Catégorie : Culture

  • Grand Prix : quand Hollywood a redéfini l’image de la Formule 1

    Grand Prix : quand Hollywood a redéfini l’image de la Formule 1

    Le cinéma et l’automobile ont souvent partagé une fascination commune pour la vitesse, le danger et le glamour. Mais rares sont les films qui ont réussi à capter l’essence même du sport automobile sans la trahir. En 1966, Grand Prix de John Frankenheimer a ouvert une brèche : celle d’un cinéma capable de restituer l’intensité d’une saison de Formule 1 avec une authenticité inégalée. Plus qu’un long-métrage, il a contribué à façonner l’imaginaire collectif autour de la discipline, notamment aux États-Unis où la F1 restait alors confidentielle.

    L’obsession de Frankenheimer

    Frankenheimer était déjà connu pour ses thrillers politiques (The Manchurian Candidate, Seven Days in May) lorsqu’il se lança dans Grand Prix. Mais il se passionna pour la course et décida que rien ne devait paraître artificiel. Pas de studio, pas de plans truqués : chaque séquence fut tournée sur circuit, pendant les Grands Prix réels de 1966.

    Le réalisateur s’entoura de pilotes comme Phil Hill, Bob Bondurant et Graham Hill, fit rouler des Formule 3 déguisées en Ferrari ou BRM et exigea de ses acteurs qu’ils apprennent à piloter. James Garner se révéla excellent volant en main, au point de tromper certains observateurs.

    Cette obsession du réalisme se traduisit aussi dans la technique : une Ford GT40 servit de voiture-caméra, équipée de lourdes Panavision 65 mm spécialement modifiées. Frankenheimer inventa, sans le savoir, la caméra embarquée moderne.

    Une révolution visuelle

    Le spectateur de 1966 n’avait jamais rien vu de tel. Écrans multiples, montages syncopés signés Saul Bass, grand angle quasi sans distorsion, téléobjectifs à couper le souffle : Grand Prix fit entrer la vitesse dans les salles obscures. Pour la première fois, le public pouvait ressentir la tension d’un départ, la brutalité d’un freinage, l’ivresse d’une ligne droite.

    À l’époque, la télévision américaine ne diffusait pas la Formule 1. Grand Prix joua donc un rôle initiatique, révélant au public américain un sport jusque-là mystérieux. Il contribua à donner une aura héroïque aux pilotes, transformant la F1 en matière cinématographique autant qu’en discipline sportive.

    Entre fiction et réalité

    Si les intrigues amoureuses et rivalités personnelles paraissent aujourd’hui un peu datées, elles permettent de donner chair aux pilotes et journalistes de cette fresque. Frankenheimer s’inspira de figures bien réelles : Yves Montand emprunte à Fangio et von Trips, James Garner à Phil Hill, Eva Marie Saint à la journaliste Louise King.

    Cette hybridation entre fiction et réalité a inspiré la suite du cinéma automobile. Steve McQueen, d’abord pressenti pour le rôle principal, reprendra la formule avec Le Mans (1971), mais en poussant encore plus loin le dépouillement dramatique pour laisser toute la place à la course. Plus récemment, Ron Howard s’appuiera sur les recettes de Frankenheimer pour Rush (2013), en mêlant rigueur documentaire et intensité dramatique.

    L’héritage d’un chef-d’œuvre

    Avec plus de 19 millions de spectateurs en Amérique du Nord et trois Oscars, Grand Prix fut un succès critique et commercial. Mais son héritage dépasse les chiffres : il a imposé une grammaire visuelle reprise dans toutes les productions ultérieures. La série Netflix Drive to Survive, qui a redonné un souffle médiatique à la F1 dans les années 2020, n’échappe pas à ce parallèle : elle doit beaucoup à la vision de Frankenheimer, qui avait compris dès les années 1960 que le sport automobile ne se racontait pas seulement par ses résultats, mais aussi par l’émotion brute de la vitesse et la fragilité des hommes qui la défient.

    Quand l’automobile devient culture

    Grand Prix appartient aujourd’hui au panthéon des films où l’automobile devient culture à part entière, aux côtés de Bullitt, Le Mans ou Ronin (que Frankenheimer réalisera d’ailleurs en 1998, avec de nouvelles poursuites automobiles mémorables). Mais plus que tout autre, il a donné au sport automobile une identité cinématographique.

    On comprend pourquoi, près de soixante ans plus tard, le film continue de fasciner. Les passionnés de cinéma l’analysent comme une œuvre d’ingénierie visuelle, les amateurs de F1 comme une capsule temporelle sur un âge d’or. Et tous s’accordent à reconnaître que, sans Grand Prix, la course n’aurait peut-être jamais trouvé un tel écho sur grand écran.

    Frankenheimer lui-même admettait que ce n’était pas son meilleur film, mais le plus exaltant à tourner. Pour les amateurs de vitesse et de cinéma, c’est avant tout un chef-d’œuvre qui a su, mieux que tout autre, donner un visage à l’obsession automobile.

  • Art in motion : les BMW Art Cars au Goodwood Revival 2025

    Art in motion : les BMW Art Cars au Goodwood Revival 2025

    Le Goodwood Revival 2025 (12-14 septembre) fera la part belle à l’art automobile en accueillant cinq des plus célèbres BMW Art Cars. Ces sculptures roulantes, nées il y a cinquante ans, viendront illuminer l’Earls Court Motor Show dans le cadre du BMW Art Car World Tour, une tournée mondiale célébrant l’anniversaire d’une collection devenue mythique.

    Depuis 1975, BMW a offert à certains des plus grands artistes contemporains une toile pour le moins inhabituelle : une automobile. L’idée est simple mais puissante : transformer la carrosserie en support d’expression artistique, tout en respectant l’ADN technique et parfois même sportif du modèle de base. De Frank Stella à Andy Warhol, de Roy Lichtenstein à Jeff Koons, en passant par David Hockney, vingt créations uniques sont ainsi nées, devenues autant d’icônes que de jalons dans l’histoire du design et de l’art contemporain.

    L’art et la course, main dans la main

    Ce qui distingue la démarche des BMW Art Cars, c’est leur rapport intime avec la compétition automobile. Dès l’origine, l’idée de l’artiste et pilote amateur Hervé Poulain était de faire courir une œuvre d’art aux 24 Heures du Mans. Ainsi, plusieurs Art Cars ont été directement engagées en course, confrontant la création artistique à la réalité brutale des 300 km/h, des relais de nuit et des drapeaux à damiers. Une rencontre unique entre esthétisme et performance mécanique.

