Catégorie : Sport Automobile

  • Grand Prix : quand Hollywood a redéfini l’image de la Formule 1

    Grand Prix : quand Hollywood a redéfini l’image de la Formule 1

    Le cinéma et l’automobile ont souvent partagé une fascination commune pour la vitesse, le danger et le glamour. Mais rares sont les films qui ont réussi à capter l’essence même du sport automobile sans la trahir. En 1966, Grand Prix de John Frankenheimer a ouvert une brèche : celle d’un cinéma capable de restituer l’intensité d’une saison de Formule 1 avec une authenticité inégalée. Plus qu’un long-métrage, il a contribué à façonner l’imaginaire collectif autour de la discipline, notamment aux États-Unis où la F1 restait alors confidentielle.

    L’obsession de Frankenheimer

    Frankenheimer était déjà connu pour ses thrillers politiques (The Manchurian Candidate, Seven Days in May) lorsqu’il se lança dans Grand Prix. Mais il se passionna pour la course et décida que rien ne devait paraître artificiel. Pas de studio, pas de plans truqués : chaque séquence fut tournée sur circuit, pendant les Grands Prix réels de 1966.

    Le réalisateur s’entoura de pilotes comme Phil Hill, Bob Bondurant et Graham Hill, fit rouler des Formule 3 déguisées en Ferrari ou BRM et exigea de ses acteurs qu’ils apprennent à piloter. James Garner se révéla excellent volant en main, au point de tromper certains observateurs.

    Cette obsession du réalisme se traduisit aussi dans la technique : une Ford GT40 servit de voiture-caméra, équipée de lourdes Panavision 65 mm spécialement modifiées. Frankenheimer inventa, sans le savoir, la caméra embarquée moderne.

    Une révolution visuelle

    Le spectateur de 1966 n’avait jamais rien vu de tel. Écrans multiples, montages syncopés signés Saul Bass, grand angle quasi sans distorsion, téléobjectifs à couper le souffle : Grand Prix fit entrer la vitesse dans les salles obscures. Pour la première fois, le public pouvait ressentir la tension d’un départ, la brutalité d’un freinage, l’ivresse d’une ligne droite.

    À l’époque, la télévision américaine ne diffusait pas la Formule 1. Grand Prix joua donc un rôle initiatique, révélant au public américain un sport jusque-là mystérieux. Il contribua à donner une aura héroïque aux pilotes, transformant la F1 en matière cinématographique autant qu’en discipline sportive.

    Entre fiction et réalité

    Si les intrigues amoureuses et rivalités personnelles paraissent aujourd’hui un peu datées, elles permettent de donner chair aux pilotes et journalistes de cette fresque. Frankenheimer s’inspira de figures bien réelles : Yves Montand emprunte à Fangio et von Trips, James Garner à Phil Hill, Eva Marie Saint à la journaliste Louise King.

    Cette hybridation entre fiction et réalité a inspiré la suite du cinéma automobile. Steve McQueen, d’abord pressenti pour le rôle principal, reprendra la formule avec Le Mans (1971), mais en poussant encore plus loin le dépouillement dramatique pour laisser toute la place à la course. Plus récemment, Ron Howard s’appuiera sur les recettes de Frankenheimer pour Rush (2013), en mêlant rigueur documentaire et intensité dramatique.

    L’héritage d’un chef-d’œuvre

    Avec plus de 19 millions de spectateurs en Amérique du Nord et trois Oscars, Grand Prix fut un succès critique et commercial. Mais son héritage dépasse les chiffres : il a imposé une grammaire visuelle reprise dans toutes les productions ultérieures. La série Netflix Drive to Survive, qui a redonné un souffle médiatique à la F1 dans les années 2020, n’échappe pas à ce parallèle : elle doit beaucoup à la vision de Frankenheimer, qui avait compris dès les années 1960 que le sport automobile ne se racontait pas seulement par ses résultats, mais aussi par l’émotion brute de la vitesse et la fragilité des hommes qui la défient.

    Quand l’automobile devient culture

    Grand Prix appartient aujourd’hui au panthéon des films où l’automobile devient culture à part entière, aux côtés de Bullitt, Le Mans ou Ronin (que Frankenheimer réalisera d’ailleurs en 1998, avec de nouvelles poursuites automobiles mémorables). Mais plus que tout autre, il a donné au sport automobile une identité cinématographique.

    On comprend pourquoi, près de soixante ans plus tard, le film continue de fasciner. Les passionnés de cinéma l’analysent comme une œuvre d’ingénierie visuelle, les amateurs de F1 comme une capsule temporelle sur un âge d’or. Et tous s’accordent à reconnaître que, sans Grand Prix, la course n’aurait peut-être jamais trouvé un tel écho sur grand écran.

    Frankenheimer lui-même admettait que ce n’était pas son meilleur film, mais le plus exaltant à tourner. Pour les amateurs de vitesse et de cinéma, c’est avant tout un chef-d’œuvre qui a su, mieux que tout autre, donner un visage à l’obsession automobile.

  • Lancia Ypsilon Rally2 HF Integrale : le retour du mythe sur les spéciales

    Lancia Ypsilon Rally2 HF Integrale : le retour du mythe sur les spéciales

    Lancia rallume la flamme. Après avoir signé son retour en rallye par l’entrée de modèles destinés aux catégories Rally4 et Rally6, la marque italienne annonce aujourd’hui le développement d’une Ypsilon Rally2 HF Integrale. Une nouvelle étape, hautement symbolique : pour la première fois depuis plus de trente ans, un modèle à transmission intégrale frappé du logo Lancia va s’aligner sur la scène internationale. Et pas n’importe laquelle : la catégorie Rally2, véritable antichambre du WRC, qui nourrit à la fois les championnats nationaux et l’ERC (Championnat d’Europe des Rallyes).

    Un nom lourd d’histoire

    Le simple fait de lire HF Integrale associé à Lancia suffit à réveiller une mémoire collective unique dans l’univers du sport automobile. Car si Lancia a connu bien des vies, son ADN s’est forgé sur les routes et pistes du rallye. Avec la Fulvia Coupé HF, la Stratos, la 037 et bien sûr la Delta Integrale, la marque a construit une légende inégalée.

    Les chiffres parlent d’eux-mêmes : 10 titres constructeurs en Championnat du Monde des Rallyes (WRC) entre 1974 et 1992, dont 6 consécutifs de 1987 à 1992. Aucun autre constructeur n’a jamais égalé une telle série. Lancia demeure, encore aujourd’hui, la marque la plus titrée de l’histoire du WRC.

    Et derrière les statistiques, il y a les images gravées dans l’imaginaire collectif : les couleurs Martini sur la Delta, les gerbes d’étincelles sur l’asphalte du Monte-Carlo, les glissades spectaculaires en Finlande, les ovations de foules entières dans les années folles du Groupe B.

    De la renaissance à l’ambition

    Depuis sa renaissance sous l’impulsion de Stellantis, Lancia construit patiemment son retour à la fois sur la route et en compétition. Le programme sportif avait commencé modestement : une Ypsilon Rally4, destinée aux jeunes pilotes et aux championnats d’initiation, puis une Rally6, étape intermédiaire pour accompagner la progression vers le haut niveau.

