Catégorie : Sport Automobile

  • La légende continue : Timo Bernhard ranime l’héritage de Porsche à la Carrera Panamericana 2025

    La légende continue : Timo Bernhard ranime l’héritage de Porsche à la Carrera Panamericana 2025

    La Carrera Panamericana, le rallye historique mythique du Mexique, a célébré cette année son 75e anniversaire avec un invité d’honneur de taille : Timo Bernhard. L’ambassadeur de la marque et légende moderne de l’endurance, vainqueur au Mans et au Nürburgring, a pris le volant d’une Porsche 911 GT3 aux côtés du copilote mexicain Patrice Spitalier, renforçant le lien profond et historique entre Porsche et cette course légendaire.

    La participation de Bernhard est un puissant rappel de l’héritage laissé par les pionniers de Porsche. Dès les années 1950, des figures comme Hans Herrmann, qui mena la première équipe officielle Porsche avec la 550 Spyder en 1954, ou Herbert Linge, dont le travail mécanique exceptionnel fut salué par le gouvernement mexicain, ont établi la réputation internationale de la marque sur les routes mexicaines.

    « Je sais par l’histoire de Porsche que ‘La Carrera’ était une course majeure mettant en vedette des pilotes Porsche exceptionnels, » confie Timo Bernhard. « Le lien historique entre Porsche et La Carrera Panamericana se perpétue non seulement dans la compétition, mais aussi dans les noms de modèles emblématiques comme la 911 Carrera et la Panamera

    L’objectif : célébrer l’héritage, plus que la compétition

    Surnommée « La Pana », cette épreuve était, dans sa version originale (1950-1954), l’une des compétitions routières les plus exigeantes au monde, où la précision et la durabilité des voitures Porsche ont jeté les bases de leur réputation internationale.

    Si la course a été relancée en 1988 en tant que rallye historique, la présence de Timo Bernhard en 2025 visait avant tout à rendre hommage à cet héritage.

    « J’adore personnellement le rallye et j’ai remporté plusieurs victoires au classement général en Allemagne. Cette fois, cependant, je n’étais pas concentré sur la compétition ou les résultats, mais plutôt sur la mise en valeur de l’héritage fascinant de Porsche pour les spectateurs, » explique Bernhard.

    Timo Bernhard : un palmarès légendaire

    Au cours de plus de deux décennies en tant que pilote d’usine officiel Porsche, Timo Bernhard s’est imposé comme l’un des coureurs les plus complets de sa génération.

    • Double Champion FIA WEC (2015 et 2017).
    • Victoire aux 24 Heures du Mans en 2017 (avec la Porsche 919 Hybrid).
    • Cinq victoires aux 24 Heures du Nürburgring.

    Il fait partie du cercle très fermé des pilotes ayant réalisé la « triple couronne » de l’endurance (victoires à Le Mans, Daytona et Sebring). Fidèle à la marque depuis sa sélection en tant que Junior en 1999, son lien avec Porsche est indéfectible.

    Succès récents en terre mexicaine

    La relation de Bernhard avec le Mexique n’était pas nouvelle. Il a déjà triomphé à deux reprises aux 6 Heures de Mexico (manche du WEC) en 2016 et 2017 au volant de la Porsche 919 Hybrid, aux côtés de coéquipiers tels que Mark Webber et Brendon Hartley.

    « J’ai de très bons souvenirs du Mexique… et un taux de victoire de 100 % là-bas ! » se souvient Bernhard. « J’ai découvert le Mexique comme un pays avec une incroyable passion pour le sport automobile. »

    Le rallye de 2025 a ainsi permis à la légende de l’endurance de renouveler ce lien spécial avec les fans locaux, tout en inscrivant un nouveau chapitre dans la longue et fructueuse histoire partagée entre Porsche et La Carrera Panamericana.

  • Le V8, le Watt et la Loi : le conflit qui redéfinit l’âme sonore de la Formule 1

    Le V8, le Watt et la Loi : le conflit qui redéfinit l’âme sonore de la Formule 1

    La Formule 1 a toujours été le théâtre d’une tension créatrice : celle qui oppose le passé glorifié à la promesse de l’avenir. Aujourd’hui, cette tension n’est plus seulement technique, elle est politique et culturelle. Elle oppose le désir viscéral de retrouver le rugissement des V8 et V10 à l’impératif commercial et écologique du moteur hybride 50/50 de 2026.

    Au cœur de cette bataille pour l’identité de l’automobile la plus rapide du monde, un bras de fer institutionnel se joue, un choc de cultures qui déterminera si l’art de la F1 restera une affaire de passion pure, ou une démonstration de sobriété technologique.

    La symphonie mécanique : pourquoi la nostalgie hurle

    Le V6 turbo hybride actuel est une merveille d’efficacité, mais il peine à égaler la résonance culturelle et sensorielle de ses aînés. C’est sur ce déficit émotionnel que s’appuie le président de la FIA, Mohammed Ben Sulayem, dans sa posture que l’on pourrait qualifier de « populiste ». Il porte l’étendard d’une partie significative de la fanbase qui rêve du retour d’une formule V8, voire même des mythiques V10 atmosphériques.

    Ce n’est pas un simple caprice mécanique, mais une quête d’héritage.

    Le V10 (1990-2005) : L’émotion à l’état brut

    Le V10 symbolise l’ère de la vitesse frénétique et de la compétition débridée.

    • L’art sensoriel : tournant à des régimes vertigineux (jusqu’à 19 000 tours/minute), le V10 ne produisait pas un bruit, mais un hurlement aigu et cristallin. C’était une note qui pénétrait l’expérience, faisant vibrer l’air bien au-delà de la piste, un détail sensoriel fondamental pour l’immersion.
    • La précision du geste : Ces blocs étaient l’apogée de l’ingénierie atmosphérique, exigeant une gestion méticuleuse de la puissance brute. Ils offraient une démonstration pure de la performance tirée de la cylindrée, sans l’aide complexe de l’électrification.

    Le V8 (2006-2013) : la dernière danse atmosphérique

    L’adoption du V8 de 2,4 litres en 2006 a marqué le dernier acte des moteurs non-hybridés. Moins perçant que le V10, le V8 offrait un son plus grave, plus roque, mais toujours d’une intensité frissonnante. Il fut la bande-son de la dernière décennie où l’histoire de l’automobile en F1 n’était pas dictée par la récupération d’énergie, mais par l’élégance d’un moteur à combustion interne poussé à son paroxysme.

    Cette évocation, qui mêle précision technique, ressenti et lien culturel, est l’essence de la bataille de Ben Sulayem.

    La réalité contractuelle : la FOM comme garant du futur

    Pourtant, ce désir ardent de renouer avec le passé se heurte à une réalité contractuelle et commerciale inébranlable.

    Depuis l’acquisition des droits commerciaux par Liberty Media (FOM) en 2017, la gouvernance de la Formule 1 a été redéfinie. L’accord stipule clairement que l’élaboration des règlements est la prérogative de la FOM, tandis que la FIA se contente d’administrer et d’assurer la conformité. La FIA, malgré son statut de corps dirigeant, fonctionne désormais comme un prestataire de services.

