7 juillet 2017… Je reviens de Bourgogne. Sur le circuit de Dijon-Prenois, j’avais pris le temps de revoir les images de la victoire historique de Jean-Pierre Jabouille, la première d’une Renault en F1, la première d’un moteur turbo quarante ans plus tôt… Le Grand Prix de France avait aussi et surtout été marqué par le duel entre Gilles Villeneuve, le petit prince de Ferrari, et René Arnoux, le second pilote Renault.
Ce 7 juillet, quarante ans et une semaine plus tard, je reçois un communiqué magique. Renault Sport dévoile un Yellow Teapot, une vraie théière jaune pour fêter les 40 ans de sa première victoire en F1. Accrochez-vous, cette théière est lancée en série limitée à 40 exemplaires. A côté, le calendrier Pirelli est un produit de grande série !
J’avoue qu’en moins de deux minutes, j’avais déjà activé mes réseaux. Il m’en fallait une ! La réponse est toujours la même : rendez-vous début septembre à l’Atelier Renault. Il a fallu être patient, mais ça valait la peine !
Ce 17 octobre, j’ai mon Yellow Teapot. L’idée de Renault Sport sort largement de l’ordinaire. La première F1 présentée par Renault, la RS01, avait reçu ce surnom de la part des garagistes anglais qui s’amusaient de voir le large panache de fumée blanche s’échapper régulièrement des échappements du V6 Turbo français.
Ils s’en sont amusés jusqu’à comprendre que l’avenir de la F1 passerait par l’accélération de l’air et tout le monde s’y est mis.
Quarante ans plus tard, dans la lignée de la communication décalée qui anime Renault Sport F1 sur Twitter, le Losange poursuit en sortant ce Yellow Teapot, clin d’œil aux détracteurs du premier constructeur généraliste à avoir tenté l’aventure en F1 en misant sur une exceptionnelle innovation.
J’ai cru comprendre que le premier exemplaire avait été réservé pour Jean-Pierre Jabouille, Carlos Ghosn a le numéro 2… Dans le bureau d’AUTOcult, voici le numéro 27 ! Beaucoup diront que c’est le numéro le plus culte de l’histoire de la F1. Celui de Nico Hulkenberg aujourd’hui, mais aussi celui porté par Gilles Villeneuve, Patrick Tambay, Michele Alboreto, Nigel Mansell, Ayrton Senna (Champion en 1990), Jean Alesi, Alain Prost, Nicola Larini…
Merci Renault pour cet engagement en sport automobile, de la Clio Cup France au Championnat du Monde de Formule 1. Et vive le Sport !
Celui-là, j’avais envie de l’écrire depuis quelques années : m’autoriser une plongée dans l’histoire de la F1 pour qualifier cinquante courses qui ont marqué l’histoire de la discipline numéro 1 des sports mécaniques. Voici le livre La F1 en 50 Grands Prix qui vient de sortir aux éditions ETAI !
Le premier défi était de sélectionner cinquante courses sur les 956 déjà disputées dans l’histoire du Championnat du Monde créé en 1950. 956, car le livre a dû être écrit en février 2017 pour pouvoir être disponible en cette fin d’année.
Le premier de ces Grands Prix, celui qui m’excitait autant qu’il me faisait peur, était le Grand Prix de Saint-Marin 1994. J’avais 14 ans. Je me souviens parfaitement de ce week-end ou – au moins – de l’histoire que je m’en suis faite au fil des années, de ma propre traduction d’adolescent. J’étais aussi excité qu’apeuré. On avait vu Roland Ratzenberger mourir… Enfin, on l’avait vu se faire transporter un peu plus loin pour ne pas qu’il ne meurt sur le circuit afin de ne pas laisser la loi italienne interférer avec le spectacle dominical. Et puis l’autre drame.
En 1994, je n’étais plus « anti-Senna ». Non pas que je l’avais détesté, non. Mais je suis Français. Mon pilote était Alain Prost. Une partie de ma famille vient d’Italie. Alors pensez donc lorsqu’Alain Prost pilotait une Ferrari contre Ayrton Senna ! Senna était beau, c’était l’ennemi parfait. Le géant, l’extraordinaire talent qu’il faut battre. Et moi, je voulais toujours soutenir Alain Prost pour qu’il gagne… Pour qu’à la fin on dise : le plus grand c’est Prost, c’est évident ! Et oui, je le répète : c’est évident :)
Lorsque je me suis replongé dans les archives magiques d’AUTOhebdo, j’ai retrouvé tout ce qui faisait l’essence de la F1. A chaque période, et même dans les moments les plus – soi-disant – exceptionnels de la discipline, les débats n’ont jamais cessé. La F1 a toujours été mieux avant. Dans les années 1970, elle était mieux avant. Dans les années 1980, elle était mieux avant. Dans les années 1990, elle était mieux avant. Dans les années 2000, elle était mieux avant. Et devinez quoi ? J’entends encore en 2017 que la F1 était mieux avant !
De la politique, de la triche, des règlements idiots, des pilotes payants, des champions au raccroc, d’immenses battus, les pré-qualifications, l’incroyable histoire de la mort d’Ascari qui fait croire à un coup des illuminatis, la plus grande course de Fangio, Moss, Brabham, les coups de Lotus, Jochen Rindt, Surtess, Stewart, cinq pilotes en 61 centièmes à l’arrivée d’un Grand Prix, François Cevert, Niki Lauda, Dijon 1979, Senna / Prost, Phoenix 1990, Monaco, Jerez 1997, la dernière ligne droite de l’Autriche 2002, le banking d’Indianapolis en 2005 et puis Alonso, Vettel, Hamilton qui font encore notre quotidien.
J’en ai écrit cinq avant les autres :
Allemagne 1976. Compliqué car il a été largement romancé. Les images de l’accident de Niki Lauda sont encore visibles partout. Surtout, c’est toute la saison qui a été folle et je n’ai pu m’empêcher de consacrer un autre chapitre au Grand Prix du Japon qui marque également l’histoire de la F1.
France 1979. C’est l’immense exploit de Renault, la technicité, l’inventivité et la persévérance qui récompense le premier constructeur généraliste à tenter l’aventure en F1. Mais c’est aussi la victoire historique la plus oubliée, à cause d’un duel encore plus historique entre Villeneuve et Arnoux.
Japon 1989. C’est tout ce que j’aime dans la F1… Tout ce que beaucoup détestent. On se bat devant tout le monde entre 13h30 et 15h50 (horaires habituels) et on s’acharne bien plus sur ses rivaux tout le reste du temps. Prost ou Senna, Senna ou Prost. Les deux ? Prost a gagné et Balestre a perdu. Max Mosley pouvait s’installer dans son nouveau fauteuil.
Saint-Marin 1994. C’était la mort en direct. L’impossible.
Brésil 2008. Je parlais de l’incroyable saison 1976, mais imaginez un peu 2008. Monza, Singapour et Interlagos. Timo Glock qui termine sixième de la dernière course de la saison… On s’en souvient tout.
D’autres étaient plus compliqués… L’avant-dernier surtout. J’ai rencontré Jules Bianchi lorsque je travaillais en World Series by Renault. Ecrire sur ce Grand Prix du Japon n’a pas été amusant. Mais ce livre lui est aussi dédié, car ce fut un plaisir de le voir rouler. Comme c’est un plaisir de voir la grille de départ de chaque Grand Prix !
Il n’y avait qu’à voir le visage de Flavio Briatore en cette nuit inoubliable. L’Italien était en pleine extase. Il venait de jouer un mauvais tour à tous les rivaux de Renault, devant le monde entier et dans le plus grand secret, pour faire triompher Fernando Alonso au terme d’un Grand Prix historique.
En quelques jours, Singapour – qui ne connaissait pas encore le sport automobile « en vrai » – s’est porté au niveau de Monaco dans le cœur du F1 Circus. Tracé en ville, le circuit accueille le Grand Prix de nuit. En milieu de semaine, les pilotes arpentent déjà l’asphalte à la recherche de repères et d’éventuels défauts. Mais Singapour travaille sur le projet depuis deux ans. Au cœur de la nuit, la piste est éclairée comme en plein jour. Et au premier feu vert pour les essais libres, les tribunes sont pleines.
Les monoplaces ne roulent que depuis quelques minutes, le concept a déjà séduit tout le monde et Bernie Ecclestone jubile. Il voulait un Grand Prix de nuit, il l’a fait. Il voulait conquérir cette cité-état, place forte de l’Asie, il l’a fait. Au sein des équipes, tout est plus difficile. Les journées se terminent tôt le matin. Les pilotes sont terrassés par l’asphalte bosselé et la télémétrie supporte mal le tracé urbain. Mais, très vite, chacun prend la mesure de l’événement en recevant des messages d’Europe. Les images des F1 éclairées comme jamais sont en train de révolutionner le sport. Le spectacle voulu par tous ceux qui investissent dans la discipline est plus que jamais présent.
Felipe Massa (Ferrari) signe la pole position et affirme qu’il a sorti son meilleur tour au volant d’une F1 pour devancer Lewis Hamilton (McLaren Mercedes) et Kimi Räikkönen (Ferrari). Au départ, les trois pilotes conservent leurs positions. Fernando Alonso (Renault) passe de la seizième à la douzième place dans le premier tour.