    L’arrivée de la Rally2 HF Integrale change d’échelle. Cette catégorie, régie par la FIA, regroupe aujourd’hui une offre très concurrentielle : Skoda Fabia RS Rally2, Hyundai i20 N Rally2, Ford Fiesta Rally2, Citroën C3 Rally2, ou encore Volkswagen Polo GTI R5. Autant dire que Lancia ne se contente pas d’un retour symbolique : la marque vise le cœur battant de la discipline, là où se forment les futurs champions du monde.

    Un tremplin vers les titres

    La Rally2 HF Integrale permettra aux équipes privées comme aux structures semi-officielles de s’engager dans les championnats nationaux les plus relevés – France, Italie, Espagne, Belgique – mais aussi de viser le Championnat d’Europe FIA. Or, c’est bien dans cette catégorie que se jouent aujourd’hui les plus belles batailles, avec des plateaux souvent supérieurs en nombre et en intensité au WRC lui-même.

    En lançant un modèle 4 roues motrices, Lancia envoie un signal clair : la marque n’est pas simplement en train de capitaliser sur son patrimoine, elle veut redevenir un acteur majeur du rallye contemporain.

    L’ombre portée de la Delta

    Difficile de ne pas faire le parallèle avec la Delta Integrale, qui demeure une référence absolue. En reprenant l’appellation HF Integrale, Lancia s’expose à une immense attente. Mais c’est aussi le meilleur moyen d’attirer l’attention des passionnés et de renouer avec une communauté internationale qui n’a jamais cessé de réclamer le retour de Lancia en rallye.

    La stratégie est habile. Dans l’univers automobile, peu de marques peuvent se targuer d’un héritage aussi puissant. Là où d’autres doivent inventer un récit, Lancia n’a qu’à réveiller le sien. Et la Rally2 est l’outil idéal : accessible à de nombreuses équipes, visible dans une multitude de championnats, et porteuse d’une image sportive crédible.

    Une excitation palpable

    Le retour de Lancia au plus haut niveau de la compétition n’est pas anodin. Il suscite déjà une effervescence auprès des fans, qui voient dans cette annonce une promesse : celle de retrouver l’émotion brute des grandes années. Les réseaux sociaux se remplissent de montages, d’évocations et de souvenirs dès qu’apparaît le mot Integrale. Les forums de passionnés bruissent de rumeurs sur les spécifications techniques : moteur turbo quatre cylindres, boîte séquentielle, gestion électronique dernier cri, châssis affûté pour l’asphalte comme pour la terre.

    Si la voiture se montre à la hauteur, elle pourrait bien devenir une arme de choix pour les pilotes en quête de titres nationaux ou continentaux. Et surtout, elle replacerait Lancia là où la marque a toujours brillé : sur les spéciales.

    Le mythe reprend vie

    En choisissant de réactiver son histoire sportive par la catégorie Rally2, Lancia démontre que son retour n’est pas un simple exercice marketing. La compétition a toujours été l’ADN de la marque, et cette Ypsilon Rally2 HF Integrale se veut la passerelle entre un passé glorieux et un futur ambitieux.

    Lancia a été le constructeur des excès, des innovations, des audaces. Sa renaissance par le rallye, avec cette première quatre roues motrices moderne, redonne corps à un mythe que beaucoup pensaient figé dans les musées et les archives. Désormais, il faudra à nouveau lever les yeux vers les feuilles de temps et les podiums pour y chercher le nom de Lancia.

    Le simple fait d’imaginer une Ypsilon HF Integrale glisser sur la neige du Monte-Carlo ou s’arracher des cordes en Catalogne suffit à rallumer l’étincelle. Le mythe reprend vie, et le monde du rallye s’en réjouit déjà.

  • Alex Palou est-il le meilleur pilote actuel ?

    Alex Palou est-il le meilleur pilote actuel ?

    Álex Palou n’a que 28 ans, et déjà son nom s’impose dans les livres d’histoire. Avec un quatrième titre IndyCar en cinq saisons, conquis avec une aisance presque déconcertante, le Catalan du Chip Ganassi Racing est devenu le sixième pilote de l’histoire de la discipline à atteindre ce cap. Quelques mois plus tôt, il remportait l’Indy 500, cette course qui transforme un excellent pilote en légende. À ce stade, une question s’impose : Palou est-il aujourd’hui le meilleur pilote de la planète ?

    Une domination méthodique

    Contrairement à certains champions dont le style flamboyant éblouit à chaque virage, Palou a construit son empire avec une froide efficacité. Comme Dario Franchitti en son temps, il ne se repose pas sur une audace spectaculaire, mais sur une constance et une intelligence de course implacables. Chaque week-end, il maximise le potentiel de sa voiture, minimise les erreurs et sait exploiter la moindre opportunité stratégique.

    Cette approche lui a permis de décrocher huit victoires rien que cette saison, dans un championnat réputé pour son imprévisibilité, où une quinzaine de pilotes peuvent espérer s’imposer à chaque manche. Et surtout, Palou a brisé une barrière symbolique : après s’être imposé sur tous les types de circuits routiers et urbains, il a triomphé à Indianapolis puis sur l’ovale court de l’Iowa, prouvant qu’il est désormais un pilote complet.

    Des comparaisons qui comptent

    Palou partage désormais son palmarès avec Mario Andretti, Sébastien Bourdais et Dario Franchitti, tous quadruples champions. Seuls Scott Dixon (six titres) et A.J. Foyt (sept titres) le devancent encore dans l’histoire. Ces comparaisons sont lourdes de sens, car elles situent l’Espagnol dans une lignée où très peu ont réussi à durer.

    Et Dixon, son coéquipier et modèle, n’a pas tardé à souligner la particularité du Catalan : là où il a fallu une décennie à Franchitti pour toucher sa première couronne, Palou a remporté son premier titre dès sa deuxième saison. Sa trajectoire rappelle davantage celle des immenses talents qui bouleversent les équilibres d’un sport.

    Le poids du contexte IndyCar

    On ne peut pas évaluer Palou sans rappeler ce qu’est l’IndyCar. Contrairement à la Formule 1, où la hiérarchie technique détermine souvent 80 % des résultats, la discipline américaine repose sur une base commune : châssis unique, moteurs équilibrés, développement limité. Les écarts se jouent sur la précision du réglage, la gestion des pneus et l’audace stratégique.

    Dans cet environnement nivelé, où chaque détail compte, dominer est bien plus difficile. Et c’est là que la performance de Palou prend tout son sens : être sacré deux courses avant la fin de saison, dans un tel contexte, est presque irréel.

    Le meilleur pilote du monde ?

    La question reste ouverte, car tout dépend du prisme choisi. Si l’on parle de la Formule 1, Max Verstappen a imposé une domination sans partage, écrasant ses adversaires avec une Red Bull au sommet de son art. Mais la F1 est biaisée par l’avantage technique de certaines équipes : Verstappen, sans sa RB20, aurait-il été aussi intouchable ? Et maintenant, Verstappen est-il le meilleur ?

    En endurance, un pilote comme Toyota ou Porsche peut briller au Mans, mais rarement de manière aussi éclatante que Palou l’a fait sur une saison entière. En rallye, Kalle Rovanperä a bouleversé la hiérarchie du WRC avec une précocité stupéfiante, mais sa régularité reste à construire dans le temps. Il est surtout gêné par Sébastien Ogier à chaque pige du Français.