    La réponse de la FOM aux tentatives de retour aux V8 ou V10 a été ferme. L’agenda est dicté par le futur, et ce futur est incarné par la formule 50/50 de 2026 : un équilibre parfait entre l’électrique et le thermique, conçu pour :

    1. Maintenir l’investissement des constructeurs (qui vendent des voitures hybrides ou électriques).
    2. Garantir la crédibilité environnementale de la discipline.

    Pour la FOM, il s’agit d’une tentative de satisfaire les deux bases de fans : ceux qui veulent l’innovation, et ceux qui veulent la course, sans céder à des superlatifs simplistes ou à un virage technologique anachronique.

    L’horizon 2030 : le vrai départ

    Le conflit entre la nostalgie et le progrès est en stand-by. Le V6 turbo hybride 50/50 est programmé jusqu’à la fin de l’année 2030.

    C’est à cet horizon que réside le véritable enjeu. 2030 n’est pas seulement la fin de l’actuelle formule moteur, c’est aussi l’expiration de l’accord de gouvernance entre Liberty Media et la FIA. Théoriquement, la FIA pourrait alors renégocier les termes de son engagement ou choisir de reprendre la main sur la définition de ses règlements.

    Le succès de la F1 dans les prochaines années dépendra de sa capacité à transformer ce nouveau règlement technique en une expérience narrative aussi captivante que l’ère des V10. En attendant, le V8 et le V10 restent le patrimoine sonore que la F1 doit désormais apprendre à honorer, même sans le faire rugir sur ses circuits. C’est l’essence de l’automobile : un art au carrefour de l’histoire et de l’innovation.

  • Alfa Romeo 164 Procar : la berline qui roulait plus vite qu’une F1

    Alfa Romeo 164 Procar : la berline qui roulait plus vite qu’une F1

    Riccardo Patrese enclenche la pédale de droite à la sortie de la Parabolica. Quelques secondes plus tard, juste avant le freinage de la chicane Rettifilo, il file à plus de 320 km/h dans la ligne droite des stands de Monza. Le plus frappant ? Il est au volant d’une voiture qui ressemble, à s’y méprendre, à une banale berline quatre portes ! Le son, nouveau et strident, qui déchire l’air devant les tribunes combles, racontait pourtant une tout autre histoire.

    Ce spectacle unique, offert lors du Grand Prix d’Italie 1988, fut la première et la dernière apparition publique de l’Alfa Romeo 164 Procar. Un mirage historique, fruit d’une ambition folle qui devait révolutionner le sport automobile : les berlines de tourisme dotées de la performance d’une Formule 1.

    La chimère de la Formule S

    Patrese venait de descendre de sa Williams à moteur V8 Judd pour s’installer dans une machine qui n’était pas si éloignée de sa monoplace. Sous sa carrosserie de 164 de série, l’Alfa Romeo Procar était, à toutes fins utiles, une F1 biplace. Elle reposait sur un châssis de course ultra-rigide et abritait surtout un V10 atmosphérique de 3,5 litres, une configuration de moteur qui deviendrait dominante au sommet du sport dans les saisons à venir.

    Cette bête de course était le fer de lance de ce qui devait être le Championnat FIA des Voitures de Production (Procar), ressuscité d’une série éponyme BMW M1 de 1979-80. Au cœur de ce projet se trouvait la Formule S (pour Silhouette).

    Le concept était audacieux : l’aspect extérieur devait imiter fidèlement une voiture de série produite à au moins 25 000 exemplaires, n’autorisant qu’un petit aileron arrière discret et quelques ajustements pour le refroidissement. Mais sous cette enveloppe familière, les règlements exigeaient une technologie F1 pure et dure, en l’occurrence les nouveaux moteurs atmosphériques de 3,5 litres.

    Quand Bernie et Max dictaient la musique

    Ce projet était l’œuvre de l’influent duo Bernie Ecclestone et Max Mosley. Ecclestone, nouvellement vice-président de la FIA chargé des affaires promotionnelles, et Mosley, revenu en tant que président de la commission des constructeurs de la FISA, travaillaient à restructurer le sport automobile. Leur objectif était clair : rendre les moteurs F1 de 3,5 litres obligatoires non seulement en Grand Prix, mais aussi en Groupe C (endurance) et dans ce nouveau Procar. L’idée était de forcer les constructeurs à investir dans un moteur unique, utilisable sur plusieurs fronts – un concept que Ecclestone ne cachait pas être une manœuvre pour attirer les grands constructeurs vers la F1.

    FIAT, qui venait de racheter Alfa Romeo fin 1986, s’est montré un collaborateur enthousiaste. Le nouveau patron, Vittorio Ghidella, fan de sport auto, voulait que l’image de course d’Alfa perdure, même si la F1 était désormais l’apanage de Ferrari. Or, Alfa Corse disposait d’un tout nouveau V10 3,5 litres – le Tipo 1035 – développé par Giuseppe D’Agostino, conçu pour être plus compact et léger qu’un V12, et plus puissant qu’un V8.

    Ce moteur, qui n’avait plus de débouché en F1 après la rupture spectaculaire du contrat avec Ligier (un casus belli monté de toutes pièces par FIAT), trouva un foyer inattendu dans la carrosserie de la 164.

    L’élégance mécanique : la BT57

    La construction de l’Alfa 164 Procar fut confiée à Brabham (qui était alors en pleine cession par Ecclestone), l’équipe qui avait déjà utilisé les moteurs Alfa en F1 de 1976 à 1979. Le châssis, connu en interne sous le nom de BT57, était l’œuvre de l’ingénieur John Baldwin. Il était construit autour d’une coque centrale rigide à laquelle étaient accrochés le moteur et les suspensions, permettant un véritable aménagement biplace.

    Assemblé par le mécanicien Tommy Ross, l’unique exemplaire fut testé en Italie, notamment par Giorgio Pianta. Pour sa démonstration publique à Monza, Patrese reçut des instructions strictes : prendre son temps, puis accélérer à fond dans la ligne droite pour exhiber la vitesse de pointe.

    La performance fut foudroyante : la 164 Procar a dépassé les 331 km/h (206 mph) dans la ligne droite, plus rapide que certaines F1 de l’époque, son poids minimal de 750 kg aidant. Patrese se souvient de la violence de l’expérience : « Tout tremblait beaucoup au-dessus de 300 km/h ».

    Un mort-né de 331 km/h

    Malheureusement, le coup de bluff d’Alfa Romeo ne convainquit pas les autres constructeurs. Leur scepticisme était clair : « Nous voulons courir avec ce que nous vendons », le concept de la silhouette étant jugé trop éloigné du produit de série.

    La Formule S et le Championnat Procar furent abandonnés discrètement. L’Alfa 164 Procar a ainsi été rapidement reléguée au musée. L’unique fois où son magnifique moteur V10 atmosphérique fut entendu par le public, ce fut lors de ces quelques tours de démonstration. L’histoire se souvient de cette berline unique comme d’une fin de non-recevoir à 331 km/h.

