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  • L’Alliance Renault à la conquête de l’Amérique

    L’Alliance Renault à la conquête de l’Amérique

    Pour la première fois, un nouveau modèle est lancé simultanément en France et aux Etats-Unis. Seul le nom change. Nous sommes en novembre 1977. Chez nous, elle s’appelle Simca Horizon. En Amérique du Nord, ce sont des Dodge Omni et des Plymouth Horizon… Le tout sous la direction de Chrysler Corporation. Voilà l’exemple que va suivre Renault quelques années plus tard.

    L’idée Horizon n’est pas vraiment une première. L’Austin Bantam avait déjà tenté l’aventure, sans marquer l’histoire. La Simca Horizon est réellement conçue en Europe comme une voiture globale. Depuis le début, elle est pensée pour conquérir l’Amérique. La technique est signée Poissy, la ligne est dessinée à Coventry, mais surtout : tout est savamment orchestré pour que ce modèle soit adapté aux exigences du Vieux Continent comme aux règles d’urbanisme et à la législation du Nouveau Monde.

    La Régie Renault avait déjà tenté ce pari fou en 1956 sous l’impulsion de Robert Lamaison. Avec l’arrivée de la Dauphine, il réorganise le réseau commercial américain. Quinze distributeurs régionaux et 400 agents sont mis en place avec l’objectif de vendre 25 000 voitures en 1957. Le 22 mai 1957, Renault inaugure même un hall d’exposition sur Park Avenue, en plein New York !

    Cette année-là, Renault exporte 33 000 Dauphine. C’est un succès. Une campagne de publicité vente la maniabilité et le chic parisien… Mais un coup d’arrêt terrible vient freiner l’expansion de la Dauphine aux Etats-Unis : Robert Lamaison meurt dans un accident d’avion en novembre 1957.

    Sa connaissance du marché manque. Les Liberty Ships continuent pourtant d’envoyer des Dauphine puis des 4 CV en doublant le rythme chaque année. En 1959, 117 000 véhicules débarquent. Les marques américaines lancent enfin des berlines compactes et le marché entre en récession. Aux Etats-Unis, Renault impose des quotas à ses agents. En 1961, ils n’écoulent que 61 000 voitures. Les Ford Falcon, Chevrolet Corvair ou AMC Rambler sont intouchables.

    Un étudiant de la Columbia University prédit les problèmes du Losange sur ce marché si compliqué. Il s’appelle Bernard Hanon… Les usines américaines réduisent leur production. « Par chance », 5 000 voitures sont détruites par des catastrophes naturelles. Mais 40 000 exemplaires restent sur les parkings, en attente des clients. Les prix sont réduits de 30 à 40 %… De conquête réussie, le projet se transforme en échec.

    Quinze ans plus tard, Renault se relance. La R5 est envoyée sous le nom « Le Car ». Une poignée de francophiles sont séduits. Mais c’est l’association avec American Motors qui va donner un nouveau coup de fouet à l’initiative.

    La Régie avait travaillé avec American Motors pour diffuser des Rambler en France entre 1962 et 1967. Le 10 janvier 1979, un nouveau contrat est signé. Un an plus tard, Renault achète 46,6 % d’AMC, alors propriétaire de Jeep. Tout s’enchaine. Bernard Vernier-Palliez quitte la présidence de Renault pour devenir ambassadeur de France aux Etats-Unis et Bernard Hanon lui succède !

    La Renault 9 devient Renault Alliance

    En juin 1982, la Renault 9 est transformée en Alliance avec des teintes, des chromes et des finitions bien plus travaillées qu’en France. Renault rêve d’en vendre 100 000 par an. L’objectif est atteint avec trois mois d’avance ! En 1984, l’usine de Kenosha dans le Wisconsin produit ses 100 000 unités en un semestre.

    Quand Renault peine dans un marché européen moribond, la marque réussit encore sa conquête américaine menée avec intelligence… En avance sur les Japonais et les Coréens. Sauf que l’histoire ne durera pas autant que celle des asiatiques.

  • Le missile Facel Vega

    Le missile Facel Vega

    Les Trente Glorieuses permettent de relever le pays après la Seconde Guerre mondiale. À partir de 1955, la France passe à la production de masse et devient un leader de l’industrie automobile européenne… Mais le haut de gamme disparait complètement. Et l’aventure Facel Vega s’éteint rapidement.

    Citroën, Peugeot, Renault et Simca profitent de l’accession du plus grand nombre à la consommation automobile. Panhard est racheté par Citroën et Facel Vega vend ses premières voitures. Mais tout va mal pour d’autres. Talbot Lago coule et se fait absorber par Simca. Hotchkiss renonce à la production d’automobiles pour se consacrer aux Jeep et aux utilitaires.

    Le très haut de gamme français, référence de l’entre-deux guerres, n’existe plus. La DS emportera tout sur son passage…

    Pourtant, Jean Daninos y croit. Il crée Facel et conçoit, puis réalise la Ford Comète. D’abord équipée du moteur 2,2 litres 66 chevaux de la Vedette, elle reçoit un V8 de 2,3 litres 68 chevaux en 1952, puis un 3,9 litres 105 chevaux pour la version Monte-Carlo. Malgré son gros moteur, elle n’atteint que 150 km/h en vitesse de pointe. Chère et trop peu performante, la Comète Monte-Carlo est abandonnée en 1955. Cette décision ouvre la voie à la production de la Facel-Vega.

    D’abord carrossier, Jean Daninos comprend que les dessins sur-mesure sont trop artisanaux et onéreux pour la nouvelle industrie automobile. Saoutchik, Franay et d’autres continuent d’œuvrer pour une poignée de très riches collectionneurs. Mais l’avenir n’est plus là.

    Jean Daninos est le frère de Pierre, écrivain devenu célèbre lors de la publication des Carnets du Major Thompson. Il entame sa carrière à 22 ans dans l’atelier carrosserie de Citroën. Et lorsque Michelin prend le contrôle du quai de Javel, il change de voie et s’intéresse à l’industrie aéronautique.

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    Durant la guerre, il fonde la société des Forges et Ateliers de Constructions d’Eure-et-Loir (FACEL). Son usine produit des gazogènes jusqu’à la Libération. Enfin, il peut revenir à l’automobile en 1946. Panhard lui confie la production de sa petite Dyna et une association avec Métallon lui ouvre les portes de Simca. Durant plusieurs années, Facel-Métallon assemble les coupés et les cabriolets dérivés de l’Aronde, d’abord selon les traits de Farina, puis selon son propre dessin.

    Daninos est un artiste. Il avait tenté de donner vie à une Traction cabriolet pour Citroën avant de créer un coupé Bentley avec Pininfarina. Mais les Simca Sport et les Ford Comète ne sont qu’une étape…

    Au salon 1954, il redonne à la France une marque de prestige : Facel-Vega. Une étoile est née. Présentée comme une marque d’avant-garde très française, la Facel-Vega repose sur un V8 Chrysler. Qu’importe, il fallait un vrai moulin au niveau de ce nouveau fleuron de l’industrie française.

    Le châssis est inédit avec une suspension développée spécifiquement et des longerons tubulaires. En 1959, le coupé devient HK 500. Son moteur 5,9 litres de 360 chevaux le propulse à 240 km/h !

    Une berline est en dérivée avec un habitacle sans pilier central. Les portes s’ouvrent en sens inverse. Tout au long des 5,23 mètres, l’Excellence affiche son hyper-luxe dans la lignée des Hispano K6 et Delage D8… Surtout, elle coûte quatre fois le prix d’une Citroën DS 19. 200 exemplaires sortent de la chaine d’assemblage.

    L’initiative est un succès. Facel-Vega trouve son public, tant en France qu’à l’étranger. En 1958, Jean Daninos tente de démocratiser davantage sa marque avec la Facellia. Il choisit un 1600 cm3 Pont-à-Mousson. Mais les premiers moteurs sont fragiles et la réputation de la marque est largement entachée. La marque ne s’en remettra pas malgré la Facel II. L’usine ferme ses portes en 1964 quand le Ministère des Finances plonge la marque vers sa perte. 3 033 Facel-Vega ont été produites.