Lors du quatorzième passage, Nelson Piquet heurte un mur avec sa Renault. Les fans de F1 se moquent d’une nouvelle erreur du pilote brésilien, maigre héritier. Tous les leaders passent aux stands pour ravitailler. Alors en tête, Felipe Massa quitte son emplacement alors que la pompe est encore raccordée à son réservoir. Alonso, qui venait de ravitailler, se retrouve en tête du Grand Prix, comme par magie. Il conserve cette position jusqu’au drapeau à damier pour s’imposer devant Nico Rosberg (Williams) et Lewis Hamilton (McLaren).
Onze mois plus tard, Nelson Piquet publie quatre pages d’aveux : un texte accablant pour relater précisément la façon dont on lui a demandé de jeter sa Renault contre un mur pour contraindre la direction de course à faire entrer la voiture de sécurité et aider Fernando Alonso à gagner le Grand Prix de Singapour. Briatore se défend, parle de complot et attaque de toutes parts en s’appuyant sur ses relations dans les médias. Le scandale fait le tour du monde sous le titre Crashgate.
Une semaine plus tard, Renault communique. Le constructeur reconnaît l’entière responsabilité de la décision de demander à Nelson Piquet d’avoir un accident visant à favoriser la course de Fernando Alonso.
Renault prend ses responsabilités et Flavio Briatore quitte la F1
L’écurie Renault est blanchie. Seuls les hommes tombent. « Renault F1 a déclaré lors de l’audience avoir mené une enquête interne qui a permis de démontrer que Flavio Briatore, Pat Symonds et Nelson Piquet Jr avaient décidé de causer un « accident » et qu’aucune autre personne de l’équipe n’était impliquée dans la manigance », énonce le communiqué de la FIA.
Flavio Briatore et Pat Symonds quittent une écurie en lambeaux. Nelson Piquet ne s’en remettra que bien longtemps après en allant rouler dans des disciplines éloignées de la F1. Durant plus de quinze ans, Briatore aura été l’un des porte-drapeaux de la F1 dans son extravagance et son business. Piégé, il est désormais persona non grata.
Le Grand Prix de Singapour avait donné un nouvel élan à la F1. Près d’un an plus tard, avec la révélation du scandale, il a également précipité la chute de Flavio Briatore. Mais le système mis en place, tant par ses relations que par son implication en GP2 et GP3 a survécu à la présence de Briatore. Banni de toutes compétitions organisées par la Fédération Internationale de l’Automobile, une décision annulée par le Tribunal de Grande Instance de Paris, l’Italien n’a plus jamais été impliqué en F1. La FIA a renoncé à toutes les procédures d’appels possibles, sous l’impulsion de Jean Todt – alors président –, pour mettre officiellement terme à cet épisode qui a clairement terni l’image de la Formule 1 au cœur d’une saison qui a pourtant rassemblé tous les superlatifs au niveau sportif.
Le classement final officiel n’a jamais été modifié. En ce mois de septembre, Lewis Hamilton quitte l’Asie en tête du championnat avec sept points d’avance sur Felipe Massa et vingt sur Robert Kubica. Il ne reste que trois courses à disputer et rien n’est encore joué pour désigner un inédit Champion du Monde de Formule 1. Le titre se jouera dans le dernier tour de l’ultime course.
Il y a les professionnels, les grands champions et les légendes… Parfois, il y a même un peu plus. Colin McRae était de la race des personnalités qui étaient encore plus que des légendes. Rares sont ceux qui ont autant révolutionné leur discipline.
C’est peut-être une histoire de timing. Colin McRae est arrivé à une époque de profondes mutations en Championnat du Monde des Rallyes. La montée en puissance du Groupe A vers le WRC après un large passage à vide, des épreuves plus courtes et plus rapides, le retour d’une ambition médiatique et les premiers jeux vidéo ont accompagné la carrière de ce vrai virtuose.
Le Championnat du Monde des Rallyes a produit des as du volant. De Jean-Luc Thérier à Sébastien Loeb en passant par Walter Röhrl, nous pourrions débattre durant des années du réel potentiel de chacun et du « plus grand de tous les temps ». Tous les champions ont marqué, d’une manière ou d’une autre, leur catégorie. Mais ils sont si peu nombreux à être allé au-delà du petit monde du sport auto.
J’ai des souvenirs très personnels de Colin McRae… Pour mon premier rallye de Championnat du Monde « travaillé », il m’avait claqué la portière de sa Ford Focus WRC au nez alors que j’essayais d’obtenir une déclaration à un point-stop. Ça marque un débutant même si, à l’époque, les pilotes pouvaient encore échapper au nouveau rituel de la déclaration obligatoire après chaque chrono.
L’autre grand souvenir reste le 15 septembre 2007. Je m’occupais de la gestion éditoriale du site officiel du Championnat du Monde des Rallyes lorsque j’ai reçu un message pour me dire que l’hélicoptère du pilote s’était écrasé et que l’on ne savait pas encore s’il était à l’intérieur. Une soirée à écrire, attendre, craindre, accepter la fatalité. Je lui devais bien ça après avoir titré Le Seigneur des Tonneaux en suivant ses excès lors du Rallye de Chypre 2003 !
Depuis, j’ai intégré Citroën Racing pour suivre le Championne du Monde des Rallyes. Evoquer Colin McRae dans cette équipe qui ne l’a fait rouler qu’une seule saison – avec un unique podium au palmarès commun – met des étoiles dans les yeux de ceux qui l’ont côtoyé. Tous se rappellent d’un grand monsieur, d’un équipier dévoué et d’un homme bon. Et inutile de parler du regard de David Richards ou de Malcolm Wilson lorsque Colin entre dans la conversation.
If in doubt, flat out!
Colin McRae était aussi le nom d’un jeu vidéo qui a révolutionné le style. Même si l’idée de vendre son nom avait entraîné quelques quiproquos. Je me souviens avoir entendu une personne très surprise d’apprendre que Colin McRae existait vraiment, pas comme Lara Croft… C’est aussi grâce à ces jeux que Colin McRae est devenu plus qu’un pilote.
Plus que les autres, Colin McRae avait un style flamboyant… Un virtuose du volant, de l’attaque, de la trajectoire. Une ambition démesurée aussi, jusqu’à prendre le risque de perdre des doigts pour se donner une chance de jouer un titre mondial.
Je profite de l’occasion pour rappeler une vérité statistique qui me tient à coeur. Colin McRae n’était pas un casseur de voitures. Durant des années, il a détenu le record du nombre de victoires en Championnat du Monde des Rallyes. A l’époque, gagner 25 courses en une carrière était un énorme exploit… Et s’il n’a pas atteint l’arrivée à 60 reprises (41 % de ses départs), son plus grand rival Tommi Mäkinen possède des statistiques très équivalentes avec 24 victoires et 59 abandons (40 % de ses départs). L’unique réelle différence est le nombre de titres… Le Finlandais en a gagné quatre consécutifs entre 1996 et 1999, juste après la consécration de l’Ecossais en 1995.
Plus encore que le pilote, Colin McRae était un amoureux du sport automobile. Le Mans, le Dakar, il faisait partie de ces pilotes qui avaient envie de tout tester. Il aimait aussi partager sa passion. Il avait accompagné Kris Meeke pour l’emmener vers le plus haut niveau, il avait poussé Travis Pastrana à découvrir le rallye. Il avait aussi su éviter les pièges des journalistes britanniques désireux de créer un duel entre lui et le regretté Richard Burns hors des spéciales. Et il avait même fini par concevoir sa propre voiture de course…
On t’aime Colin. Merci pour tous les souvenirs que tu nous as laissés !
Ces dernières années, on ne pourra nier que le rallycross a connu un développement digne de la croissance chinoise des années 2000.
Après avoir redécouvert cette compétition le week-end dernier à Lohéac, temple du RX, je me suis penché sur la partie mécanique de l’élite mondiale qu’est le World RX et ses chars, comme disent nos amis québécois. Alors que sont réellement les RX Supercars ? Des WRC maquillées ? De véritables voitures conçues pour la discipline ? Découverte.
Lorsqu’on dit que les RX Supercars sont des WRC XXL ce n’est pas vraiment faux. Il faut dire que dès les débuts de la discipline ont mis sur piste les voitures de rallye, puis le temps allant, elles deviennent un peu transformées, adaptées à la discipline.
Le premier rallycross a lieu le 4 février 1967 sur le circuit de Lydden Hill, près de Douvres, au Royaume-Uni. C’est Vic Elford qui remporte cette grande première, sur Porsche 911. Quand on disait que le rallye en était proche… Il faut dire que cette course a été organisée afin d’honorer le contrat télé de la BBC, suite à l’annulation du RAC Rally pour cause d’épidémie de fièvre aphteuse. La présence de voiture de rallye et de Vic Elford étaient donc logiques.
Vic Elford, premier vainqueur de l’histoire du rallycross. C’était à Lydden-Hill, en 1967, sur Porsche.
Des voitures de rallye, du cross, le rallycross était né en 67. Près de 10 ans plus tard, la discipline traverse la manche et arrive en France en 76, à Lohéac, pour la première manche française de l’histoire du rallycross. Inspirés du rallycross montant au Royaume-Uni, dans les pays scandinaves ou au Pays-Bas, les concurrents sont prêts et répondent à l’appel, tandis que les voitures vues en course ce week-end là sont bien loin des voitures vues en 1967.