  • Nelson Piquet retrouve la Brabham-BMW BT52 : hommage à Estoril pour un champion hors du temps

    Nelson Piquet retrouve la Brabham-BMW BT52 : hommage à Estoril pour un champion hors du temps

    Le rugissement du quatre cylindres turbo BMW a de nouveau résonné sur le bitume d’Estoril. Le dernier week-end d’août, le légendaire circuit portugais — théâtre du premier Grand Prix du Portugal moderne en 1984 — a vu revenir l’un de ses héros : Nelson Piquet, triple champion du monde de Formule 1. À l’occasion d’un événement organisé par Dener Motorsports, en hommage au pilote brésilien, BMW Group Classic a sorti deux joyaux de son patrimoine sportif : la Brabham BMW BT52 Turbo de 1983 et la BMW M1 Procar de 1980. Deux voitures emblématiques, deux chapitres majeurs de la carrière de Piquet, réunis pour ce qui pourrait bien être sa dernière danse au volant d’une F1 BMW.

    Un retour chargé d’émotion

    Le week-end avait tout d’une réunion de famille. Autour de Nelson Piquet, on retrouvait Bernie Ecclestone, patron du team Brabham à l’époque, Gordon Murray, le génial concepteur de la BT52, ainsi que plusieurs anciens mécaniciens du team, venus spécialement pour l’occasion. Tous avaient rendez-vous à Estoril, non loin de Lisbonne, sur un tracé qui symbolise les grandes heures de la Formule 1 des années 1980.

    BMW Group Classic, fidèle gardien du patrimoine de la marque, a préparé les deux voitures avec le soin d’un horloger. Les mécaniciens du département historique ont assuré la remise en route et le suivi technique sur place, afin que tout soit parfait pour le grand moment : le retour de Nelson Piquet derrière le volant de sa Brabham BT52, la monoplace qui lui avait offert son deuxième titre mondial, et le tout premier pour un moteur turbo en Formule 1.

    La BT52 : une légende de l’ère turbo

    Présentée en 1983, la BT52 marquait une rupture technique et esthétique. Gordon Murray avait dû redessiner la voiture en urgence après l’interdiction des jupes et de l’effet de sol. Le résultat : un châssis plus court, un centre de gravité reculé, et surtout un moteur BMW M12/13, un 1,5 litre quatre cylindres turbo dérivé d’un bloc de série issu de la 2002. Capable de délivrer plus de 800 chevaux en configuration course et plus de 1 200 chevaux en qualifications, ce moteur a fait entrer BMW dans la légende.

    Avec cette combinaison explosive, Nelson Piquet a remporté trois Grands Prix en 1983 (Brésil, Italie, Europe) et le titre mondial au terme d’une saison marquée par la fiabilité du moteur et la cohésion exceptionnelle entre Brabham et BMW. « Le moteur BMW a tout changé, se souvient Piquet. Nous avons beaucoup travaillé en 1982 pour être prêts l’année suivante. C’était une période fantastique. »

    À Estoril, plus de quarante ans plus tard, le Brésilien a repris place dans le cockpit étroit de la BT52, casque sur la tête et sourire aux lèvres. Après un shakedown pour retrouver les sensations, il a effectué plusieurs tours d’honneur, dans un mélange d’élégance et de nostalgie.

    Une vie de course avec BMW

    Avant la Formule 1, Nelson Piquet avait déjà bâti un lien fort avec BMW. En 1980, il remportait la BMW Procar Series, un championnat monomarque opposant les meilleurs pilotes du monde au volant de la spectaculaire BMW M1 Procar, conçue par Paul Rosche et développée par le département compétition de Munich. Cette même année, il décrochait également une victoire de prestige aux 1000 km du Nürburgring, sur une M1 Groupe 5 partagée avec Hans-Joachim Stuck.

    Entre 1982 et 1985, il disputa ensuite quatre saisons de F1 avec des Brabham-BMW Turbo. Son palmarès avec le constructeur bavarois reste impressionnant :

    • 1982 : 11e du championnat (Brabham BT50)
    • 1983 : Champion du monde (BT52)
    • 1984 : 5e (BT53)
    • 1985 : 8e (BT54)

    En tout, Piquet compte 23 victoires en 204 Grands Prix, dont 7 pour BMW, et trois titres mondiaux (1981, 1983 et 1987).

    Un hommage à la démesure

    L’événement d’Estoril s’est voulu à la fois intimiste et spectaculaire. Les spectateurs ont pu approcher les deux machines mythiques, restaurées dans leur configuration d’époque, avec leurs livrées emblématiques Parmalat et BMW Motorsport. Après sa démonstration, Piquet a longuement échangé avec les anciens membres de son équipe. « Revoir cette voiture aujourd’hui, c’est revoir une œuvre d’art. Elle était belle, elle l’est toujours. C’était la plus belle période de ma vie », a-t-il confié.

    Pour BMW Group Classic, cette apparition marquait la deuxième sortie publique de la BT52 en 2025, après le Festival of Speed de Goodwood en juillet. Rarement une monoplace historique n’aura été aussi précieusement conservée et remise en état de marche.

    Une dernière fois au volant

    La dernière fois que Nelson Piquet avait conduit la Brabham BT52 remontait à 2015, lors d’un événement de légendes à Spielberg, en Autriche. Dix ans plus tard, le Brésilien de 73 ans a fait le voyage depuis Brasília pour retrouver sa machine. Il y a sans doute vu une forme de conclusion symbolique à son histoire avec BMW : une aventure technique et humaine, faite de passion, de défi et de vitesse pure.

    « À l’époque, gérer la puissance n’avait rien d’extraordinaire », sourit Piquet. « Aujourd’hui, c’est une autre histoire. Je freine beaucoup plus tôt qu’avant. »

    Une phrase qui résume à elle seule tout le contraste entre la F1 d’hier et celle d’aujourd’hui. Un temps où la mécanique avait encore des colères, où les pilotes apprivoisaient des bêtes de 800 chevaux sans assistance. À Estoril, Nelson Piquet a retrouvé cette part de folie. Une dernière fois, peut-être. Mais certainement pas sans émotion.

  • Ford Supervan : quand le Transit se prend pour une supercar

    Ford Supervan : quand le Transit se prend pour une supercar

    Dans l’univers automobile, certains projets naissent presque par provocation, d’autres par pur génie marketing. Le Ford Supervan appartient aux deux catégories. Depuis plus de cinquante ans, la silhouette utilitaire du Transit cache régulièrement une mécanique de compétition, transformant le « fourgon de plombier » en monstre de puissance. Une saga unique, née en 1971 dans les paddocks britanniques et qui continue aujourd’hui de repousser les limites, à l’ère électrique.