    Aujourd’hui, cette collection incarne bien plus qu’une simple opération de communication. Elle symbolise la manière dont l’automobile, invention industrielle vieille de près de 140 ans, s’est imposée comme objet d’inspiration artistique universelle. Critiquée ou célébrée, elle est devenue une muse pour des générations de créateurs.

    Les cinq Art Cars de Goodwood Revival 2025

    À l’occasion du Revival, cinq modèles emblématiques feront halte à Goodwood :

    • 1976 | Frank Stella – BMW 3.0 CSL
      Deuxième Art Car de l’histoire, la 3.0 CSL de Frank Stella transpose le vocabulaire graphique de l’artiste dans une grille de lignes noires et blanches, rappelant les plans techniques du coupé bavarois. Véritable légende du Mans, la 3.0 CSL de Stella associait esthétique conceptuelle et mécanique de 750 chevaux.
    • 1977 | Roy Lichtenstein – BMW 320i Turbo
      Un an plus tard, le pape du Pop Art habille une 320i Turbo de ses célèbres “Ben Day dots”. Engagée aux 24 Heures du Mans par Hervé Poulain et Marcel Mignot, la voiture roulante devient une bande dessinée géante, évoquant la vitesse et le mouvement à travers un langage visuel immédiatement reconnaissable.
    • 1982 | Ernst Fuchs – BMW 635 CSi
      Surnommée Fire Fox on a Hare Hunt, cette cinquième Art Car est la première à reposer sur un modèle de série. L’Autrichien Ernst Fuchs applique à la 635 CSi une vision onirique et flamboyante, à mille lieues de l’austérité technologique allemande.
    • 1995 | David Hockney – BMW 850 CSi
      Le Britannique David Hockney s’attache à révéler l’intérieur et l’âme de la voiture, transformant la 850 CSi en métaphore roulante. La silhouette d’un conducteur esquissée sur la porte, ou encore une prise d’air stylisée, incitent à regarder au-delà de la surface, comme pour dévoiler l’esprit mécanique qui anime le coupé V12.
    • 2010 | Jeff Koons – BMW M3 GT2
      Avec Koons, le Pop Art fait son retour dans la collection. Sur la carrosserie de la M3 GT2, l’artiste américain applique une explosion de couleurs vives, dynamiques, contrastées, traduisant la vitesse et l’énergie du sport automobile. Même immobile, la voiture semble bondir hors du stand.

    Une tournée mondiale pour un demi-siècle de création

    Le Goodwood Revival n’est qu’une étape de ce BMW Art Car World Tour, une célébration itinérante destinée à rappeler la portée culturelle de la collection. En un demi-siècle, ces vingt Art Cars sont devenues des pièces de musée autant que des symboles du dialogue entre art et automobile. Elles circulent désormais dans les plus grandes expositions d’art, mais trouvent aussi leur place dans des rendez-vous où l’automobile est reine, comme à Goodwood.

    Dans un monde où la voiture doit constamment redéfinir son rôle – objet de désir, vecteur de mobilité, enjeu environnemental – la démarche des BMW Art Cars résonne encore avec une force particulière. Elle rappelle que l’automobile peut dépasser sa fonction utilitaire pour devenir un objet culturel, esthétique et émotionnel.

    Et à Goodwood, sous les projecteurs du Revival, l’art et la mécanique continuent de rouler main dans la main.

  • Rétromobile et les BMW Art Cars fêtent ensemble un demi-siècle

    Rétromobile et les BMW Art Cars fêtent ensemble un demi-siècle

    En 2026, Paris deviendra la capitale mondiale de l’art automobile. D’un côté, le salon Rétromobile célèbrera son 50e anniversaire. De l’autre, BMW honorera cinq décennies de sa collection mythique des Art Cars. Pour marquer ce double jubilé, un événement unique aura lieu au Parc des Expositions de la Porte de Versailles : la réunion, pour la première fois en France, de toutes les BMW Art Cars ayant pris le départ des 24 Heures du Mans.

    Le Mans dans les allées de Rétromobile

    Il y a quelque chose d’éminemment symbolique à voir ces voitures réunies, non pas dans le vacarme de la Sarthe, mais sous les projecteurs feutrés d’un salon parisien. Depuis la BMW 3.0 CSL d’Alexander Calder en 1975 jusqu’à la BMW M Hybrid V8 de Julie Mehretu en 2024, sept voitures racées et radicales seront exposées :

    • BMW 3.0 CSL (1975) par Alexander Calder
    • BMW 3.0 CSL (1976) par Frank Stella
    • BMW 320i Turbo (1977) par Roy Lichtenstein
    • BMW M1 (1979) par Andy Warhol
    • BMW V12 LMR (1999) par Jenny Holzer
    • BMW M3 GT2 (2010) par Jeff Koons
    • BMW M Hybrid V8 (2024) par Julie Mehretu

    « Réunir ces Art Cars du Mans à Paris est plus qu’un hommage », explique Helmut Kaes, directeur de BMW Group Classic. « C’est une déclaration : sur le courage, la créativité et le pouvoir des idées radicales qui continuent de rouler — même 50 ans après. »

    Une histoire née d’un pari audacieux

    Tout commence en 1975, lorsque le pilote français Hervé Poulain, passionné d’art contemporain, imagine de faire peindre une voiture de course par un artiste. Avec Jochen Neerpasch, patron du département Motorsport de BMW, il convainc son ami Alexander Calder de se lancer. La 3.0 CSL bariolée de formes colorées s’élance alors aux 24 Heures du Mans. Elle ne remporte pas l’épreuve, mais marque les esprits : le public découvre qu’une voiture de compétition peut aussi être une œuvre d’art.

    De là naît une tradition : Frank Stella, Roy Lichtenstein, Andy Warhol et tant d’autres apportent leur vision. Warhol peindra lui-même sa M1 en moins de 30 minutes, estimant que la vitesse de son geste devait refléter celle de l’auto. Plus tard, Jenny Holzer inscrit ses slogans incisifs sur le prototype V12 LMR, Jeff Koons dynamise une M3 GT2 en 2010 et Julie Mehretu, tout récemment, transpose son univers graphique sur l’hypercar hybride destinée au Mans.

    Une collection itinérante et planétaire

    Pour célébrer ce demi-siècle, BMW a lancé en 2025 une Art Car World Tour, une tournée mondiale qui passera par plus de vingt marchés et cinq continents. Après un lancement spectaculaire en mars 2025, les œuvres roulantes voyageront jusqu’à la fin de 2026, avec des étapes prestigieuses : Pebble Beach aux États-Unis, le Zoute Grand Prix en Belgique, Marrakech au Maroc, Istanbul en Turquie, Milan en Italie… et désormais Paris pour l’un des points d’orgue de cette odyssée.