Sous l’aile de Michel Hommell, à qui Lohéac doit tout, on retrouve des pilotes tels Jean Ragnotti, Henri Pescarolo ou Guy Chasseuil. 38 pilotes participent à ce premier rendez-vous français, auquel participent aussi de grands noms du rallycross belge, hollandais, britannique. L’histoire s’écrit à Lohéac et ailleurs en Europe.
Dans les années 80, le rallycross hérite des Groupe B interdite en rallyes et le championnat européen devient une des compétitions les plus en vogue des années 90/2000. En 2014, la FIA créé avec la société IMG le championnat du monde de rallycross, FIA World Rallycross Championship. L’engouement est énorme, de grands noms du sport auto mondial jouent le jeu, alors que les constructeurs investissent ce championnat naissant. Peugeot s’engage avec la 208 RX, Ford avec les Fiesta RX puis Focus RX, VW avec la Polo RX, Audi avec la S1 RKS RX et bien d’autres, alors que les Sébastien Loeb, Mattias Ekstrom, Petter Solberg, Ken Block ou encore Jacques Villeneuve répondent à l’appel aux volant des RX Supercars susnommées.
Monster Energy, Red Bull, Red Bull, Monster Energy, Red Bull. Energétique le départ !
Qui dit Championnat FIA dit règlementation précise. Alors que nous apporte cette réglementation au niveau des voitures engagées en RX Supercars ?
Toute Supercar doit être basée sur une caisse de série. A cette caisse, qu’on prépare spécifiquement à l’aide de nombreuses soudures, on greffe l’arceau cage et les renforts qui la fera résister aux assauts des autres concurrents et assurera la sécurité du pilote. Puis on amène l’ensemble propulseur. A ce jeu, la FIA et IMG, organisateur du championnat FIA RX, imposent aux RX Supercars un moteur 4 cylindres d’une cylindrée de 2L. On y greffe un beau turbo qui va bien, avec une bride de 45mm. A noter qu’en WRC 2017, la bride de turbo est de 36mm.
Cet ensemble développe environ 600 chevaux selon les modèles, la puissance de l’Audi S1 EKS RX développant par exemple 560 chevaux. Cette valeur étant bien entendu indicative, cette puissance pouvant varier, le secret étant logiquement et jalousement gardé. Question transmission, les 4 roues motrices sont de rigueur, avec une répartition 50% avant, 50% arrière. Le couple est d’environ 750Nm, pour une vitesse maximale est de +- 210 km.
L’Audi S1 ESK RX quattro de Mattias Ekstrom, point par point et 560 chevaux!
A l’extérieur, on trouve une voiture véritablement bodybuildée. élargie, presque adepte à la gonflette. Les trains sont plus larges, les pare-chocs avants et arrières sont plus gros et à l’arrière, on retrouve un gros aileron qui va bien, identique à ceux visibles en WRC depuis cette année. Sur les flancs, d’énormes ouïes béantes amènent de l’air vers l’arrière de la bête, là où se trouve un gros ventilateur, qui refroidira au mieux la mécanique. Par ci par là, des persiennes sont greffées afin de fluidifier le flux d’air, d’évacuer la chaleur. Si la caisse est dans la matière de la voiture de série, acier ou alu par exemple, les éléments sont eux en carbone ou fibre de verre, afin d’alléger le poids au maximum et travailler sur une répartition des masses optimale. La masse devra être de 1320 kg, avec le pilote. Petit détail : les feux et phares sont factices, les verres ou plastiques ne résisteraient pas aux batailles en peloton. Ils sont remplacés par des autocollants représentants les feux d’origine, au rendu parfait. A s’y méprendre! Côté pneumatiques, deux gommes sont autorisées sur le championnat : un pneu pluie, un pneu sec, fournies par un seul manufacturier : l’Américain Cooper.
Alors, à la suite d’une course au poids, avec 600 chevaux et 4 roues motrices, le résultat est détonnant. Une RX Supercar accélère plus fort qu’une F1, terrassant le 0 à 100 km/h en moins de 2 secondes. Et oui, ça pousse ! Imaginez cela sur la terre et l’asphalte sale, dans des courses à 5 ou 6 de front. Le cocktail est explosif : c’est surement cela qu’on aime en rallycross. Et la poussière. Et la boue ! :)
En images, Audi S1 EKS RX quattro, en détails :
Tu l’as vue la boîte à l’air ?!Aileron XXL et extraction d’air !Inside Audi S1 EKS RX quattro !Grosses ailes taillées à la serpe et pneumatiques CooperAile XXL, persiennes d’extraction d’aire et rétroviseur en carbone.Deux gommes pour la saison : sec ou pluie. Ici c’est pluie !XX-aile.Extractions d’air et feux factices :)Phares factices !Audi S1 EKS RX quattroAudi S1 EKS RX quattroA l’intérieur de la S1 EKS RX, intérieur dépouillé, fait d’acier et de carbone, avec dans le fond le filet anti éjection.Pneus sec !Avec la petite plaquette de plastique pour protéger le moteur de la boue :)
J’avoue, ce n’était pas la première fois que je voyais du rallycross. La première fois, c‘était au début des années 2000, alors qu’en famille, nous passions par là au retour de vacances bretonnes. Je me rappelle vaguement d’une 206 WRC en glisse des quatre roues, sans doute était-ce Knapick ou Pailler. Puis il y eut Dreux avant les années 2010. J’avais rejoint le staff de Jérôme Grosset-Janin, avec lequel je découvrais le rallycross de l’intérieur.
Et il y eut l’essor du rallycross, sa mutation en championnat du monde labellisé FIA, le FIA World Rallycross Championship, créé en 2014. Cette fois, c’était pour de bon, direction Lohéac, l’événement de l’année, un week-end breton, en immersion. Car Lohéac est une institution. Forte de 80.000 spectateurs, la manche française du rallycross mondial est le grand rendez-vous de la saison, dans cet ouest de la France qui aime tant le rallycross et l’autocross, ce berceau de la discipline.
Je dois avouer de l’extérieur, cela ressemble à un désordre complet. Les voitures vont dans tous les sens, alors qu’elles sont de différentes catégories. Elles se croisent et se recroisent, vont et viennent dans un fatras digne de la Place Jemaa el-Fna de Marrakech. Mais le rallycross et Lohéac ont l’avantage de tout regrouper au même endroit : circuit, équipes, mécanos, public et baraques à galettes-saucisses. La recette est bonne, alors que le spectacle est disponible partout, quasiment tout le temps, dans une bonne ambiance bon enfant, à un prix correct.
Intégrés au team EKS RX / Audi Sport de Mattias Ekstrom, nous avons pu découvrir cela de l’intérieur : la précision des mécaniciens dignes des WRC, F1 ou Le Mans, l’organisation millimétrée des timings à la hauteur d’une horloge suisse. Avec deux jours de course nous avons eu le temps d’apprécier tout cela. En fait, chaque catégorie a son timing bien précis, chaque championnat glisse vers l’autre. Car on parle de RX mais il existe plusieurs RX.
Le World RX tout d’abord, qui est l’élite du championnat. Là, s’affrontent les grands marques, les grands teams, les grands pilotes : Petter Solberg chez VW, Mattias Ekstrom avec Audi, Sébastien Loeb avec Peugeot, Ken Block avec Ford etc. Les seconds et troisièmes pilotes ne sont pas en reste lorsqu’on cite des noms tels Andreas Bakkerud, Hansen, Topi Heikkinen, Johan Kristoffersson, Timur Timerzyanov, Alister Mcrae, Toomas Heikkinen, Reinis Nitiss. Pour la plupart ils sont spécialistes du rallycross, tandis que d’autres sont d’authentiques pilotes hétéroclites, retraités du WRC ou véritables guest, comme le Suisse Nico Müller, engagé ce week-end par EKS et plus habitué au luxe du DTM qu’à l’ambiance bon enfant du rallycross.
S’en suit le RX2, anti-chambre mondiale du RX, dans laquelle les compétiteurs se battent avec la même voiture, une Ford Fiesta au châssis tubulaire. Puis il y a le EuroRX, le championnat d’Europe, où on retrouve les mêmes voitures qu’en RX ou celles de l’année précédente, et dont le plateau est constitué d’équipes privées, plus ou moins soutenues par les constructeurs. On pensera par exemple à l’équipe Marklund, qui est ni plus ni moins que l’équipe satellite du team VW et dont la pilote Magda Anderson fut vraiment impressionnante ce week-end. Enfin, en Europe toujours, on retrouve les Super1600, qui sont les mêmes Super1600 connues en rallyes mais adaptées au rallycross : 1600 cm3, 2 roues motrices, etc.
Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’une fois les feux verts éteints et le départ donné, une chose est récurrente dans toutes les catégories : le désordre est bel et bien présent. Sauve qui peut et que le meilleur gagne ! Au premier freinage, ils sont 4, 5, 6 de front. Après le premier virage, ils seront deux de face et trois en file indienne derrière, dans un peloton étalé sur moins de 20 mètres, pare-chocs contre pare-chocs, n’acceptant de freiner que si celui qui précède freine. On en retrouvera toujours un en vrac dans le bac à gravier, ne lâchant l’accélérateur que si sa vie en dépend. C’est comme ça le rallycross. Avec de la poussière et de la gravette, de la pluie et de la boue, des chevaux pas centaines étalés sur la piste, des freinages tardifs et des glisses à n’en plus finir.
