Vers un retour des monospaces ? Gilles Vidal relance le débat

Alors que le marché européen semble figé dans son obsession pour les SUV, une voix respectée du design automobile ose poser une question iconoclaste : et si le monospace faisait son grand retour ? C’est en tout cas ce que suggérait Gilles Vidal, alors encore à la tête du design de Renault, dans une interview accordée à Autocar à la mi-juillet. Depuis, l’actualité l’a rattrapé : le 24 juillet, Stellantis annonçait officiellement sa nomination à la direction du design des marques européennes du groupe, marquant ainsi un tournant dans sa carrière… et peut-être dans la vision du design automobile européen.

Une figure du design en transition

Gilles Vidal n’est pas un inconnu dans le paysage automobile français. Après avoir impulsé une profonde modernisation du style chez Peugeot – pensons aux lignes acérées des 3008, 508 ou encore 208 – il avait rejoint Renault en 2020 pour renouveler le langage formel de la marque. Son retour chez Stellantis, où il supervisera les marques européennes, dont Peugeot, Opel, Fiat ou Lancia, pourrait bouleverser l’équilibre des influences esthétiques à l’échelle du groupe franco-italo-américain.

Mais avant ce passage de témoin, Vidal livrait une réflexion étonnamment libre sur les tendances du marché : « Les SUV ont gagné la bataille contre les monospaces parce que les monospaces sont des voitures que l’on a besoin d’avoir, mais que l’on n’a pas envie de posséder », analysait-il. « Les SUV, avec les mêmes moteurs, les mêmes masses, les mêmes composants, sont devenus des objets de désir. »

Le SUV face à ses limites

Depuis leur émergence en force à la fin des années 2000, les SUV ont totalement cannibalisé le segment des familiales en Europe. Des modèles autrefois omniprésents comme les Renault Scénic, Citroën Picasso, Ford Galaxy ou Opel Zafira ont disparu ou se sont eux-mêmes convertis en SUV. Mais le vent pourrait tourner, selon Vidal : « Il y a aujourd’hui une sorte de SUV-bashing, en particulier en Europe. »

La transition vers l’électrique remet en cause plusieurs certitudes. Le style imposant des SUV, bien qu’attrayant, n’est pas nécessairement compatible avec la quête d’efficience énergétique imposée par l’électromobilité. L’aérodynamisme, la masse, l’encombrement : autant de contraintes à revisiter.

C’est ici que le concept du monospace pourrait redevenir pertinent. L’architecture dite « skateboard » des plateformes électriques libère de nouveaux volumes habitables et permet de réinventer l’organisation intérieure. Vidal y voit un levier pour imaginer des véhicules à la fois spacieux, rationnels et… désirable : « Peut-être que les monospaces pourraient revenir sous une forme plus sexy, plus attirante. »

La Chine, laboratoire d’idées

Alors que l’Europe semble encore hésitante, la Chine donne un coup d’avance au renouveau du monospace. Sur ce marché à la croissance effervescente, les modèles familiaux à trois rangées de sièges ont la cote. Des marques comme Zeekr, Li Auto, Xpeng, Lynk&Co ou Denza (filiale de BYD) ont lancé des véhicules luxueux et expressifs, qui redonnent au monospace un rôle d’avant-garde. Ces voitures, souvent électriques, intègrent des technologies de pointe, des intérieurs soignés et une approche presque statutaire du transport familial.

Ce regain d’intérêt pourrait inspirer les constructeurs européens, à commencer par Renault, qui a récemment transformé son emblématique Espace en SUV… mais conserve dans son ADN cette histoire forte avec les véhicules familiaux. Le concept Scenic Vision présenté en 2022 explorait déjà une nouvelle voie, plus efficiente et responsable, sans verser dans les excès esthétiques.

Quel avenir chez Stellantis ?

Avec son arrivée à la tête du design européen de Stellantis, Gilles Vidal pourra désormais appliquer sa vision à un spectre bien plus large. Opel, Fiat ou encore Lancia pourraient profiter de cette volonté de s’émanciper du diktat SUV. Chez Fiat, la Panda de demain pourrait réinterpréter le thème du petit monospace urbain, tandis que Lancia, en pleine renaissance, pourrait renouer avec une élégance rationnelle, propre à séduire une clientèle lasse des silhouettes hypertrophiées.

Le retour du monospace ne se fera pas du jour au lendemain. Il ne s’agira pas de rééditer les recettes du passé, mais bien d’imaginer des formes nouvelles, cohérentes avec les usages contemporains et l’architecture électrique. C’est précisément là que le talent des designers entre en jeu.