    Le coup de folie de Terry Drury (1971)

    Tout commence avec Terry Drury, ingénieur chez Ford UK, pilote amateur et passionné de sport automobile. En 1971, il fonde sa propre équipe, Terry Drury Racing (TDR), et imagine une idée aussi saugrenue que géniale : installer un moteur de course sous la carrosserie d’un Ford Transit. L’occasion se présente lors du traditionnel meeting de Pâques à Brands Hatch.

    Le premier Supervan voit le jour : un châssis de Cooper Monaco, un moteur Ford V8 de 4,95 litres développant 441 chevaux et une vitesse de pointe de 240 km/h. Un dragster déguisé en utilitaire ! Le problème, c’est que la carrosserie en acier issue de la série faisait office de mur face au vent. En ligne droite, l’engin impressionnait. Mais en courbe, l’aérodynamique le condamnait.

    Supervan 2 : l’âge d’or des années 1980

    Ford UK reprend le projet à son compte et pousse l’idée bien plus loin. En 1984, le Supervan 2 fait sensation. Le châssis est celui d’une Ford C100 de Groupe C, l’une des catégories reines de l’endurance. Le dessin est confié à Tony Southgate, figure de la Formule 1 et du Mans. La carrosserie, en fibre de verre, reproduit la silhouette d’un Transit Mk2, mais rabaissée et affinée. Sous le capot, un V8 Cosworth DFL de 600 chevaux propulse ce van hors normes à 280 km/h sur le circuit de Silverstone.

    Là où le premier Supervan faisait sourire, le second impose le respect. Ford en fait un outil de communication redoutable : montrer qu’un banal fourgon peut cacher le cœur d’une voiture de course.

    Supervan 3 : l’excès assumé (1994)

    Dix ans plus tard, Ford récidive avec le Supervan 3, construit pour accompagner le restylage du Transit Mk3. Plus qu’une évolution, c’est une véritable mutation. Le moteur, un V8 Cosworth de 3 litres, délivre 660 chevaux. La silhouette reste celle d’un Transit, mais à l’échelle 7/8e : un utilitaire compressé, plus court d’un mètre, entièrement pensé pour la performance.

    Le Supervan 3 devient rapidement une icône publicitaire. On l’aperçoit dans des démonstrations, des salons, et il revient même sur le devant de la scène en 2004, lors d’un lifting pour célébrer la nouvelle génération de Transit.

    Supervan 4 : l’ère électrique (2022)

    L’histoire aurait pu s’arrêter là, cantonnée à quelques délires mécaniques des années 1970-1990. Mais Ford choisit de relancer la saga à l’ère des moteurs électriques. En 2022, le Supervan 4 est dévoilé. Aux commandes du design, Ernesto Rupar pour l’extérieur et Sebastian Todderroth pour l’intérieur.

    Sous sa carrosserie futuriste, il cache quatre moteurs électriques cumulant 1 903 chevaux. Le 0 à 100 km/h tombe sous la barre des deux secondes. De quoi faire rougir bien des hypercars. Seul bémol : une autonomie limitée à 35 kilomètres. Mais qu’importe, le message est clair : le Transit aussi peut entrer dans le futur radical de la mobilité.

    Supervan 4.2 : la bête de course (2023)

    Un an plus tard, Ford affine son prototype. Le Supervan 4.2 adopte trois moteurs électriques, mais sa puissance grimpe à 2 040 chevaux. Cette fois, l’objectif est clairement défini : les courses de côte.

    Avec Romain Dumas, spécialiste des records en tout genre, l’engin s’aligne au départ du mythique Pikes Peak International Hill Climb. Résultat : deuxième au général, premier de sa catégorie. Le Supervan enchaîne ensuite les démonstrations à Bathurst, à Goodwood, et prend une place d’honneur dans les célébrations des 60 ans du Transit.

    Un objet marketing devenu légende

    Au fil du temps, le Supervan a dépassé sa fonction initiale de vitrine technologique. Il est devenu un objet de culte, symbole de l’esprit décalé et audacieux de Ford UK. L’idée de transformer un fourgon utilitaire en machine de compétition aurait pu rester une blague. Mais elle s’est inscrite dans l’histoire de la marque comme une démonstration flamboyante de créativité.

    Du V8 hurlant des années 1970 aux moteurs électriques survoltés d’aujourd’hui, le Supervan illustre l’évolution de la performance automobile et du rôle de la communication dans l’industrie. Plus qu’un démonstrateur technique, il est une icône culturelle, témoin de cinq décennies d’expérimentations.

    Et à chaque fois, la même conclusion : dans l’ADN du Transit, il y a toujours eu un peu de course.

  • Grand Prix : quand Hollywood a redéfini l’image de la Formule 1

    Grand Prix : quand Hollywood a redéfini l’image de la Formule 1

    Le cinéma et l’automobile ont souvent partagé une fascination commune pour la vitesse, le danger et le glamour. Mais rares sont les films qui ont réussi à capter l’essence même du sport automobile sans la trahir. En 1966, Grand Prix de John Frankenheimer a ouvert une brèche : celle d’un cinéma capable de restituer l’intensité d’une saison de Formule 1 avec une authenticité inégalée. Plus qu’un long-métrage, il a contribué à façonner l’imaginaire collectif autour de la discipline, notamment aux États-Unis où la F1 restait alors confidentielle.

    L’obsession de Frankenheimer

    Frankenheimer était déjà connu pour ses thrillers politiques (The Manchurian Candidate, Seven Days in May) lorsqu’il se lança dans Grand Prix. Mais il se passionna pour la course et décida que rien ne devait paraître artificiel. Pas de studio, pas de plans truqués : chaque séquence fut tournée sur circuit, pendant les Grands Prix réels de 1966.

    Le réalisateur s’entoura de pilotes comme Phil Hill, Bob Bondurant et Graham Hill, fit rouler des Formule 3 déguisées en Ferrari ou BRM et exigea de ses acteurs qu’ils apprennent à piloter. James Garner se révéla excellent volant en main, au point de tromper certains observateurs.

    Cette obsession du réalisme se traduisit aussi dans la technique : une Ford GT40 servit de voiture-caméra, équipée de lourdes Panavision 65 mm spécialement modifiées. Frankenheimer inventa, sans le savoir, la caméra embarquée moderne.

    Une révolution visuelle

    Le spectateur de 1966 n’avait jamais rien vu de tel. Écrans multiples, montages syncopés signés Saul Bass, grand angle quasi sans distorsion, téléobjectifs à couper le souffle : Grand Prix fit entrer la vitesse dans les salles obscures. Pour la première fois, le public pouvait ressentir la tension d’un départ, la brutalité d’un freinage, l’ivresse d’une ligne droite.

    À l’époque, la télévision américaine ne diffusait pas la Formule 1. Grand Prix joua donc un rôle initiatique, révélant au public américain un sport jusque-là mystérieux. Il contribua à donner une aura héroïque aux pilotes, transformant la F1 en matière cinématographique autant qu’en discipline sportive.

    Entre fiction et réalité

    Si les intrigues amoureuses et rivalités personnelles paraissent aujourd’hui un peu datées, elles permettent de donner chair aux pilotes et journalistes de cette fresque. Frankenheimer s’inspira de figures bien réelles : Yves Montand emprunte à Fangio et von Trips, James Garner à Phil Hill, Eva Marie Saint à la journaliste Louise King.