    Dans ce paysage, Palou coche toutes les cases : rapidité, constance, intelligence stratégique, adaptation à tous types de tracés. Et surtout, il a su gérer la pression de l’Indy 500, ce qui distingue un champion d’un simple excellent pilote.

    Une carrière à la croisée des chemins

    Une question hante pourtant les observateurs : pourquoi Palou ne tente-t-il pas la Formule 1 ? Après ses déboires contractuels avec McLaren en 2022, l’Espagnol a choisi la stabilité et l’épanouissement au sein du Chip Ganassi Racing. Il l’a dit lui-même : il aime ce championnat, son équipe, son quotidien. Dans un monde où beaucoup de pilotes rêvent de F1 comme d’un graal, Palou fait figure d’exception.

    Mais peut-être est-ce aussi la preuve de sa lucidité : en F1, même avec un talent exceptionnel, il serait difficile d’avoir une machine à la hauteur des McLaren ou Red Bull. Aux États-Unis, il a le statut, les victoires, et un avenir qui pourrait l’amener à égaler, voire dépasser, Scott Dixon et A.J. Foyt.

    Le plus complet ?

    Alors, Palou est-il le meilleur pilote actuel ? Si l’on réduit l’équation à la vitesse pure sur un tour, sans doute que Verstappen garde l’avantage. Mais si l’on cherche le pilote le plus complet, capable de gagner sur tout type de circuit, dans une discipline où l’égalité technique est plus réelle, difficile de trouver un rival au Catalan.

    En 2025, Palou n’est peut-être pas le plus médiatisé, ni le plus spectaculaire. Mais il incarne une forme de perfection discrète, où la méthode, la constance et l’efficacité priment sur l’esbroufe. Et c’est peut-être cela, justement, la marque des très grands.

  • Max Verstappen : souffrir à court terme pour mieux rebondir en 2027 ?

    Max Verstappen : souffrir à court terme pour mieux rebondir en 2027 ?

    « Je vous aime les gars. On fait ça encore 10 ou 15 ans ensemble ? »
    Ce message radio de Max Verstappen, prononcé après avoir décroché son premier titre mondial à Abu Dhabi en 2021, résonne aujourd’hui presque comme un souvenir d’une autre époque. Ce soir-là, il ignorait ce que la nouvelle réglementation 2022 allait réserver. Christian Horner, alors directeur d’équipe, plaisantait même dans le paddock : « Peut-être que Haas va construire une fusée ! On ne sait jamais… »

    La suite, on la connaît : trois nouveaux titres consécutifs, de 2022 à 2024. Mais l’exercice 2024 avait déjà laissé transparaître quelques fissures dans l’armure Red Bull. À Las Vegas, légèrement éméché après quelques bières et gin tonic, Verstappen avait lâché : « Si j’avais été dans cette McLaren, j’aurais gagné le championnat bien plus tôt… »

    2025 : fin de cycle chez Red Bull

    En 2025, la tendance est claire : la domination est terminée. Les mots d’un célèbre entraîneur de football néerlandais trouvent un écho en Formule 1 : « Les cycles prennent fin. » Cette saison, Red Bull ne jouera pas le titre, et peut-être même pas la victoire – une prédiction que Verstappen lui-même a faite en Hongrie.

    L’équipe qui avait porté le Néerlandais vers la gloire s’est peu à peu désagrégée. Adrian Newey, Jonathan Wheatley, Rob Marshall… autant de départs qui, malgré les discours rassurants de Horner, ont laissé des traces. Du cliché de l’équipe championne 2021, seuls Helmut Marko, Pierre Wache, Paul Monaghan, Gianpiero Lambiase et Verstappen restent en première ligne.

    Un choix assumé de rester

    En Hongrie, Verstappen a mis fin aux rumeurs d’un départ anticipé – y compris les plus farfelues, comme celles fondées sur la localisation GPS de son yacht et celui de Toto Wolff. « Il est temps de mettre fin à toutes ces histoires », a-t-il souri en conférence.

    Pourquoi rester alors que la machine Red Bull montre des signes d’essoufflement ? Le triple champion du monde invoque avant tout le plaisir de travailler avec ses proches dans l’équipe. Mais deux raisons stratégiques semblent peser plus lourd dans la balance.

    Un nouveau Red Bull plus technique
    Depuis le départ de Christian Horner, l’aile autrichienne de Red Bull reprend la main. Laurent Mekies, nouveau team principal, concentre ses efforts sur la technique et multiplie les échanges directs avec Verstappen – une évolution qui correspond à la tendance actuelle en F1 : mettre des ingénieurs aux commandes des équipes. Partir maintenant, juste après ce changement de direction, n’aurait pas de sens… et de toute façon, la clause de sortie du contrat ne peut être activée qu’en 2026.

    Un marché des transferts plus ouvert en 2027
    Sauter sur l’opportunité Mercedes dès 2026, malgré les promesses de leur nouveau moteur, serait un pari risqué. Rien ne garantit que l’équipe officielle serait immédiatement compétitive face à ses écuries clientes. En revanche, attendre 2027 permettrait à Verstappen d’avoir une vision claire de la hiérarchie post-réglementation et de choisir en connaissance de cause. Mercedes, Aston Martin, Ferrari : toutes pourraient avoir un baquet disponible.

    Un calcul à long terme… mais des frustrations à court terme

    Rester chez Red Bull jusqu’en 2026, c’est aussi accepter la possibilité de deux saisons compliquées. Et on sait que Verstappen est peu enclin à supporter la stagnation. Mais la perspective de choisir son prochain défi au moment idéal pourrait justifier cette patience stratégique.

    En clair, Verstappen pourrait bien vivre une traversée du désert relative, avec des podiums mais sans couronne, avant de viser un nouvel âge d’or en 2027. En attendant, le feuilleton de son avenir ne manquera pas de revenir sur le devant de la scène dès l’an prochain…

  • David Thieme : L’homme qui a offert son premier parfum de glamour à la Formule 1

    David Thieme : L’homme qui a offert son premier parfum de glamour à la Formule 1

    David Thieme s’est éteint le samedi 9 août 2025, à l’hôpital de Chauny, dans l’Aisne. Celui que l’on surnommait parfois « l’Américain au Stetson » laisse derrière lui le souvenir d’une étoile filante de la Formule 1, qui fit entrer le sport dans une nouvelle ère, plus flamboyante, plus mondaine.

    Pour les jeunes générations, son nom ne dit peut-être pas grand-chose. Mais pour les anciens, il incarne un moment de bascule : celui où le paddock, jusque-là austère, découvrit le faste des motorhomes extravagants, des jets privés, des hélicoptères et même des repas signés de grands chefs étoilés. Car David Thieme n’était pas un patron d’écurie comme les autres : il était un metteur en scène, un homme d’affaires visionnaire et fantasque, qui voulut transformer la Formule 1 en vitrine glamour de son empire pétrolier, Essex.

    L’ascension d’un homme d’affaires

    Né à Minneapolis en 1942, Thieme s’était enrichi dans le négoce pétrolier à la fin des années 1970. La flambée des prix du brut, consécutive à la chute du Shah d’Iran, lui permit de bâtir un empire financier qui semblait sans limite. Avec Essex Overseas Petroleum Corporation, il se lança dans des opérations spéculatives d’envergure, multipliant les contrats d’approvisionnement et les placements risqués.