    Rétromobile 2026 : une édition hors norme

    Fondé en 1976, le salon Rétromobile est devenu en un demi-siècle le rendez-vous incontournable des passionnés d’automobiles anciennes. Pour son cinquantenaire, les organisateurs voient grand. Quatre expositions exclusives sont prévues à Paris, dont cette rétrospective unique consacrée aux BMW Art Cars. Mais l’événement s’exportera aussi pour la première fois à l’étranger : Rétromobile New York, en novembre 2026, marquera l’ouverture d’un nouveau chapitre. Et à Paris, un tout nouvel espace, l’Ultimate Supercar Garage, mettra en lumière le phénomène contemporain des supercars modernes.

    « Quel meilleur thème que les Art Cars pour fêter le 50e anniversaire de Rétromobile ? » souligne Romain Grabowski, directeur du salon. « Nous sommes fiers de dévoiler aujourd’hui l’affiche officielle de l’édition 2026 et de proposer aux visiteurs cette exposition inédite. Merci à BMW pour sa confiance et ce partenariat autour d’une aventure humaine, technique et artistique hors du commun. »

    Quand l’art et la vitesse se rencontrent

    Depuis 1975, la collection des BMW Art Cars a démontré qu’une automobile pouvait être bien plus qu’un simple moyen de locomotion ou une machine de performance : un médium artistique à part entière. Les plus grands noms de l’art contemporain s’y sont succédé — de Robert Rauschenberg à David Hockney, d’Esther Mahlangu à Ólafur Elíasson, jusqu’aux plus récents John Baldessari et Cao Fei. Certains modèles ont roulé, d’autres sont restés immobiles, mais tous témoignent de cette alliance entre design, vitesse et imagination.

    En 2026, en plein cœur de Paris, les visiteurs de Rétromobile auront l’occasion rare de contempler les sept Art Cars qui ont osé s’affronter au Mans. Des « sculptures roulantes », comme les qualifie BMW, qui rappellent que l’automobile est un langage universel, capable de croiser l’art, la technique et l’émotion.

  • Rowan Atkinson, Rolls-Royce et le secret du V16

    Rowan Atkinson, Rolls-Royce et le secret du V16

    Dans l’imaginaire collectif, Rowan Atkinson restera à jamais Mr. Bean, ce personnage maladroit et muet qui se débat avec les aléas du quotidien au volant de sa célèbre Mini verte. Mais derrière le masque comique se cache un passionné d’automobile d’une rare exigence. Collectionneur averti, pilote aguerri, il a toujours entretenu une relation intime avec les mécaniques d’exception, de ses Aston Martin à ses McLaren F1. Et parmi les anecdotes qui circulent sur sa passion, l’une est particulièrement singulière : celle de sa Rolls-Royce Phantom dotée d’un moteur V16.

    Le retour du moteur impossible

    Lors du développement de la Phantom de septième génération, dévoilée en 2003, BMW – propriétaire de Rolls-Royce depuis 1998 – avait longuement réfléchi au choix mécanique. La solution la plus logique, compte tenu du prestige de la marque, semblait être un moteur V16 atmosphérique, capable d’incarner la quintessence du luxe mécanique. Un bloc prototype de 9,0 litres avait même été conçu. Mais pour des raisons d’émissions, de coût et d’image, Rolls-Royce opta finalement pour le V12 de 6,75 litres, largement suffisant en termes de puissance et de couple, mais un peu moins extravagant que l’hypothétique V16.

    Rowan Atkinson, client hors normes

    Lorsque Rowan Atkinson passa commande de sa Phantom, il fit une demande inhabituelle : obtenir un exemplaire équipé du fameux V16. L’acteur britannique connaissait l’existence de ce moteur resté au stade de prototype et ne pouvait se résoudre à laisser cette pièce d’histoire inaboutie. Sa notoriété et sa réputation de passionné crédible ont sans doute pesé dans la balance. Rolls-Royce accepta – discrètement – de lui fournir une Phantom équipée de ce moteur d’exception.

    Ce choix fit de la limousine d’Atkinson un modèle unique, un ovni mécanique que même les plus fidèles clients de la marque n’avaient pas eu le privilège de posséder.

    Un luxe absolu, une discrétion totale

    Ce qui rend cette histoire encore plus fascinante, c’est le contraste entre le faste mécanique et la sobriété de l’homme. Rowan Atkinson n’a jamais cherché à exhiber sa collection comme un trophée. Il a souvent expliqué qu’il considérait ses voitures comme des objets à utiliser, pas comme des sculptures à exposer sous une housse. Sa McLaren F1 a connu plusieurs sorties sur route et même des accidents spectaculaires. Sa Phantom V16, elle, est restée dans l’ombre, utilisée avec la même simplicité que n’importe quelle voiture.

    La légende d’un moteur fantôme

    Aujourd’hui, ce V16 Rolls-Royce fait partie de ces légendes de l’automobile moderne, un « what if » industriel devenu réalité pour un seul homme. L’histoire rappelle qu’il existe encore, même à l’ère de la rationalisation et des normes contraignantes, des marges de liberté où le rêve peut prendre forme. Rowan Atkinson, en passionné éclairé, a su convaincre une marque emblématique de sortir un secret de ses tiroirs pour réaliser une chimère mécanique.

    Pour Rolls-Royce, cela ne changea rien à la communication officielle, centrée sur le V12 et son raffinement. Mais dans les coulisses de Goodwood, là où la marque assemble ses voitures, on sait qu’un client pas tout à fait comme les autres a eu le privilège de rouler avec ce que la Phantom aurait pu – ou dû – être.

    L’ultime privilège

    Ce récit illustre mieux que n’importe quelle publicité ce qu’est le vrai luxe automobile : l’accès à l’inaccessible, le privilège de l’unique. Rowan Atkinson ne s’est pas contenté d’acheter une Rolls-Royce Phantom ; il a commandé une version qui n’existait pas officiellement. Et dans cette démarche, il rejoint une longue tradition d’histoires automobiles où des clients hors normes obtiennent ce que le commun des mortels ne peut qu’imaginer.

  • Chrysler Building : quand l’automobile visait les sommets de New York

    Chrysler Building : quand l’automobile visait les sommets de New York

    Symbole de la skyline new-yorkaise, chef-d’œuvre Art déco et fierté éphémère du monde de l’architecture, le Chrysler Building n’est pas seulement un gratte-ciel mythique : il est aussi un monument à la gloire d’une marque automobile. Derrière ses 319 mètres de métal étincelant se cache l’ambition démesurée de Walter P. Chrysler, patron visionnaire qui, en pleine course aux hauteurs à la fin des années 1920, fit ériger un immeuble à la mesure de son empire industriel.