  • Gilles Villeneuve : le Petit Prince

    Gilles Villeneuve : le Petit Prince

    Soixante-sept Grands Prix, deux pole positions, treize podiums et six victoires. Pas le moindre titre. Le palmarès de Gilles Villeneuve est trop mince, autant que sa carrière terminée à Zolder à seulement 32 ans.

    Une carrière se joue souvent à un petit rien. Une rencontre. Celle de Gilles Villeneuve n’aurait certainement jamais dû passer par la F1. Le jeune Canadien n’a pas suffisamment de ressources financières pour accéder au plus haut niveau. Il débute sur des épreuves de dragsters aux commandes de sa propre Ford Mustang avant de devenir pilote professionnel de motoneige jusqu’à décrocher un titre de Champion du Monde de la spécialité en 1974.

    Ses gains lui permettent d’aller en monoplace. Il évolue en Formule Atlantic et fait même une apparition au Grand Prix de Pau en F2… Le destin frappe en 1976. Quelques pilotes étrangers viennent disputer une manche de Formule Atlantic sur le circuit de Trois-Rivières. En route vers le titre, avec un style offensif déjà largement développé, Gilles Villeneuve s’impose devant Alan Jones (futur Champion du Monde de F1), James Hunt (titré en F1 cette année-là), Vittorio Brabilla (titulaire en F1 chez Beta et déjà vainqueur en Formule Atlantic), Bobby Rahal (bientôt trois fois Champion de CART), Patrick Tambay et Hector Rebaque (deux futurs pilotes de F1).

    Il se dit que cette course extraordinaire lui a ouvert les portes de la F1. De retour en Europe, James Hunt trouve Teddy Mayer, responsable de l’écurie McLaren, pour lui recommander ce jeune Canadien.

    Quelques mois plus tard, Teddy Mayer propose effectivement un premier test à Gilles Villeneuve. Un contrat est signé pour un maximum de cinq courses. Pour le Grand Prix de Grande-Bretagne 1977 – le premier de Renault avec son inédit moteur turbo – McLaren engage cinq monoplaces à moteur Ford, dont une ancienne M23 pour le débutant canadien.

    Contraint de passer par les préqualifications du mercredi, il signe le meilleur temps devant Patrick Tambay, Jean-Pierre Jarier et Brett Lunger… Il passe encore les qualifications, quand Emilio de Villota – avec une autre McLaren – termine son week-end prématurément.

    Qualifié en neuvième position, Gilles Villeneuve dévoile son style au monde de la F1. Et tandis que Jean-Pierre Jabouille casse un premier turbo en course et que James Hunt s’impose avec sa McLaren devant Niki Lauda en Ferrari, Gilles Villeneuve décroche la neuvième place.

    L’histoire aurait pu s’arrêter là, après un premier Grand Prix réussi.

    Dans le Times, sa course est résumée ainsi : « Ceux qui cherchent un futur Champion du Monde n’ont pas à chercher plus loin que chez ce jeune pilote plein d’assurance. »

    Pourtant, Teddy Mayer ne fait plus rouler Villeneuve et ne lui propose aucun contrat pour la saison 1978. Il lui préfère Patrick Tambay qu’il considère comme « moins cher » et dont le potentiel est équivalent.

    Là, chacun possède son histoire. Ils sont plusieurs poignés à avoir glissé un mot à Enzo Ferrari à propos de Gilles Villeneuve. Beaucoup s’approprient un tête-à-tête décisif avec le Commendatore pour faire signer le Canadien.

    Ce qui est sûr, c’est que le patron de Maranello a pris sous son aile un pilote au palmarès long comme un Grand Prix. Une situation pour le moins inhabituelle chez Ferrari.

    « Quand ils m’ont présenté ce petit Canadien, cette minuscule boule de nerfs, j’ai immédiatement reconnu en lui le physique de Nuvolari et je me suis dit qu’il fallait lui donner sa chance », racontait plus tard Enzo Ferrari.

    Une séance d’essais est rapidement organisée à Fiorani. Villeneuve n’aurait pas été bon. Plusieurs erreurs et des temps loin d’être significatifs… Pourtant, tout est déjà prêt : il signe pour deux Grands Prix en 1977 et la saison 1978.

    Chez les Rouges, Niki Lauda et la Scuderia ne s’entendent plus. Depuis que Carlos Reutemann est son équipier, l’Autrichien se plaint de la pression qui lui est mise et il annonce son arrivée chez Brabham pour la saison suivante… En piste, il reste pourtant la référence. Sa régularité lui permet de décrocher le titre à Watkins Glen. Objectif atteint après 15 des 17 manches du calendrier, et face à l’engagement de Gilles Villeneuve sur une troisième Ferrari au Canada, Niki Lauda proclame son départ prématuré.

    Villeneuve arrive donc dans une équipe qui a l’assurance de décrocher les deux titres avant même les deux dernières courses, mais avec une ambiance particulièrement lourde.

    À Mosport, le Canadien entame son week-end en sortant de la piste en qualifications. 17e sur la grille, il revient au huitième rang avant de faire en tête-à-queue dans le 72e tour. Il repart 10e. Quatre tours plus tard, Andretti casse son moteur et répand dans l’huile sur la piste. Patrese, Brambilla, Ongais et enfin Villeneuve sont pris au piège. Et si Villeneuve parvient à ne rien heurter, sa transmission casse.

    Au Japon, Gilles Villeneuve ne se qualifie qu’au 20e rang à Fuji. Au bout de cinq tours, un contact avec la Tyrrell P34 de Ronnie Peterson envoie les deux monoplaces hors-piste. Un commissaire et un photographe – placés dans une zone interdite – sont tués par les débris.

    « Si on m’avait proposé trois vœux, mon premier aurait été de faire de la course, mon deuxième d’être en F1 et mon troisième aurait été d’être chez Ferrari. »

    La saison 1978 débute mal. Le Canadien entre une fois dans les points sur les onze premiers Grands Prix. La presse italienne se déchaine et demande son remplacement. Pendant que Reutemann se bat pour le titre mondial, Villeneuve navigue autour de la quinzième place. Enfin, il décroche un premier podium en Autriche et s’impose lors de l’ultime course de la saison, à Montréal, sur le circuit qui portera son nom.

    C’est un déclic. En 1979, Carlos Reutemann quitte Ferrari pour rejoindre Lotus et le Sud-Africain Jody Scheckter arrive aux côtés de Gilles Villeneuve. Malgré Alan Jones et Jacques Laffite, Ferrari domine la saison. À Monza, Scheckter peut décrocher le titre mondial. Au sein de la Scuderia, un accord est passé : les deux pilotes peuvent défendre leurs chances durant les deux premiers tiers de la course. Ensuite, les positions seront figées. Le Sud-Af part en tête, Villeneuve le harcèle jusqu’au 33e des 50 tours. Puis, il le laisse s’imposer, pour respecter la parole donnée avant le départ.

    L’hiver se passe parfaitement. Les bookmakers britanniques placent Villeneuve en large favori pour décrocher le titre mondial. La saison 1980 est pourtant un désastre. La Ferrari ne profite pas de l’effet de sol développé par d’autres écuries. Villeneuve décroche deux cinquièmes et deux sixièmes places. Il termine quatorzième du championnat. Scheckter fait pire et annonce sa retraite.

    De ces années faites de hauts et de bas, un lien filial se tisse entre Gilles Villeneuve et Enzo Ferrari. Le Canadien fait figure d’intouchable.

    Profondément attaché à son pays, Enzo Ferrari pouvait offrir toute sa confiance à un étranger, tant qu’il montrait une pointe de Garibaldi – père de la nation italienne – dans ses gènes.

    Ceux qui ont connu Villeneuve diront qu’il n’avait rien de facile. Il détestait que sa Ferrari le lâche. C’était un attaquant généreux, bourré de talent, qui ne supportait pas la trahison de la mécanique. Pourtant, il massacrait ses voitures et collectionnait les tête-à-queue. Loin des circuits, on le voyait en Ford Bronco, en FIAT 124 Spider ou en Ferrari 328, sur son bateau ou dans son hélicoptère…

    1981. Ferrari possède enfin un moteur turbo et Gilles Villeneuve choisit un numéro qui marquera l’histoire : le 27. C’est une formule magique. Le titre ne sera pas au bout, encore une fois. Mais à Monaco, le Canadien est à l’œuvre. Le temps de réponse des turbos est insolent. Le pilote appuie sur la pédale. L’énorme puissance arrive plus tard. Là où la souplesse est un gage de sécurité, la mécanique des F1 modernes est un piège.