    Dans cet élan, il chercha à associer son nom au prestige du sport automobile. Son ambition était claire : gagner sur les trois scènes les plus emblématiques – la Formule 1, les 24 Heures du Mans et les 500 Miles d’Indianapolis.

    Essex, la F1 en technicolor

    En 1978, Essex fit une première apparition discrète sur les Lotus avec un simple autocollant. Mais dès 1979, Thieme reprit les contrats de sponsoring de Martini et Tissot, avant d’imposer une identité visuelle éclatante. La Lotus 81 de 1980, peinte aux couleurs Essex, marqua durablement les esprits.

    Thieme ne faisait pas les choses à moitié. Il déploya dans les paddocks un luxe inédit : motorhomes monumentaux, avions privés, hélicoptères pour ses invités. Il fit venir des chefs étoilés pour cuisiner aux Grands Prix. La F1 entrait dans une nouvelle dimension, où le spectacle en dehors de la piste devenait aussi important que les performances en course.

    Le Mans et Indianapolis : un rêve inachevé

    Toujours avide de reconnaissance, Thieme engagea l’équipe officielle Porsche aux 24 Heures du Mans 1979 sous la bannière Essex Racing. Les voitures occupèrent la première ligne au départ, mais furent éliminées par des ennuis mécaniques.

    Quelques mois plus tard, il s’attaqua à l’Indy 500. Grâce à ses moyens financiers, il convainquit Roger Penske d’aligner Mario Andretti. L’Américain mena longuement la course avant de devoir abandonner à cause d’un problème d’alimentation en essence, à quelques tours de l’arrivée. Ces revers marquèrent déjà les limites d’un projet mené à marche forcée.

    La chute : banqueroute et justice

    Le tournant se produisit en 1980. La révolution islamique en Iran bouleversa les équilibres du marché pétrolier et l’empire Essex, largement exposé, s’effondra en quelques jours. On parle d’une perte de 50 millions de dollars en une seule journée. Pour honorer ses engagements en Formule 1, Thieme dut continuer à injecter des fonds, mais les banques finirent par fermer le robinet.

    Le Crédit Suisse, qui avait longtemps soutenu son expansion, retira brutalement son appui. Peu après, Thieme fut arrêté à Zurich et inculpé de fraude bancaire. Libéré sous caution après plusieurs mois de détention préventive, il ne remit jamais vraiment les pieds dans le monde des affaires. Son image de mécène flamboyant s’était muée en symbole de la spéculation déchue.

    Chapman, par loyauté, conserva la livrée Essex sur ses Lotus jusqu’à la fin de la saison 1980, même sans être payé. Mais le charme était rompu : la star au Stetson avait brûlé ses ailes.

    Un météore dans l’histoire de la F1

    Jamais David Thieme ne se remit de cette faillite et de ses déboires judiciaires. Ses dernières années furent celles d’un retraité discret, installé en France, dans un Ehpad à Saint-Gobain (Aisne), loin des strass et du tumulte des paddocks.

    Il reste pourtant comme l’un des premiers à avoir compris que la Formule 1 ne pouvait plus se résumer à une bataille de chronos et de moteurs. Elle devait devenir un spectacle global, une vitrine mondaine où le luxe, l’image et l’argent faisaient partie du jeu. En cela, David Thieme fut un pionnier, dont le passage, aussi bref que fracassant, marqua durablement le visage de la discipline.

  • Depuis sa création, Alpine a rêvé de devenir Porsche. Ce rêve pourrait bien se concrétiser

    Depuis sa création, Alpine a rêvé de devenir Porsche. Ce rêve pourrait bien se concrétiser

    La valeur des équipes de Formule 1 n’est pas un concept anodin : elle peut façonner l’avenir du sport. Sans l’effet Netflix sur les évaluations, Porsche pourrait déjà faire partie du paysage, notamment via un éventuel rachat de Red Bull Racing. Mais le boom des valorisations post-Drive to Survive a fait dérailler le projet : Porsche estimait l’équipe à moins d’un milliard de dollars, alors que les valorisations réelles avaient alors rapidement doublé.

    Selon SportsPro, la valorisation de Red Bull Racing atteignait 3,35 Md d’euros en 2023, tandis que Ferrari culminait à 4,5 Md d’euros. La proposition de Porsche sous-estimait Red Bull de près de 2 Md d’euros, offrant à Christian Horner un solide argument économique pour rejeter l’offre.

    Alpine, écurie de milieu de tableau, se trouve dans une situation différente. Son écurie F1 est valorisée autour d’1,27 Md d’euros, selon des estimations reprises dans la presse, notamment dans le contexte d’une baisse de 18 % de la valeur des actions Renault en juillet — un signe d’affaiblissement potentiel face à une valorisation bien supérieure à sa performance sportive.

    Renault vient d’annoncer le remplaçant pour Luca de Meo, moteur de la renaissance d’Alpine, notamment au travers du rebranding de l’équipe. Mais il semblerait que son successeur portera une attention particulière à cette écurie F1 et à son immense valeur stratégique.

    La F1 de l’ère Netflix et du plafonnement des coûts peut devenir rentable. L’écurie de F1, loin d’être un boulet financier, pourrait même représenter un actif de plus de 1 milliard d’euros au moment où Renault pourrait avoir besoin de liquidités.

    Un groupe d’investisseurs américains détient déjà 24 % d’Alpine F1. Mais une question clé se pose : qui pourrait réunir les 865 M d’euros ou plus nécessaires pour acquérir le reste de l’écurie si Renault décidait de s’en séparer ? Un acheteur doté d’énergie… et de vision pourrait alors nommer un PDG expérimenté, capable de repositionner l’équipe, tout en exigeant un contrôle total — Christian Horner en tête des candidats potentiels. Quant à Porsche, s’il ne veut plus du moteur Mercedes, il pourrait envisager une collaboration autour du moteur Renault 2026, actuellement en ultime phase de développement à Viry.

    Depuis le retour de flamme autour de Flavio Briatore au sein de l’équipe, des rumeurs quant à une vente préparée courent. Renault les a démenties, mais le climat interne semble désormais plus incertain que jamais.

  • Honda vend un morceau de sa légende F1… et c’est aussi un vrai geste commercial

    Honda vend un morceau de sa légende F1… et c’est aussi un vrai geste commercial

    En amont de son grand retour comme motoriste officiel d’Aston Martin en Formule 1 en 2026, Honda Racing Corporation (HRC) lance une initiative autant symbolique que stratégique : la vente aux enchères de pièces authentiques de ses anciens moteurs de F1 — à commencer par le mythique RA100E V10, propulsant Ayrton Senna en 1990. HRC s’engage ainsi dans une nouvelle activité musicale : un business de “mémoire sportive”, où les souvenirs mécaniques deviennent objets de collection.

    Une pièce d’histoire mise en vitrine

    La pièce phare de cette première vente est le V10 RA100E numéro V805, dernier moteur utilisé en course par Senna en 1990, monté sur la McLaren MP4/5B. Utilisé notamment lors du Grand Prix du Japon à Suzuka et lors de l’ultime épreuve à Adélaïde, il est désormais disloqué pièce par pièce, chacune présentée dans un écrin avec certificat d’authenticité, après avoir été démontée avec soin par les mêmes ingénieurs d’HRC qui l’avaient construit. Une occasion unique de posséder un fragment de la mécanique d’une légende vivante.