    Pourquoi « Chrysler » ? Une signature dans le ciel

    Lorsque le projet voit le jour en 1928, la ville de New York est le théâtre d’une compétition acharnée entre architectes et magnats pour ériger le plus haut gratte-ciel du monde. Walter Percy Chrysler, alors à la tête de l’une des marques automobiles les plus innovantes et prospères des États-Unis, ne se contente pas de sponsoriser l’édifice : il l’achète, personnellement, pour en faire le siège de son entreprise.

    Le nom n’est pas une simple appellation commerciale. Chrysler voit dans cet immeuble un manifeste : un bâtiment qui porterait son nom bien au-delà des routes, comme un symbole de modernité, de puissance et d’élégance — exactement les valeurs qu’il souhaite associer à ses automobiles. L’idée est claire : faire du Chrysler Building un outil de communication gigantesque, visible par des millions de personnes, dans une époque où la publicité monumentale commence à s’imposer.

    L’architecture automobile : un gratte-ciel qui célèbre la route

    Conçu par l’architecte William Van Alen, le Chrysler Building est un pur produit de l’Art déco, mais il puise directement dans l’univers automobile pour son ornementation. Les célèbres gargouilles en acier inoxydable qui ornent ses angles rappellent les bouchons de radiateur des Chrysler de l’époque, notamment la Plymouth et l’Imperial. Les frises géométriques, elles, évoquent les jantes et les ailettes des capots.

    Son sommet, recouvert de plaques d’acier Nirosta disposées en chevrons, scintille comme la calandre chromée d’une voiture au soleil. Cette référence visuelle renforce le lien entre l’édifice et la marque : le Chrysler Building devient, à sa manière, la plus grande « pièce détachée » jamais construite.

    Une victoire éphémère dans la course au ciel

    Le 27 mai 1930, à son inauguration, le Chrysler Building devient le plus haut immeuble du monde… pour seulement onze mois, avant d’être dépassé par l’Empire State Building. Mais l’essentiel est ailleurs : Chrysler a gravé son nom au sommet de Manhattan, dans une Amérique fascinée par la vitesse, la puissance et le progrès technologique.

    Pendant plusieurs décennies, l’immeuble sert de siège au groupe Chrysler, accueillant ses bureaux et symbolisant son rayonnement international. Pour beaucoup d’Américains, il incarne la réussite de l’industrie automobile nationale — à une époque où Detroit et New York se partagent le leadership économique et culturel.

    Du siège social au patrimoine mondial

    Les temps ont changé. Chrysler a quitté le bâtiment dès les années 1950, et l’édifice est passé entre les mains de divers investisseurs et propriétaires, sans jamais perdre son prestige. Aujourd’hui, le Chrysler Building n’appartient plus à l’entreprise automobile qui lui a donné son nom. Depuis 2019, il est copropriété du fonds d’investissement SIGNA Group (Autriche) et du groupe immobilier RFR Holding (États-Unis).

    Le gratte-ciel reste occupé par des bureaux et, malgré des projets évoqués pour le transformer partiellement en hôtel ou en espace culturel, il conserve sa vocation tertiaire. Classé monument historique depuis 1976, il bénéficie d’une protection qui garantit la préservation de ses détails architecturaux — notamment ses emblématiques ornements inspirés de l’automobile.

    Héritage et image : un Chrysler sans Chrysler

    Le Chrysler Building est devenu bien plus qu’un siège d’entreprise : il est l’un des symboles universels de New York, au même titre que la Statue de la Liberté ou le pont de Brooklyn. Pour Chrysler, la marque automobile, ce lien historique est aujourd’hui surtout patrimonial. L’édifice reste un rappel d’une époque où les constructeurs automobiles n’hésitaient pas à afficher leur puissance bien au-delà du monde de la route, en érigeant des monuments à leur gloire.

    Ironie de l’histoire, l’entreprise Chrysler, désormais intégrée au groupe Stellantis, n’a plus aucun lien direct avec le bâtiment qui porte son nom. Mais pour les passionnés d’automobile comme pour les amateurs d’architecture, le Chrysler Building reste l’exemple parfait de l’époque où l’industrie automobile visait littéralement… les sommets.

  • Le panneau « STOP », une histoire qui roule

    Le panneau « STOP », une histoire qui roule

    Au-delà de sa fonction essentielle pour la sécurité routière, le panneau « STOP » cache une histoire fascinante, marquée par les évolutions de l’automobile et une quête de standardisation. Le panneau « STOP » est un des éléments les plus reconnaissables du code de la route à travers le monde.

    Un début chaotique

    Au début du XXe siècle, avec l’augmentation du nombre de voitures, les intersections deviennent des lieux dangereux. Les règles de circulation sont peu claires et chaque ville a ses propres panneaux. La signalisation est un joyeux bazar où les panneaux de signalisation se ressemblent peu d’un endroit à l’autre. Il n’y a pas de norme et les conducteurs sont souvent déconcertés.

    Le premier panneau « STOP » est apparu en 1915 à Détroit, aux États-Unis. Il était de petite taille, de forme carrée et de couleur blanche avec des lettres noires. Mais ce n’était qu’un début, car les autorités ont rapidement compris qu’il fallait une signalisation claire, visible et identifiable de loin, de jour comme de nuit.

    Le choix de l’octogone

    L’idée de la forme octogonale a été proposée pour la première fois en 1922 par l’Association américaine des officiels des autoroutes d’État (AASHO). Le but était d’adopter des formes différentes pour chaque type de panneau. L’octogone a été choisi pour les panneaux de « STOP » parce qu’il n’existe pas d’autre panneau routier de cette forme. De plus, un panneau à huit côtés est facilement reconnaissable, même de dos ou dans des conditions de mauvaise visibilité.

    La couleur rouge a été ajoutée en 1954 pour la même raison. La couleur rouge est facilement visible et elle est universellement associée au danger et à l’interdiction.

    La standardisation mondiale

    L’adoption d’un panneau « STOP » octogonal de couleur rouge avec des lettres blanches est devenue un standard international. En 1968, la Convention de Vienne sur la signalisation routière a officialisé la forme et la couleur du panneau, marquant la fin du chaos et le début d’une ère de signalisation harmonisée.

    Aujourd’hui, que vous soyez à Paris, New York ou Tokyo, vous savez exactement ce que signifie ce panneau rouge à huit côtés. C’est l’un des rares panneaux de signalisation à avoir une histoire aussi riche et une reconnaissance aussi universelle.

