-américain

    La décision de Porsche Motorsport, dirigée par Thomas Laudenbach, a été prise dans un contexte économique tendu, marqué par un recul des ventes et des bénéfices de la marque. Face à la nécessité de réduire les dépenses en compétition, l’un des trois programmes d’usine devait être sacrifié. La Formula E 2025-2026, nouveau défi électrique, n’était pas négociable.

    Le choix s’est donc porté sur l’un des deux engagements du prototype hybride 963 LMDh, géré par Porsche Penske Motorsport (PPM) : le WEC ou l’IMSA SportsCar Championship aux États-Unis. La raison de la survie de ce dernier est simple et pragmatique : l’Amérique du Nord est le plus grand marché de Porsche. Maintenir la présence dominante en IMSA était stratégiquement vital pour l’image de la marque.

    L’ombre de la Balance of Performance (BoP)

    Si la raison financière a facilité la décision, la justification sportive en est le cœur. Porsche a été remarquablement transparent sur son sentiment de ne pas concourir à armes égales en WEC, contrairement à ce qui se passe en IMSA, où la 963 a été dominante.

    L’objectif initial de la réglementation Hypercar (LMDh/LMH) était de permettre à une même voiture de concourir dans les deux championnats sous une BoP (Balance of Performance) équitable. Or, selon Porsche, cet équilibre a été rompu dans le championnat mondial.

    Thomas Laudenbach, sans prononcer le terme maudit de BoP (dont les discussions publiques sont interdites par le WEC), a été limpide :

    « L’aspect financier est là, ainsi que l’aspect sportif. L’idée originale était de construire une seule voiture et de courir dans les deux championnats avec un terrain de jeu équitable. Cela n’a pas fonctionné partout de la même manière. Cela a eu une influence sur notre décision. »


    La blessure du Mans

    Le point de rupture émotionnel fut sans doute les 24 Heures du Mans de cette année. Malgré une course quasi parfaite de la voiture #6 de Kévin Estre, Laurens Vanthoor et Matt Campbell, la 963 a terminé seconde, derrière la Ferrari 499P. Porsche estime avoir excellé sur tous les critères de la compétition moderne (stratégie, fiabilité, performance des pilotes), mais que la BoP a empêché la victoire.

    Laudenbach a souligné que la #6 aurait dû gagner, estimant qu’il y a des « choses à améliorer » dans l’organisation du WEC. En dépit d’un titre Pilotes WEC remporté l’an dernier et d’une chance de le conserver jusqu’à la finale de 2025 à Bahreïn, le constructeur aux 19 victoires au Mans n’a jamais remporté l’épreuve reine avec la 963. Le signal envoyé est clair : si l’équité n’est pas garantie, même le mythe s’en va.

    Ce retrait est un coup dur pour le WEC, qui voit partir un pilier historique au moment même où il attire de nouveaux constructeurs (Genesis, Ford, McLaren). La crédibilité de la BoP, pilier de cette nouvelle ère de l’endurance, est désormais sur la sellette.

  • Pourquoi les LM P1 sont-elles si différentes ?

    Pourquoi les LM P1 sont-elles si différentes ?

    J’ai profité de mon immersion au cœur du Toyota Gazoo Racing lors des 6 Heures de Spa-Francorchamps pour poser LA question : pourquoi les LM P1 ont-elles des silhouettes aussi différentes ?

    Par rapport à ce que l’on peut connaître en F1, les LM P1 hybrides – Toyota, Audi, Porsche et Nissan – sont foncièrement différentes.

    Pour résumer, la réglementation impose :

    – moteur à quatre temps, essence ou Diesel
    – 870 kg minimum
    – réservoir de carburant de 68,3 litres en essence ou 54,2 litres en Diesel
    – longueur de 4 650 mm maximum
    – largeur comprise entre 1 800 et 1 900 mm
    – porte à faux avant limité à 1 000 mm
    – porte à faux arrière limite à 750 mm
    – aucune pièce ne doit se situer à plus de 1 050 mm au-dessus de la surface de référence