    Un business patrimonial… et rentable

    L’enchère se tiendra lors de la Monterey Car Week, précisément au prestigieux Bonhams Quail Auction de Carmel, le 15 août. Ce projet marque l’entrée de HRC sur le marché des memorabilia racés, offrant aux fans une chance rare de toucher du doigt l’histoire — dans un format tangible. Des objets comme des pistons, arbres à cames et couvercles usés sont prêts à trouver de nouveaux propriétaires passionnés.

    HRC souhaite pérenniser cette démarche, déjà enrichie de pièces d’IndyCar ou de motos mythiques, tout en préservant ses modèles historiques encore roulants, notamment ceux exposés dans les musées de Motegi ou Suzuka.

    Entre hommage et marketing chirurgical

    Cette initiative s’inscrit à la fois dans une logique d’affirmation de l’identité sportive de Honda et dans un savant coup de promotion au moment où la marque consolide son retour en F1. Accroître la valeur patrimoniale perçue du constructeur, tout en en valorisant son héritage technique — un marketing subtil, à la fois noble et parfaitement calculé.

    Posséder une pièce du moteur de Senna, c’est bien plus qu’un souvenir : c’est s’ancrer dans la légende d’un pilote, d’une marque, et d’une époque où F1 rimait avec prouesse mécanique, audace et humanité.

  • Ouninpohja, toujours au sommet du rallye mondial

    Ouninpohja, toujours au sommet du rallye mondial

    Il est des noms qui claquent comme des coups de canon dans l’imaginaire du sport automobile. Des noms qui réveillent les souvenirs, les palpitations, les sueurs froides. Des noms qui incarnent la quintessence d’une discipline. Ouninpohja en fait partie. Mieux, il les surclasse tous.

    Depuis des décennies, cette spéciale du Rallye de Finlande s’est imposée comme la référence absolue du Championnat du Monde des Rallyes. Une épreuve mythique, redoutée, admirée, parfois évitée, mais toujours désirée. Lieu de passage obligé pour tout pilote en quête de grandeur, ce morceau de Finlande centrale fait figure de totem dans la culture du WRC.

    Une route, une légende

    À première vue, rien ne distingue Ouninpohja d’une autre section de route forestière finlandaise. Situé entre Jyväskylä et Tampere, au sud-ouest de Jämsä, le hameau est plongé dans un silence absolu la majeure partie de l’année. Mais fin juillet, ce havre tranquille devient un théâtre de folie mécanique, un autel païen dressé à la gloire de la vitesse et du courage.

    Car Ouninpohja n’est pas une spéciale comme les autres. Ni par sa topographie, ni par son exigence. Chaque mètre y est un test. Chaque virage, une épreuve. Chaque bosse, une mise en orbite. Et chaque saut est un pari entre maîtrise et inconscience. Les copilotes y déversent des kilomètres de notes. Les pilotes, eux, ne doivent pas écouter : ils doivent croire.

    Ce n’est pas une question de prise de risque. C’est une question de foi.

    La règle qu’il a fallu contourner

    En 2007, Marcus Grönholm boucle les 33 kilomètres de la spéciale en 15’19″8 à 129,16 km/h de moyenne. Un exploit si spectaculaire qu’il pousse la FIA à adapter son règlement : la limite fixée à 130 km/h de moyenne dans les spéciales est levée… mais uniquement pour le WRC. Une pirouette réglementaire pour éviter que l’épreuve ne soit sacrifiée sur l’autel de la prudence.

    Depuis, Ouninpohja a connu des versions plus courtes, des alternances de sens, parfois même des absences au calendrier. Mais chaque fois qu’elle revient, c’est une onde de choc. Les spectateurs accourent. Les pilotes, eux, retiennent leur souffle. Car même si d’autres spéciales sont plus rapides, aucune n’est aussi complète. Aucune ne demande autant de tout : de vitesse, de précision, d’engagement, de confiance — et parfois, d’abandon.

    Une géographie de l’extrême

    Là-bas, la terre est ferme, dense, quasi-bitumineuse. Ce ne sont pas les glissades qui effraient, mais les bonds. Car Ouninpohja se vit en trois dimensions. Il y a les virages, il y a les vitesses, mais il y a surtout les bosses. Pas les petits dos d’âne des routes européennes : de véritables tremplins naturels, capables de catapulter une WRC à des hauteurs où seule l’adhérence des souvenirs les ramène au sol.

    Dans sa version longue, les équipages s’envolent plus de 70 fois. En 2003, Markko Märtin a volé sur 57 mètres à 171 km/h. Pour du vrai. Sans filet. Sans publicités. Sans sponsors. Juste pour aller vite. Et arriver entier.

    Aujourd’hui encore, ces sauts n’ont pas perdu leur magie. Ils continuent de faire frissonner, de déséquilibrer, d’émerveiller. Et même les plus grands s’y brûlent les ailes.

    L’école des champions

    Il n’est pas rare d’entendre que gagner Ouninpohja vaut un titre. Et ceux qui l’ont fait ne sont jamais des inconnus. Sébastien Ogier s’y est offert un chrono d’anthologie en 2015 avec sa Polo R WRC : 15’08’’9 à plus de 130 km/h de moyenne. Un record qui tenait plus de l’acte de foi que de la stratégie.

    Cette performance absolue avait été précédée, puis suivie, de drames sportifs : Mads Ostberg y avait perdu la deuxième place, Kris Meeke y avait brisé sa Citroën dans une série de tonneaux dantesques. Rien n’est anodin à Ouninpohja. Chaque passage est une légende en germe.

    Aujourd’hui, alors que les Rally continuent d’explorer les limites du possible, Ouninpohja reste un juge de paix. Le boost électrique n’y change rien : seule compte l’osmose entre le volant, le baquet et la trajectoire. Et les Finlandais, bien sûr, gardent une longueur d’avance à domicile.

    La bosse de la maison jaune

    S’il ne fallait retenir qu’un lieu, ce serait celui-là : la fameuse bosse devant la maison jaune, à 7,1 kilomètres du départ. Une courbe insignifiante sur le papier, mais que les WRC abordent à fond absolu, en pleine montée en régime, avant un saut à couper le souffle.

    Ici, Richard Burns perdit sa bataille face à Marcus Grönholm en 2002. Ici, les spectateurs savent que le rallye bascule. Pas un angle ne permet de rendre compte de l’intensité du moment. Aucun objectif photo ne peut restituer l’émotion brute du saut. Il faut le vivre. Le sentir vibrer dans sa cage thoracique. Respirer la poussière de l’atterrissage.

    Un bastion qui résiste

    En 2025, Ouninpohja continue d’incarner la fierté d’un peuple. La Finlande, qui a produit plus de champions du monde que n’importe quel autre pays — de Kankkunen à Grönholm, de Mikkola à Mäkinen — voit en cette spéciale son sanctuaire national. Les pilotes étrangers, même les plus titrés, s’y présentent avec humilité.

    Sur les 73 éditions du Rallye de Finlande, les pilotes locaux en ont remporté 55. La France, pourtant forte de Loeb et Ogier, n’a jamais vraiment dominé les débats. L’Espagne, l’Estonie, l’Irlande ont signé des exploits, mais rarement deux années de suite.

    Et cette année encore, on va célébrer les 50 ans du premier passage de Timo Mäkinen. Un Ouninpohja à l’ancienne. Brutal. Sans compromis. Comme un retour aux sources dans un monde trop souvent aseptisé.

