Entre ralentissement du marché 100 % électrique et infrastructures encore lacunaires dans certains pays, les véhicules à autonomie étendue reviennent au centre des débats. ZF prépare une nouvelle génération de systèmes hybrides en série, promesse d’un compromis pertinent pour de nombreux usages.
En 2010, la Chevrolet Volt (Opel Ampera) ouvrait la voie à une technologie prometteuse mais vite éclipsée par la montée en puissance des véhicules 100 % électriques : l’hybridation en série, autrement dit le véhicule à autonomie étendue (EREV, pour Extended-Range Electric Vehicle). Quinze ans plus tard, dans un paysage électrique en mutation, ces hybrides particuliers reviennent dans la course.
Le principe reste simple : un moteur thermique, le plus souvent essence, n’entraîne pas les roues mais fonctionne uniquement comme générateur d’électricité pour recharger une batterie de taille modeste. L’EREV roule donc la plupart du temps en mode électrique, mais peut compter sur un prolongateur d’autonomie dans les situations critiques, notamment en dehors des grands axes bien pourvus en bornes.
Un marché BEV en questionnement
Alors que l’essor du véhicule électrique semblait inexorable, plusieurs signaux faibles laissent entrevoir un palier dans la demande, notamment dans certains segments stratégiques comme les SUV familiaux ou les pick-up. Des véhicules au gabarit imposant, souvent appelés à sortir des centres urbains, et pour lesquels l’autonomie réelle et la disponibilité des bornes restent deux freins majeurs à l’achat.
« Le marché du 100 % électrique n’a pas évolué comme prévu », admet Otmar Scharrer, vice-président senior en charge de la R&D chez ZF. « Pour cette phase de transition, les EREV constituent une solution pertinente. » Et de fait, les constructeurs réévaluent leurs plans d’électrification avec pragmatisme. L’horizon 2035 n’est pas remis en question, mais la route pour y parvenir pourrait passer par des choix intermédiaires plus réalistes que l’électrique pur.
Le retour des grands noms
ZF n’a pas attendu la dernière minute pour préparer sa riposte. L’équipementier allemand s’apprête à lancer dès 2026 une nouvelle génération de systèmes EREV, baptisée eRE+. À la différence des premiers systèmes utilisés sur la Volt ou sur les BMW i3 REX, ce nouveau dispositif intègre un embrayage intelligent et un différentiel, autorisant non seulement la génération électrique, mais aussi la traction secondaire en cas de besoin.
La plage de puissance visée s’étend de 100 à 200 chevaux, avec également des versions plus simples (eRE “tout court”) qui resteront limitées à la production d’électricité. Ce choix technique vise la simplicité et la souplesse d’intégration dans des plateformes BEV existantes, réduisant les coûts de développement et les délais de mise sur le marché.
Un argument fort pour les constructeurs, qui cherchent à contenir leurs investissements tout en proposant une alternative plus convaincante que les hybrides rechargeables classiques.
Moins de batterie, plus de liberté
L’un des grands atouts des EREV réside dans leur batterie plus compacte. Ce choix réduit non seulement la masse et le coût des véhicules, mais permet aussi de maintenir des tarifs accessibles à une clientèle grand public, là où les BEV haut de gamme flirtent souvent avec les 60 000 euros.
En parallèle, l’usage du moteur thermique dans une plage de régime optimale permet de contenir la consommation et les émissions, là où les PHEV sont régulièrement pointés du doigt pour leur variabilité selon le style de conduite.
Pour Otmar Scharrer, le constat est clair : « Ces systèmes offrent une vraie alternative aux batteries plus grosses – donc plus coûteuses – ou aux hybrides rechargeables classiques. » En somme, une électrification raisonnée, au plus près des besoins réels des usagers.
Des pick-up aux SUV : les EREV changent d’échelle
Aux États-Unis, plusieurs modèles emblématiques sont sur le point d’adopter cette technologie. Le plus attendu ? Le Scout de Volkswagen, un duo pick-up/SUV qui marque le retour d’une marque mythique. Prévu pour 2027, ce projet inclura une version EREV pensée pour les grands espaces et les charges lourdes, là où le 100 % électrique pur a encore du mal à convaincre.
Même logique chez Ram, avec son futur Ramcharger, un pick-up électrifié qui misera sur le V6 Pentastar 3.6 litres comme générateur. Contrairement à un hybride parallèle, la motorisation thermique n’interviendra jamais directement sur les roues motrices.
Au-delà du monde du pick-up, ZF vise aussi les SUV de loisirs ou les véhicules d’intervention. Là où l’autonomie réelle, la possibilité de tracter, et l’absence de bornes sur certaines zones rurales ou montagneuses restent des défis pour le tout électrique.
Une électrification pragmatique
Dans un contexte où l’infrastructure de recharge peine à suivre le rythme des ventes de VE, l’EREV pourrait servir de passerelle utile entre thermique et tout-électrique. Ce type de véhicule rassure les conducteurs, permet d’élargir la base de clients potentiels pour les véhicules électrifiés, et donne plus de latitude aux constructeurs.
ZF n’est évidemment pas seul sur le coup. D’autres équipementiers travaillent également sur des systèmes comparables, et l’on peut s’attendre à une multiplication des annonces dans les prochains mois.
Reste à savoir si cette nouvelle vague EREV connaîtra un sort différent de celle du début des années 2010. À l’époque, la Volt n’avait convaincu qu’un public de niche. Mais en 2025, les conditions de marché, la maturité technologique et l’appétence pour une électrification “sans contraintes” pourraient bien en faire un nouvel eldorado pour l’industrie automobile.