    En complément, les cotes de la partie arrière sont assez encadrées. Ce sont les très grandes lignes. Mais elles montrent bien à quel point chaque constructeur a été plutôt libre de ses choix lors de la conception de son prototype. Malgré tout, même en étant libre, on pourrait imaginer que les solutions efficaces soient amenées à se ressembler. L’exemple d’Airbus et Boeing est, à mes yeux, pertinent. Qu’est-ce qui ressemble le plus à un A330 ? Un 777 !

    toyota-gazoo-racing-lm-p1

    Que chaque modèle soit différent peut se concevoir en lisant le règlement. La Porsche 919 Hybrid dispose d’un moteur essence 2,0 litres 4 cylindres en V d’environ 500 chevaux couplé à un moteur électrique d’environ 300 kW dans la classe 8MJ. L’Audi R18 e-tron quattro compte sur un V6 4,0 litres de 560 chevaux et d’un moteur électrique de 200 kW en classe 4MJ. La Toyota TS040 Hybrid possède un V8 3,4 litres et 520 chevaux et un moteur électrique de 350 kW dans la classe 6MJ. Quant à la Nissan GT-R LM Nismo, c’est un vent de folie. Moteur essence V6 3,0 litres biturbo (autour de 500 chevaux) à l’avant, couplé aux roues avant, et moteur électrique aussi couplé à l’avant !

     

    John Litjens, chargé de projet du Toyota Gazoo Racing, n’est pas surpris de voir tant de différences : « Le règlement laisse beaucoup de libertés. Chez Toyota, la forme de la TS040 Hybrid est le résultat d’évolutions menées depuis que nous avons figé la première carrosserie lors du lancement du projet. Beaucoup de nos ingénieurs venaient de la F1. Nous nous sommes donc appuyés sur cette expérience pour définir l’aérodynamique de la voiture. Pour Le Mans, Il faut un minimum de trainée aéro. Chaque constructeur atteint cet objectif de façon différente. Il faut réussir à mener l’air, de l’avant vers l’arrière, avec le plus d’efficacité possible. Dès lors, chacun a pu explorer sa voie pour atteindre son but. »

    toyota-gazoo-racing-john-litjens

    « La face avant est la clé », continue le Néerlandais. « Comme la réglementation de la partie arrière est plutôt stricte, il faut tirer partie des libertés laissées à l’avant. Et je pense que c’est l’un des points forts de notre Toyota TS 040 Hybrid. »

    Au sujet des options choisies par les rivaux, Litjens pointe l’Audi R18 e-tron hybrid : « Elle est vraiment fine de l’avant avec une carrosserie très proche des éléments mécaniques. C’est vraiment une belle réussite, notamment par l’intégration des bras de suspension. »

    Prochain rendez-vous le 31 mai sur le Circuit des 24 Heures du Mans. Les quatre modèles de LM P1 hybrides seront, pour la première fois, sur la même piste pour la Journée Test, moins de deux semaines avant l’épreuve la plus attendue de l’année !

  • Porsche au Mans 2015 : weiß, schwarz und rot

    Porsche au Mans 2015 : weiß, schwarz und rot

    Ce matin, Porsche a révélé sa 919 Hybrid, son fer de lance dans la conquête de la victoire aux 24 heures du Mans et du titre FIA WEC. Vu de loin, pas grand chose ne différencie le millésime 2015 du millésime 2014. De près, quelques modifications sont flagrandes, surtout sur la face avant et les extracteurs d’air sur les flancs. Il faut l’avouer, le résultat est du plus bel effet. Cette année, peut être que Porsche pourra ravir la victoire en terres mancelles à Audi. Il faut le dire, l’an dernier la belle de Stuttgart a tout de même tenu la dragée haute aux cousins de Ingolstadt. Dans la préparation de sa saison, l’équipe Porsche a d’ailleurs parcouru de nombreux kilomètres en essais sur les circuits de Aragon (Espagne), Sakhir (Bahrain) et Abu Dhabi (UAE). Après un round d’observation en 2014, Porsche est fin prête en 2015. Particularité, chacune des Porsche 919 Hybrid portera une couleur différente de sa soeur : la 19 sera blanche, la 18 sera noire et la 17 sera rouge, en hommage à la 917 victorieuse des 24heures du Mans 1970. NB : sur les photos suivantes, les numéros précédemment cités ne correspondent pas, car les 919 ne porteront des robes différentes que lors des 24 heures du Mans. Dommage.

     

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