    Cette hybridation entre fiction et réalité a inspiré la suite du cinéma automobile. Steve McQueen, d’abord pressenti pour le rôle principal, reprendra la formule avec Le Mans (1971), mais en poussant encore plus loin le dépouillement dramatique pour laisser toute la place à la course. Plus récemment, Ron Howard s’appuiera sur les recettes de Frankenheimer pour Rush (2013), en mêlant rigueur documentaire et intensité dramatique.

    L’héritage d’un chef-d’œuvre

    Avec plus de 19 millions de spectateurs en Amérique du Nord et trois Oscars, Grand Prix fut un succès critique et commercial. Mais son héritage dépasse les chiffres : il a imposé une grammaire visuelle reprise dans toutes les productions ultérieures. La série Netflix Drive to Survive, qui a redonné un souffle médiatique à la F1 dans les années 2020, n’échappe pas à ce parallèle : elle doit beaucoup à la vision de Frankenheimer, qui avait compris dès les années 1960 que le sport automobile ne se racontait pas seulement par ses résultats, mais aussi par l’émotion brute de la vitesse et la fragilité des hommes qui la défient.

    Quand l’automobile devient culture

    Grand Prix appartient aujourd’hui au panthéon des films où l’automobile devient culture à part entière, aux côtés de Bullitt, Le Mans ou Ronin (que Frankenheimer réalisera d’ailleurs en 1998, avec de nouvelles poursuites automobiles mémorables). Mais plus que tout autre, il a donné au sport automobile une identité cinématographique.

    On comprend pourquoi, près de soixante ans plus tard, le film continue de fasciner. Les passionnés de cinéma l’analysent comme une œuvre d’ingénierie visuelle, les amateurs de F1 comme une capsule temporelle sur un âge d’or. Et tous s’accordent à reconnaître que, sans Grand Prix, la course n’aurait peut-être jamais trouvé un tel écho sur grand écran.

    Frankenheimer lui-même admettait que ce n’était pas son meilleur film, mais le plus exaltant à tourner. Pour les amateurs de vitesse et de cinéma, c’est avant tout un chef-d’œuvre qui a su, mieux que tout autre, donner un visage à l’obsession automobile.

  • Lancia Ypsilon Rally2 HF Integrale : le retour du mythe sur les spéciales

    Lancia Ypsilon Rally2 HF Integrale : le retour du mythe sur les spéciales

    Lancia rallume la flamme. Après avoir signé son retour en rallye par l’entrée de modèles destinés aux catégories Rally4 et Rally6, la marque italienne annonce aujourd’hui le développement d’une Ypsilon Rally2 HF Integrale. Une nouvelle étape, hautement symbolique : pour la première fois depuis plus de trente ans, un modèle à transmission intégrale frappé du logo Lancia va s’aligner sur la scène internationale. Et pas n’importe laquelle : la catégorie Rally2, véritable antichambre du WRC, qui nourrit à la fois les championnats nationaux et l’ERC (Championnat d’Europe des Rallyes).

    Un nom lourd d’histoire

    Le simple fait de lire HF Integrale associé à Lancia suffit à réveiller une mémoire collective unique dans l’univers du sport automobile. Car si Lancia a connu bien des vies, son ADN s’est forgé sur les routes et pistes du rallye. Avec la Fulvia Coupé HF, la Stratos, la 037 et bien sûr la Delta Integrale, la marque a construit une légende inégalée.

    Les chiffres parlent d’eux-mêmes : 10 titres constructeurs en Championnat du Monde des Rallyes (WRC) entre 1974 et 1992, dont 6 consécutifs de 1987 à 1992. Aucun autre constructeur n’a jamais égalé une telle série. Lancia demeure, encore aujourd’hui, la marque la plus titrée de l’histoire du WRC.

    Et derrière les statistiques, il y a les images gravées dans l’imaginaire collectif : les couleurs Martini sur la Delta, les gerbes d’étincelles sur l’asphalte du Monte-Carlo, les glissades spectaculaires en Finlande, les ovations de foules entières dans les années folles du Groupe B.

    De la renaissance à l’ambition

    Depuis sa renaissance sous l’impulsion de Stellantis, Lancia construit patiemment son retour à la fois sur la route et en compétition. Le programme sportif avait commencé modestement : une Ypsilon Rally4, destinée aux jeunes pilotes et aux championnats d’initiation, puis une Rally6, étape intermédiaire pour accompagner la progression vers le haut niveau.

    L’arrivée de la Rally2 HF Integrale change d’échelle. Cette catégorie, régie par la FIA, regroupe aujourd’hui une offre très concurrentielle : Skoda Fabia RS Rally2, Hyundai i20 N Rally2, Ford Fiesta Rally2, Citroën C3 Rally2, ou encore Volkswagen Polo GTI R5. Autant dire que Lancia ne se contente pas d’un retour symbolique : la marque vise le cœur battant de la discipline, là où se forment les futurs champions du monde.

    Un tremplin vers les titres

    La Rally2 HF Integrale permettra aux équipes privées comme aux structures semi-officielles de s’engager dans les championnats nationaux les plus relevés – France, Italie, Espagne, Belgique – mais aussi de viser le Championnat d’Europe FIA. Or, c’est bien dans cette catégorie que se jouent aujourd’hui les plus belles batailles, avec des plateaux souvent supérieurs en nombre et en intensité au WRC lui-même.

    En lançant un modèle 4 roues motrices, Lancia envoie un signal clair : la marque n’est pas simplement en train de capitaliser sur son patrimoine, elle veut redevenir un acteur majeur du rallye contemporain.

    L’ombre portée de la Delta

    Difficile de ne pas faire le parallèle avec la Delta Integrale, qui demeure une référence absolue. En reprenant l’appellation HF Integrale, Lancia s’expose à une immense attente. Mais c’est aussi le meilleur moyen d’attirer l’attention des passionnés et de renouer avec une communauté internationale qui n’a jamais cessé de réclamer le retour de Lancia en rallye.

    La stratégie est habile. Dans l’univers automobile, peu de marques peuvent se targuer d’un héritage aussi puissant. Là où d’autres doivent inventer un récit, Lancia n’a qu’à réveiller le sien. Et la Rally2 est l’outil idéal : accessible à de nombreuses équipes, visible dans une multitude de championnats, et porteuse d’une image sportive crédible.

    Une excitation palpable

    Le retour de Lancia au plus haut niveau de la compétition n’est pas anodin. Il suscite déjà une effervescence auprès des fans, qui voient dans cette annonce une promesse : celle de retrouver l’émotion brute des grandes années. Les réseaux sociaux se remplissent de montages, d’évocations et de souvenirs dès qu’apparaît le mot Integrale. Les forums de passionnés bruissent de rumeurs sur les spécifications techniques : moteur turbo quatre cylindres, boîte séquentielle, gestion électronique dernier cri, châssis affûté pour l’asphalte comme pour la terre.