    Qualifié sur la deuxième ligne de la grille de départ, Gilles Villeneuve doit patienter ce dimanche après-midi. Une fuite d’eau dans l’hôtel du Loews noie l’entrée du tunnel. Nelson Piquet s’envole au départ avec sa Brabham BT49C à moteur atmosphérique. Derrière, Villeneuve est en délicatesse avec ses freins. Il laisse passer Alan Jones en Williams FW07, elle aussi avec le V8 DFV.

    Après les freins, les pneus de la Ferrari donnent des signes de faiblesse. Dans les rues de Monaco, qu’il habite toute l’année, Villeneuve fait danser sa F1. Les sorties de virages sont marquées par des petites glissades. Chaque coup d’accélérateur sur les grosses roues arrière est compensé par un contre-braquage des petites roues avant. La Ferrari est au-dessus de l’asphalte. Gilles Villeneuve est un magicien. Nelson Piquet sort, Alan Jones casse. La Ferrari passe et gagne. Un moteur turbo gagne pour la première fois à Monaco. Et seul Gilles Villeneuve pouvait le faire en 1981.

    Il remporte encore le Grand Prix suivant à Jarama. La suite sera plus compliquée avec cinq abandons et une disqualification en huit courses. 1982 commence de la même façon… Jusqu’à Zolder.

  • Linas-Montlhéry : le temple

    Linas-Montlhéry : le temple

    Depuis des années, la Grande-Bretagne avait Brooklands, les Etats-Unis avaient Indianapolis. L’Allemagne venait d’ouvrir l’Avus et l’Italie découvrait Monza. La France était en retard dans la construction d’un autodrome moderne. Heureusement, Alexandre Lamblin était là.

    Alexandre Lamblin est industriel et homme de presse. En 1924, il décide d’assumer seul – avec sa fortune personnelle – la création d’une « cité de l’automobile et du sport ». Il achète 650 hectares, deux châteaux et deux fermes sur la commune de Linas, à l’ombre de la tour de Montlhéry.

    Paul Bablot avait bien donné naissance à un circuit à Miramas (aujourd’hui propriété de BMW). Mais il manquait quelque chose. En région parisienne, beaucoup de projets sont nés : Buc, Issy-les-Moulineaux, Montmorency, Vincennes… Sans qu’aucun ne voie le jour.

    Il fallait un moteur et de l’argent. Lamblin était les deux. Son immense carrure, l’équilibre de son crâne lisse et de sa puissance barbe, son accent roubaisien s’imposaient. Sa fortune venait de la construction de radiateurs pour moteurs d’avion. Pour vivre sa passion du sport automobile de plus près, il venait de créer L’Aéro-Sport, un journal en grande partie écrit par des pilotes.

    Lors d’une réunion de rédaction, le thème des autodromes est mis sur la table… André Major, se rappelle de la scène dans un article de 1935 : « Lamblin, qui, à l’époque, n’avait de sa vie vu une course d’automobiles ou un autodrome, décida sur-le-champ de doter la France d’une cuvette où dame Vitesse pût dignement satisfaire à ses besoins. »

    Raymond Jamin, alors présent, profite de la nouvelle lubie du patron. Il se met en quête d’un terrain qu’il trouve à 21 kilomètres de Paris. Lamblin dit oui à tout. Autant passionné que spéculateur, il s’apprête à dépenser sans compter, sûr que sa fortune est là.

    Illustration wikipedia

    Dans L’Aéro, j’ai retrouvé les explications de l’ingénieur : « Supposons la piste entière, d’un développement de 2 500 mètres environ à la corde : Elle offre l’aspect général de deux immenses virages relevés, raccordés par deux courtes lignes droites de 180 mètres. Mais ces lignes droites ne se raccordent point directement à des virages circulaires : au fur et à mesure que le virage se révèle, la courbe du virage s’accentue, selon une forme parabolique. Ce n’est que sur un tiers environ du virage que la courbure est régulièrement circulaire (250 mètres de rayon) pour redevenir parabolique et se raccorder idéalement avec la ligne droite opposée. Ceci pour le seul plan horizontal. La piste elle-même en section a été conçue pour qu’un mobile trouve automatiquement sa position d’équilibre pour une vitesse donnée. »

    Parole d’ingé : la piste est dessinée avec quatre quarts rigoureusement identiques en surface, dessin et profil.

    La première pierre est posée en février 1924. Seulement sept mois plus tard, l’anneau dessiné par Jamin est inauguré. L’œuvre est exceptionnelle. 50 000 m2 ont dû être recouverts manuellement, à la truelle. 1 000 tonnes d’acier, 8 000 m3 de béton et 3 300 poteaux croisillonés par 7 000 éléments préfabriqués entraient dans la composition de la piste de vitesse longue de 2 584,240 mètres.

    L’autodrome de Linas-Montlhéry ouvre en octobre 1924

    Début octobre 1924, le premier meeting est organisé. Des motos et des autos se succèdent sur la piste. Sur un tour, un premier record est établi à 211,264 km/h. Des Talbot signent un triplé sur la course de 300 km et une Salmson gagne celle de 200 km. Mais ce qui reste dans les mémoires des spectateurs est l’embouteillage énorme qui se forme aux abords du circuit.

    Dès que l’anneau est inauguré, Alexandre Lamblin ouvre un nouveau chantier. Il fait construire un circuit de 12,5 km avec l’espoir d’y organiser le Grand Prix de l’ACF. Il dépense encore 12 millions de francs. Le 19 juillet, les 3 000 ouvriers peuvent assister au premier Grand Prix.

    Illustration wikipedia

    Dès 1925 et encore en 1927, le Grand Prix se déroule à Montlhéry. L’anneau de vitesse n’était qu’un premier prétexte, le circuit qui accueille le GP n’était qu’un coup de pub. L’un de ses collaborateurs affirme que ce sont les débuts de « Lamblinville, la cité des sports ». Sur le domaine de Saint-Eutrope, on imaginait un golf, des terrains de tennis, un centre d’entraînement pour les athlètes, des stades de football et de rugby…

    Mais les différentes courses, les tentatives de record et les essais ne parviennent pas à atteindre un niveau de rentabilité suffisant. Le 13 janvier 1928, Alexandre Lamblin est déclaré en faillite.

    En 1930, il tombe gravement malade et se trouve est obligé de liquider son journal Le Sport (évolution de L’Aéro-Sports). Le 18 octobre 1932, son usine est mise en faillite. Lamblin décède à 48 ans, en 1933, ruiné et dans l’anonymat… Mais l’Autodrome de Linas Montlhéry lui a survécu. Il fêtera son centenaire en 2024 !

  • Une fée s’occupe de votre voiture

    Une fée s’occupe de votre voiture

    Vous êtes allergique à la voiture électrique ? Pourtant, la fée électricité vous est indispensable lorsque vous voulez vous déplacer avec n’importe quel véhicule.

    La première batterie, un accumulateur au plomb, est inventée par Gaston Planté en 1859. Originaire d’Orthez, il fait ses classes au Conservatoire des Arts et Métiers. Planté découvre les premiers fossiles d’un oiseau préhistorique non volant qui est nommé d’après son nom « Gastornis parisiensis ». S’il n’est que l’assistance d’Edmond Becquerel, sa renommée grandit dans la communauté scientifique.

    Mais c’est lorsqu’il s’intéresse à l’électricité qu’il devient un inventeur de génie. Il met au point l’accumulateur plomb/acide. Grâce à un rouleau spiralé de deux feuilles de plomb pur séparées d’un tissu de lin plongé dans une solution d’acide sulfurique contenue dans des cuves de verre. En 1860, il présente une batterie rechargeable de neuf cellules. Ses recherches lancent la carrière de plusieurs petits constructeurs qui misent alors sur la voiture électrique. En 1899, la Jamais contente devient le premier véhicule à atteindre plus de 100 km/h !

    La masse des batteries et les problèmes d’autonomie bloquent le développement du véhicule électrique. Pourtant, la batterie ne quittera plus jamais l’automobile.