Du coup, entre le désordre organisé, la proximité entre public et équipes, le spectacle à tous niveaux et les galette-saucisses, j’ai beaucoup aimé cela.
On y retourne ? Allez ! Déjà que Mattias Ekstrom ne veut pas me laisser son S1 EKS RX…
Ce Grand Prix d’Italie 2008, dans le temple de la vitesse qu’est Monza, est un rayon de soleil au milieu d’un été affligeant pour le petit monde de la F1. Tant attendu, le Grand Prix d’Europe disputé sur un circuit urbain tracé sur les vestiges du port de l’America’s Cup se transforme en triste procession sans dépassement.
Et quand l’action revient sur le devant de la scène lors du Grand Prix de Belgique, Lewis Hamilton reçoit une lourde pénalité pour ne pas avoir été suffisamment élégant en se laissant dépasser par Kimi Räikkönen après une erreur de pilotage. Le duel entre Lewis Hamilton et Felipe Massa s’avère trop arbitré pour que les fans en profitent pleinement. Mais un jeune homme va vite redonner le plein de bonheur aux fans de Formule 1.
À l’instar de quelques-uns des plus grands pilotes de l’histoire, le très jeune Sebastian Vettel profite de conditions exceptionnelles pour porter à bout de bras sa monoplace confiée par une petite écurie pour se révéler.
Cette petite écurie s’appelait Minardi. Aujourd’hui, sous la direction de Dieter Mateschitz, convaincu que la F1 va aider son entreprise Red Bull à conquérir le monde, les voitures produites à Faenza portent le nom de Toro Rosso, d’une simple traduction en italien de sa boisson énergisante.
L’Autrichien a dépensé sans compter pour s’imposer dans le paddock. Depuis 2006, il finance deux écuries : Red Bull et Toro Rosso. Et, à la surprise générale, c’est le petit poucet qui s’empare de la pole position à Monza.
Toro Rosso se comporte comme une équipe à l’ancienne. Elle récupère un châssis imaginé par Red Bull et son génial Adrian Newey et s’occupe de le faire rouler. La RB4, rebaptisée STR3, n’est pourtant pas une parfaite copie. Quand la maison-mère est propulsée par Renault, sa partie italienne a installé un bloc Ferrari.
Le directeur technique Giorgio Ascanelli pense d’abord à l’exploitation, priorité des priorités face à des développements réservées aux top-teams. Le jeune Sebastian Vettel et l’expérimenté Sébastien Bourdais en profitent pleinement.
Ce Vettel n’a que 21 ans, mais c’est un enfant de la famille Red Bull qui finance son développement depuis déjà neuf saisons ! Il est d’ailleurs la raison de l’investissement de Dieter Mateschitz dans Minardi. Le jeune Allemand n’aurait pas pu trouver un volant ailleurs dans une F1 toujours trop fermée pour les espoirs de la discipline.
BMW, qui l’avait fait rouler en essais, avait tout tenté pour récupérer le contrat du successeur désigné de Michael Schumacher. Vettel a ainsi pu apprendre et faire ses premières erreurs, dont un accident avec Mark Webber derrière la voiture de sécurité d’un Grand Prix du Japon qui aurait pu devenir la première victoire en F1 du nouvel empire Red Bull.
À Monza, il est la surprise, l’attraction. Avec sa Toro Rosso à moteur Ferrari, Sebastian Vettel décroche la pole position sous la pluie. Et si Heikki Kovalainen n’échoue qu’à un dixième de seconde avec sa McLaren Mercedes, Mark Webber et Red Bull sont à plus de cinq dixièmes. Preuve que la STR3 est dans son jardin, Sébastien Bourdais suit au quatrième rang.
Le ciel est toujours chargé le dimanche. Avec énormément d’eau sur la piste, la direction de course décide de donner le départ derrière la voiture de sécurité. Le rêve de la Scuderia Toro Rosso vire presque au cauchemar lorsque Sébastien Bourdais reste collé sur la grille. Et quand le Français peut enfin démarrer, il est à un tour !
Au troisième tour, la neutralisation s’achève. Sebastian Vettel prend le large comme s’il avait une parfaite habitude de gérer les relances. Heikki Kovalainen concède déjà beaucoup de terrain en essayant de maximiser la visibilité. Derrière, les premières fautes assurent le spectacle. Timo Glock part en tête-à-queue, mais repart.
La piste reste très glissante. De plus en plus large leader, Sebastien Vettel part en travers. L’Allemand contrôle et évite le tête-à-queue. La Toro Rosso court-circuite la chicane et reste en tête.
Au fil des minutes, les flaques d’eau commencent à disparaître. Il ne pleut plus. Pour la Toro Rosso, magistrale en début de course, les nouvelles ne sont pas bonnes. Sans la protection des gerbes d’eau, sans ces performances inégalées sous les averses, il existe un vrai risque de voir le peloton revenir à la charge.
Mais tout est déjà écrit. Au 36e tour, Sebastian Vettel fait son second arrêt. Il quitte les pneumatiques maxi pluie pour chausser des pneus pluie et gère la fin de course pour passer sous le drapeau à damier avec une douzaine de secondes d’avance sur Heikki Kovailainen, bien impuissant. Troisième, Robert Kubica place sa Sauber BMW à plus de vingt secondes… Cette première victoire, un nouveau record de précocité en F1, ne souffre d’aucune contestation. Évidemment, il pleuvait. Mais aucun fait de course n’a gêné la composition du classement final. Sebastian Vettel vient de gagner son premier Grand Prix et certainement pas le dernier de sa carrière.
Il y a vingt-six ans, un fils de maçon allemand a fait ses débuts en Formule 1 sur le Circuit de Spa-Francorchamps. En un week-end, un nombre record de suiveurs a compris que Michael Schumacher allait se faire un nom dans la discipline.
En cette fin de mois d’août 1991, son manager Willi Weber a réalisé le plus beau braquage de l’histoire de la F1. Il était là, au bon moment… Lorsque Bertrand Gachot a été incarcéré pour avoir aspergé un chauffeur de taxi londonien de gaz lacrymogène. Eddie Jordan venait de perdre son pilote n°1, son franco-belge, juste avant le Grand Prix de Belgique.
Vingt-quatre mois de prison ferme pour un pilote de F1, reconnu coupable d’avoir agressé un pilote de taxi… La condamnation sera ramenée à deux mois, mais la prometteuse carrière prend un sérieux coup d’arrêt. Bertrand Gachot venait pourtant de gagner les 24 Heures du Mans avec Mazda et d’inscrire des points au Canada, en Grande-Bretagne et en Allemagne avant de signer le meilleur tour en course en Hongrie.
Eddie Jordan, toujours prêt à raconter ses histoires, explique : « Stefan Johansson, libre et expérimenté, était mon premier choix, mais j’ai été contacté par l’Allemand Willi Weber avec qui j’avais été en négociation pour lui revendre mes équipes de F3 et F3000. Il m’a alors sorti le nom de Michael Schumacher, dont il était le manager, et il m’a vanté les qualités de son poulain, alors membre du Junior Team Mercedes et que Peter Sauber faisait courir en endurance. J’y ai mis deux conditions : que Schumacher effectue une séance d’essais et que son management règle la facture de 150 000 livres (200 000 euros). Il n’était question que d’un remplacement ponctuel pour une course, mais après son arrestation, Gachot ne nous a pas donné de nouvelles ni alertés sur la gravité de son cas. »
Michael Schumacher lors de son unique GP avec Jordan
Le plus beau braquage de l’histoire de la F1
Ce que ne dit pas forcément Eddie Jordan, c’est que – malgré ses résultats – Bertrand Gachot était déjà sur un baquet éjectable. La nouvelle écurie de F1 cherchait un pilote payant pour assurer sa survie.
Willi Weber assure que Michael Scchumacher connait déjà le Circuit de Spa-Francorchamps. Tout le monde s’amuse de l’anecdote aujourd’hui que l’on sait que c’était un brillant mensonge. Mais Eddie Jordan était très heureux de fermer les yeux sur cette invention de palmarès. Il avait besoin d’argent et les 150 000 livres demandés étaient bien plus qu’il ne pouvait espérer pour l’unique Grand Prix de Belgique. Weber n’a pourtant pas les moyens de payer… C’est Peter Sauber qui verse l’argent, confié par Mercedes.