    Si la voiture se montre à la hauteur, elle pourrait bien devenir une arme de choix pour les pilotes en quête de titres nationaux ou continentaux. Et surtout, elle replacerait Lancia là où la marque a toujours brillé : sur les spéciales.

    Le mythe reprend vie

    En choisissant de réactiver son histoire sportive par la catégorie Rally2, Lancia démontre que son retour n’est pas un simple exercice marketing. La compétition a toujours été l’ADN de la marque, et cette Ypsilon Rally2 HF Integrale se veut la passerelle entre un passé glorieux et un futur ambitieux.

    Lancia a été le constructeur des excès, des innovations, des audaces. Sa renaissance par le rallye, avec cette première quatre roues motrices moderne, redonne corps à un mythe que beaucoup pensaient figé dans les musées et les archives. Désormais, il faudra à nouveau lever les yeux vers les feuilles de temps et les podiums pour y chercher le nom de Lancia.

    Le simple fait d’imaginer une Ypsilon HF Integrale glisser sur la neige du Monte-Carlo ou s’arracher des cordes en Catalogne suffit à rallumer l’étincelle. Le mythe reprend vie, et le monde du rallye s’en réjouit déjà.

  • Alex Palou est-il le meilleur pilote actuel ?

    Alex Palou est-il le meilleur pilote actuel ?

    Álex Palou n’a que 28 ans, et déjà son nom s’impose dans les livres d’histoire. Avec un quatrième titre IndyCar en cinq saisons, conquis avec une aisance presque déconcertante, le Catalan du Chip Ganassi Racing est devenu le sixième pilote de l’histoire de la discipline à atteindre ce cap. Quelques mois plus tôt, il remportait l’Indy 500, cette course qui transforme un excellent pilote en légende. À ce stade, une question s’impose : Palou est-il aujourd’hui le meilleur pilote de la planète ?

    Une domination méthodique

    Contrairement à certains champions dont le style flamboyant éblouit à chaque virage, Palou a construit son empire avec une froide efficacité. Comme Dario Franchitti en son temps, il ne se repose pas sur une audace spectaculaire, mais sur une constance et une intelligence de course implacables. Chaque week-end, il maximise le potentiel de sa voiture, minimise les erreurs et sait exploiter la moindre opportunité stratégique.

    Cette approche lui a permis de décrocher huit victoires rien que cette saison, dans un championnat réputé pour son imprévisibilité, où une quinzaine de pilotes peuvent espérer s’imposer à chaque manche. Et surtout, Palou a brisé une barrière symbolique : après s’être imposé sur tous les types de circuits routiers et urbains, il a triomphé à Indianapolis puis sur l’ovale court de l’Iowa, prouvant qu’il est désormais un pilote complet.

    Des comparaisons qui comptent

    Palou partage désormais son palmarès avec Mario Andretti, Sébastien Bourdais et Dario Franchitti, tous quadruples champions. Seuls Scott Dixon (six titres) et A.J. Foyt (sept titres) le devancent encore dans l’histoire. Ces comparaisons sont lourdes de sens, car elles situent l’Espagnol dans une lignée où très peu ont réussi à durer.

    Et Dixon, son coéquipier et modèle, n’a pas tardé à souligner la particularité du Catalan : là où il a fallu une décennie à Franchitti pour toucher sa première couronne, Palou a remporté son premier titre dès sa deuxième saison. Sa trajectoire rappelle davantage celle des immenses talents qui bouleversent les équilibres d’un sport.

    Le poids du contexte IndyCar

    On ne peut pas évaluer Palou sans rappeler ce qu’est l’IndyCar. Contrairement à la Formule 1, où la hiérarchie technique détermine souvent 80 % des résultats, la discipline américaine repose sur une base commune : châssis unique, moteurs équilibrés, développement limité. Les écarts se jouent sur la précision du réglage, la gestion des pneus et l’audace stratégique.

    Dans cet environnement nivelé, où chaque détail compte, dominer est bien plus difficile. Et c’est là que la performance de Palou prend tout son sens : être sacré deux courses avant la fin de saison, dans un tel contexte, est presque irréel.

    Le meilleur pilote du monde ?

    La question reste ouverte, car tout dépend du prisme choisi. Si l’on parle de la Formule 1, Max Verstappen a imposé une domination sans partage, écrasant ses adversaires avec une Red Bull au sommet de son art. Mais la F1 est biaisée par l’avantage technique de certaines équipes : Verstappen, sans sa RB20, aurait-il été aussi intouchable ? Et maintenant, Verstappen est-il le meilleur ?

    En endurance, un pilote comme Toyota ou Porsche peut briller au Mans, mais rarement de manière aussi éclatante que Palou l’a fait sur une saison entière. En rallye, Kalle Rovanperä a bouleversé la hiérarchie du WRC avec une précocité stupéfiante, mais sa régularité reste à construire dans le temps. Il est surtout gêné par Sébastien Ogier à chaque pige du Français.

    Dans ce paysage, Palou coche toutes les cases : rapidité, constance, intelligence stratégique, adaptation à tous types de tracés. Et surtout, il a su gérer la pression de l’Indy 500, ce qui distingue un champion d’un simple excellent pilote.

    Une carrière à la croisée des chemins

    Une question hante pourtant les observateurs : pourquoi Palou ne tente-t-il pas la Formule 1 ? Après ses déboires contractuels avec McLaren en 2022, l’Espagnol a choisi la stabilité et l’épanouissement au sein du Chip Ganassi Racing. Il l’a dit lui-même : il aime ce championnat, son équipe, son quotidien. Dans un monde où beaucoup de pilotes rêvent de F1 comme d’un graal, Palou fait figure d’exception.

    Mais peut-être est-ce aussi la preuve de sa lucidité : en F1, même avec un talent exceptionnel, il serait difficile d’avoir une machine à la hauteur des McLaren ou Red Bull. Aux États-Unis, il a le statut, les victoires, et un avenir qui pourrait l’amener à égaler, voire dépasser, Scott Dixon et A.J. Foyt.

    Le plus complet ?

    Alors, Palou est-il le meilleur pilote actuel ? Si l’on réduit l’équation à la vitesse pure sur un tour, sans doute que Verstappen garde l’avantage. Mais si l’on cherche le pilote le plus complet, capable de gagner sur tout type de circuit, dans une discipline où l’égalité technique est plus réelle, difficile de trouver un rival au Catalan.

    En 2025, Palou n’est peut-être pas le plus médiatisé, ni le plus spectaculaire. Mais il incarne une forme de perfection discrète, où la méthode, la constance et l’efficacité priment sur l’esbroufe. Et c’est peut-être cela, justement, la marque des très grands.

  • Max Verstappen : souffrir à court terme pour mieux rebondir en 2027 ?

    Max Verstappen : souffrir à court terme pour mieux rebondir en 2027 ?