    Ouninpohja n’est pas une spéciale. C’est une épreuve initiatique. C’est un cri lancé à 200 km/h dans la forêt. Une prière en langue finlandaise. Et une réponse universelle : le rallye, c’est ici.

  • Nuvolari au Nürburgring : l’exploit italien qui fit plier le Reich

    Nuvolari au Nürburgring : l’exploit italien qui fit plier le Reich

    90 ans après la plus incroyable victoire d’Alfa Romeo face aux puissances allemandes, cet article rend hommage à un moment de légende du sport automobile : un triomphe technique et humain, sur fond de tension politique et de domination technologique allemande. Le 28 juillet 1935, au Nürburgring, Tazio Nuvolari prouve que la bravoure et le talent peuvent renverser l’ordre établi.

    Le 28 juillet 1935, le Nürburgring n’est pas seulement le théâtre d’un Grand Prix. C’est une arène géopolitique, une vitrine technologique, un affrontement idéologique. L’Allemagne nazie entend imposer sa suprématie à travers ses machines, ses pilotes, son organisation. Mercedes-Benz et Auto Union, soutenues à bout de bras par le régime, alignent des bolides argentés futuristes, forts d’innovations comme le moteur arrière chez Auto Union — une solution qui ne s’imposera en Formule 1 que deux décennies plus tard.

    Face à elles, une équipe italienne jugée dépassée, la Scuderia Ferrari, alors simple structure satellite d’Alfa Romeo, venue avec des Alfa P3 âgées, simplement mises à jour. Des machines rouges, dépassées en tout point… sauf dans les mains d’un homme.

    Tazio Nuvolari a 42 ans. Son corps a connu la guerre, les blessures, les souffrances mécaniques des années 1920. Mais ce 28 juillet, « Nivola » entre dans la légende.

    David contre trois Goliaths argentés

    Sur la grille, la bataille semble perdue d’avance. Les spectateurs allemands — plus de 200 000 — s’attendent à un podium 100 % national. Les Auto Union de Stuck, Rosemeyer et Varzi, les Mercedes de von Brauchitsch, Caracciola et Fagioli, semblent inaccessibles. Le contraste est saisissant dans les stands : carrosseries profilées contre caisses traditionnelles, structures d’État contre artisanat d’élite.

    La course est un calvaire : 500 kilomètres sur la Nordschleife, soit plus de 4 heures d’effort sur ce ruban de 22,8 kilomètres, aussi tortueux que meurtrier. Une épreuve d’endurance autant que de vitesse.

    Dès les premiers tours, les forces en présence se dégagent : Balestrero et Brivio abandonnent, puis Chiron. Seule l’Alfa de Nuvolari reste en lice. Il est seul contre les Allemands.

    Et il attaque.

    Un rythme infernal, un homme transcendé

    Varzi heurte un mécanicien au départ. Rosemeyer sort de la piste. Von Brauchitsch, Caracciola et Rosemeyer imposent un rythme de métronome, tandis que Nuvolari hausse progressivement le ton : 10’57” au tour, puis 10’45”, jusqu’à 10’32” pour signer le meilleur chrono de la course, à près de 130 km/h de moyenne sur cette piste d’un autre temps.

    Lors des ravitaillements au 12e tour, les trois Mercedes repartent avant l’Italien. Mais les pneus de von Brauchitsch se dégradent. Le pilote Mercedes tente de contrôler l’écart, mais Tazio revient, tour après tour. Il reprend jusqu’à 16 secondes par boucle.

    Alfred Neubauer, le célèbre patron de Mercedes, panique. Il multiplie les signaux à son pilote. Rien n’y fait. Nuvolari grignote l’écart, second après second.

    Le dernier tour de la légende

    À l’entame du dernier tour, von Brauchitsch compte encore 30 secondes d’avance. Mais son pneu arrière cède. À neuf kilomètres de l’arrivée, au niveau du Karussell, les commissaires voient passer… Nuvolari. Le silence s’installe dans les tribunes. Puis la clameur explose.

    L’Italien franchit la ligne le poing levé, sous les yeux incrédules d’un public médusé.

    Une victoire impensable. Dérangeante. Une Alfa Romeo rouge dans l’antre du national-socialisme. Un héros moustachu de 42 ans, au volant d’une machine d’un autre temps, qui vient de défier la logique industrielle, les pronostics politiques et la toute-puissance technologique du Reich.

    Une défaite intolérable… un mythe éternel

    Il faudra du temps aux autorités allemandes pour digérer l’affront. Certains prétendront qu’Hitler en personne aurait refusé de remettre la coupe. Nuvolari, dit-on, sortira un petit drapeau italien de sa poche pour le brandir seul sur le podium. D’autres parlent d’un trophée expédié par la poste.

    Les détails comptent peu face à la portée symbolique du geste. Cette victoire est sans doute la plus éclatante de l’histoire d’Alfa Romeo. Elle ancre le nom de Nuvolari dans la légende, comme celui d’un pilote capable de transcender la mécanique, les conditions, et même l’époque.

  • Le Festival of Speed 2025 célèbre 75 ans de Formule 1 dans une mise en scène spectaculaire

    Le Festival of Speed 2025 célèbre 75 ans de Formule 1 dans une mise en scène spectaculaire

    Le Festival of Speed de Goodwood a une nouvelle fois transformé la paisible campagne du West Sussex en un théâtre d’émotions mécaniques. Mais en 2025, l’événement fondé par le Duc de Richmond a franchi un cap : pour célébrer les 75 ans du Championnat du Monde de Formule 1, jamais autant de monoplaces ni de champions ne s’étaient réunis à Goodwood. Plus de 100 F1 de toutes époques, sept champions du monde, les équipes actuelles… et un parfum de légende qui a flotté tout le week-end au-dessus de la colline.

    Une réunion historique de champions

    L’image est déjà entrée dans l’histoire. Samedi après-midi, sur le balcon de Goodwood House, sept champions du monde représentant quatorze couronnes se sont réunis aux côtés de figures emblématiques de la discipline. Alain Prost, Emerson Fittipaldi, Sir Jackie Stewart, Jacques Villeneuve, Mario Andretti, Mika Häkkinen et Nigel Mansell, accompagnés de Bernie Ecclestone, Karun Chandhok et du Duc de Richmond en personne, ont incarné à eux seuls plusieurs générations de F1. Rarement un tel panthéon n’avait été rassemblé hors des paddocks officiels.

    Un paddock F1 exceptionnel

    Pour cette édition anniversaire, le Festival a vu les choses en grand. Les paddocks F1 ont été entièrement repensés et agrandis pour accueillir une centaine de voitures ayant marqué l’histoire du championnat. Organisées autour de six thématiques — des pionniers aux équipes contemporaines, en passant par les « underdogs » et les innovations techniques —, les expositions retraçaient l’évolution de la discipline depuis ses balbutiements jusqu’à l’ère hybride actuelle.

    On croisait ainsi des Alfa Romeo 158, des Lotus à effet de sol, des McLaren-Honda dominatrices des années 80, la Williams FW14B, la Brawn GP de 2009, ou encore les monoplaces électriques de Formule E venues en écho à cette rétrospective.

    Adrian Newey, légende vivante de l’ingénierie F1, avait d’ailleurs pris en charge la curation de la section consacrée à l’innovation, mettant en lumière les ruptures technologiques les plus marquantes des 75 dernières années.