En quelques jours, tout se met en place, Michael Schumacher débarque à Silverstone pour prendre en main la petite Jordan : « Nous lui avions demandé de ménager la mécanique, car nous n’avions que très peu de moteurs. C’était la toute première fois qu’il se mettait au volant d’une F1. Après quelques tours, mon directeur technique (le génial Gary Anderson) m’a appelé en me disant que le circuit avait probablement été modifié tellement ce type-là était rapide. Je suis allé le voir en action et j’ai ressenti la même chose que lorsque j’avais offert à Ayrton Senna d’essayer pour la première fois une F3. C’était incroyable. Michael était vraiment à l’aise et tellement rapide à la sortie des courbes. »
Deux jours plus tard, Michael Schumacher marche dans l’aspiration d’un Willi Weber très souriant au cœur du paddock de Spa-Francorchamps. Le pilote allemand, né à seulement 80 kilomètres du Raidillon, n’avait jamais mis les pieds ou les roues sur l’asphalte ardennais, mais le secret doit être gardé. Il s’empare d’un vélo et part reconnaitre les sept kilomètres du tracé. Premiers essais, première qualification : septième temps ! Il fait plus que forte impression et attire tous les regards au départ du Grand Prix. Extinction des feux : abandon. L’embrayage que n’a pas voulu remplacé l’équipe, pour des raisons budgétaires, a grillé. Les 150 000 livres sont encaissés, Michael Schumacher a lancé sa carrière en F1. Win-Win… Sauf pour Bertrand Gachot, toujours en prison.
Bienvenue au Piranha’s Club
Dans les heures qui suivent, les renards de la F1 encadrent Willi Weber. Tom Walkinshaw et Flavio Briatore coincent le manager le plus recherché du circuit. Eddie Jordan est doublé : « Bernie Ecclestone voulait un pilote allemand en F1. Comme il ne croyait pas aux chances de survie de mon équipe, il a tout fait pour que Schumacher rejoigne Benetton. J’étais déçu et en colère, mais ce fut aussi un moyen de gagner un peu d’argent pour continuer. »
Ron Dennis résumera l’affaire dans un tête-à-tête avec l’Irlandais : « Bienvenue au Piranha’s Club », une expression qu’Eddie Jordan utilise toujours.
Après avoir ralenti la carrière de Bertrand Gachot (qui roulera encore avec Larousse et Pacific), Schumacher précipite la retraite de Nelson Piquet en arrivant chez Benetton. Un an plus tard, toujours à Spa, Michael Schumacher remporte son premier Grand Prix de Formule 1.
Avec le premier de ces 91 succès, l’Allemand entamait la redéfinition du métier de pilote de F1. Ceux qui l’on suivit durant deux décennies témoignent tous du même engagement.
Sept titres mondiaux, cinq consécutifs entre 2000 et 2004. 91 victoires, deux fois plus que l’ancien recordman Alain Prost. Une pluie de records : les pole positions, les meilleurs tours, les podiums… Jusqu’à un titre 2002 acquis à six Grands Prix de la fin du calendrier !
Michael Schumacher a bénéficié d’un alignement des planètes. Il a eu plus d’avantages qu’aucun autre pilote avant lui : des pneus Bridgestone conçus pour lui et une équipe totalement dédiée à sa cause. Mais il a su les exploiter et, surtout, il a créé cette situation, cet environnement favorable à la révélation du plus grand pilote de l’histoire de la discipline.
Michael Schumacher était plus rapide, plus impliqué
Le Baron Rouge était froid, concentré. Il était surtout prêt, partout, tout le temps. Prêt à aller plus loin, plus vite, prêt à faire avancer son équipe. Ross Brawn était son adversaire en sport-prototypes avant de l’accompagner en F1. Alors chez Jaguar (il a conçu la XJR-14 championne du monde en 1991), le Britannique avait déjà remarqué le talent du jeune homme.
« Il allait plus vite que ses deux équipiers (Karl Wendlinger et Heinz-Harald Frentzen), avec une marge significative. Je n’ai pas été surpris en le voyant rouler à Spa. Il avait un énorme talent naturel. Mais ce qui faisait la différence était sa préparation. Il travaillait avant les Grands Prix, physiquement et techniquement. Rapidement, il a créé de nouveaux standards pour la F1. Il ne lâchait rien. Il n’aurait pas quitté un circuit sans être sûr qu’il n’avait pas exploré toutes les pistes d’amélioration. Avec certains pilotes, il faut faire des pieds et des mains pour les faire travailler. »
Sabine Kehm est devenue son attachée de presse personnelle pour la saison 2000, lors de son premier titre avec Ferrari : « Il n’avait pas de fierté mal placée qu’il l’empêchait d’écouter les autres. C’était sans doute l’un des secrets qui faisaient que tous les gens qui travaillaient avec lui l’adoraient. Il respectait tout le monde. Jamais je ne l’ai entendu dire ‘Je suis Michael Schumacher, qui êtes-vous ?’ »
Ce professionnalisme existait également dans sa communication, tâche que supervisait Sabine : « Il n’a jamais critiqué son équipe en public. En interne, oui. Mais ça ne sortait pas. Il attendait de pouvoir assister à une réunion et exposait ses arguments, très calmement. »
Après Willi Weber, Peter Sauber, Eddie Jordan et Flavio Briatore, celui qui a cru en Michael Schumacher est Jean Todt. Engagé par la Scuderia Ferrari pour gagner un titre de Champion du Monde qui échappait aux Rouges depuis 1979, il a conçu l’équipe autour du pilote allemand : « Michael était l’un des plus brillants champions de la F1. Il avait quelque chose de spécial, un truc en plus. Il était aussi très généreux. C’était un perfectionniste qui se remettait toujours en question. Quand l’année débutait, il nous demandait – à chaque fois – une séance d’essais privés pour s’assurer qu’il était aussi rapide que la saison précédente. »
Cette générosité était visible à Maranello. Ross Brawn se souvient que Schumacher avait aidé des membres de l’équipe à traverser des périodes difficiles dans leur vie.
Des coups de volant qui font tâche
Face à ce tableau idyllique, certains grincent des dents. Compétiteur, Michael Schumacher appliquait rigoureusement « ses » propres règles en piste : ne rien lâcher, aller jusqu’au bout pour aller plus vite, plus loin et gagner. Des contacts pour conquérir des titres de Champion du Monde, une Ferrari garée à la Rascasse pour s’assurer d’une pole position… Une mauvaise fois affichée lors d’une rencontre avec David Coulthard, sous l’impulsion de Bernie Ecclestone.
Nous sommes à Monza, en 1998. Monsieur F1 cherche à éviter un carnage en direct à la télévision. Quelques jours plus tôt, Michael Schumacher a heurté l’arrière de la McLaren de David Coulthard en lui prenant un tour sur le circuit (encore) de Spa-Francorchamps. L’Allemand accuse l’Écossais d’avoir essayé de le tuer (le même accident se déroule entre Giancarlo Fisichella et Shinji Nakano)… Mais la conversation ne mène à rien.
Coulthard raconte : « Je lui ai fait remarquer qu’il ne pouvait pas avoir raison sur tout, tout le temps. Mais il était persuadé du contraire. Ça n’avait aucun intérêt. Je lui ai demandé si, chez lui avec sa femme, il avait toujours raison. Il a répondu qu’il ne se souvenait pas d’un seul contre-exemple. Je l’ai laissé avec ses certitudes. Lorsque l’on est face à une personne qui a une telle confiance en soi, qui ne peut pas reconnaître la moindre faiblesse, on ne peut pas négocier. »
L’absence de négociation… Damon Hill (1994) et Jacques Villeneuve (1997) peuvent en témoigner. Cette absence de négociation, Ross Brawn la définit ainsi : « Il volait de virage en virage à une vitesse incroyable, avec une confiance folle. C’était son style. Il dépassait l’aspect rationnel des choses. Et, parfois, ça ne passait pas. 99,9 % du temps, c’était parfait. Mais le 0,1 % restant, il y avait une sorte d’aspérité. Ça faisait partie du package. »
Sabine Kehm le défend : « Aucun autre pilote n’a autant lutté pour le titre mondial que lui. J’ai entendu beaucoup de pilotes le critiquer, mais dès qu’ils étaient en position de jouer un titre, ils ont commis les mêmes erreurs. »
Après sa seconde retraite, Michael Schumacher suivait de près ce qu’il se disait sur la trace qu’il laissait. Il craignait que ses trois saisons avec Mercedes, avec un seul podium et un meilleur tour, ne ternissent l’ensemble de ses records. Mais, fin 2013, il est victime d’un grave accident de ski. Depuis, son état de santé est l’un des secrets les mieux gardés.
Matra existe encore. La diversification à tout-va de cette entreprise d’abord connue pour ses lance-roquettes a permis aux différentes branches de survivre à sa disparition officielle en 2003. Le nom reste utilisé pour la commercialisation de vélos… Loin de la folie de la grande époque du Mans et de la F1.
En 1964, la société « Matra » prolonge sous son nom l’œuvre de René Bonnet en proposant des Djet 5 pensées à Romorantin et notablement améliorées. L’automobile est l’occasion d’ouvrir de nouvelles perspectives.
Le président de Matra, Marcel Chassagny, ne cache pas son ambition de faire évoluer l’image de sa société, d’abord connue pour la production de lance-roquettes et de missiles. Avec des Matra sur quatre roues, il « civiliserait » le nom Matra.
L’autre associé de l’affaire, Sylvain Floirat, est bien moins passionné de la chose automobile. Mais son flair – que l’on dit légendaire – impose la poursuite des projets. Floirat, c’est déjà Bréguet et Europe 1. Là, il donne les plein-pouvoirs à Marcel Chassagny pour concevoir un nouveau constructeur…
Pour Chassagny, il faut un homme capable d’exécuter cette immense tâche. Cet homme, c’est Jean-Luc Lagardère. Ce jeune transfuge de Dassault est propulsé au rang de directeur général. L’une de ses premières décisions est de mener de front l’exploration auto et la création d’une équipe de sport automobile.