  • Le volant à droite, une histoire de chevaliers et de chevaux

    Le volant à droite, une histoire de chevaliers et de chevaux

    Vous êtes-vous déjà retrouvé face à une voiture dont le volant est à droite ? C’est une vision assez déconcertante pour un conducteur habitué à la gauche ! Mais derrière cette bizarrerie se cache une histoire fascinante, pleine de chevaliers, de chevaux et d’un petit gars nommé Napoléon.

    Du côté de l’épée

    Pour comprendre pourquoi certains pays conduisent à gauche, il faut remonter au Moyen Âge. À cette époque, les routes étaient des lieux dangereux, et la majorité des gens étaient droitiers. Les chevaliers, en particulier, avaient besoin d’avoir leur épée à portée de main, ce qui était bien plus facile s’ils marchaient ou chevauchaient du côté gauche de la route. Ainsi, ils pouvaient dégainer rapidement et se défendre contre un assaillant.

    De plus, en se croisant, le fait de passer à gauche permettait de garder un œil sur la personne d’en face, toujours en gardant l’épée du bon côté.

    L’âge d’or du côté gauche

    Cette habitude, née sur les routes européennes, s’est solidifiée en Grande-Bretagne. En 1773, un acte du Parlement a même rendu la circulation à gauche obligatoire sur le pont de Londres. C’est l’un des premiers textes officiels à avoir réglementé la circulation. Et c’est cette tradition que le puissant Empire britannique a exportée partout dans le monde, d’où le volant à droite dans des pays comme l’Australie, la Nouvelle-Zélande ou l’Inde.

    Le vilain Napoléon

    Et la droite dans tout ça ? Et bien, l’histoire a voulu qu’un certain Napoléon Bonaparte, en quête de pouvoir et de conquêtes, soit un fan de la circulation à droite. Non pas pour des raisons de sécurité, mais plutôt pour se démarquer des coutumes britanniques. Avec ses conquêtes, la conduite à droite s’est répandue dans toute l’Europe continentale. Le continent s’est donc retrouvé avec deux systèmes de conduite !

    L’avènement de la voiture

    L’arrivée de l’automobile a un peu brouillé les pistes. Au début, les voitures avaient leur volant au milieu, puis à droite, pour que le conducteur puisse voir les bords de la route, notamment en Italie (comme la Lancia Astura en photo). C’est la Ford T qui a popularisé le volant à gauche, car elle était produite en masse aux États-Unis, un pays qui avait adopté la conduite à droite.

    Alors, la prochaine fois que vous croiserez une voiture avec un volant à droite, dites-vous que ce n’est pas une fantaisie, mais une tradition vieille de plusieurs siècles, née sur un champ de bataille !

  • Le jaune, une histoire qui roule à New York

    Le jaune, une histoire qui roule à New York

    Vous êtes-vous déjà demandé pourquoi, dans les films, à chaque fois qu’un taxi new-yorkais apparaît, il est jaune ? Ce n’est pas une coïncidence, mais une histoire pleine de rebondissements et de petites combines. Préparez-vous à un petit voyage dans le temps !

    Le drôle de docteur qui voulait de la couleur

    Imaginez le New York des années 1900. Des taxis, il y en a, mais ils sont de toutes les couleurs, créant un joyeux bazar où il est difficile de les repérer. C’est là qu’entre en scène John Hertz, un homme d’affaires un peu futé. Non, il n’était pas médecin, mais il a utilisé une étude scientifique qui a changé la donne !

    En 1907, le Dr. Henry J. Eysenck a mené une étude sur la visibilité des couleurs. La conclusion ? Le jaune est la couleur la plus visible de loin. Ni une, ni deux, Hertz saisit l’opportunité. En 1915, il fonde la Yellow Cab Company et, pour que tout le monde voie ses voitures de loin, il décide de les peindre en jaune. Un coup de génie marketing !

    L’âge d’or du jaune

    L’idée de Hertz est un succès instantané. Les passagers repèrent ses taxis de loin, et la concurrence est vite mise au tapis. D’autres compagnies imitent la couleur, jusqu’à ce que le jaune devienne un standard non-officiel. Ce qui était à la base une simple stratégie commerciale est devenu la marque de fabrique des taxis new-yorkais.

    Du standard au code officiel

    Le jaune est rapidement devenu une telle évidence que, dans les années 1960, la ville de New York a rendu la couleur obligatoire pour tous les taxis « médaillés », ceux qui ont le droit de prendre des clients dans la rue. Et depuis, cette règle n’a pas bougé d’un iota.

    Alors, la prochaine fois que vous croiserez un taxi jaune dans un film, vous saurez que c’est bien plus qu’une simple couleur. C’est un peu d’histoire, une pincée de science et une bonne dose de marketing !

    Et vous, quelle serait la couleur de votre flotte de taxis si vous pouviez choisir ?

  • Rolls-Royce Phantom à 100 ans : un siècle d’art en mouvement

    Rolls-Royce Phantom à 100 ans : un siècle d’art en mouvement

    En 2025, Rolls-Royce célèbre un anniversaire rare dans l’histoire automobile : le centenaire de la Phantom. Plus qu’un simple modèle, cette automobile incarne depuis un siècle le sommet du luxe britannique, mais aussi un pont inattendu entre l’ingénierie et les arts. De Salvador Dalí à Andy Warhol, de la peinture à la sculpture, en passant par la photographie et l’art contemporain, la Phantom n’a cessé de côtoyer les créateurs les plus influents du siècle.

    Chris Brownridge, directeur général de Rolls-Royce Motor Cars, résume cette relation privilégiée :
    « Depuis 100 ans, la Rolls-Royce Phantom évolue dans les mêmes cercles que les plus grands artistes du monde. Symbole d’expression personnelle, elle a souvent participé à des épisodes marquants de la création. Alors que nous fêtons son centenaire, il est temps de revenir sur cet héritage fascinant et sur les personnalités artistiques qui ont façonné son histoire. »

    Un siècle de connivence avec les artistes

    Depuis ses débuts, Rolls-Royce attire les figures majeures de l’art contemporain. Salvador Dalí, Andy Warhol, Henri Matisse, Pablo Picasso, Christian “Bébé” Bérard, Cecil Beaton… tous ont voyagé à bord de modèles de la marque. Dame Laura Knight, première femme admise comme membre à part entière de la Royal Academy of Arts, transforma même sa Rolls-Royce en atelier mobile, peignant depuis son habitacle sur les hippodromes d’Epsom et d’Ascot.