    Les écuries actuelles au rendez-vous

    Neuf des dix équipes du plateau actuel ont répondu présent, parmi lesquelles Red Bull Racing, Ferrari, Mercedes, McLaren, Williams ou encore Haas. Certaines ont même sorti le grand jeu : chez Haas, Gene Haas lui-même a pris le volant de l’une de ses monoplaces, tandis que ses deux pilotes, Esteban Ocon et Ollie Bearman, ont réalisé des montées remarquées.

    Du côté de Sauber (Stake F1 Team Kick), Valtteri Bottas s’est prêté au jeu tout comme Liam Lawson, aligné par Red Bull. Même les team principals Ayao Komatsu (Haas) et James Vowles (Williams) ont tenté l’expérience de la fameuse montée de Goodwood.

    Une sculpture hommage à Gordon Murray

    Le traditionnel Central Feature trônant devant Goodwood House rendait cette année hommage à Gordon Murray, figure tutélaire du design automobile. L’installation spectaculaire associait deux de ses créations les plus emblématiques : la Brabham BT52, pionnière du turbo en F1, et la GMA T.50, quintessence de l’artisanat technologique moderne. Cette sculpture était le point d’orgue d’un hommage plus large rendu à la carrière de Murray, fêtant ses 60 ans dans l’industrie automobile.

    Hillclimb : Dumas encore au sommet

    Le Français Romain Dumas s’est une nouvelle fois illustré en remportant le Shoot-Out au volant du Ford Supertruck, signant un chrono de 43,22 secondes. Côté rallye, c’est Tom Williams qui a dominé le Rally Shoot-Out au volant de sa Skoda Fabia RS Rally2, sur une portion de tracé particulièrement exigeante.

    Un défilé de légendes et de nouveautés

    Goodwood reste aussi le lieu de retrouvailles émouvantes : Derek Bell a repris le volant de la Porsche 962C de ses heures de gloire, Carl Fogarty a enfourché sa Ducati 916 pour célébrer les 30 ans de son deuxième titre WSBK, et les fans de rallye ont salué les passages de Subaru Impreza et Ford Escort RS en hommage à Colin McRae.

    Les constructeurs ne sont pas en reste : parmi les nombreux modèles révélés ou exposés pour la première fois, on note les présences de la Ferrari F80, de la McLaren W1, de la Lamborghini Temerario, du Defender 110 Trophy Edition ou encore du concept BMW Vision Driving Experience. L’Aston Martin DB12 Volante et la Hyundai IONIQ 6 N ont également fait leur première apparition publique dans ce cadre enchanteur.

    Un regard vers l’avenir

    Enfin, le FOS Future Lab, présenté par Randox, a poursuivi son exploration du futur de la mobilité avec des installations de l’Agence Spatiale Européenne, du National Robotarium, de Space Forge ou encore de Seabed 2030. Une manière de rappeler que l’automobile et les technologies de demain restent intimement liées.

    Rendez-vous en 2026

    L’édition 2026 du Festival of Speed se tiendra du 9 au 12 juillet. Pour ceux qui voudraient à nouveau vibrer au son des moteurs et aux récits de champions, les billets sont d’ores et déjà en vente pour les membres du Goodwood Road Racing Club.

  • Jean Alesi, retour à Paul Ricard : l’émotion d’un premier rêve

    Jean Alesi, retour à Paul Ricard : l’émotion d’un premier rêve

    9 juillet 1989. Un soleil de plomb écrase le bitume de Paul Ricard. À l’ombre des pins parasols, une monoplace bleue détonne dans le paddock. La Tyrrell 018, austère mais racée, s’apprête à révéler au monde un jeune pilote franco-sicilien venu de la F3000 : Jean Alesi. Ce jour-là, tout change. Pour lui. Pour l’équipe Tyrrell. Pour une génération de tifosi en devenir.

    2025. Le temps a passé. Mais sur ce même asphalte, le frisson reste intact. Jean Alesi retrouve « sa » Tyrrell 018/2, restaurée avec soin par Speedmasters, pour un tour de piste chargé d’émotion à l’occasion du Grand Prix de France Historique. « Cette voiture, c’est mon rêve d’enfant devenu réalité. Elle a changé ma vie. »

    Un conte de fées signé « Oncle Ken »

    Ken Tyrrell n’avait pas pour habitude de faire des paris fous. Mais en ce milieu d’année 1989, contraint de remplacer Michele Alboreto – débarqué pour cause de mésentente sponsorisée –, il mise sur un trublion à la bouille d’acteur et au coup de volant prometteur : Jean Alesi, révélation du championnat de F3000 avec Eddie Jordan. Un coup de poker ? Oui. Mais gagnant.

    Qualifié en 16e position après une séance gâchée par le trafic, Alesi profite d’un carambolage au départ pour se frayer un chemin dans le peloton. Devant un public en délire, il s’offre même le luxe de mener brièvement la course derrière Prost, avant de terminer 4e pour sa première apparition en F1. Rarement un débutant aura laissé une telle impression.

    « Je ne pensais qu’à ça : courir en F1. Après Ricard, j’ai dit à Eddie : “Merci pour tout, je me consacre à 100 % à la F1.” Il était furieux ! Finalement, j’ai quand même gagné la F3000 un peu plus tard… Un beau cadeau pour lui. »

    Une machine née à Maranello, élevée à Ockham

    La Tyrrell 018, c’est aussi l’histoire d’un renouveau. En coulisses, l’équipe anglaise sort d’une période morose. Le V6 turbo Renault n’a pas convaincu, les résultats stagnent, la philosophie du bois et des clous touche ses limites.

    L’arrivée du tandem Harvey Postlethwaite – Jean-Claude Migeot, en provenance de Ferrari, va tout changer. Ensemble, ils conçoivent une F1 légère, élancée, pleine de promesses pour l’ère du 3.5 litres atmosphérique. Le moteur Cosworth DFR fait figure de solution sage, mais c’est surtout l’aérodynamique qui intrigue : nez fin, airbox haut perché et une suspension avant audacieuse à mono-amortisseur, innovation conçue pour maximiser l’efficacité sur l’entrée de virage.

    « La 018 aurait pu être une Ferrari rouge », confie Migeot. « C’était notre plan à Maranello. On l’a réalisé chez Tyrrell, dans un Portakabin en bois, avec une énergie folle. »

    Une voiture faite pour Alesi

    Curieusement, cette architecture avant très directe, nerveuse, avait mis en difficulté Alboreto, mal à l’aise avec la réactivité du châssis. Pour Alesi, au contraire, c’était un terrain de jeu idéal. Son style d’attaque, incisif, faisait merveille avec cette voiture qui « rentrait dans les virages comme un kart ».

    « C’était unique », dit-il. « Si tu avais le cran de rentrer fort, tu étais rapide. Exactement mon style. Je n’aurais pas pu rêver mieux. »

    Même Migeot s’émerveille encore du destin de cette voiture taillée sur mesure : « Jean a masqué tous les défauts de la voiture avec son talent. On ne s’est rendu compte qu’à Spa, sous la pluie, qu’on pouvait la rendre bien plus facile à piloter. Il suffisait d’ajouter un anneau en caoutchouc dans la suspension avant pour débloquer un potentiel qu’on n’exploitait pas. »

    Une pièce d’histoire remise en lumière

    Aujourd’hui, le châssis 018/2 a retrouvé ses couleurs d’époque. Le bleu Tyrrell, l’aileron jaune Camel, les lignes pures dessinées par le vent et la conviction de deux ingénieurs brillants. Grâce à l’équipe de James Hanson, la monoplace du miracle de Ricard roule de nouveau – non plus pour un classement, mais pour la mémoire.

