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Le révolutionnaire binaire

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Le révolutionnaire binaire

Une grave crise et un déclic… Le Groupe Volkswagen s’est lancé dans une nouvelle course au développement de l’automobile du futur il y a un an. À la tête du régiment désigné pour changer – voire sauver – le monde, Johann Jungwirth. Il était de passage à Paris, une semaine avant de revenir pour le Mondial.

Arrivé en chemise, Johann Jungwirth salue les quelques invités. « JJ, c’est plus simple ! » Un coup d’œil panoramique lui permet d’afficher un large sourire : « Je vais me changer, j’arrive ! »

Quelques minutes plus tard, revoilà notre Allemand en tee-shirt uni. Le responsable de la stratégie digitale du Groupe Volkswagen est l’une des personnes clés de l’avenir de l’industrie (et de la vie) automobile. Formé à l’école Mercedes, il sort de dix années passées aux Etats-Unis, dont sept dans la Silicon Valley. Au ton qu’il emploie pour parler de ce petit morceau de la Baie de San Francisco, on comprend que l’homme a été marqué par cette expérience. D’abord avec Mercedes, puis avec le géant Apple durant treize mois.

De cette grosse année passée chez Apple, JJ reste très mystérieux. Il confie avoir œuvré pour des « projets spéciaux » et fait comprendre très poliment qu’il est inutile d’aborder le sujet.

« En septembre 2015, le Groupe Volkswagen a initié de nombreux changements », explique-t-il avec un air malicieux. « Il fallait surmonter une grave crise. J’ai donc décidé de rejoindre le groupe, car j’étais convaincu que c’était l’endroit où je pouvais changer les choses en utilisant mes connaissances acquises dans la Silicon Valley. »

Johann Jungwirth était-il impliqué dans le développement d’un projet automobile chez Apple ? Il n’en parle pas. Toujours est-il qu’il assure que le Groupe Volkswagen lui offrait une plus grande garantie de modeler l’avenir de l’automobile…

« J’y suis depuis neuf ou dix mois. Mon bureau est au centre d’un open space qui regroupe une cinquantaine de personnes. C’est un espace très collaboratif, sans barrière. Nous sommes en tee-shirt. En début, je suis arrivée en costume. J’ai d’abord enlevé ma cravate, puis la veste et enfin ma chemise. Mon objectif est de travailler en tee-shirt, en short et en sandales ! »

Sandales plus que tongs, la Californie n’a pas totalement emporté la Popstar de Volkswagen comme l’a présenté le journal allemand Handelsblatt…

« Mon boulot est de gérer la transformation digitale de Volkswagen. Je vois ça en trois phases. Il y a d’abord le client digital, puis le produit digital et enfin l’entreprise digitale. Cette transformation touche tous les compartiments. Notre industrie entre dans sa plus grande révolution depuis sa création il y a 130 ans.

Cette révolution s’articule autour de trois axes. Le premier va faire passer nos moteurs à combustion vers des propulseurs électriques. Le deuxième va remplacer les conducteurs par des véhicules capables de se déplacer de façon autonome. Le troisième modifiera notre façon de consommer. Nous ne serons plus propriétaires de notre véhicule, mais nous partagerons des solutions de mobilité. Ce qui est intéressant, c’est que ces trois dimensions arrivent en même temps.

En un an, nous avons créé trois nouveaux Centres du Futur à Postdam, à Pékin et dans la Silicon Valley. Ils nous aident à ajouter une conception orientée vers l’utilisateur dans le développement des véhicules du Groupe Volkswagen. C’est unique dans l’industrie automobile. Nous ajoutons cette « conception utilisateur » aux développements intérieur et extérieur de nos voitures. En venant de la Silicon Valley, j’ai vu à quel point les entreprises qui ont le plus de succès se basent sur l’expérience utilisateur pour la conception de leurs produits. Nous devons placer l’humain au centre de nos développements. »

Il sort son iPhone et passe à travers les menus. En neuf ans, l’interface n’a pas changé, mais une multitude de nouveautés sont venues s’ajouter pour enrichir l’expérience utilisateur…

« Vous qui testez des voitures régulièrement, vous avez expérimentez de nombreuses solutions digitales… Vous serez d’accord pour dire que ce que nous avons aujourd’hui sur les routes n’a rien de fabuleux. Je pense que nous pouvons créer une expérience digitale bien meilleure. C’est l’un des points sur lesquels nous travaillons.

En plus de trois Centres du Futur, j’ai la responsabilité de cinq groupes installés à Wolfsburg et chaque marque du groupe possède son propre responsable digital. Tout le monde travaille sur la même plateforme en ligne pour renforcer les synergies à l’intérieur du groupe. Les cinq groupes se concentrent chacun sur un thème particulier comme la conduite autonome, les applications, la mobilité… Notre objectif est vraiment de réinventer les déplacements. En sortant d’un avion ou d’un train, on ne devrait pas attendre plus d’une minute avant d’avoir une voiture. Il est nécessaire de développer de l’intelligence artificielle et d’avoir une vision globale. Nous travaillons sur des algorithmes capables d’apprendre par eux-mêmes et des logiciels capables de prendre des décisions. La localisation est un autre point important de nos développements.

En plus de l’aspect mobilité, nous travaillons sur le processus de vente de nos produits par de la programmatique marketing. Il faut aller plus loin que de la simple configuration de véhicules en ligne. Nous devrions pouvoir commander notre future voiture et la payer. Notre écosystème doit être capable de tout connecter, comme nous le faisons actuellement pour notre plateforme logistique qui permet à nos marques et à nos partenaires de profiter de cette plateforme digitale.

Pour le client, cela veut dire que chacun aura un profil unique dans lequel seront ses informations. Qu’il entre dans une Porsche, une Audi, une Volkswagen, une Seat ou une Skoda, son compte sera reconnu et il retrouvera ses réglages et ses préférences. On veut rendre la vie plus facile pour nos clients à l’intérieur de notre groupe, avec un même écosystème.

Nos recherches s’étendent à tous les domaines. De nos jours, lorsqu’un client commande une voiture, il n’a plus aucun contact avec la marque avant la livraison. Et s’il reçoit un coup de téléphone, c’est souvent négatif, car il apprend qu’il va y avoir un retard d’une dizaine de jours dans la livraison… Nous voulons transformer cette expérience. En digitalisant la production, nous allons pouvoir envoyer des photos du véhicule en production, exactement comme pour une maman qui attend un enfant et qui a une échographie. Voici une photo du châssis nu, puis après le passage en peinture, puis une petite vidéo de l’assemblage du châssis et du moteur… Et avant de monter les roues, nous pourrions envoyer une offre spéciale pour vendre des jantes spécifiques.

L’objectif est aussi d’améliorer l’expérience de nos employés et de nos équipes. Nous voulons que notre société soit attractive pour les plus grands talents partout dans le monde. Nous cherchons des spécialistes des données, analystes, des experts dans de nombreux domaines. »

Et c’est loin d’être terminé. Avec une quinzaine d’années de retard, les constructeurs automobiles – anciens mastodontes de l’industrie – prennent conscience qu’ils peuvent reprendre le leadership à de biens jeunes entreprises très innovantes.

Author: Rédaction

Rédaction AUTOcult.fr