    Désormais, la batterie d’auto est sans entretien. Les cosses sont traitées anti-sulfatage, les plaques sont au plomb-calcium. Il n’y a plus de besoin de refaire le niveau de liquide.

    Les batteries constituent aujourd’hui la principale utilisation du plomb. Cette technique simple et robuste s’avère très compétitive et constitue toujours la principale technique pour démarrer une voiture.

    La batterie au plomb est l’une des technologies qui possèdent la plus faible énergie massique : 35 Wh/kg. Mais elle est capable de fournir un courant crête de grande intensité, utile pour le démarrage électrique des moteurs. Elle présente aussi l’avantage de ne pas être sensible à l’effet mémoire.

    La consommation électrique du véhicule s’exprime en ampère-heure (quantité d’électricité traversant une section d’un conducteur parcouru par un courant d’intensité de 1 ampère pendant 1 heure en Ah) et la puissance au démarrage est exprimée en Ampère (A).

    Ne pas confondre la batterie au plomb qui sert à alimenter les accessoires d’un véhicule et une éventuelle batterie lithium-ion d’un véhicule électrique.

  • Essai Ferrari GTC4Lusso T : PowerPoint

    Essai Ferrari GTC4Lusso T : PowerPoint

    Avais-je été douché par mon essai de la Rolls-Royce Wraith ? Une voiture tout à fait exceptionnelle, mais loin de l’image que je me faisais d’une pièce de musée… Cette Ferrari GTC4Lusso T, je n’allais pas en tomber amoureux. Quatre roues, un moteur, un volant, comme toutes les autres.

    La journée se termine au bord d’une piscine de Toscane. La fameuse « nouvelle » Ferrari est à quelques mètres. Je me contrôle. Je ne vais pas en tomber amoureux… Mais comme je suis là pour l’essayer, autant ne pas perdre un seul instant !

    Je saisis la poignée, j’ouvre, je m’installe, je souris. Je me déteste. Pourquoi n’ai-je pas travaillé depuis que je suis tout petit pour aller vivre à Maranello et « faire » des Ferrari ?

    La situation est assez compliquée. Je ne veux plus sortir ! Tant que l’on nous ne demandera pas de quitter les lieux, tant qu’il restera un semblant de lumière et de musique, je peux rester. Et là, je fais face à moi-même : celui qui a raté sa vie pour ne pas avoir compris, dès son plus jeune âge, qu’il aurait dû travailler, travailler encore pour devenir chef de produit Ferrari.

    Chef de produit ? Quelle drôle d’idée ! Je travaille dans la communication, j’aime la communication, je veux de la communication. Mais là, assis dans le baquet d’une GTC4Lusso T, je regrettais de ne pas être son « genitore ». Je me voyais déjà dans un monde parallèle, dix ans de moins, débarquer à Maranello comme un gamin pour imaginer la prochaine Ferrari. Celle qui serait encore mieux que la précédente, quand d’autres se demanderaient encore si ça pouvait être possible.

    Ma famille vient de Murano. Même si on est loin – très loin – de l’ambiance de la Motor Valley, on est en Italie. Et en Italie, on a des petites choses sacrées. Quand ça touche à la Squadra Azzura ou à la Scuderia Ferrari, on entre dans une certaine démence. Un premier exemple ? Pas la peine d’imaginer supporter Senna, surtout lors de la signature d’Alain Prost pour piloter la 641 ! Senna, Villeneuve, Hakkinen, même combat. Un autre ? Je n’ai pas le moindre souvenir du but de Tardelli en finale de la Coupe du Monde 1982, mais j’imite la scène mieux que quiconque.

    Ce n’est pas la première fois que j’essaie une Ferrari. J’avais déjà eu la chance de rouler en 458 Speciale au Mans. Déjà, je m’étais dit que j’étais dans la meilleure voiture du monde. En la rendant, je voulais presque m’assurer que plus personne n’allait plus la conduire et qu’elle allait entrer au musée…

    Là, le chantier est bien différent. Ferrari n’avait pas « voiture de rêve » inscrit en première ligne du cahier des charges. Bienvenue dans l’ère du PowerPoint à l’italienne…

    – Ciao a tutti !
    (Le reste, je traduis…)
    – Bon, on a la GTC4Lusso. On enlève le V12 et on met le V8 de la 488 GTB, mais il nous sera livré un peu moins pointu. Vous m’enlevez aussi la transmission, on remplace les quatre roues motrices par une simple propulsion. Allez !
    – Mais, on n’a jamais commercialisé une Ferrari en laissant le choix entre un V12 et un V8 ?!
    – Oui, mais ça va marcher dans tous les pays qui ne nous idolâtrent pas…

    Voilà… J’étais avec un confrère suisse qui n’imaginait pas vraiment ses compatriotes faire le choix d’un V8 biturbo, quand le V12 était au catalogue. Même si c’était pour économiser l’équivalent de 36 000 euros et quelques litres de carburant par an.

    C’est là que le chef de produit a réussi son coup. Le V8 ne va pas manger le V12. S’ils sont tous les deux au catalogue, les marchés qu’ils visent sont différents. Au V12, les pays pleins de Ferraristi. Au V8, ceux sur lesquels on peut encore comparer une Ferrari à une Bentley, une Mercedes ou une Aston Martin… Pour un constructeur qui répète qu’il n’est pas question de gonfler les volumes et qu’il y aura toujours moins de voitures en vente que de clients, on se moque quand même un peu du monde.

    Bon, tout ça, c’est du marketing. Mais en vrai, c’est comment de rouler en GTC4Lusso T ? En Toscane, les traversées de village sont ponctuées par des signes de tête ou de la main, voire des deux. Dans les rues, on est heureux de voir passer une Ferrari. Ces mouvements sont comme des remerciements de la faire rouler. Au volant, il faut faire quelques efforts pour passer inaperçu.

    Le volant regroupe une tonne de commandes. Derrière, les palettes fixes prennent toute la place. Le Manettino en mode « Comfort », il est possible de rouler sans réveiller la mamma. En gardant vraiment le pied léger, l’échappement étouffe le bruit du V8, perdu au fond du capot. La boîte de vitesses s’inquiète des régimes. 3-4-5-6-7, impossible de toucher les 2 000 tours/minute.

    Le système de contrôle (le volant) est truffé de boutons dont il faut apprendre à se servir rapidement. Les clignotants sont au niveau des pouces, les phares en bas à gauche, l’essuie-glace en bas à droite.

    Manettino sur Sport. Les roues patinent à l’accélération en pleine ligne droite. 295/35 R20 à l’arrière contre 610 chevaux et jusqu’à 760 Nm à 3 000 tours/minute. Les diodes s’allument pour signaler la montée en régime. La vitesse est indécente.

    100 km/h en 3,5 secondes, 320 km/h en vitesse de pointe (il parait) pour balader 4,92 mètres de longueur, 1,98 mètre de largeur et 1 740 kg. Oui, il y a quatre places, mais bon, c’est une Ferrari !

    Une base de données des accidents

    En toute-bonne Ferrari, elle est capable de faire bien plus que ce que lui demande la majorité/totalité de ses clients. Même elle s’avère aussi incapable de répondre à certaines situations inattendues.

    Je ne me figurais pas le choix du chef de produit (grrrrr…..) de placer des palettes fixes derrière le volant. Il y a eu débat reconnaît-on chez Ferrari. Mais il existe désormais une volonté de ne pas inciter le conducteur à changer de rapport avec les roues braquées. Le châssis se montre en mesure d’encaisser tout ce qui peut être classé sous le terme « conduite raisonnable », très raisonnable ou même résolument sportive. Mais quelques clients parviennent toujours à inventer des situations ubuesques pour agrémenter la base de données des accidents des Ferrari… Données que l’on ne peut pas consulter. Imaginez un peu ce que l’on pourrait y trouver !

    Pour cette GTC4Lusso T, Ferrari a donc choisi de faciliter la conduite avec un moteur dégonflé, très coupleux et linéaire. Tellement linéaire que la cartographie lisse l’arrivée du couple. Les 760 Nm ne sont atteignables que sur le 7e rapport. Le logiciel gère tout pour améliorer le confort des passagers et d’un conducteur pas-forcément-pilote. Mais, si cette version V8 est destinée à faciliter la vie des moins bons conducteurs, pourquoi la priver des quatre roues motrices. « Un choix technique » répondent les Rouges.