Il trouve un atelier et commence le recrutement. Le staff technique ne tardera pas à se faire connaître : Hubert, Caubet, Carillo, Legan, Guédon, Hébert, Martin, Boyer… Claude Le Guezec en team manager et enfin de jeunes pilotes : Offenstadt, Jaussaud et Beltoise.
En 1965, la première Matra de compétition est lancée sur les circuits. En F3, le châssis coque est équipé d’un moteur Ford Cosworth. Ce choix fait grincer des dents en France… Sylvain Floirat balaie les remarques : « La Caravelle, gloire de nos ailes… Où est-elle allée chercher ses réacteurs ? »
Quatrième course et première victoire pour la Matra MS 1 pilotée par Jean-Pierre Beltoise à Reims ! En cinq semaines, l’équipe a déjà atteint son premier objectif. Le rythme s’accélère. Toujours en F3, la MS1 laissera la place à la MS5-Ford. Titres européens pour Ickx, Beltoise et Servoz Gavin… Puis c’est l’heure d’affronter la F2 avant l’arrivée des « Sport » !
Les 24 Heures du Mans sont l’objectif. Un accord est passé avec UGD, un fleuron français qui deviendra Elf… Oublié l’épisode F3, cette fois, Matra roulera avec son propre moteur : un V12 bleu-blanc-rouge !
En pendant que la marque fait ses débuts en F1 avec un Cosworth dans le dos, le 3 litres V12 passe au banc fin 1967. 395 chevaux sont tirés par l’ingénieur Georges Martin… Gordini a fait son ultime tour il y a douze ans. Voici Matra qui fait son entrée en Championnat du Monde des Sport-Prototypes : 9 victoires et un titre partagé avec Cosworth. Ce programme accompagne l’action de l’entreprise sur route avec la 530 GT.
Le Musée Matra
Le fameux V12 entre en action dès le mois de mai 1968 à Monaco et à Spa-Francorchamps. Au Mans, la Matra 630 marque les esprits. Henri Pescarolo, associé à Johnny Servoz-Gavin, se montre héroïque sous la pluie pour naviguer en deuxième position avant d’abandonner avec une double crevaison… Le public y a cru, Matra y a cru. L’aventure ne fait que commencer.
Le département sport devient fou : La F1, Le Mans, Matra développe également une barquette alignée sur le Tour Auto ! Au volant des 630 et 650, Jean-Pierre Beltoise et Gérard Larousse s’imposent avec Jean Todt (1970) et Johnny Rives (1971) en copilotes.
La branche britannique portée par Ken Tyrrell et Jackie Stewart décroche le titre de Champion du Monde de F1 avec le V8 Cosworth. Il est temps de lancer le V12 en monoplace. Il ne participera qu’à 34 Grands Prix, sans parvenir à décrocher une couronne. L’équipe se réoriente vers les sport-prototypes pour s’octroyer deux titres mondiaux en 1973 et 1974 en même temps que les 24 Heures du Mans en 1972, 1973 et 1974.
Jackie Stewart au volant de la Matra à moteur Ford-Cosworth
Le V12 repart alors en F1 pour propulser la Shadow de Jean-Pierre Jarier, puis les Ligier jusqu’en 1982. C’est en 1977, lors du Grand Prix de Suède, qu’il s’impose pour la première fois à ce niveau… C’est aussi la première victoire 100 % française en F1 avec Jacques Laffite, Ligier et Matra. Après une pause en 1979 et 1980, le V12 revient grâce à l’arrivée de Talbot au capital de Ligier. Laffite s’impose encore en Autriche et au Canada…
Mais le V12 est dépassé. L’avenir d’un motoriste en F1 passe par la mise à disposition d’un V6 Turbo. Georges Martin se remet à la tâche. Le moteur prend forme avec un angle de 120° et une puissance de 800 chevaux à 12 000 tours/minute au banc. Mais Matra veut faire payer le moteur à Peugeot, propriétaire d’un Talbot bientôt à l’agonie. Les tensions sont réelles entre les deux partenaires. Talbot et Matra n’ont plus d’avenir commun. Ils terminent leur contrat en 1982. Ce désaccord en F1 sera complété par l’arrêt des Murena et Rancho…
Le fameux V12 Matra
Le V6 Turbo est alors proposé à Franck Williams… Williams et Matra entrent en négociation jusqu’à ce que Renault intervienne. La marque au Losange se réserve la F1. L’Espace sera produit par Matra à Romorantin, il n’est pas question d’une quelconque concurrence. En 1983, la division Moteurs et Etudes Avancées de Matra est fermée. Le 1,5 litre taillé pour la F1 n’ira jamais en compétition.
Soixante-sept Grands Prix, deux pole positions, treize podiums et six victoires. Pas le moindre titre. Le palmarès de Gilles Villeneuve est trop mince, autant que sa carrière terminée à Zolder à seulement 32 ans.
Une carrière se joue souvent à un petit rien. Une rencontre. Celle de Gilles Villeneuve n’aurait certainement jamais dû passer par la F1. Le jeune Canadien n’a pas suffisamment de ressources financières pour accéder au plus haut niveau. Il débute sur des épreuves de dragsters aux commandes de sa propre Ford Mustang avant de devenir pilote professionnel de motoneige jusqu’à décrocher un titre de Champion du Monde de la spécialité en 1974.
Ses gains lui permettent d’aller en monoplace. Il évolue en Formule Atlantic et fait même une apparition au Grand Prix de Pau en F2… Le destin frappe en 1976. Quelques pilotes étrangers viennent disputer une manche de Formule Atlantic sur le circuit de Trois-Rivières. En route vers le titre, avec un style offensif déjà largement développé, Gilles Villeneuve s’impose devant Alan Jones (futur Champion du Monde de F1), James Hunt (titré en F1 cette année-là), Vittorio Brabilla (titulaire en F1 chez Beta et déjà vainqueur en Formule Atlantic), Bobby Rahal (bientôt trois fois Champion de CART), Patrick Tambay et Hector Rebaque (deux futurs pilotes de F1).
Il se dit que cette course extraordinaire lui a ouvert les portes de la F1. De retour en Europe, James Hunt trouve Teddy Mayer, responsable de l’écurie McLaren, pour lui recommander ce jeune Canadien.
Quelques mois plus tard, Teddy Mayer propose effectivement un premier test à Gilles Villeneuve. Un contrat est signé pour un maximum de cinq courses. Pour le Grand Prix de Grande-Bretagne 1977 – le premier de Renault avec son inédit moteur turbo – McLaren engage cinq monoplaces à moteur Ford, dont une ancienne M23 pour le débutant canadien.
Contraint de passer par les préqualifications du mercredi, il signe le meilleur temps devant Patrick Tambay, Jean-Pierre Jarier et Brett Lunger… Il passe encore les qualifications, quand Emilio de Villota – avec une autre McLaren – termine son week-end prématurément.
Qualifié en neuvième position, Gilles Villeneuve dévoile son style au monde de la F1. Et tandis que Jean-Pierre Jabouille casse un premier turbo en course et que James Hunt s’impose avec sa McLaren devant Niki Lauda en Ferrari, Gilles Villeneuve décroche la neuvième place.
L’histoire aurait pu s’arrêter là, après un premier Grand Prix réussi.
Dans le Times, sa course est résumée ainsi : « Ceux qui cherchent un futur Champion du Monde n’ont pas à chercher plus loin que chez ce jeune pilote plein d’assurance. »
Pourtant, Teddy Mayer ne fait plus rouler Villeneuve et ne lui propose aucun contrat pour la saison 1978. Il lui préfère Patrick Tambay qu’il considère comme « moins cher » et dont le potentiel est équivalent.
Là, chacun possède son histoire. Ils sont plusieurs poignés à avoir glissé un mot à Enzo Ferrari à propos de Gilles Villeneuve. Beaucoup s’approprient un tête-à-tête décisif avec le Commendatore pour faire signer le Canadien.
Ce qui est sûr, c’est que le patron de Maranello a pris sous son aile un pilote au palmarès long comme un Grand Prix. Une situation pour le moins inhabituelle chez Ferrari.
« Quand ils m’ont présenté ce petit Canadien, cette minuscule boule de nerfs, j’ai immédiatement reconnu en lui le physique de Nuvolari et je me suis dit qu’il fallait lui donner sa chance », racontait plus tard Enzo Ferrari.
Une séance d’essais est rapidement organisée à Fiorani. Villeneuve n’aurait pas été bon. Plusieurs erreurs et des temps loin d’être significatifs… Pourtant, tout est déjà prêt : il signe pour deux Grands Prix en 1977 et la saison 1978.
Chez les Rouges, Niki Lauda et la Scuderia ne s’entendent plus. Depuis que Carlos Reutemann est son équipier, l’Autrichien se plaint de la pression qui lui est mise et il annonce son arrivée chez Brabham pour la saison suivante… En piste, il reste pourtant la référence. Sa régularité lui permet de décrocher le titre à Watkins Glen. Objectif atteint après 15 des 17 manches du calendrier, et face à l’engagement de Gilles Villeneuve sur une troisième Ferrari au Canada, Niki Lauda proclame son départ prématuré.