    Les plus grands collectionneurs ont également succombé à l’attrait du constructeur : Jacquelyn de Rothschild, Peggy Guggenheim ou Nelson Rockefeller faisaient partie des propriétaires.

    Mais c’est bien la Phantom, vaisseau amiral de la marque depuis 1925, qui incarne le plus étroitement cette alliance entre luxe et création. En huit générations, elle a été exposée comme une œuvre à part entière, des salles du Saatchi Gallery de Londres au Smithsonian Design Museum de New York, en passant par des galeries indépendantes aux quatre coins du monde.

    Dalí : des choux-fleurs à la Sorbonne

    Difficile d’évoquer le lien entre art et Phantom sans s’attarder sur Salvador Dalí. Le maître du surréalisme, jamais avare de mises en scène extravagantes, en fit un instrument de performance artistique.

    Hiver 1955, Paris. Invité à donner une conférence à la Sorbonne, Dalí décide de frapper fort. Il emprunte une Phantom noire et jaune et la remplit… de 500 kg de choux-fleurs. Après une traversée chaotique de la capitale, il se gare devant l’université, ouvre les portes et laisse dévaler cette avalanche potagère sur le pavé glacé de décembre. L’auditoire de 2 000 personnes se souvient-il de son exposé sur les aspects phénoménologiques de la méthode paranoïaque-critique ? Peu importe : l’entrée en scène restera légendaire.

    Ce n’était pas la seule apparition de la Phantom dans l’univers dalinien. En 1934, dans une illustration pour Les Chants de Maldoror, il représente la voiture figée dans un paysage glacé, image à la fois somptueuse et inquiétante, parfait résumé de sa capacité à marier opulence et absurdité.

    Warhol : le pop art sur quatre roues

    Dalí passait ses hivers à New York, au St Regis Hotel, où il croisa en 1965 un jeune artiste encore intimidé : Andy Warhol. Les deux hommes, que tout semblait destiner à se rencontrer, marquèrent chacun l’art de leur époque.

    Warhol, contrairement à Dalí, posséda sa propre Phantom : un modèle 1937 transformé en shooting brake à la fin des années 1940. Il l’acheta en 1972 à Zurich et la conserva jusqu’en 1978. Pour Rolls-Royce, cette histoire illustre à merveille la capacité de la Phantom à traverser les styles, du surréalisme au pop art.

    Charles Sykes et l’icône immuable

    La connexion entre Rolls-Royce et les arts remonte pourtant encore plus loin. Dès 1911, chaque voiture de la marque arbore la Spirit of Ecstasy, peut-être le plus célèbre emblème automobile au monde. Cette sculpture, née du talent de Charles Robinson Sykes, est directement inspirée par la fluidité et la vitesse ressenties à bord d’une Rolls-Royce.

    Sykes, artiste prolifique, travailla initialement pour la revue The Car Illustrated avant d’être sollicité par Claude Johnson, directeur commercial de la marque, pour réaliser des peintures et finalement imaginer un emblème officiel. Produite artisanalement jusqu’en 1948, la mascotte accompagna toutes les Phantom de l’époque, parfois moulée et finie de la main même de Sykes ou de sa fille Jo.

    Phantom, toile vierge et catalyseur

    En cent ans, la Phantom n’a pas seulement transporté les artistes, elle est devenue un support de création, un objet exposé, une icône réinterprétée. Du délire horticole de Dalí à la flamboyance pop de Warhol, en passant par l’élégance intemporelle de la Spirit of Ecstasy, elle a prouvé qu’une automobile pouvait transcender sa fonction première pour devenir un acteur à part entière de l’histoire de l’art.

    À l’aube de son deuxième siècle, la Phantom reste pour les créateurs une double promesse : celle d’un moyen d’expression personnel et intemporel, et celle d’un objet de contemplation chargé de sens.

  • Du Brésil au Japon, l’histoire aux mille noms de la Volkswagen Coccinelle

    Du Brésil au Japon, l’histoire aux mille noms de la Volkswagen Coccinelle

    La Volkswagen Coccinelle, avec ses lignes rondes et son charme indémodable, est bien plus qu’une simple voiture : c’est un phénomène culturel. Produite à plus de 21 millions d’exemplaires et vendue aux quatre coins du globe, elle a su s’intégrer à chaque culture et y a gagné une multitude de surnoms. Oubliez son appellation officielle, la « Type 1 », et plongez dans un voyage linguistique à travers le monde automobile !

    Le bestiaire à quatre roues

    Dans de nombreux pays, la voiture a hérité de noms d’insectes, en référence à sa forme arrondie et à son allure compacte.

    • Allemagne : Là où tout a commencé, elle est la « Käfer », qui signifie « scarabée » ou « cafard ». Un nom pas très glamour, mais qui fait écho à sa robustesse et à sa présence partout dans le pays.
    • États-Unis : Le nom « Beetle », qui signifie aussi « scarabée », a été popularisé par une campagne publicitaire ingénieuse. Aux États-Unis, la voiture a été un symbole de la contre-culture et de la simplicité.
    • France : La douceur de la langue française a transformé le « cafard » en une jolie « Coccinelle », un petit insecte rouge et noir, symbole de chance. Au Québec, on la surnomme aussi « Coccinelle » ou plus familièrement « Beetle ».
    • Italie : Ici, la voiture est la « Maggiolino », qui signifie « hanneton ». Un insecte qui, comme la Coccinelle, est perçu comme sympathique et inoffensif.
    • Espagne et Amérique du Sud : C’est un retour au scarabée, avec l’« Escarabajo » en Espagne, en Argentine et au Chili. Au Mexique, elle a même un nom plus affectueux, « Vocho » ou « Vochito ».

    Des noms plus exotiques

    Le charme de la Coccinelle a inspiré des noms plus originaux dans d’autres pays :

    • Brésil : Elle est la « Fusca », une abréviation du mot « Volkswagen ». Mais certains l’appellent aussi « Coléoptère », un terme plus général pour les insectes.
    • Norvège : En Norvège, son nom est « Boble », qui signifie « bulle », en référence à sa forme.
    • Thaïlande : Elle est la « Rod tao », qui se traduit par « voiture-tortue », un nom qui évoque sa lenteur supposée et sa forme.
    • Turquie : Le nom « Kaplumbağa », signifie également « tortue », preuve que sa silhouette a la capacité de créer des associations d’idées similaires, même à des milliers de kilomètres.

    La Volkswagen Coccinelle n’est pas seulement une voiture, c’est une légende vivante dont l’héritage se perpétue à travers des noms aussi variés et charmants que la voiture elle-même.