    L’allure est totalement enivrante avec ce dessin de break de chasse, une allure de dandy chic et sobre à vitesse urbaine. De quoi claquer 240 260 euros en y ajoutant 4 200 euros pour que le passager puisse bénéficier d’un écran de télémétrie face à lui et 7 800 euros pour le sac de golf dédié. Le toit panoramique en cristal à 14 400 euros est peut-être un peu trop en demander…

    L’AUTO est-elle cult ?
    En redescendant sur terre (c’est-à-dire en sortant de l’habitacle), difficile d’affirmer que la GTC4Lusso T est une voiture culte. En revanche, la marque l’est, vraiment. On ne parle même plus de style de vie, acquérir une Ferrari est accepter le prêt d’un morceau du mythe.

    Ferrari GTC4Lusso T – Fiche technique

    240 260,00 €
    (dont malus : 10 000 €)
    CO2 : 265 g/km
    MOTEUR : Av, essence, deux turbos
    CYLINDRÉE : 3 855 cm3
    PUISSANCE : 610 ch à 7 500 tr/min
    COUPLE : 760 Nm à 3 000 tr/min
    TRANSMISSION : Propulsion
    BOÎTE : Automatique à 7 rapports
    PNEUMATIQUES : Av 245/35 R20, Ar 295/35 R20
    DIMENSIONS (LxlxH) : 4,922 x 1,980 x 1,383 m
    COFFRE : 450 litres
    POIDS : 1 740 kg
    RÉSERVOIR : 91 l
    VITESSE MAXI : 320 km/h
    0 à 100 KM/H : 3,5 s
    CONSOMMATION MIXTE : 11,6 l/100 km

  • Les débuts du Diesel en France

    Les débuts du Diesel en France

    Merci Peugeot ! Si le Diesel est si fort en France, Peugeot y est certainement pour quelque chose. Retour sur l’arrivée de cette technologie qui est aujourd’hui montrée du doigt…

    En septembre 1959, Peugeot lance une 403 Diesel. Sous le capot, on y trouve un moteur 4 cylindres de 1 816 cm3 qui développe 48 chevaux. Le bloc, mis au point par Indenor, est le premier moteur Diesel français de l’après-guerre. Il sera suivi par beaucoup d’autres !

    Jusque-là, ce type de moteur était réservé aux poids lourds. Rudolf Diesel l’avait inventé avant la Première Guerre mondiale. Né en Paris, il émigre à Londres durant la guerre de 1870 avant d’aller étudier en Bavière. Devenu ingénieur, Diesel entame des recherches sur la réfrigération, puis la vapeur. Il donne naissance à un moteur basé sur le cycle de Carnot et développe l’idée d’un allumage par compression qui deviendra le moteur Diesel (brevet de 1892). Sa disparition en 1913, lors d’une nuit en bateau entre Anvers et Londres, n’est pas élucidée et nourrit encore des fantasmes complotistes.

    Le moteur Diesel offre un meilleur rendement que son pendant en essence avec un carburant moins raffiné. Mais la conception impose davantage de contraintes. L’idée n’est plus de faire exploser le mélange air-carburant via une étincelle venant d’une bougie vissée sur le cylindre. Avec le Diesel, une très forte compression génère une importante élévation de la température dans la chambre de combustion. Mais, pour supporter ce taux de compression, les culasses, les pistons et le vilebrequin doivent être renforcés.

    En 1922, l’ingénieur Tartrais met sur la route un bicylindre Diesel monté dans une Peugeot et le teste de Paris à Bordeaux. À 48 km/h de moyenne, le résultat est concluant… Sauf qu’il consomme plus de 14 litres / 100 km. C’est avec la Mercedes 260 D (2,6 l et 45 chevaux) que s’ouvre, en 1936, l’ère de la voiture particulière à moteur Diesel. Les taxis allemands l’adoptent pour une consommation moyenne de 9,5 litres / 100 km.

    En France, le brevet de Rudolf Diesel a intéressé plusieurs constructeurs. Chez Peugeot, une filiale baptisée Compagnie Générale des Moteurs (CGM) travaille sur cette technologie. Les expérimentations se concrétisent en 1939 avec un bloc 2,3 litres de 55 chevaux testé dans une Peugeot 402 B. La guerre met un coup d’arrêt à ces recherches. Le Diesel reste destiné aux camions.

    À la Libération, l’approvisionnement organisé par les États-Unis ne laisse entrer que de l’essence. Pourtant, en 1953, le gouvernement prend des mesures pour fortement détaxer le Diesel. Peugeot relance ses recherches. La CGM est renommée Indenor et – avec l’appui du Britannique Ricardo – le 1,8 litre destiné à la 403 sort des usines.

    Mais le Diesel est inconnu du grand public. Peugeot lance donc une grande campagne pour équiper les taxis et les tracteurs. À la fin de la décennie, plus de 20 % des taxis parisiens ont déjà choisi de rouler avec des moteurs Diesel.

    Chez Peugeot, c’est un déclic. 25 % du budget de la marque passe dans le développement de cette technologie d’avenir. Le personnel d’Indenor passe de 25 à 100 employés pour l’arrivée du 1 938 cm3 de 68 chevaux de la nouvelle Peugeot 404. Voilà les premiers clients capables de rouler à 130 km/h !

    Pour porter cette innovation, Peugeot découpe une 404 Cabriolet et lui greffe un cockpit d’avion. La barquette est lancée à Montlhéry pour décrocher 40 records de vitesse et d’endurance en dix jours, dont celui des 10 000 kilomètres à plus de 160 km/h de moyenne !

    Peugeot devient la référence absolue du Diesel et de nombreux constructeurs lui commandent des moteurs.

    L’entrée de l’industrie automobile dans l’ère du Diesel se fait en 1974.

    Au lendemain de la guerre du Kippour, les pays arabes cherchent à prendre une revanche sur les pays occidentaux. Le 18 octobre 1973, l’OPEP décide d’augmenter le prix du brut de 68 %. Et ce n’est qu’un début. L’économie des pays développés qui ne produisent pas de pétrole s’effondre. Le tarif des carburants s’envole et la peur de manquer s’empare de la France.

    À la même époque, l’automobile est montrée du doigt : elle pollue, tue… L’automobiliste est coupable. En quelques années, le parc change. Les voitures deviennent plus petites, moins puissantes, même les couleurs choisies sont de plus en plus ternes.

    Pour accompagner cette révolution, les constructeurs proposent des modèles en adéquation avec un mot d’ordre : moins consommer ! Et comment moins consommer ? En mettant du Diesel sous les capots. D’abord pour les véhicules haut de gamme comme les Peugeot 505, Citroën CX ou Renault 20, puis sur des modèles plus petits comme les Peugeot 205, Renault Supercinq ou Citroën Visa.

    Chez Peugeot, pour conserver l’exemple de ce constructeur, la production des Diesel augmente régulièrement : 53 000 unités en 1972, 76 218 en 1974, 101 418 en 1976, 133 000 en 1980…

    La crise pétrolière de 1973 et ses conséquences financières ont accéléré la diésélisation du parc : elle est passée en France de 1,9 % de la production totale en 1972, à 5,4 % en 1977 et 10,4 % en 1981. Dans les années 1990, un record a été atteint en termes d’avantage fiscal pour le Diesel avec un écart de 13 points (74 % de taxes sur un litre d’essence, contre 61 % sur un litre de gazole). En 2015, le record a été atteint avec un parc français roulant au Diesel de 68 % ! Depuis, la décroissance est en marche.

