Rolls-Royce Phantom : cent ans au rythme de la musique

Il y a des voitures qui traversent l’histoire en silence, et d’autres qui l’écrivent en musique. Depuis cent ans, la Rolls-Royce Phantom est indissociable du monde artistique et en particulier de la scène musicale, des big bands de l’entre-deux-guerres aux stars du rap et du R&B contemporains. À travers huit générations et un siècle d’évolution, la Phantom s’est imposée non seulement comme le sommet de l’automobile de luxe, mais aussi comme une toile vierge où les musiciens les plus créatifs ont projeté leur identité.

« De l’âge d’or d’Hollywood à l’ascension du hip-hop, les artistes ont utilisé la Phantom pour affirmer leur personnalité et bousculer les conventions. Leurs voitures sont devenues des icônes à part entière », résume Chris Brownridge, directeur général de Rolls-Royce Motor Cars. L’histoire de la Phantom se lit donc comme une discographie parallèle, où chaque génération trouve son rythme et ses musiciens.

Des premières notes à Hollywood

Bien avant que le rock ou le rap ne s’approprient le mythe Rolls-Royce, les pionniers du jazz et de la chanson avaient déjà adopté la Phantom comme symbole d’élégance et de réussite. Duke Ellington, Fred Astaire, Count Basie, Ravi Shankar, Édith Piaf ou encore Sam Cooke ont tous roulé dans une Rolls, inscrivant la marque dans l’imaginaire collectif comme le véhicule ultime des artistes.

En 1930, Marlene Dietrich débarque à Hollywood auréolée de son rôle dans L’Ange bleu. Paramount lui offre alors une Phantom I verte pour son arrivée sur le tournage de Morocco. Plus qu’un simple moyen de transport, la voiture devient un personnage de cinéma, immortalisé dans les dernières scènes du film et ses photos promotionnelles. Déjà, la Phantom s’impose comme un prolongement de la mise en scène.

Rock ‘n’ roll et extravagance

Dans les années 1950 et 1960, le rock transforme la Phantom en instrument de liberté. Elvis Presley, au sommet de sa carrière, commande en 1963 une Phantom V Midnight Blue truffée de détails sur mesure : micro embarqué, bloc-notes intégré à l’accoudoir, miroir et brosse à vêtements. Anecdote savoureuse : la carrosserie miroitante attire les poules de sa mère, qui picorent frénétiquement leur reflet. Pour éviter les éclats, Elvis finit par faire repeindre sa voiture en bleu clair métallisé.

John Lennon va encore plus loin. En 1964, il s’offre une Phantom V noire intégrale, équipée d’un bar et d’une télévision. Trois ans plus tard, à l’heure de Sgt Pepper’s, il fait repeindre la voiture en jaune éclatant, décorée de motifs psychédéliques peints à la main. Pour les jeunes, c’est l’incarnation de l’« été de l’amour » ; pour les conservateurs, un sacrilège. Lorsqu’elle est vendue en 1985, cette Phantom devient la pièce de rock memorabilia la plus chère de l’histoire, adjugée plus de 2,2 millions de dollars. Lennon possédera aussi une autre Phantom V, entièrement blanche, en accord avec son esthétique minimaliste des années Yoko Ono, équipée d’un tourne-disque, d’un téléphone et d’un téléviseur.

Extravagances et showmanship

La Phantom attire aussi ceux qui ont fait de la démesure une signature. Liberace, pianiste flamboyant surnommé « Mr Showmanship », fit recouvrir sa Phantom V de milliers de miroirs pour en faire un accessoire de scène. Plus tard, Elton John – grand admirateur de Liberace – suivra la même voie. Dans les années 1970, il multiplie les Phantoms personnalisées : une Phantom VI avec installation audio si puissante que la lunette arrière devait être renforcée, une Phantom bicolore rose et blanche offerte à son percussionniste Ray Cooper… Cette dernière fera même un retour en musique en 2020, lorsque Damon Albarn et Gorillaz invitent Elton John sur le morceau The Pink Phantom.

Les mythes du rock

Le nom de Rolls-Royce est aussi associé aux excès les plus célèbres du rock. Keith Moon, batteur des Who, est censé avoir précipité une Rolls-Royce dans la piscine d’un hôtel lors de son 21ᵉ anniversaire. La véracité de l’anecdote reste floue, mais la légende est si puissante qu’elle fait désormais partie intégrante de l’imagerie rock. Pour marquer le centenaire de la Phantom, Rolls-Royce a d’ailleurs recréé la scène en immergeant une coque de Phantom à la piscine Art déco de Tinside Lido, à Plymouth, un lieu immortalisé par les Beatles en 1967 lors du tournage de Magical Mystery Tour.

Du rap aux étoiles

Avec l’essor du hip-hop, la Phantom a trouvé un nouvel écho. Depuis le début des années 2000, la marque est devenue la plus citée dans les paroles de chansons. Pharrell Williams et Snoop Dogg installent une Phantom VII dans le clip de Drop It Like It’s Hot en 2004, Lil Wayne en met une sur la pochette de Tha Carter II, tandis que 50 Cent immortalise son cabriolet Phantom Drophead Coupé dans la série Entourage. Plus qu’un simple objet de luxe, la Rolls devient symbole de réussite et instrument de narration.

Un détail de design est devenu culte : le Starlight Headliner, ciel de toit constellé de fibres optiques, largement repris dans les lyrics sous l’expression « stars in the roof ». Preuve que, dans la culture urbaine, la Phantom n’est pas seulement une voiture : c’est un univers en soi.

Une icône qui joue toujours

Cent ans après sa naissance, la Phantom conserve une place unique dans l’histoire de la musique. Du jazz aux beats du hip-hop, elle a traversé les genres et les époques, toujours choisie par ceux qui voulaient marquer leur temps. Plus qu’une automobile, elle est un symbole : celui du succès, de la créativité et de l’expression personnelle.

Alors que la Phantom entame son deuxième siècle, elle reste fidèle à cette mission : incarner le luxe absolu, tout en offrant à ceux qui l’adoptent un espace d’expression. Une Rolls-Royce ne se contente pas de transporter ; elle raconte une histoire. Et quand il s’agit de Phantom, cette histoire est souvent musicale.