    « Je vous aime les gars. On fait ça encore 10 ou 15 ans ensemble ? »
    Ce message radio de Max Verstappen, prononcé après avoir décroché son premier titre mondial à Abu Dhabi en 2021, résonne aujourd’hui presque comme un souvenir d’une autre époque. Ce soir-là, il ignorait ce que la nouvelle réglementation 2022 allait réserver. Christian Horner, alors directeur d’équipe, plaisantait même dans le paddock : « Peut-être que Haas va construire une fusée ! On ne sait jamais… »

    La suite, on la connaît : trois nouveaux titres consécutifs, de 2022 à 2024. Mais l’exercice 2024 avait déjà laissé transparaître quelques fissures dans l’armure Red Bull. À Las Vegas, légèrement éméché après quelques bières et gin tonic, Verstappen avait lâché : « Si j’avais été dans cette McLaren, j’aurais gagné le championnat bien plus tôt… »

    2025 : fin de cycle chez Red Bull

    En 2025, la tendance est claire : la domination est terminée. Les mots d’un célèbre entraîneur de football néerlandais trouvent un écho en Formule 1 : « Les cycles prennent fin. » Cette saison, Red Bull ne jouera pas le titre, et peut-être même pas la victoire – une prédiction que Verstappen lui-même a faite en Hongrie.

    L’équipe qui avait porté le Néerlandais vers la gloire s’est peu à peu désagrégée. Adrian Newey, Jonathan Wheatley, Rob Marshall… autant de départs qui, malgré les discours rassurants de Horner, ont laissé des traces. Du cliché de l’équipe championne 2021, seuls Helmut Marko, Pierre Wache, Paul Monaghan, Gianpiero Lambiase et Verstappen restent en première ligne.

    Un choix assumé de rester

    En Hongrie, Verstappen a mis fin aux rumeurs d’un départ anticipé – y compris les plus farfelues, comme celles fondées sur la localisation GPS de son yacht et celui de Toto Wolff. « Il est temps de mettre fin à toutes ces histoires », a-t-il souri en conférence.

    Pourquoi rester alors que la machine Red Bull montre des signes d’essoufflement ? Le triple champion du monde invoque avant tout le plaisir de travailler avec ses proches dans l’équipe. Mais deux raisons stratégiques semblent peser plus lourd dans la balance.

    Un nouveau Red Bull plus technique
    Depuis le départ de Christian Horner, l’aile autrichienne de Red Bull reprend la main. Laurent Mekies, nouveau team principal, concentre ses efforts sur la technique et multiplie les échanges directs avec Verstappen – une évolution qui correspond à la tendance actuelle en F1 : mettre des ingénieurs aux commandes des équipes. Partir maintenant, juste après ce changement de direction, n’aurait pas de sens… et de toute façon, la clause de sortie du contrat ne peut être activée qu’en 2026.

    Un marché des transferts plus ouvert en 2027
    Sauter sur l’opportunité Mercedes dès 2026, malgré les promesses de leur nouveau moteur, serait un pari risqué. Rien ne garantit que l’équipe officielle serait immédiatement compétitive face à ses écuries clientes. En revanche, attendre 2027 permettrait à Verstappen d’avoir une vision claire de la hiérarchie post-réglementation et de choisir en connaissance de cause. Mercedes, Aston Martin, Ferrari : toutes pourraient avoir un baquet disponible.

    Un calcul à long terme… mais des frustrations à court terme

    Rester chez Red Bull jusqu’en 2026, c’est aussi accepter la possibilité de deux saisons compliquées. Et on sait que Verstappen est peu enclin à supporter la stagnation. Mais la perspective de choisir son prochain défi au moment idéal pourrait justifier cette patience stratégique.

    En clair, Verstappen pourrait bien vivre une traversée du désert relative, avec des podiums mais sans couronne, avant de viser un nouvel âge d’or en 2027. En attendant, le feuilleton de son avenir ne manquera pas de revenir sur le devant de la scène dès l’an prochain…

  • David Thieme : L’homme qui a offert son premier parfum de glamour à la Formule 1

    David Thieme : L’homme qui a offert son premier parfum de glamour à la Formule 1

    David Thieme s’est éteint le samedi 9 août 2025, à l’hôpital de Chauny, dans l’Aisne. Celui que l’on surnommait parfois « l’Américain au Stetson » laisse derrière lui le souvenir d’une étoile filante de la Formule 1, qui fit entrer le sport dans une nouvelle ère, plus flamboyante, plus mondaine.

    Pour les jeunes générations, son nom ne dit peut-être pas grand-chose. Mais pour les anciens, il incarne un moment de bascule : celui où le paddock, jusque-là austère, découvrit le faste des motorhomes extravagants, des jets privés, des hélicoptères et même des repas signés de grands chefs étoilés. Car David Thieme n’était pas un patron d’écurie comme les autres : il était un metteur en scène, un homme d’affaires visionnaire et fantasque, qui voulut transformer la Formule 1 en vitrine glamour de son empire pétrolier, Essex.

    L’ascension d’un homme d’affaires

    Né à Minneapolis en 1942, Thieme s’était enrichi dans le négoce pétrolier à la fin des années 1970. La flambée des prix du brut, consécutive à la chute du Shah d’Iran, lui permit de bâtir un empire financier qui semblait sans limite. Avec Essex Overseas Petroleum Corporation, il se lança dans des opérations spéculatives d’envergure, multipliant les contrats d’approvisionnement et les placements risqués.

    Dans cet élan, il chercha à associer son nom au prestige du sport automobile. Son ambition était claire : gagner sur les trois scènes les plus emblématiques – la Formule 1, les 24 Heures du Mans et les 500 Miles d’Indianapolis.

    Essex, la F1 en technicolor

    En 1978, Essex fit une première apparition discrète sur les Lotus avec un simple autocollant. Mais dès 1979, Thieme reprit les contrats de sponsoring de Martini et Tissot, avant d’imposer une identité visuelle éclatante. La Lotus 81 de 1980, peinte aux couleurs Essex, marqua durablement les esprits.

    Thieme ne faisait pas les choses à moitié. Il déploya dans les paddocks un luxe inédit : motorhomes monumentaux, avions privés, hélicoptères pour ses invités. Il fit venir des chefs étoilés pour cuisiner aux Grands Prix. La F1 entrait dans une nouvelle dimension, où le spectacle en dehors de la piste devenait aussi important que les performances en course.

    Le Mans et Indianapolis : un rêve inachevé

    Toujours avide de reconnaissance, Thieme engagea l’équipe officielle Porsche aux 24 Heures du Mans 1979 sous la bannière Essex Racing. Les voitures occupèrent la première ligne au départ, mais furent éliminées par des ennuis mécaniques.

    Quelques mois plus tard, il s’attaqua à l’Indy 500. Grâce à ses moyens financiers, il convainquit Roger Penske d’aligner Mario Andretti. L’Américain mena longuement la course avant de devoir abandonner à cause d’un problème d’alimentation en essence, à quelques tours de l’arrivée. Ces revers marquèrent déjà les limites d’un projet mené à marche forcée.