Villeneuve arrive donc dans une équipe qui a l’assurance de décrocher les deux titres avant même les deux dernières courses, mais avec une ambiance particulièrement lourde.
À Mosport, le Canadien entame son week-end en sortant de la piste en qualifications. 17e sur la grille, il revient au huitième rang avant de faire en tête-à-queue dans le 72e tour. Il repart 10e. Quatre tours plus tard, Andretti casse son moteur et répand dans l’huile sur la piste. Patrese, Brambilla, Ongais et enfin Villeneuve sont pris au piège. Et si Villeneuve parvient à ne rien heurter, sa transmission casse.
Au Japon, Gilles Villeneuve ne se qualifie qu’au 20e rang à Fuji. Au bout de cinq tours, un contact avec la Tyrrell P34 de Ronnie Peterson envoie les deux monoplaces hors-piste. Un commissaire et un photographe – placés dans une zone interdite – sont tués par les débris.
« Si on m’avait proposé trois vœux, mon premier aurait été de faire de la course, mon deuxième d’être en F1 et mon troisième aurait été d’être chez Ferrari. »
La saison 1978 débute mal. Le Canadien entre une fois dans les points sur les onze premiers Grands Prix. La presse italienne se déchaine et demande son remplacement. Pendant que Reutemann se bat pour le titre mondial, Villeneuve navigue autour de la quinzième place. Enfin, il décroche un premier podium en Autriche et s’impose lors de l’ultime course de la saison, à Montréal, sur le circuit qui portera son nom.
C’est un déclic. En 1979, Carlos Reutemann quitte Ferrari pour rejoindre Lotus et le Sud-Africain Jody Scheckter arrive aux côtés de Gilles Villeneuve. Malgré Alan Jones et Jacques Laffite, Ferrari domine la saison. À Monza, Scheckter peut décrocher le titre mondial. Au sein de la Scuderia, un accord est passé : les deux pilotes peuvent défendre leurs chances durant les deux premiers tiers de la course. Ensuite, les positions seront figées. Le Sud-Af part en tête, Villeneuve le harcèle jusqu’au 33e des 50 tours. Puis, il le laisse s’imposer, pour respecter la parole donnée avant le départ.
L’hiver se passe parfaitement. Les bookmakers britanniques placent Villeneuve en large favori pour décrocher le titre mondial. La saison 1980 est pourtant un désastre. La Ferrari ne profite pas de l’effet de sol développé par d’autres écuries. Villeneuve décroche deux cinquièmes et deux sixièmes places. Il termine quatorzième du championnat. Scheckter fait pire et annonce sa retraite.
De ces années faites de hauts et de bas, un lien filial se tisse entre Gilles Villeneuve et Enzo Ferrari. Le Canadien fait figure d’intouchable.
Profondément attaché à son pays, Enzo Ferrari pouvait offrir toute sa confiance à un étranger, tant qu’il montrait une pointe de Garibaldi – père de la nation italienne – dans ses gènes.
Ceux qui ont connu Villeneuve diront qu’il n’avait rien de facile. Il détestait que sa Ferrari le lâche. C’était un attaquant généreux, bourré de talent, qui ne supportait pas la trahison de la mécanique. Pourtant, il massacrait ses voitures et collectionnait les tête-à-queue. Loin des circuits, on le voyait en Ford Bronco, en FIAT 124 Spider ou en Ferrari 328, sur son bateau ou dans son hélicoptère…
1981. Ferrari possède enfin un moteur turbo et Gilles Villeneuve choisit un numéro qui marquera l’histoire : le 27. C’est une formule magique. Le titre ne sera pas au bout, encore une fois. Mais à Monaco, le Canadien est à l’œuvre. Le temps de réponse des turbos est insolent. Le pilote appuie sur la pédale. L’énorme puissance arrive plus tard. Là où la souplesse est un gage de sécurité, la mécanique des F1 modernes est un piège.
Qualifié sur la deuxième ligne de la grille de départ, Gilles Villeneuve doit patienter ce dimanche après-midi. Une fuite d’eau dans l’hôtel du Loews noie l’entrée du tunnel. Nelson Piquet s’envole au départ avec sa Brabham BT49C à moteur atmosphérique. Derrière, Villeneuve est en délicatesse avec ses freins. Il laisse passer Alan Jones en Williams FW07, elle aussi avec le V8 DFV.
Après les freins, les pneus de la Ferrari donnent des signes de faiblesse. Dans les rues de Monaco, qu’il habite toute l’année, Villeneuve fait danser sa F1. Les sorties de virages sont marquées par des petites glissades. Chaque coup d’accélérateur sur les grosses roues arrière est compensé par un contre-braquage des petites roues avant. La Ferrari est au-dessus de l’asphalte. Gilles Villeneuve est un magicien. Nelson Piquet sort, Alan Jones casse. La Ferrari passe et gagne. Un moteur turbo gagne pour la première fois à Monaco. Et seul Gilles Villeneuve pouvait le faire en 1981.
Il remporte encore le Grand Prix suivant à Jarama. La suite sera plus compliquée avec cinq abandons et une disqualification en huit courses. 1982 commence de la même façon… Jusqu’à Zolder.
Évidemment, vous pourrez retrouver de vieilles images d’un Sébastien Loeb au look très années 1990 (normal dans les années 1990) avec une cigarette au bec… Mais une fois enfilée sa belle combinaison Citroën, le plus grand pilote de rallye de tous les temps est devenu le gendre idéal. Comment, en 2008, a-t-on pu croire qu’il allait ternir l’image de son sport par son style ?
Il aura fallu pas loin de 25 victoires et plusieurs titres de Champion du Monde des Rallyes pour que Sébastien Loeb commence à se faire un nom en France. Adoré par les amoureux de sport mécanique, il s’est enfin fait connaître du grand public en battant des records. Ses passages épisodiques au Grand Journal et son humilité ont conquis bien au-delà de la sphère sportive.
En 2008, il est à un tournant de sa carrière. Sébastien Loeb vient d’égaler le record de Tommi Mäkinen en décrochant quatre titres consécutifs. Il compte 36 victoires en WRC (record), soit six de plus que Marcus Grönholm. Le géant finlandais, son plus grand rival depuis plusieurs années, vient de prendre sa retraite.
Guy Fréquelin n’est plus là. Atteint par la limite d’âge, il a laissé la direction de Citroën Sport à Olivier Quesnel, choisi à la surprise générale. Sur le plan sportif, le WRC évolue également en 2008 avec l’arrivée de Pirelli comme fournisseur exclusif de pneumatiques et la désignation de l’ordre de départ selon le classement général de la veille.
Malgré trois victoires lors des cinq premières manches, Sébastien Loeb n’est pas en tête du classement du championnat 2008. Mikko Hirvonen, plus régulier, compte cinq points d’avance.
Fin avril, le WRC se découvre une affaire extrasportive qui ne touche d’habitude que les sports bien plus médiatisés. L’Équipe affirme que Citroën Sport a reçu une lettre de remontrance signée du plus haut représentant du WRC à la Fédération Internationale de l’Automobile concernant « le look de Sébastien Loeb ».
Si l’existence de cette lettre n’a pu être établie selon d’autres journalistes, le look de Sébastien Loeb a bien été au cœur des débats à la FIA. Durant plusieurs semaines !
Un premier mail est écrit par Surinder Thatti, président de la confédération africaine du sport automobile, adressé à Morrie Chandler, président de la commission rallye de la FIA, avec plusieurs personnes de la fédération en copie : « Je me dois d’exprimer mon opinion à propos du piètre passage de Sébastien Loeb à la TV lors de l’arrivée du rallye du Mexique. Il n’était pas rasé, dépenaillé avec une chevelure négligée ! Quand la FIA lui donne une couverture TV globale vers des millions de téléspectateurs et d’enfants dans le monde, il est un héros et un modèle. Je sais que chacun est autorisé à un degré de liberté personnelle, mais il me semble qu’il va trop loin et que quelqu’un devrait lui parler, ou parler à son équipe. »
Le Néo-Zélandais Morrie Chandler répond en ajoutant Simon Long, patron d’ISC – le promoteur du WRC – en copie : « Malheureusement, ce n’est pas un problème propre à notre sport, vu que la même chose arrive dans le football et d’autres sports d’hommes. Bien sûr, ces personnes sont une insulte aux vrais hommes. Ma seule solution c’est que nous suggérions à ISC qu’ils aient la couverture à laquelle ils ont droit en tant que vainqueurs, mais sans gros plans et sur un laps de temps réduit. »
Par sa réponse Morrie Chandler montre son agacement. En visant Sébastien Loeb, dont le look est une insulte aux « vrais hommes », il demande aux équipes de tournage de minimiser son exposition médiatique.