  • Nick Mason, la batterie dans le sang, l’huile dans les veines

    Nick Mason, la batterie dans le sang, l’huile dans les veines

    On le connaît comme le discret batteur de Pink Floyd. Mais Nick Mason est bien plus qu’un simple musicien de l’ombre. Depuis plus d’un demi-siècle, il conjugue deux passions avec une intensité rare : la musique psychédélique et la mécanique de compétition. À 80 ans passés, l’homme possède sans doute l’un des plus beaux garages privés d’Angleterre, où les Ferrari d’avant-guerre croisent des prototypes du Mans. Une collection à son image : exigeante, élégante et pétrie d’histoire.

    Un gentleman driver né à Birmingham

    Fils d’un réalisateur de documentaires automobiles — Bill Mason, caméraman régulier du RAC Tourist Trophy et du Grand Prix de Monaco dans les années 50 — Nick Mason baigne très jeune dans l’univers des circuits. Son père filme des épreuves, fréquente l’Auto Union de Neubauer et collectionne déjà des images de Type 35 ou de Bentley Blower à une époque où ces voitures ne sont pas encore considérées comme des trésors.

    Cette influence paternelle le marque à vie. Lorsque Mason fonde Pink Floyd avec Roger Waters et Syd Barrett à Londres au milieu des sixties, l’automobile n’est jamais bien loin. L’argent du succès ne tarde pas à tomber, et c’est vers Maranello que se tourne le premier gros achat du jeune batteur : une Ferrari 275 GTB. Elle deviendra la première d’une longue série.

    Une Ferrari 250 GTO dans le garage

    Nick Mason n’est pas un spéculateur, ni un conservateur de musée. C’est un pilote amateur au sens noble du terme. Il aime rouler. Fort. Il aime comprendre les mécaniques, sentir le mouvement des fluides, dompter les caprices des carburateurs. Il aime aussi partager.

    Au cœur de sa collection — qui regroupe une trentaine d’autos de compétition, toutes en état de marche — trône un joyau absolu : une Ferrari 250 GTO. Châssis n°3757GT. L’un des 36 exemplaires produits entre 1962 et 1964. Mason l’a achetée en 1977 pour 37 000 livres sterling, une somme déjà rondelette à l’époque mais qui ferait sourire aujourd’hui, tant la cote des GTO s’est envolée. Celle de Mason est estimée à plus de 50 millions d’euros. Elle est rouge, d’origine. Il l’a engagée à Goodwood, au Tour Auto, et même dans des courses historiques au Japon.

    Mais l’homme n’est pas dogmatique. Dans son garage, on trouve aussi une Bugatti Type 35B, une Maserati 250F, une McLaren F1 GTR à la livrée Gulf, ou encore une BRM V16, monstre sonore qu’il aime faire hurler devant des foules médusées.

    L’essence d’un style

    Ce qui distingue Nick Mason des autres collectionneurs, c’est sa fidélité à une certaine idée du style. Pas seulement esthétique, mais philosophique. Il entretient ses voitures, les fait rouler, les prête parfois. Il a monté sa propre structure, Ten Tenths (en référence à l’expression anglaise « to drive at ten-tenths », soit à 100 % de ses capacités), pour gérer et préparer ses autos. Il a aussi été fidèle pendant longtemps au même mécanicien, Neil Twyman, artisan londonien de la restauration haut de gamme.

    Sa passion ne s’est jamais limitée à l’Italie. Lorsqu’il parle de la Bentley Speed Six ou de l’Aston Martin Ulster, ses yeux brillent autant que lorsqu’il évoque sa Porsche 962. Il admire le génie des ingénieurs d’avant-guerre comme la brutalité raffinée des prototypes des années 80.

    Et surtout, Mason ne sépare jamais totalement sa passion automobile de son univers musical. Sa Ferrari 512 S a même servi dans le film Le Mans avec Steve McQueen. Le lien est organique.

    Le Mans, Silverstone et autres plaisirs

    Nick Mason n’a jamais visé la gloire en compétition, mais il a couru. Beaucoup. En endurance, essentiellement. Il a participé cinq fois aux 24 Heures du Mans entre 1979 et 1984, avec des Lola ou des Rondeau, toujours dans des équipes privées. Son meilleur résultat reste une 18e place au général, mais là n’était pas l’essentiel. Il voulait vivre l’expérience de l’intérieur, sentir le circuit au cœur de la nuit, dans les Hunaudières à fond, avec un V8 derrière l’épaule.

    Outre Le Mans, Mason s’est aligné à Silverstone, Brands Hatch, Spa, ou Daytona. Il est aussi l’un des fidèles du Goodwood Revival et du Festival of Speed, où il se plaît à monter dans ses autos pour des démonstrations plus ou moins sages, toujours élégantes.

    Un ambassadeur bienveillant

    En 2018, Nick Mason a franchi un nouveau pas dans le partage de sa passion en créant un groupe de rock revisitant les classiques de Pink Floyd, intitulé « Nick Mason’s Saucerful of Secrets ». Ce projet parallèle lui a permis de remonter sur scène tout en poursuivant ses activités automobiles.

    Il reste très présent dans la communauté des collectionneurs et pilotes historiques, intervenant dans des documentaires (notamment pour la BBC ou Channel 4), écrivant la préface de nombreux ouvrages ou apparaissant dans les paddocks avec un sourire franc et discret.

    Son livre Into the Red, publié en 1998 et réédité plusieurs fois depuis, est une déclaration d’amour aux voitures anciennes, coécrit avec Mark Hales. On y découvre l’histoire de chaque voiture de sa collection, mais aussi des impressions de conduite sincères, personnelles, sans fioritures.

    Un art de vivre britannique

    Nick Mason incarne une forme d’aristocratie informelle et bienveillante de l’automobile ancienne. Il n’est ni exubérant, ni austère. Juste passionné. Loin des clichés du collectionneur bling-bling ou du nostalgique crispé, il représente un art de vivre à l’anglaise, fait de tweed, de cuir patiné et de moteurs libérés.

    Et dans ce monde qui change, où la voiture ancienne est parfois perçue comme un anachronisme, il prouve que la passion automobile peut être intelligente, responsable et généreuse. Il ne roule pas pour épater, mais pour comprendre, pour ressentir, pour transmettre.

    Alors oui, entre deux reprises de Echoes, il peut bien démarrer une GTO à l’aube dans un paddock encore vide. Et ce son, profond et métallique, répond parfaitement à celui de sa caisse claire. Un écho. Une vibration. Une autre forme de rythme.