  • Le massacre Edsel

    Le massacre Edsel

    Plusieurs fois, Ford a tenté l’aventure des marques premium, souvent en pure perte. Mais l’échec le plus démentiel est celui d’Edsel à la fin des années 1950. Destinée à honorer la mémoire du fils d’Henry Ford, l’aventure est entrée dans l’histoire du capitalisme américain : Edsel est désormais un synonyme d’échec commercial. Un cas d’école…

    Ford Motor Company devient une entreprise cotée en 1956. Elle n’est donc plus tout à fait entre les mains de la famille Ford. Au sein du groupe, ce sont les grandes manœuvres. Lincoln est destiné à monter en gamme et Continental devient une marque à part entière…

    Parallèlement, Ford développe une nouvelle berline intermédiaire sous le nom de code « E car », qui veut alors dire Experimental Car. Durant les travaux, le conseil d’administration décide que ce nouveau modèle sera baptisé Edsel, en mémoire d’Edsel Ford, fils du fondateur Henry Ford et disparu en 1943 d’un cancer à 49 ans. Henry Ford II, le fils d’Edsel, est foncièrement contre ce choix, mais il doit l’accepter. Utopian Turtletop et Intelligent Whale faisaient partie des autres propositions…

    Edsel Ford et sa famille

    Robert McNamara est l’une des têtes pensantes du Ford de l’époque. Après une carrière dans l’Armée de l’Air durant la Seconde guerre mondiale (il est considéré comme l’un des initiateurs du largage de bombes incendiaires sur le Japon qui a fait 100 000 morts en une nuit), il entre chez Ford avant ses quarante ans.

    Edsel se veut tellement expérimental et moderne que Ford Motor Company décide de créer spécialement une nouvelle marque, sous la forme d’une start-up. En quelques mois, le groupe met sa puissance au profit du projet. Les investisseurs sont assurés du potentiel du projet et la presse est abreuvé de promesses. L’Edsel sera supérieure aux Oldsmobile, Buick ou De Soto.

    Durant un an, le marketing est en marche pour annoncer le E-Day : 4 septembre 1957 !

    Ford enchaine les phases de communication. Ses études de marché montrent qu’il y a une clientèle pour son Edsel, un véhicule totalement nouveau…

    Problème, le jour de la révélation, le public n’y voit qu’une simple nouveauté et la presse pointe les similitudes avec d’autres modèles du groupe Ford. Réaction immédiate avec la programmation d’une émission spéciale diffusée en prime time durant une heure sur CBS. The Edsel Show regroupe les stars du moment, de Bing Crosby à Franck Sinatra en passant par Louis Armstrong et Bob Hope en invité mystère pour un coût estimé à 250 000 dollars… Le programme est un immense succès. Il est diffusé en direct sur la côte est et enregistré pour être sur les écrans de la côte ouest trois heures plus tard.

    The Edsel Show fut l’une des émissions les plus regardées de l’année 1957 aux Etats-Unis. Dans la foulée, Bing Crosby a signé un juteux contrat pour produire deux émissions spéciales par an pour ABC. L’émission a reçu le trophée de meilleur show musical du magazine Look et une nomination aux Emmy Awards… Et pourtant, les commandes d’Edsel n’ont pas frémi.

    Edsel avait alors lancé son propre réseau de distribution. Face à l’absence de clients, la marque est intégrée à un pôle Mercury-Edsel-Lincoln dès le mois de janvier 1958. D’un coup, le nombre de points de vente passe d’un gros millier à environ 10 000. Mais les Edsel ne se vendent toujours pas.

    Elles étaient pourtant originales. Une célèbre option appelée « Teletouch Electric Push Button Transmission Selector » est la sélection de la boîte automatique par boutons placés dans le moyeu du volant !

    Les Edsel amassent un maximum de gadgets pour plaire à une nouvelle clientèle. Trois empattements sont proposés avec une Citation cabriolet en haut-de-gamme.

    La face avant est néanmoins très particulière et l’arrière se révèle, en revanche, plus modeste que les concurrentes des autres groupes. Sous le capot, Ford place deux V8 de 303 et 345 chevaux. Si la promesse de Ford d’arriver avec une voiture révolutionnaire n’est clairement pas tenue, le produit est réussi. Mais il ne se vend pas.

    En 1959, la gamme est simplifiée et un petit V6 de 145 chevaux fait son apparition. Mais rien n’y fait. Pour 1960, la calandre est modifiée et l’arrière retouché. L’Edsel est désormais sobre et deux modèles survivent encore. La Ranger est alors affichée à 2 635 dollars, tout à fait dans les tarifs de la concurrence, mais personne n’en veut.

    En novembre 1960, une unique réunion suffit sous la direction du nouveau président Robert McNamara : Edsel n’existe plus. Ce nom qui devait être un hommage entre dans les livres d’histoire comme un cuisant échec. Le premier président de Ford à ne pas appartenir à la famille du fondateur ne reste que cinq semaines à la tête du groupe, le temps de débrancher Edsel. Il est alors appelé par John F. Kennedy pour devenir Secrétaire à la Défense des Etats-Unis durant plus de sept ans. Il aura à gérer la crise des missiles de Cuba et la guerre du Vietnam, avant de devenir président de la Banque mondiale durant treize ans…

  • Comment Gaston Lagaffe a-t-il choisi sa FIAT 509 ?

    Comment Gaston Lagaffe a-t-il choisi sa FIAT 509 ?

    Dans un livre qui lui était consacré, Franquin avouait être Madame Bovary… Comme Flaubert, l’auteur se voyait caché derrière son héros. Oui, Gaston Lagaffe était une partie de Franquin, d’une certaine façon. Alors, dis-nous ami belge, pourquoi cette FIAT 509 ?

    Gaston Lagaffe est le parfait antihéros. La réponse à Spirou, le héros à l’ancienne qui présente si bien, mais qui n’est plus dans l’air du temps. Yvan Delporte, le rédacteur en chef du journal de Spirou, raconte : « Franquin salivait en me présentant ce projet fou. Un héros sans emploi ! Nous sommes descendus dans un café. Là, sur un sous-verre, il a dessiné les traits du personnage qu’il avait en tête. J’avais un copain qui lui ressemblait, il s’appelait Gaston. Ce prénom lui a plu. »

    Franquin a 33 ans, il est prêt à lancer son propre personnage. Le 28 février 1957, Gaston se pointe dans les aventures de Spirou et Fantasio. On ne lui adressera la parole qu’en sixième semaine dans un échange qui jette les bases de la série à venir.

    Spirou : « Qui êtes-vous ? »
    Gaston : « Gaston. »
    Spirou : « Qu’est-ce que vous faites ici ? »
    Gaston : « J’attends. »
    Spirou : « Vous attendez quoi ? »
    Gaston : « J’sais pas. »
    Spirou : « Qui vous a envoyé ? »
    Gaston : « On m’a dit de venir. »
    Spirou : « Qui ? »
    Gaston : « Sais plus. »

    D’abord imaginé sans emploi, Gaston Lagaffe devient « garçon de bureau » pour justifier ses aventures. On est loin des activités habituelles des héros de BD, ni aviateur ni journaliste, pas plus que détective.

    Il faut attendre 1962 pour que Franquin finisse par doter son alter ego d’une voiture. Sa première idée est de dessiner une Citroën 5 CV : « Chez Citroën, quand ils sauront que je roule avec ça, ils m’enverront peut-être une DS 19 ! » Sans réaction du côté du quai de Javel, Gaston abandonne sa voiture durant deux ans…

    Lorsqu’il revient au volant en 1964, Gaston Lagaffe opte pour une FIAT 509, modèle concurrent de la Citroën 5 CV. Là encore, c’est dans la vie de Franquin que l’histoire se crée : « Juste après la guerre, un de mes copains avait acheté une FIAT 509 à un escroc. L’huile fuyait de partout. Je l’ai reconstituée de mémoire. »

    Voilà enfin le héros motorisé ! Sa tire est bien loin des Lincoln, Mercedes et Ford Mustang de M. de Mesmaeker. Mieux, elle devient le terrain d’expérimentation de ses inventions. La petite FIAT – produite de 1925 à 1930 – qui traîne ses 3,70 mètres avec un moteur de 22 chevaux, reçoit des trouvailles pas si farfelues. Les énergies alternatives, la sécurité et la place de l’automobile en ville sont des thèmes déjà abordés.

    Gaston célèbre l’éloge de la lenteur. Plusieurs fois, l’agent Longtarin rattrape la FIAT en vélo. « Je suis à fond », assure pourtant Gaston dont le moteur est « réglé au millipoil ».