    La chute : banqueroute et justice

    Le tournant se produisit en 1980. La révolution islamique en Iran bouleversa les équilibres du marché pétrolier et l’empire Essex, largement exposé, s’effondra en quelques jours. On parle d’une perte de 50 millions de dollars en une seule journée. Pour honorer ses engagements en Formule 1, Thieme dut continuer à injecter des fonds, mais les banques finirent par fermer le robinet.

    Le Crédit Suisse, qui avait longtemps soutenu son expansion, retira brutalement son appui. Peu après, Thieme fut arrêté à Zurich et inculpé de fraude bancaire. Libéré sous caution après plusieurs mois de détention préventive, il ne remit jamais vraiment les pieds dans le monde des affaires. Son image de mécène flamboyant s’était muée en symbole de la spéculation déchue.

    Chapman, par loyauté, conserva la livrée Essex sur ses Lotus jusqu’à la fin de la saison 1980, même sans être payé. Mais le charme était rompu : la star au Stetson avait brûlé ses ailes.

    Un météore dans l’histoire de la F1

    Jamais David Thieme ne se remit de cette faillite et de ses déboires judiciaires. Ses dernières années furent celles d’un retraité discret, installé en France, dans un Ehpad à Saint-Gobain (Aisne), loin des strass et du tumulte des paddocks.

    Il reste pourtant comme l’un des premiers à avoir compris que la Formule 1 ne pouvait plus se résumer à une bataille de chronos et de moteurs. Elle devait devenir un spectacle global, une vitrine mondaine où le luxe, l’image et l’argent faisaient partie du jeu. En cela, David Thieme fut un pionnier, dont le passage, aussi bref que fracassant, marqua durablement le visage de la discipline.

  • Depuis sa création, Alpine a rêvé de devenir Porsche. Ce rêve pourrait bien se concrétiser

    Depuis sa création, Alpine a rêvé de devenir Porsche. Ce rêve pourrait bien se concrétiser

    La valeur des équipes de Formule 1 n’est pas un concept anodin : elle peut façonner l’avenir du sport. Sans l’effet Netflix sur les évaluations, Porsche pourrait déjà faire partie du paysage, notamment via un éventuel rachat de Red Bull Racing. Mais le boom des valorisations post-Drive to Survive a fait dérailler le projet : Porsche estimait l’équipe à moins d’un milliard de dollars, alors que les valorisations réelles avaient alors rapidement doublé.

    Selon SportsPro, la valorisation de Red Bull Racing atteignait 3,35 Md d’euros en 2023, tandis que Ferrari culminait à 4,5 Md d’euros. La proposition de Porsche sous-estimait Red Bull de près de 2 Md d’euros, offrant à Christian Horner un solide argument économique pour rejeter l’offre.

    Alpine, écurie de milieu de tableau, se trouve dans une situation différente. Son écurie F1 est valorisée autour d’1,27 Md d’euros, selon des estimations reprises dans la presse, notamment dans le contexte d’une baisse de 18 % de la valeur des actions Renault en juillet — un signe d’affaiblissement potentiel face à une valorisation bien supérieure à sa performance sportive.

    Renault vient d’annoncer le remplaçant pour Luca de Meo, moteur de la renaissance d’Alpine, notamment au travers du rebranding de l’équipe. Mais il semblerait que son successeur portera une attention particulière à cette écurie F1 et à son immense valeur stratégique.

    La F1 de l’ère Netflix et du plafonnement des coûts peut devenir rentable. L’écurie de F1, loin d’être un boulet financier, pourrait même représenter un actif de plus de 1 milliard d’euros au moment où Renault pourrait avoir besoin de liquidités.

    Un groupe d’investisseurs américains détient déjà 24 % d’Alpine F1. Mais une question clé se pose : qui pourrait réunir les 865 M d’euros ou plus nécessaires pour acquérir le reste de l’écurie si Renault décidait de s’en séparer ? Un acheteur doté d’énergie… et de vision pourrait alors nommer un PDG expérimenté, capable de repositionner l’équipe, tout en exigeant un contrôle total — Christian Horner en tête des candidats potentiels. Quant à Porsche, s’il ne veut plus du moteur Mercedes, il pourrait envisager une collaboration autour du moteur Renault 2026, actuellement en ultime phase de développement à Viry.

    Depuis le retour de flamme autour de Flavio Briatore au sein de l’équipe, des rumeurs quant à une vente préparée courent. Renault les a démenties, mais le climat interne semble désormais plus incertain que jamais.

  • Honda vend un morceau de sa légende F1… et c’est aussi un vrai geste commercial

    Honda vend un morceau de sa légende F1… et c’est aussi un vrai geste commercial

    En amont de son grand retour comme motoriste officiel d’Aston Martin en Formule 1 en 2026, Honda Racing Corporation (HRC) lance une initiative autant symbolique que stratégique : la vente aux enchères de pièces authentiques de ses anciens moteurs de F1 — à commencer par le mythique RA100E V10, propulsant Ayrton Senna en 1990. HRC s’engage ainsi dans une nouvelle activité musicale : un business de “mémoire sportive”, où les souvenirs mécaniques deviennent objets de collection.

    Une pièce d’histoire mise en vitrine

    La pièce phare de cette première vente est le V10 RA100E numéro V805, dernier moteur utilisé en course par Senna en 1990, monté sur la McLaren MP4/5B. Utilisé notamment lors du Grand Prix du Japon à Suzuka et lors de l’ultime épreuve à Adélaïde, il est désormais disloqué pièce par pièce, chacune présentée dans un écrin avec certificat d’authenticité, après avoir été démontée avec soin par les mêmes ingénieurs d’HRC qui l’avaient construit. Une occasion unique de posséder un fragment de la mécanique d’une légende vivante.

    Un business patrimonial… et rentable

    L’enchère se tiendra lors de la Monterey Car Week, précisément au prestigieux Bonhams Quail Auction de Carmel, le 15 août. Ce projet marque l’entrée de HRC sur le marché des memorabilia racés, offrant aux fans une chance rare de toucher du doigt l’histoire — dans un format tangible. Des objets comme des pistons, arbres à cames et couvercles usés sont prêts à trouver de nouveaux propriétaires passionnés.

    HRC souhaite pérenniser cette démarche, déjà enrichie de pièces d’IndyCar ou de motos mythiques, tout en préservant ses modèles historiques encore roulants, notamment ceux exposés dans les musées de Motegi ou Suzuka.

    Entre hommage et marketing chirurgical

    Cette initiative s’inscrit à la fois dans une logique d’affirmation de l’identité sportive de Honda et dans un savant coup de promotion au moment où la marque consolide son retour en F1. Accroître la valeur patrimoniale perçue du constructeur, tout en en valorisant son héritage technique — un marketing subtil, à la fois noble et parfaitement calculé.

    Posséder une pièce du moteur de Senna, c’est bien plus qu’un souvenir : c’est s’ancrer dans la légende d’un pilote, d’une marque, et d’une époque où F1 rimait avec prouesse mécanique, audace et humanité.