  • Le taxi au cinéma, ou quand la voiture devient théâtre de l’instant

    Le taxi au cinéma, ou quand la voiture devient théâtre de l’instant

    Il y a, au cinéma, un lieu sans murs, sans fenêtres, sans racines. Un espace en mouvement, né du trajet, de la transition d’un point à un autre. C’est le taxi. Comme tous les lieux de passage, il ne se définit que par ce qu’il relie. Il n’a pas de passé, pas d’avenir. Il ne possède que cet instant incertain où deux vies, croisées par hasard ou nécessité, partagent un même cap.

    Le taxi n’est pas qu’un moyen de transport. C’est un décor. Un microcosme narratif que les cinéastes exploitent avec une précision presque chirurgicale. Car tout y est comprimé : l’espace, le temps, les mots. Le récit devient plus dense, plus intime. Impossible de s’échapper ou de se distraire. Les paroles échangées dans cet habitacle étroit résonnent avec un poids qu’elles n’auraient pas ailleurs, étouffées dans le vacarme du quotidien. En taxi, on parle peu, mais on dit beaucoup.

    Le conducteur, lui, connaît la ville comme un livre qu’il relit chaque jour. Personnage paradoxal, il est omniprésent et pourtant en retrait. Il ne s’attarde nulle part. Satellite solitaire, il gravite autour d’une cité qui ne le reconnaît pas, mais qui se dévoile à lui, nuit après nuit, feu rouge après virage. Il observe tout, entend tout, parle peu. Dans son silence se concentre un savoir particulier : des bribes de vie, des confessions involontaires, des anecdotes inattendues.

    C’est pourquoi, au cinéma, le chauffeur de taxi devient une figure récurrente, à la fois discrète et puissante. Il est celui qui accompagne sans être accompagné, qui guide sans imposer, qui regarde sans juger. Un témoin sans voix, un spectateur sans scène – et, pour cela même, un formidable levier narratif.

    Dans un monde de plus en plus compartimenté, le taxi demeure l’un des derniers lieux de promiscuité obligée. Deux inconnus y partagent un espace clos, un temps défini, une direction imposée. Et c’est dans cette proximité non choisie que s’ouvrent des fissures. On y saisit parfois des vérités ténues, des répliques fugaces, aussitôt oubliées mais d’un poids équivalent à tout un film.

    Travis et les autres : les figures du chauffeur au cinéma

    L’un des portraits les plus iconiques de cette figure est sans doute celui de Travis Bickle dans Taxi Driver (1976). Sous la direction de Martin Scorsese, Robert De Niro campe un vétéran solitaire errant dans le New York des années 70, dévastée par la nuit, la violence et la corruption. Sa Checker Marathon devient une cellule de réclusion mobile, son habitacle un sanctuaire de paranoïa et de fureur purificatrice. Travis est le conducteur comme figure messianique, témoin muet qui, peu à peu, bascule dans la folie rédemptrice.

    À Rome, quelques années plus tard, Alberto Sordi propose un contrepoint tendre et désabusé avec Il tassinaro (1983). Il y campe un chauffeur romain, affable et goguenard, traversant une capitale en mutation, embarquant des passagers imaginaires ou bien réels – parmi lesquels un certain Federico Fellini. Une déclaration d’amour à l’Italie populaire, prise entre nostalgie et désenchantement.

    Le taxi, dans ces films, devient alors plus qu’un décor : un révélateur. Il projette sur ses vitres les mutations d’une société, les ombres d’une époque.

    Dans l’habitacle, un théâtre minimaliste

    Le langage du cinéma s’adapte à cet espace. Dans un taxi, la caméra est contrainte : elle observe de biais, se reflète dans un rétroviseur, capte des néons qui glissent sur la vitre. L’image est étroite, et c’est précisément cette contrainte qui crée de nouvelles possibilités narratives. Une posture, un soupir, une phrase suspendue suffisent à dire l’essentiel. Le taxi devient une scène d’écoute et d’attente. Un théâtre du non-événement, où pourtant tout peut arriver.

    C’est ce que sublime Jim Jarmusch dans Night on Earth (1991). Cinq villes, cinq chauffeurs, cinq passagers. Los Angeles, New York, Paris, Rome, Helsinki : cinq trajectoires nocturnes, saisies comme autant de petites tragédies ordinaires. Dans l’habitacle, les langues se délient, les regards se croisent, les histoires surgissent. Film d’atmosphère et d’instants suspendus, Night on Earth est un hommage au miracle fragile de l’interaction humaine.

    Quand le taxi devient métaphore

    Dans le cinéma d’Europe de l’Est, Taxi Blues (1990) de Pavel Lounguine offre une vision rude et poignante de la Russie post-soviétique. Un chauffeur bourru, un musicien bohème. Deux mondes inconciliables réunis par un trajet. Entre choc des cultures, tension sociale et utopie avortée, le taxi devient un champ de bataille miniature. Le film remporta le prix de la mise en scène à Cannes.

    Plus récemment, dans Collateral (2004), Michael Mann transforme le taxi en piège mental. Tom Cruise, tueur glacial, embarque Jamie Foxx, chauffeur ordinaire, dans une virée nocturne aux allures de cauchemar. La ville de Los Angeles se reflète sur les vitres, comme un mirage dangereux. À l’intérieur, le taxi devient cage, confessionnal, lieu de transformation brutale.

    Mais c’est peut-être Jafar Panahi qui, avec Taxi Téhéran (2015), pousse l’usage du taxi cinématographique à son paroxysme symbolique. Banni de faire du cinéma, le réalisateur iranien filme en cachette depuis l’habitacle de sa propre voiture. Chaque passager devient une voix du peuple, une parcelle de vérité. Le taxi se mue en manifeste politique, en geste de résistance, en éloge de l’humanité ordinaire.

    Le taxi, une figure menacée

    Aujourd’hui, le chauffeur de taxi persiste, dernier artisan d’un métier de proximité, ultime confident d’une ville qui change trop vite pour être comprise.

    Il n’est ni optimisé, ni efficient. Mais c’est précisément cela qui le rend précieux. Il peut encore surprendre. Il peut encore raconter. Il nous rappelle que le déplacement n’est pas qu’un besoin logistique, mais une expérience humaine, parfois existentielle.

    Le cinéma, inlassablement, revient à cette figure périphérique. Non pour ce qu’elle fait, mais pour ce qu’elle permet. Car le taxi, c’est le royaume du pendant. Ni le départ, ni l’arrivée. Juste ce moment suspendu, fragile et éphémère. Et c’est souvent là, dans cet interstice oublié, que le cinéma touche sa vérité la plus simple – et la plus profonde.