    Était-ce vraiment exagéré ? Franquin assure que non : « Les éditions Dupuis avaient déniché une 509 dans une ferme, où elle servait de pondoir pour les poules. Elle a participé à diverses manifestations. Mais, comme elle roulait à 40 km/h, le chauffeur mettait plusieurs jours avant d’arriver à destination, complètement épuisé. »

    Et pourtant, lorsque le gazomètre à charbon de la 509 explose sur l’autoroute, la FIAT passe devant le radar de la gendarmerie à 160 km/h. Un record qui lui permet de dépasser une SM ! Mais lorsqu’il veut conduire Mlle Jeanne aux 24 Heures du Mans via de petites routes, Gaston et sa FIAT 509 se retrouvent sur la ligne droite des Hunaudières… Ils terminent dans un arbre pour suivre la course.

    Chez FIAT, même si l’on sait qu’aucune des 92 500 unités de la FIAT 509 n’a été vendu grâce à Gaston Lagaffe (créé bien après la fin de la production du Lingotto), on fait éditer un album spécial en 1977 baptisé « La fantastica FIAT 509 di Gaston Lagaffe ». Mieux encore, pour le cinquantième anniversaire du héros, le maire de Bruxelles a décrété une journée sans parcmètres début 2007. Voilà un bel hommage !

  • Citroën s’empare de la Tour Eiffel

    Citroën s’empare de la Tour Eiffel

    Des trois grands fondateurs des marques automobiles françaises, deux sont nés dans Paris. Louis Renault et André Citroën sont des enfants de la rive droite. Ils ont grandi en voyant la Tour Eiffel s’élever… Mais un seul a su y écrire son nom.

    Nous sommes à quelques semaines de l’ouverture de l’exposition internationale des Arts Décoratifs de 1925. L’évènement est immense pour Fernand Jacopozzi. Cet Italien naturalisé français est un héros de guerre. En 1918, il remporte un appel d’offres lancé par Clemenceau pour « dessiner » un faux Paris de nuit. L’idée du Tigre est de faire croire aux aviateurs adverses que Paris est autre part. Jacopozzi propose plusieurs dessins. Ce qui devient « le faux objectif de l’Orme de Morlu » débute par une fausse Gare de l’Est située entre Sevran et Villepinte. Les bâtiments en bois sont recouverts de toiles peintes qui imitent le verre des usines. Il enchaine avec le dessin d’une fausse Gare du Nord et détaille un faux Saint-Denis et un faux Aubervilliers destinés à recevoir les bombardements ennemis. Il utilise des lampes de différentes couleurs pour rappeler les Champs-Élysées. Mieux, il met au point un système d’éclairage pour simuler un train en marche. La réalisation est une merveille, mais l’expérience tourne court. L’Allemagne recule et n’a plus les moyens d’attaquer Paris. Armistice.

    Fernand Jacopozzi est un maître de l’illumination. Après la guerre, il multiplie les initiatives pour éclairer Paris. Pour 1925, il rêve de Tour Eiffel. Mais, face au coût d’un tel projet, il doit trouver un partenaire. Jacopozzi approche Louis Renault et d’autres industriels. Tous refusent. André Citroën hésite, mais il finit par accepter le défi.

    Les travaux commencent le 27 mai 1925

    Pour éviter de parasiter les antennes de la Tour, seules trois faces sont illuminées : Trocadero, Grenelle et Bourbonnais. Le côté Champs de Mars reste noir.

    Après six semaines de travaux, la Tour Eiffel s’illumine le 4 juillet 1925 à 22h00 sur sa première face. La foule est déjà immense pour admirer les lettres CITROEN. À la fin du mois, le spectacle est complet avec les trois faces recouvertes de 250 000 lampes électriques de six couleurs différentes. Les lettres CITROEN, façon art déco, mesurent chacune 20 mètres de hauteur !

    Fernand Jacopozzi réalise une prouesse technique. Il fait creuser un caniveau de 400 mètres de long pour acheminer les 32 câbles d’une puissance totale de 1200 kW et 12000 V. Une station électrique est spécialement aménagée avec 14 transformateurs 220/110V. Au total, l’éclairage pèse 25 tonnes. Et pour l’installation, on a fait appel à des acrobates de cirque ou des gabiers de la marine qui n’avaient pas peur du vide.

    Éphémère, le coup de pub revient chaque année. En 1926, Jacopozzi propose une illumination fontaine en amenant 125 000 lampes supplémentaires côté Trocadero. La Ville de Paris prend conscience de l’impact de l’opération et multiplie par six fois la taxe pour autoriser l’éclairage.

    L’année suivante, la foudre s’abat sur la Tour Eiffel. Aucun problème avec la météo, c’est le nouveau projet pharaonique de l’illuminé Jacopozzi. Citroën ne peut plus suivre les délires budgétaires de son partenaire, mais la Ville de Paris accepte de revenir sur ses prétentions tarifaires pour faire perdurer l’expérience. Bonne pioche, cette année-là, Lindbergh se sert de l’éclairage de la Tour Eiffel, visible à 40 km, pour se repérer au terme de sa traversée de l’Atlantique en avion. Après avoir posé son Spirit of Saint-Louis au Bourget, il est invité à fêter son exploit au quai de Javel. Encore un coup de pub !

    Chez Renault, la pilule passe mal. Et André Citroën continue malgré un investissement exorbitant. En 1928, c’est la nouvelle C6 qui est mise en valeur durant le Salon de l’Auto organisé au Grand Palais. L’illumination est constituée de cinq rangées de lampes de 600 bougies. Elle clignote, en alternance avec les dessins des années précédentes. Chaque soir est un spectacle.

    L’année suivante, la Tour Eiffel et Citroën fêtent la C4. Jusqu’en 1935 et le « rachat » de Citroën par Michelin, la tour de 300 mètres fait la publicité du constructeur du quai de Javel. En 1933, le record de la plus grande horloge du monde est battu avec un cadran de 20 mètres de diamètre. Un an plus tard, Jacopozzi y ajoute un thermomètre constitué de mille lampes rouges et blanches pour afficher des températures de -12 à +33°C. Cette même année, Citroën choisit de communiquer sur la nouvelle Traction Avant 7 CV.

    Plusieurs autres grandes marques françaises se sont servies du symbole parisien : Air France, Alain Afflelou, la Samaritaine et quelques autres ont acheté des publicités sur la Tour… Jusqu’à ce que le PSG ne débourse « au moins 50 000 euros » la semaine dernière pour un petit écran situé sous le premier étage destiné à accueillir Neymar Jr.

    L’œuvre de l’artiste Jacopozzi a tellement marqué Paris qu’un spectacle d’une dizaine de minutes a été commandé pour fêter les 90 ans de Citroën et les 120 ans de la Tour Eiffel, pour le lancement de la nouvelle C3, tout en évitant soigneusement d’y réécrire Citroën. Dans ce nouveau siècle, la publicité aurait pu choquer…

  • Sébastien Loeb est-il un bad boy ?

    Sébastien Loeb est-il un bad boy ?

    Évidemment, vous pourrez retrouver de vieilles images d’un Sébastien Loeb au look très années 1990 (normal dans les années 1990) avec une cigarette au bec… Mais une fois enfilée sa belle combinaison Citroën, le plus grand pilote de rallye de tous les temps est devenu le gendre idéal. Comment, en 2008, a-t-on pu croire qu’il allait ternir l’image de son sport par son style ?

    Il aura fallu pas loin de 25 victoires et plusieurs titres de Champion du Monde des Rallyes pour que Sébastien Loeb commence à se faire un nom en France. Adoré par les amoureux de sport mécanique, il s’est enfin fait connaître du grand public en battant des records. Ses passages épisodiques au Grand Journal et son humilité ont conquis bien au-delà de la sphère sportive.

    En 2008, il est à un tournant de sa carrière. Sébastien Loeb vient d’égaler le record de Tommi Mäkinen en décrochant quatre titres consécutifs. Il compte 36 victoires en WRC (record), soit six de plus que Marcus Grönholm. Le géant finlandais, son plus grand rival depuis plusieurs années, vient de prendre sa retraite.

    Guy Fréquelin n’est plus là. Atteint par la limite d’âge, il a laissé la direction de Citroën Sport à Olivier Quesnel, choisi à la surprise générale. Sur le plan sportif, le WRC évolue également en 2008 avec l’arrivée de Pirelli comme fournisseur exclusif de pneumatiques et la désignation de l’ordre de départ selon le classement général de la veille.

    Malgré trois victoires lors des cinq premières manches, Sébastien Loeb n’est pas en tête du classement du championnat 2008. Mikko Hirvonen, plus régulier, compte cinq points d’avance.