C’est l’arrivée de Simon Long dans la conversation qui va calmer les esprits : « J’ai le sentiment que c’est précisément ce look débraillé qui a aidé Sébastien Loeb à devenir l’idole de tant de fans en France et autour du monde. Le rallye est un sport vrai et dur. Dans le cadre du repositionnement du produit et de la façon dont nous projetons nos héros, on ne peut pas demander aux pilotes d’être toujours propres sur eux. »
Morrie Chandler, qui ne peut influer que sur la règlementation technique et sportive, se trouve bloqué par le détenteur des droits commerciaux : « Si, d’après votre expérience, son comportement et son apparence font vendre, qu’il en soit ainsi. »
En Sardaigne, pour le sixième rallye de la saison, les questions sur le sujet usent Sébastien Loeb et son équipe. Seb répond : « J’ai appris le nouvelle par la presse comme tout le monde, donc à partir de là, ça ne me touche pas. Au contraire, ça me fait plaisir, on parle de moi. »
Sur l’île italienne, le champion du monde s’empare de la tête du classement dès la seconde spéciale et résiste jusqu’au bout à Mikko Hirvonen et Jari-Matti Latvala. Au Japon, avant l’ultime manche du calendrier, il devient le premier pilote à décrocher cinq titres mondiaux.
Un détail supplémentaire pour les hommes de la FIA ? Leur président Max Mosley est – au même moment – empêtré dans un scandale sexuel aux accents d’orgie nazie.
Une obsession. Un Graal. Un morceau de routes entre terres et ciel… Quelle que soit sa forme, son nom résume l’excitation d’un pilote ou d’un copilote de rallye : Ouninpohja (Oy nine poy ahh). C’est le nom de l’épreuve spéciale qui fait figure de référence en Championnat du Monde des Rallyes, depuis des années et des années.
Ouninpohja est le nom de ce que l’on pourrait définir comme un hameau situé entre Jyväskylä (base du Rallye de Finlande) et Tampere (troisième ville du pays), à quelques kilomètres au sud-ouest de la commune de Jämsä. À 180 mètres d’altitude, coordonnés 6146’0.120″N, 250’0.000″E : il ne se passe rien 360 jours par an. Seuls quelques pèlerins s’attachent à trouver les bons changements de direction, le nez rivé sur des cartes.
Mais quand approche la fin du mois de juillet, l’endroit se transforme en Mecque de la vitesse. Un lieu saint. En 16, 22 ou 33 kilomètres, dans un sens ou dans l’autre, le nom évoque la vitesse, la prise de risque, l’engagement maximum nécessaire à la performance. Il devient le synonyme du rallye. Tout doit être millimétré, le copilote doit envoyer des dizaines de pages dans l’intercom et le pilote doit passer à l’acte. L’improvisation est un bonus. Face à chaque bosse, le virage suivant est déjà anticipé. Les corps se raidissent avant chaque réception. Décollage, atterrissage, traction…
Ces routes ne tutoient plus les limites depuis bien longtemps. Elles les repoussent. En 2007, le règlement établi par la FIA laissait apparaître ces lignes à l’article 2.2.4 : « La vitesse moyenne maximale autorisée dans les épreuves spéciales d’un rallye ne peut être supérieure à 130 km/h. » L’année suivante ? « Excepté pour le Championnat du Monde des Rallyes, la vitesse moyenne maximale autorisée dans les épreuves spéciales d’un rallye ne peut être supérieure à 130 km/h. »
La raison de cette exception ? Marcus Grönholm avait traversé les 33 kilomètres du second passage dans Ouninpohja en 15’19’’8 lors du Rallye de Finlande 2007… À 129,16 km/h de moyenne. Pour ne pas mettre ce lieu mythique, la fédération a ajouté quelques mots adroitement. Ouninpohja est plus fort que le règlement !
Selon les chiffres, Ouninpohja n’est pas la spéciale la plus rapide du championnat. Mais c’est la plus longue, la plus technique, celle qui réclame le plus d’engagement, tant du pilote, du copilote que de la voiture.
La surface n’est pas particulièrement glissante. Dans cette région, la terre est presque aussi tassée que du bitume. Seules quelques pierres parviennent à sortir des cordes. Ce qui écrit l’histoire d’Ouninpohja, c’est sa troisième dimension. Le terrain est fait de bosses de tailles différentes. Pas de dos d’âne, non. De vraies bosses, comme dans un grand huit dans lequel le tonneau et la vrille seraient interdits.
Dans la version 33 kilomètres, un équipage de WRC décolle des quatre roues plus de 70 fois. En 2003, Markko Märtin a fait un saut de 57 mètres à 171 km/h. Il faut rappeler que l’on n’est pas dans une émission de télévision ou dans une opération destinée à entrer dans le Livre des Records. Cette année-là, l’Estonien pilotait la même voiture qu’il allait mener à la victoire sur le plus cassant Rallye du Mexique quelques mois plus tard…
Kai Tarkainen, Directeur de Course depuis des années, résume simplement : « Ouninpohja attire toujours beaucoup de spectateurs. Au fil des années, c’est quasiment devenu l’épitomé du Rallye de Finlande. Pour beaucoup, Ouninpohja est le Rallye de Finlande. »
Marcus Grönholm en avait dit : « Je me souviens m’être assis avant le départ, en attendant le pointage. Je ne suis généralement pas nerveux avant les spéciales, mais j’ai toujours un trac avant de partir dans Ouninpohja. J’étais anxieux, car je savais ce qui se profilait. »
Retraite prise, le double Champion du Monde a même avoué que les quarante secondes de pleine charge du milieu du chrono – et pas de la ligne droite ! – avaient participé à sa décision de raccrocher le casque. En lutte avec son équipier Mikko Hirvonen en 2007, il avait eu le déclic du pilote qui a pris trop de risques.
Si l’on met de côté les ambitions de titre mondial de quelques pilotes, Ouninpohja est – et ça n’existe nulle part ailleurs, pas même le Turini – la spéciale qu’il faut gagner. Un scratch suffit à réussir un été. Par ses différentes options de départ et arrivée, il est difficile d’établir les vrais records. Timo Mäkinen y avait roulé à 99,2 km/h de moyenne en 1970 avec une Ford Escort TC, bien avant qu’Hannu Mikkola ne virevolte à 127,3 km/h avec son Audi Quattro Sport S1. Les moyennes étaient tombées à 121,0 km/h lorsque Juha Kankkunen signait des meilleurs temps en Lancia Delta HF Integrale, avant que les WRC ne fassent oublier les Groupe B. En 2002, Marcus Grönholm avale la spéciale à 132,3 km/h de moyenne en Peugeot 206WRC.
Mikkola garde un souvenir très ému de son passage en 1985 avec la Quattro : « Là, je me suis mis en colère. C’est la seule fois de ma carrière que j’ai eu l’impression de ne plus être assis dans la voiture. C’est comme si j’étais dehors. On m’a dit que les pilotes de chasse pouvaient ressentir la même chose. L’Audi générait beaucoup d’appui aérodynamique. Plus on osait aller vite, plus elle collait à la route. Il était très difficile de trouver la limite. »
Un an après le record de Grönholm, dans une version un peu plus longue après le village de Kakaristo, le Finlandais était en quête d’un nouveau meilleur temps avant d’y arracher une roue et de laisser Colin McRae inscrire son nom au palmarès. L’année suivante encore, Petter Solberg n’avait plus rien à jouer au classement après être passé par le SupeRally. Le Norvégien – en Subaru Impreza WRC – n’avait qu’une seule idée en tête : battre le record de cette version d’Ouninpohja. Objectif atteint.
Dix ans après, Sébastien Ogier se présentait au départ du second passage, avant-dernier chrono du rallye, avec une trentaine de secondes d’avance au classement général… Et une idée en tête : faire tomber ce fameux record. 15’08’’9 pour 33 kilomètres avec la Volkswagen Polo R WRC ! Sur aucune autre spéciale du monde, le futur Champion du Monde n’aurait autant attaqué en étant si près d’une victoire historique… Et pendant qu’Ogier sautait, Ostberg y perdait la deuxième place du rallye en heurtant une pierre et Kris Meeke s’offrait quatre tonneaux. Ouninpohja est décidément à part. « Un must » résume Sébastien Ogier.
Un endroit est mythique sur cette spéciale légendaire : la bosse de la maison jaune. « À la vitesse à laquelle on arrive, c’est incroyable. On est à fond bien avant d’aborder le saut », raconte Jari-Matti Latvala. Nous sommes à 7,1 kilomètres du départ. Après une très légère courbe à droite située devant une maison jaune, les voitures décollent au son du rupteur. Aucun angle n’autorise les photographes à rendre compte de l’engagement des équipages et de l’ambiance du lieu. C’est là que Richard Burns a perdu son duel face à Marcus Grönholm en 2002.
Car Ouninpohja est aussi une fierté nationale pour un pays qui a produit plus de Champions du Monde qu’aucun autre, mais qui se fait parfois déborder. Juha Kankkunen, Tommi Mäkinen, Marcus Grönholm, Ari Vatanen, Hannu Mikkola et Timo Salonen totalisent treize titres quand la France est aujourd’hui à quatorze avec seulement Sébastien Loeb, Sébastien Ogier et Didier Auriol. En nombre de rallyes remportés, la France est également devant 186 contre 177. La troisième nation, la Suède, n’est qu’à 43 !
La Finlande est un bastion avec 54 victoires des locaux en 66 éditions. Pendant longtemps, seuls les Suédois étaient également invités au palmarès… Jusqu’à ce que Carlos Sainz ne casse cette habitude très nordique en 1990. Depuis, seuls Auriol, Martin, Loeb (3 fois), Ogier et Meeke ont aussi battu les Finlandais.