    Et Jean Alesi, 60 ans passés, redevient ce jeune homme de 25 ans qui croyait en ses rêves. Sur le circuit du Castellet, il enchaîne quelques tours, les yeux brillants.

    « Je n’avais qu’un seul regret : ils ont mis un afficheur numérique avec des shift lights. On n’avait pas ça avec Oncle Ken ! »

    Tyrrell 018, dernière élégance d’un monde qui changeait

    La 018 fut la dernière Tyrrell à vraiment briller avant l’ombre. Elle redonna espoir à une équipe mythique, redessina les lignes de la F1 d’après-turbo, posa les bases de la révolution 019 et son nez relevé. Et elle révéla Jean Alesi au monde, à la France, à Ferrari.

    Le 9 juillet n’est pas un jour comme les autres. C’est celui où un rêve a pris vie dans le sillage d’une voiture singulière, conduite par un pilote pas comme les autres.

  • Porsche LMP2000 : la victoire volée qui donna naissance à la Carrera GT

    Porsche LMP2000 : la victoire volée qui donna naissance à la Carrera GT

    Et si Porsche n’avait jamais abandonné son projet LMP2000 ?
    À l’heure où Le Mans s’apprête à fêter sa 93e édition, difficile de ne pas se replonger dans cette histoire oubliée : celle d’une Porsche conçue pour gagner, tuée dans l’œuf, dont les restes mécaniques servirent à créer l’une des supercars les plus charismatiques des années 2000 — la Carrera GT.

    À la fin des années 1990, la marque allemande est pourtant au sommet. En juin 1998, la 911 GT1-98 décroche la seizième victoire de Porsche aux 24 Heures du Mans. Allan McNish, Laurent Aiello et Stéphane Ortelli offrent au constructeur ce succès dans une voiture qui, bien qu’ultra-performante, reste encore vaguement liée à la silhouette de la 911. En interne, le constat est clair : pour rester au sommet, il faut changer d’approche.

    Naissance d’une idée

    Herbert Ampferer, alors directeur de Porsche Motorsport, veut rompre avec la logique du GT travesti. Fini le bricolage entre 993, 996 et éléments de course : place à un vrai prototype. Mais il doit convaincre un homme : Wendelin Wiedeking, le puissant patron de Porsche.

    La réponse de ce dernier est cinglante : « Et qu’est-ce que cela changerait si nous gagnions une 17e fois ? » Une victoire de plus n’apporterait pas grand-chose selon lui. Pourtant, Ampferer obtient le droit de prendre une année sabbatique en 1999 pour concevoir une toute nouvelle voiture, avec une liberté technique totale : ainsi naît le projet LMP2000, également connu en interne sous le code 9R3.

    Un V10 secret venu de la F1

    Le cœur de cette voiture n’est autre qu’un V10 atmosphérique de 5,5 litres, dérivé d’un moteur de Formule 1 jamais utilisé. Ce bloc avait été développé dans le plus grand secret par une poignée d’ingénieurs de Weissach au milieu des années 1990. Il s’agissait alors pour Porsche de prouver — après l’humiliation du V12 Footwork de 1991 — qu’elle savait concevoir un moteur F1 compétitif.

    Résultat : un V10 léger, compact, puissant et musical, jamais aligné en Grand Prix, mais parfait pour les exigences d’un prototype d’endurance moderne. Norbert Singer, le légendaire ingénieur de Porsche, est chargé de concevoir le châssis ouvert qui accueillera ce bijou mécanique. Un LMP pur et dur, loin des compromis des GT1 des années précédentes.

    Les essais de la dernière chance

    En novembre 1999, deux pilotes montent dans le cockpit de la LMP2000 sur la piste d’essai de Weissach : Bob Wollek, vétéran à la recherche de sa première victoire au général au Mans à 56 ans, et Allan McNish, tout juste vainqueur avec Porsche en 1998. Les deux hommes sont impressionnés par la voiture. Wollek parle d’une « fusée », McNish voit son avenir s’écrire en lettres d’argent et de carbone. Il a même un contrat de trois ans dans sa mallette.

    Sauf que tout est déjà fini.

    En coulisses, Wiedeking a tranché. Le projet LMP est mort-né. Il ne verra jamais Le Mans. Porsche annonce en décembre 1998 son retrait de l’édition 1999, mais ce qui semblait être une pause stratégique est en réalité un abandon. Pourquoi ? Officiellement, pour concentrer les ressources sur un autre projet stratégique : le développement du futur SUV Cayenne. Officieusement, une ambition plus discrète se dessine.

    La légende naît d’un sacrifice

    Wiedeking pose une nouvelle question à Ampferer : « Quelle est la plus grande marque de voitures de sport au monde ? » Sa réponse est évidente : Porsche. Et le patron de conclure : « Alors prouve-le. Construis une supercar. »

    Ainsi débute la gestation de ce qui deviendra la Carrera GT. Le V10 du LMP2000 est repris presque à l’identique, en version civilisée. L’architecture en carbone, les enseignements aérodynamiques, la philosophie technique — tout vient du prototype sacrifié. La Carrera GT est dévoilée en concept en 2000 avant de devenir réalité en 2003. Et le monde découvre une Porsche sans compromis, à boîte manuelle, au châssis pur, à l’ADN de compétition bien réel.

    Renaissance tardive et révélations

    Pendant deux décennies, la 9R3 reste cachée, reléguée à quelques clichés flous. Il faut attendre l’approche de son 25e anniversaire pour que Porsche ressorte la LMP2000 du musée, la remette en route et offre à McNish un tour de piste en 2024, cette fois aux côtés de Timo Bernhard. Le prototype fonctionne encore à merveille. Le moteur V10 hurle comme au premier jour.

    Avec le recul, certains y voient une manœuvre stratégique pour laisser le champ libre à Audi, alors en pleine montée en puissance en endurance. En 1999, Audi débarque au Mans, et rapidement, la domination commence. Porsche, de son côté, reste à l’écart jusqu’à 2014. La théorie du pacte secret n’a jamais été prouvée. Mais dans un groupe VW encore peu structuré, dirigé par Ferdinand Piëch, petit-fils de Ferdinand Porsche, on peut comprendre que certaines portes se soient ouvertes… ou fermées.

    Un fantasme d’ingénieur, un mythe avorté

    Le Porsche LMP2000 n’a jamais pris le départ d’une course. Il n’a jamais franchi la ligne droite des Hunaudières, ni attaqué les virages Porsche à pleine charge. Et pourtant, il symbolise une philosophie entière : celle d’un constructeur capable de concevoir le meilleur prototype de son époque… puis de tout arrêter au dernier moment, pour mieux rediriger ses efforts vers la route.

    La 9R3 n’est pas la Porsche oubliée. Elle est la Porsche fantôme, celle dont la disparition a permis une résurrection routière exceptionnelle. À la croisée des chemins entre la course et la route, elle incarne une question restée en suspens : que se serait-il passé si elle avait couru ?