    Fin avril, le WRC se découvre une affaire extrasportive qui ne touche d’habitude que les sports bien plus médiatisés. L’Équipe affirme que Citroën Sport a reçu une lettre de remontrance signée du plus haut représentant du WRC à la Fédération Internationale de l’Automobile concernant « le look de Sébastien Loeb ».

    Si l’existence de cette lettre n’a pu être établie selon d’autres journalistes, le look de Sébastien Loeb a bien été au cœur des débats à la FIA. Durant plusieurs semaines !

    Un premier mail est écrit par Surinder Thatti, président de la confédération africaine du sport automobile, adressé à Morrie Chandler, président de la commission rallye de la FIA, avec plusieurs personnes de la fédération en copie : « Je me dois d’exprimer mon opinion à propos du piètre passage de Sébastien Loeb à la TV lors de l’arrivée du rallye du Mexique. Il n’était pas rasé, dépenaillé avec une chevelure négligée ! Quand la FIA lui donne une couverture TV globale vers des millions de téléspectateurs et d’enfants dans le monde, il est un héros et un modèle. Je sais que chacun est autorisé à un degré de liberté personnelle, mais il me semble qu’il va trop loin et que quelqu’un devrait lui parler, ou parler à son équipe. »

    Le Néo-Zélandais Morrie Chandler répond en ajoutant Simon Long, patron d’ISC – le promoteur du WRC – en copie : « Malheureusement, ce n’est pas un problème propre à notre sport, vu que la même chose arrive dans le football et d’autres sports d’hommes. Bien sûr, ces personnes sont une insulte aux vrais hommes. Ma seule solution c’est que nous suggérions à ISC qu’ils aient la couverture à laquelle ils ont droit en tant que vainqueurs, mais sans gros plans et sur un laps de temps réduit. »

    Par sa réponse Morrie Chandler montre son agacement. En visant Sébastien Loeb, dont le look est une insulte aux « vrais hommes », il demande aux équipes de tournage de minimiser son exposition médiatique.

    C’est l’arrivée de Simon Long dans la conversation qui va calmer les esprits : « J’ai le sentiment que c’est précisément ce look débraillé qui a aidé Sébastien Loeb à devenir l’idole de tant de fans en France et autour du monde. Le rallye est un sport vrai et dur. Dans le cadre du repositionnement du produit et de la façon dont nous projetons nos héros, on ne peut pas demander aux pilotes d’être toujours propres sur eux. »

    Morrie Chandler, qui ne peut influer que sur la règlementation technique et sportive, se trouve bloqué par le détenteur des droits commerciaux : « Si, d’après votre expérience, son comportement et son apparence font vendre, qu’il en soit ainsi. »

    En Sardaigne, pour le sixième rallye de la saison, les questions sur le sujet usent Sébastien Loeb et son équipe. Seb répond : « J’ai appris le nouvelle par la presse comme tout le monde, donc à partir de là, ça ne me touche pas. Au contraire, ça me fait plaisir, on parle de moi. »

    Sur l’île italienne, le champion du monde s’empare de la tête du classement dès la seconde spéciale et résiste jusqu’au bout à Mikko Hirvonen et Jari-Matti Latvala. Au Japon, avant l’ultime manche du calendrier, il devient le premier pilote à décrocher cinq titres mondiaux.

    Un détail supplémentaire pour les hommes de la FIA ? Leur président Max Mosley est – au même moment – empêtré dans un scandale sexuel aux accents d’orgie nazie.

    À la fin, c’est bien Sébastien Loeb qui gagne…

  • La Frégate a fait prendre l’eau à Renault

    La Frégate a fait prendre l’eau à Renault

    Comment accompagner l’entrée de la France dans les trente glorieuses ? Après la populaire 4 CV, Renault imagine les familles françaises au volant d’une grande berline moderne : la Frégate. Et, déjà, le Losange se manque sur sa proposition haut-de-gamme qui ira même jusqu’à coûter la vie à son président.

    Nous sommes en 1944. Les usines Renault viennent d’être libérées et Louis Renault est incarcéré à la prison de Fresnes. Accusé d’avoir collaboré avec l’ennemi, le fondateur de Renault meurt avant son procès.

    Dès le mois de septembre, les sites de production sont réquisitionnés pour participer à l’effort de guerre. Pierre Lefaucheux est nommé administrateur provisoire. Il entame une longue reconstruction et dessine une nouvelle hiérarchie.

    Dès le début de l’année 1945, l’ordonnance de nationalisation est proclamée. La Régie Nationale des Usines Renault est créée en reprenant tous les actifs de Renault. Pierre Lefaucheux en devient Président Directeur Général.

    Tous les efforts sont alors destinés à faire de la 4 CV la voiture populaire française par excellence. L’objectif est de motoriser le pays tout en se montrant conquérant face aux Volkswagen Coccinelle, Morris Minor et FIAT 500. Dans l’Hexagone, la position de Renault permet à la 4 CV de profiter de tout l’acier disponible. Citroën prend un énorme retard dans la production de sa 2 CV à cause de cette pénurie organisée.

    Enfin sur de bons rails, la Régie rêve d’une grande berline pour accompagner la 4 CV alors que les années 1950 se profilent.

    Illustration : wikipedia

    Le projet 108 date de 1946. Pour Lefaucheux, il faut contrer la Traction de Citroën avec une proposition bien plus moderne. Il lance la conception d’une grande berline 6 places (deux banquettes trois places) avec un moteur 2 litres 4 cylindres placé à l’arrière.

    Les ingénieurs de Renault abandonnent cette configuration du moteur arrière, emprunté à la 4 CV. La Frégate prend du retard et Pierre Lefaucheux fait accélérer le rythme pour une présentation au Palais de Chaillot le 30 novembre 1950. La mise au point est bâclée. Un an plus tard, lors du Salon de l’Auto 1951, le carnet de commande est ouvert. La toute nouvelle usine de Flins entame la production.

    La grande Renault est imposante. Les lignes de Robert Barthaud offrent une large habitabilité, avec un énorme coffre. Sur la route, c’est pourtant une déception. Renault avait choisi de partir de la base du petit 760 cm3 de la 4 CV pour produire un 1 996 cm3 qui développe 56 chevaux. C’est trop peu pour les 1 230 kg d’une grande routière. La presse – l’Auto-Journal en tête – pointe ce manquement et le début de carrière de la Frégate est chaotique.

    Illustration : wikipedia

    Pourtant, Renault joue adroitement du marketing. Le tout premier modèle est livré le 22 novembre 1951 au baron Surcouf, descendant du corsaire devenu l’un des plus riches armateurs de Saint-Malo. Le directeur commercial de la Régie remet les clés d’une Frégate au baron dans le magasin d’exposition des Champs-Elysées (devenu Atelier Renault) tandis que le personnel est habillé en corsaire. Une fois la cérémonie terminée, la Frégate du baron est escortée par cinq autres Frégate jusqu’à Saint-Malo pour une autre réception avec les personnalités locales.

    Mais les premiers clients ne se montrent pas satisfaits de leur Frégate. Rapidement, Renault réagit. Le pont arrière reçoit une profonde évolution. Moteur, boîte, direction, insonorisation… Tout est revu. En 1955, une nouvelle calandre fait son apparition et le moteur passe à 64 chevaux. Enfin, la Frégate atteint 135 km/h. Cette année-là, les ventes dépassent les 50 000 unités. Les noms sont évocateurs : Amiral, Etendard ou Grand Pavois.

    Pourtant, la Frégate fait une nouvelle fois vaciller Renault. Son président, Pierre Lefaucheux prend la route de Strasbourg pour une conférence. Au volant de sa Frégate, il est victime d’un accident de la route. Piégé par une plaque de verglas, il se tue dans la grande berline qu’il avait tant voulu.

    Pierre Dreyfus lui succède. Malgré une innovante, mais lourde, boîte automatique et un break, les ventes retombent après 1955. L’arrivée du moteur 2,2 litres 77 chevaux et des victoires dans des concours d’élégance n’y changent rien. En 1960, il décide de mettre un terme à la production après le lancement de 180 000 Frégate sur les routes. 180 000 Frégate en huit ans, dont plus de 50 000 sur la seule année 1955.